Interview

Pierre Ducrocq

Joueur totem par excellence, PIERRE DUCROCQ est le symbole du PSG
des années 90-2000. Courageux, hargneux et gouailleur, tels sont les traits
de caractère qui définissent le bonhomme. Ces valeurs l’ont suivi
toute sa carrière, de Paris à
Strasbourg en passant par Le Havre ou Derby County. Aujourd’hui il officie comme consultant sur RMC et s’est lancé dans une carrière d’agent de joueur, avec la même énergie qu’il déployait en milieu de terrain.
« Pierrot », c’est un peu notre frère à tous. Voici son interview. 


Comment es-tu arrivé dans le foot ?

J’ai commencé tout petit à 5 ans. Mon papa entrainait les débutants de l’ASSOA (AS Saint-Ouen L’Aumône). Je profitais du passe-droit pour jouer sans avoir de licence. J’ai fait une année comme ça. Puis j’ai pris toutes mes licences jusqu’à l’âge de 12 ans je crois. C’était un club qui était au top niveau en région parisienne et en DH, dans le Maratra minimes comme on le disait à l’époque. On s’affrontait toujours avec les équipes de Garges, de Sarcelles qui étaient elles aussi à un très bon niveau de la région. Ces années-là j’ai côtoyé déjà des joueurs que j’allais retrouver plus tard comme Pierre Issa avec qui j’ai fait mes classes. mais aussi Olivier Tallaron aujourd’hui chez Canal+ et qui était en cadet. On allait le voir jouer après nos matchs en pupille. Romain Del Bello également qui est journaliste aujourd’hui, Gregory Proment qui a fait sa petite carrière derrière… Voilà c’était un bon club du Val D’Oise qui m’a permis d’avoir mes premières sélections départementales. J’étais un petit garçon qui aimait jouer au foot, et pas forcément le regarder à la télé. De toute façon pour regarder du foot il fallait s’accrocher car tu avais Téléfoot le dimanche matin et parfois un match le samedi. C’était tout, en plus des matchs de l’équipe de France commentés par Jean-Michel Larqué et Thierry Roland. Ce sont mes premiers souvenirs de foot à la télé.

Tu viens d’une famille plutôt foot ?

Mon papa et ma maman faisaient beaucoup d’athlétisme. Petit, mon papa n’avait pas le droit de jouer au foot. Ma grand mère ne voulait pas car « on revient trop sale du foot ». Bref il a fait de l’athlétisme et il a détenu d’ailleurs, pendant près de 20 ans, un record des Flandres du 400 mètres en junior. Il avait cette fibre sport, ma maman faisait des cross. Ma soeur ainée a toujours fait du basket jusqu’en National 1 au Chesnay Versailles. Toute notre enfance, nos parents nous emmenaient aux entrainements. On a été bercé là-dedans. Dans cette atmosphère sportive, dans ces valeurs que ça véhiculait. Mon papa était facteur et ma maman travaillait au service des finances de l’hôpital de Pontoise. On était modeste mais on n’a jamais manqué de rien.

Tu as commencé à quel poste gamin ?

Toujours défenseur. J’étais toujours derrière. J’ai joué latéral droit à mes débuts jusqu’en minime. En sélection départementale, on m’a replacé au milieu de terrain. Ensuite j’ai joué en sélection d’Île de France où on disputait l’inter-ligue. C’est à ce moment-là que commence la pré-formation à l’INF Clairefontaine. Ils se sont beaucoup appuyés sur la sélection d’Île de France. Et j’ai la chance d’être sélectionné pour y rentrer. Là ça commence à devenir sérieux. On ne se rendait pas trop compte à l’époque de ce qu’était la pré-formation car ça n’existait pas dans les clubs pros.

C’était en quelle année ?

Mes deux années de pré-formation c’est 1989-1991. J’ai quitté l’ASSOA pour signer au PSG en moins de 15 ans afin de jouer le week-end. Car à l’INF il n’y avait pas d’équipe. On était la semaine là-bas et on jouait dans nos clubs le week-end. Mes parents ne m’ont pas lâché sur l’école. Mais le foot devenait sérieux. Et très vite j’ai mes premières sélections en équipe de France.

Pourquoi signes-tu au PSG ?

Pierre Ducrocq PSG Virage Paris Football RMC Kemari
Pierrot Bleu Blanc Rouge Blanc Bleu (c) Panoramic

Parce que c’est mon club. Il y avait le côté pratique certes. J’aurais pu jouer à Versailles car c’était une bonne équipe chez les moins de 15 ans. Mais je passais tout le temps devant le Camp des Loges, dans la forêt de Saint-Germain. Pourtant Sochaux, Monaco, Auxerre, le Matra-Racing me voulaient. J’ai fait un test à Sochaux mais je n’avais pas envie d’aller là-bas. J’ai signé au PSG sans aller voir quoique ce soit. Le PSG c’était le club de ma ville, même si j’étais un banlieusard et que je n’avais pas encore été au Parc. Je suivais aussi Bordeaux, Lens et Saint-Etienne que j’aimais bien regarder à la télé. Mais une fois que je rentre au PSG, là c’est puissance 10. Tu croises Joël Bats, Luis Fernandez au Camp des Loges. Très vite ça devient mon club. J’y étais heureux. Je me suis fait plein d’amis de ma génération : Greg Paisley, Didier Domi, Djamel Belmadi… On était entre potes, chez nous. Greg par exemple c’est mon meilleur ami. On a toujours été très proche et on l’est encore aujourd’hui. Et puis il y a aussi tous ceux qui n’ont pas réussi et que je revois toujours lors des rassemblements organisés par les Titis du PSG. On avait été ensemble jusqu’au U17 ou la réserve du PSG. C’était une époque où j’ai l’impression que l’esprit familial était un peu plus présent dans ce club.

Comment se passe ton arrivée dans le groupe pro ?

J’ai toujours eu un petit temps d’avance sur ma génération. Je ne me l’explique pas. Je n’étais pas le plus talentueux mais j’avais une bonne technique au poste de milieu défensif. Et puis j’avais une grosse volonté, un gros caractère ce qui m’a permis d’être mature plus tôt. Je suis passé directement en National 2 après les U17, j’ai sauté le National 3. Puis je me suis entrainé ensuite rapidement avec les pros, dans la très grosse équipe. Quand j’y repense… On ne savait pas où on mettait les pieds. C’était Weah, Ginola, Lama, Kombouaré, Roche, Le Guen, Valdo… Quand tu es jeune et que tu arrives là-haut ce n’est pas facile. C’était des anciens, il n’y avait pas de mauvaises intentions de leur part mais c’était dur, c’était pour te former. En 1995 je fais mon premier match avec les pros contre Lyon en Coupe de la Ligue au Parc (Ndlr : 24 janvier 1995). On est lancé avec Didier Domi par Luis Fernandez. On était tellement dedans, tellement formaté pour ça que ce soir-là, on n’a pas vraiment réalisé. Tu essayes de regarder tout ce qui se passe et surtout tu écoutes ce que les anciens te disent. Tu le fais et tu ne réfléchis même pas. Tu avais une telle bande d’anciens, que tu ne pouvais que les suivre, si tu n’étais pas trop con. Je crois que j’avais Alain Roche derrière moi qui a été très précieux dans ses conseils. C’était quelqu’un de très clinique sur le terrain. En tout cas je n’ai pas de souvenir particulier de ce match, si ce n’est que je me sentais à ma place. Et puis le Parc n’était pas plein ce soir-là. J’ai connu un Parc bien chaud plus tard. Car j’ai fait un an de prêt à Laval.

Résumé du match PSG-OLYMPIQUE LYONNAIS du 24 janvier 1995, cliquez ICI

Tu n’avais pas la pression lors de ce premier match ?

Non, absolument pas. C’était une de nos forces ou faiblesses à Greg et moi. On aurait peut être fait une autre carrière si on s’était mis un peu plus de pression. Peut être, je ne sais pas… Je me souviens de fou-rires sur le terrain à mes débuts, notamment avec Djamel Belmadi. Une fois on était dans le Novotel de Saclay pour une mise au vert. On fait la discussion d’avant match. Puis on a un fou rire avec Djamel devant l’ascenseur en sortant. En entrant dans l’ascenseur on tombe sur Luis qui était dedans. On n’arrivait pas à s’arrêter. Luis, on ne le connaissait pas trop à l’époque et il nous a sorti un truc du genre « Si à votre âge vous avez un fou rire avant un match important, vous n’irez pas très loin les mecs ». Je pense qu’il vannait maintenant que je le connais. Tout ça pour te dire qu’on était insouciant. Mais on était très discipliné. Et puis il y avait moins de pression médiatique que maintenant.

Il y a des joueurs avec qui tu avais une relation particulière au PSG ?

J’ai toujours eu une très bonne relation avec Bernard Lama, Antoine Kombouaré, Alain Roche et Paul Le Guen. C’était une relation entre un jeune et des anciens. On ne sortait pas au restau ensemble, et lors des fêtes pour les coupes, notamment en 1998, on venait mais, nous les jeunes, on s’excusait presque d’être là. Et encore aujourd’hui il y a ce respect, cette relation particulière. Ils m’ont permis de faire ce métier très bien dès le départ dans un des plus beaux clubs français.

Pierre Ducrocq PSG Virage Paris RMC Kemari
Ducrocq, époque poivre et sel (c) Panoramic

Tu parlais de Laval, mais tu as aussi connu une expérience anglaise à Derby County. Pourquoi ce choix ?

Ça n’a jamais été une volonté de ma part. Tout comme mon départ du PSG d’ailleurs. C’est parce qu’on m’avait conseillé de le faire. Avec le recul et l’expérience, ce prêt à Derby je ne le regrette pas. C’était riche sportivement et humainement car j’étais jeune et je découvrais l’Angleterre. Et puis tu te retrouves à jouer contre Manchester United, des clubs de malade, que tu ne voyais jouer que dans l’Equipe du Dimanche. Mon départ du PSG, c’est Luis qui m’a demandé de partir car des nouveaux joueurs arrivaient. Arteta, Heinze, Pochettino, Critobal, qui étaient de bons joueurs. Il y avait aussi des joueurs plus discutables, on se demande encore pourquoi ils sont arrivés, comme Agostinho et Vampeta. J’ai essayé de les oublier mais ça faisait embouteillage au milieu. Moi je voulais rester, deux ans avant la Juventus me voulait et je suis resté, je voulais gagner avec mon club. J’ai été mal conseillé, je n’ai pas pris les bonnes décisions. Mais je ne regrette rien. Et quitter le PSG, c’est rejoindre un autre monde. Car le PSG, même à l’époque c’était quelque-chose. C’est un club à part. Et je n’ai jamais rejoué de la même manière dans les autres clubs. Tout en étant professionnel, bosseur, j’y ai mis les mêmes ingrédients, mais il manquait toujours un petit truc.

Tu atterris alors au Havre.

J’y suis resté 5 ans. C’est Jean François Domergue qui m’a fait venir. J’arrive en ligue 1 dans ce club mais malheureusement on descend. J’y retrouve Greg Paisley qui jouait là-bas aussi. C’est dur car on n’avait pas une équipe taillée pour la Ligue 1. On avait Florent Sinama-Pongolle et Anthony Le Tallec devant, qui avaient 17 ans et qui venaient de signer à Liverpool. Ils étaient restés en prêt. Mais n’avaient pas encore le niveau. On se retrouve en Ligue 2 avec un football complètement différent. On m’attendait là-bas comme un joueur du PSG, qui allait orienter le jeu… Non. Moi je suis un besogneux, qui peut tout donner sur le terrain mais qui ne fera pas 4 dribbles avec une frappe enroulée lucarne. Les gens n’arrivaient pas trop à comprendre ça. J’ai été sifflé 3 mois lors de cette deuxième année. Jean-François m’avait proposé de me sortir de l’équipe le temps que ça se calme. Je lui ai dit qu’il allait me tuer si il faisait ça. Ils finiraient pas arrêter de me siffler à un moment. Je n’en avais rien à foutre. Ils allaient finir par comprendre qui j’étais. Et ça se passe finalement comme ça. Je finis capitaine de l’équipe. Puis il y a une vraie histoire qui se crée entre les supporters havrais et moi. 

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Haccident capillaire (c) Panoramic

Paris, Derby, Le Havre, il y a comme un goût de culture britannique dans ces choix de carrière ?

Peut être, c’est surement que ça correspondait à quelque-chose qui me ressemblait. Ce n’était pas volontaire du tout. Mais il devait y avoir quelque-chose qui m’attirait.

Le numéro 23, tu l’as toujours eu ?

Non car au début il était pris. J’ai eu le 21 mais pas très longtemps . Juste avant de partir en prêt à Laval. Quand je suis revenu, j’ai réussi à l’avoir car je suis un fan de Michael Jordan, comme tous les ados de mon époque. J’ai essayé de garder ce numéro sauf si je devais le piquer à un autre joueur. Quand j’arrive au Havre, c’est un petit jeune du club qui l’avait, Alexis Bertin. J’ai pris le 15. Je ne suis pas superstitieux, c’est un numéro que j’aime bien, mais je pouvais faire sans lui.

Il y a des joueurs qui t’ont marqué, dont tu t’inspirais ?

J’aimais beaucoup Jean-Philippe Durand qui a pourtant joué à Marseille. Il avait ce volume de jeu et cette élégance. A Paris, j’ai toujours aimé Vincent Guerin qui était un travailleur mais qui avait cette finesse dans la passe. Sur le plan international, j’adorais Del Piero.

Parlons des matchs face à l’OM. il y en a un qui se démarque des autres ?

C’est le premier en 1999 quand on gagne 2-1 (Ndlr : 4 mai 1999) avec les buts de Bruno et Marco. C’était le scénario parfait. Le Parc était parfait tout le match. Ce soir-là on ne pouvait pas perdre. Là, j’ai vraiment un souvenir de l’ambiance au Parc. Je ne jouais que pour ça et je ne te dis pas ça parce que je réponds à Virage. Je me rappelle de l’interview que je fais dans le couloir avant le match, je réponds vite aux questions, car c’était chaud dans les virages, je les apercevais, alors il ne fallait pas m’emmerder avec des questions. Je voulais rentrer sur le terrain, je ne voulais pas rater ça. Déjà, ça avait été chaud lors de l’échauffement. En tout cas ce n’était pas le match où il y a le fameux tête à tête avec Fabrizio Ravanelli. Ce match-là c’est celui d’après. Je rentre à la place de Vincent Guerin qui s’était hélas blessé. Quand j’arrive sur la pelouse, je vois Dugarry qui dit à Fabrizio « Le petit jeune, on lui fait péter un plomb ». Duga savait que j’étais un peu teigneux. 2 minutes après, il est par terre, je passe devant en courant, il m’agrippe par le bras pour me faire tomber, Fabrizio arrive, me pousse avec la jambe, je me relève, j’ai très envie de dégoupiller mais dans ma tête je sais que je ne peux pas. Il y a ce face à face que tout le monde connait. Lui, il sait ce qu’il fait et moi je me contiens, mais putain qu’est ce que j’ai envie de lui rentrer dedans…

Résumé du PSG-OM du 4 mai 1999, cliquez ICI

Cette rivalité, ce n’était pas que pour les media, elle existait vraiment sur le terrain donc ?

Je revois des images de ce match-là… Marco qui revient sur Robert Pires et qui le tacle à hauteur de cuisse… Il l’enroule et le fait tomber. Aujourd’hui c’est rouge direct. Luccin et Dalmat, quand ils arrivent au PSG, deux ans après, tu te dis que ce choix est bizarre. Alors on est des garçons bien élevés, on les intègre car ils jouent chez nous, mais bon… Ça devait être compliqué pour ces garçons qui passaient d’un club à l’autre.

Aujourd’hui c’est différent ?

Oui, déjà il y a un vrai écart qui s’est créé entre les deux clubs. La rivalité n’a quasi plus lieu d’être. Et puis on est dans un football où tout se voit, tout est décortiqué. Et ce n’est peut être pas plus mal. Il y avait des contacts à l’époque où il fallait s’accrocher. En terme d’intensité, de coups et de défis physique c’est aujourd’hui plus compliqué.

Il y a un match, hors Clasico, qui a été important dans ta carrière parisienne ?

Pierre Ducrocq PSG Virage Paris RMC Kemari
Le D.U.C (c) Panoramic

Ça va peut être moins parlé aux gens car c’est un match lambda, mais il représente vraiment pourquoi j’aimais jouer au Parc et symbolise la relation particulière que j’avais avec Auteuil et Boulogne. C’est un PSG-Nantes en Coupe, où Artur Jorge m’avait laissé sur le banc. (Ndlr : 20 février 1999) Ça faisait déjà plusieurs matchs que je ne jouais plus. Je m’échauffais derrière les buts et il y avait 1-0 pour Nantes. Et Auteuil a scandé mon nom car ils voulaient me voir jouer. J’ai eu l’impression que ça a duré 10 minutes… Je pense qu’ils s’identifiaient à mes valeurs qui étaient faites de combat. Et ils ne comprenaient par pourquoi j’étais sur la touche. Le scénario était parfait. Je rentre sur le terrain, il y a un coup-franc indirect, on me la décale, je frappe dans le mur, elle rebondit et je la frappe de volée. Elle finit dans la lucarne de Landreau. Ma première réaction est d’aller vers les tribunes mais tout le monde me saute dessus et je n’ai pas le temps d’atteindre Auteuil. Je te parle de ça, j’ai encore des frissons. C’est mon souvenir du Parc. Mon seul regret c’est de ne pas avoir rejoint le virage quitte à prendre un jaune. J’aurais du en profiter encore plus.

But de Pierre Ducrocq contre le FC Nantes le 20 février 1999, cliquez ICI

Un joueur qui t’a impressionné à tous les points de vue à Paris ?

Il y en a eu pas mal. A mes débuts je me souviens de mes premiers stages de préparation au Dreal à Châteauroux avec Ginola. Je lui faisais des transversales où je me déchirais. Je les voyais arriver en touche et le mec ne les prenait même pas de la tête. Il sautait et il faisait un amorti poitrine. On ne faisait pas le même sport. Pareil pour George Weah. Physiquement il me dégommait. Mais je ne jouais pas trop de matchs officiels à cette époque. Si je dois citer un joueur avec qui j’ai joué, j’ai l’habitude de parler de Jay Jay. Pffff… Un talent incroyable. Et puis il y avait le bonhomme. Il avait toujours la banane. Il parlait mal français mais il participait, il avait une vraie joie de vivre. Quel phénomène ! Je le regardais jouer, ses fameux dribbles passement de jambes-roulette, personne ne le bougeait avec ses grosses cuisses. Les mecs lui rebondissaient dessus. Il aurait été un peu plus carriériste ou travailleur, il aurait fait une immense carrière. Mais ce qui comptait pour lui, c’était de s’amuser. Il a pris beaucoup de plaisir à Paris et ça lui suffisait.

Tu as conscience d’incarner, pour beaucoup de supporters parisiens, le PSG de cette époque ?

Aujourd’hui oui. A chaque fois que je croise quelqu’un dans la rue qui était dans les virages, il me dit que ça lui fait plaisir de me parler, en me tutoyant souvent. Que j’incarne le PSG de ces années-là. Ce sont des mecs qui ont plus de 30 ans et jusqu’à la cinquantaine. Ça correspond à un PSG qui était moins fort. Encore que, l’équipe dans laquelle j’arrive à mes débuts était très forte. Mais quand j’y jouais, c’était un PSG qui incarnait autre chose, d’autres valeurs. Les supporters étaient plus proches de leur équipe. Je ne m’en apercevais pas trop en tant que joueur mais à chaque fois qu’on quittait le Camp des Loges en voiture, il y avait de supporters qui nous demandaient de les déposer à la gare RER, car il n’y avait pas de bus à côté. On les prenait avec nous. Même quand ça se passait mal, lorsque des supporters venaient, même si il y avait des stewarts, que je connais encore d’ailleurs, je pouvais sortir pour discuter avec eux. Je le savais. Ils n’étaient pas contents, nous non plus. On pouvait s’en parler. Bref c’était mon club, mes supporters, j’essayais de donner le max pour eux, et je me rends compte encore plus aujourd’hui à quel point c’était important pour eux.

Vous étiez amenés à côtoyer les Ultras ?

Très peu. Le bus se garait au Parc, et nos voitures y étaient aussi garées. Donc on ne les côtoyait pas. Il n’y avait pas de vraies réunions avec eux, après c’était un contexte différent. J’ai toujours défendu les Ultras car je les comprenais, mais pour le club, les relations étaient plus compliquées. C’est l’époque où les tribunes sont magnifiquement animées mais parfois un peu trop. En tout cas on savait ce qui se passait en tribune. Certains joueurs qui venaient d’arriver ne connaissaient pas le contexte. Nous parisiens, on savait comment étaient composés les virages. Là où ça craignait vraiment. Je me souviens d’un match où le bloc R1 à Boulogne avait envoyé des injures racistes à l’encontre de George Weah. Je suis parisien, c’est mon stade, je n’étais pas fier. Je ne pouvais pas cautionner ça.

Pierre Ducrocq PSG Virage GALATASARAY Paris Football
Les brochettes turques (c) Panoramic

PSG – GALATASARAY 2001. Tu es sur la pelouse ?

Oui. Pendant le match, je n’ai pas du tout conscience de la gravité de ce qui se passe en tribune. Je suis dans mon match. On est tous pareils à ce moment-là. C’est en rentrant dans le vestiaire qu’on apprend qu’il s’est passé quelque-chose. On n’avait pas les téléphones ni twitter. Juste les premiers Sony-Ericsson… Donc on prend notre douche et on rentre chez nous.

Mais le match a été arrêté. Vous aviez vu qu’il y avait des bagarres ?

Oui bien-sur mais on n’avait pas vu que c’était aussi grave. Les bagarres, il y en avait déjà eu, sur des matchs lambdas.

Revenons sur l’actualité. On pointe souvent du doigt le manque de joueurs de devoir dans l’effectif actuel. Tu penses toi aussi que c’est une des faiblesses du PSG ?

C’est une réalité. Le problème c’est que le « soldat », tu ne le trouves plus comme avant. C’est compliqué. Il doit avoir de la technique, être intelligent. Et il n’y en a pas beaucoup. Ce sont des joueurs hors-norme. Milner, Anderson, Casemiro, ce type de joueurs font un choix autre que le PSG. Le PSG n’est pas encore à la hauteur comme le Real, le Barça, Liverpool ou même un City. C’est triste mais c’est comme ça. Et il n’y en a pas au club chez les jeunes.

Tu penses que le mercato doit ressembler à quoi ?

Il y a des choses qui vont se passer, c’est sur. Je ne sais pas si Neymar et Mbappe vont partir ou rester. Ce sont des joueurs hors-norme qui apportent beaucoup offensivement. Leur départ peut permettre de recruter des joueurs qui peuvent apporter autre chose, qui peuvent tout équilibrer. Mais c’est compliqué. Après il y a des erreurs qui ont été commises. Un joueur comme Blaise Matuidi ne doit jamais partir du PSG. Tu dois tout faire pour le garder, car il a beau avoir des carences dans certains domaines, il a d’autres qualités que certains n’ont pas. Preuve en est, il fait encore du beau boulot dans un grand club européen.

Que penses-tu du traitement accordé par les supporters à Neymar ? Trop dur ?

Non. Je fais partie de ceux qui pensent que la majorité des gens en tribune connaissent le football. Même si la population changé dans les tribunes depuis que je suis parti. Ils ont une certaine idée du foot qu’ils veulent dans leur club. Et ils ne sont pas prêts, ou n’ont pas envie, de tout accepter. Ils n’ont pas la décision finale mais ils ont le droit de communiquer pour montrer qu’ils ne sont pas satisfaits de tout ce qui s’est passé. Ces gens-là ne remettent pas en question le talent de Neymar, comme à Montpellier, quand il a envie de faire quelque-chose, il peut y arriver. C’est un phénomène. Mais tu ne peux pas réussir qu’avec ça, en tout cas laisser une belle image derrière toi. Je pense que Neymar, une fois parti du PSG, ne laissera pas un bon souvenir aux vrais supporters, malheureusement. Car il manquera quelque-chose. Si il avait l’état d’esprit de Cavani, là les supporters feraient n’importe quoi pour garder Neymar.

Aujourd’hui tu as un rôle important en tant qu’agent de joueurs chez Kemari. Où te sens-tu plus à l’aise avec eux dans le discours et les conseils ?

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Pierre la Cigogne (c) Panoramic

Ma carrière me sert à gérer un tas de situations que j’ai rencontrées personnellement. Si j’avais eu une carrière au top niveau dans les 4 meilleurs clubs européens, je n’aurais pas la même approche dans mes conseils. Le prêt en ligue 2 quand tu es jeune, le prêt parce qu’on ne veut plus de toi, le départ d’un club que tu ne veux pas quitter, les années difficiles, l’étranger, les vestiaires où tu dois t’imposer… Tout ça me sert dans la gestion de carrière des joueurs qu’on représente. C’est mon vécu. Par exemple un joueur qui se plaint des relations qu’il a avec un coach, je lui dis « Tu sais quoi, fais-lui entendre raison, vas le voir, vas lui parler, tu verras sa réaction. Si tu as été niquel et droit comme un i, tu n’auras rien à te reprocher et on ira voir ailleurs ».

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Tu vois une différence entre les joueurs d’aujourd’hui et ceux de ta génération ?

Ce ne sont pas les joueurs qui ont changé mais le système. Un joueur avec l’état d’esprit d’il y a 20 ans ne serait pas adapté au système actuel. On met souvent tout sur le dos des joueurs mais c’est le système et aussi les clubs qui ont des comportements qui ont changé. Un joueur ne peut plus décider de rester dans un club où il se sent bien, il n’est plus considéré de la même manière. C’est juste un actif du club. Il faut coller à l’ultra concurrence et à l’argent qu’il y a dans le football. Avant, quand tu signais un beau contrat de 4 ans dans un club, ce dernier s’attachait à ce que ça marche. Tu ne devais pas mettre les finances du club en danger. Aujourd’hui ils s’en foutent, entre guillemets. Si ça ne marche pas, ils prennent un joueur ailleurs et c’est comme ça. Pour les joueurs c’est compliqué. On leur demande de faire attention, d’être impliqués, et puis un an après on te demande d’aller voir ailleurs. Tu n’as plus le temps.

Finalement le football suit les mêmes dérives qu’on retrouve dans la société ?

C’est ça. Les jeunes n’ont plus confiance, et puis d’autres, malgré leur talent naturel n’ont pas envie de forcer. De même, un garçon bien éduqué va devoir affronter un monde ou un vestiaire avec des valeurs différentes. Il faut s’adapter. Parfois il faut savoir dire merde à quelqu’un, voir plus que merde… Pas facile. On retrouve ça dans d’autres secteurs d’activité.

Tu arrives à trouver des réponses à toutes ces questions ?

Oui, et puis depuis les 8 ans que l’agence existe, on s’est rendu compte qu’on a des joueurs qui nous correspondent. On ne l’a pas fait exprès. Ils ont leur personnalité, mais la majorité ont certaines valeurs qui nous vont bien. Qu’ils soient en Ligue 1 ou en Ligue 2, ou international. On aurait du mal à travailler avec des individus qui ont certains comportements.

RMC c’est une récréation pour toi ?

Oui mais c’est un vrai métier. Bon par exemple hier j’ai commenté un Aston Villa – Leicester. J’ai kiffé. J’ai commenté un match de foot avec de l’intensité, du jeu. Tu fais ce que tu aimes et tu es rémunéré pour ça. Mais c’est un plaisir. Après il faut faire attention à ce que tu dis, surtout dans les émissions en direct. Et puis je refuse de rentrer dans un personnage. Je dois être moi-même. Pour l’instant ça marche très bien comme ça. Et puis j’ai une double casquette, je suis un ancien joueur mais je suis toujours dans le milieu. Parfois certains journalistes ou consultants, qui ne sont plus dans le milieu au quotidien, peuvent être déconnectés de la réalité. Ça peut être un avantage pour eux et les rendre plus libres dans leurs propos mais parfois c’est aussi un avantage pour moi car je suis plus tempéré. Je sais que tout n’est pas si facile.

Le côté un peu populiste dans les discours ne t’agace pas parfois dans les émissions ?

Si bien-sur. Hier par exemple on a failli tomber dans le piège. Boubacar Kamara de l’OM répondait à une interview où on lui demandait à quel poste il préférait jouer. Il a répondu qu’il préférait jouer en défense centrale. Si le coach lui demandait de jouer au milieu, il était OK mais il préférait jouer derrière. On commence à commenter en disant qu’un jeune joueur ne devrait pas répondre comme ça, qu’ils devrait se taire. Petit à petit on en arrivait à se dire que le petit avait mal parlé, qu’il imposait un choix à son entraineur. Là je suis intervenu en rappelant le contexte. On lui posait une question, et le petit répondait. Si il ne répond pas, on lui tombe dessus, où est le problème si il répond la vérité. A un moment, on n’est plus honnête intellectuellement dans ces analyses. Il ne faut pas tomber dans ce que réclame un certain public. Ceux qui attaquent et sont vulgaires sur Twitter ne le font de toute façon que sur Twitter. Jamais ils ne tiendront un argument en direct, à l’antenne, à visage découvert. On a la chance chez RMC d’avoir des auditeurs qui connaissent le foot. Ça se passe toujours bien avec eux. Je m ‘attache toujours à les respecter : bonjour, merci, au revoir, à les écouter.

Pierre Ducrocq PSG Virage Paris Football RMC Kemari
« Chat ! » (c) Panoramic

Tu aimerais continuer cette expérience ?

Oui, même si mes journées sont bien chargées. Ça me plait. Il y a le côté émission et le côté match. Les émissions c’est bien mais je préfère commenter les matchs, quitte à choisir.

Tu te verrais un jour revenir au PSG ?

Pourquoi pas. On m’a proposé de prendre le poste de la direction sportive féminine. J’avais rencontré Antero Henrique. J’avais refusé car ce n’était pas quelque-chose qui me branchait. Après c’est inconcevable pour moi de lâcher mes deux associés chez Kemari. J’ai mes joueurs aussi. Mais dans le futur pourquoi pas. Je n’ai pas de mal à imaginer un retour au PSG.

J’imagine que tu suis toujours l’actu du PSG au quotidien. Tu vas aux matchs ?

Oui toujours. Je me fais une bonne dizaine de matchs par an au Parc. Et je suis tous les matchs à la télé. Par ailleurs Michel Kollar et Christian Gavelle, le photographe emblématique du club, ont créé quelque-chose pour les anciens. Quand on veut aller au Parc, on passe par eux et ils nous reçoivent. Ça n’existait pas avant, maintenant c’est top. J’en profite pour les remercier d’ailleurs. Je sais qu’ils ont du se battre pour faire ça.

Tu restes donc supporters pour la vie ?

Oui. Après certaines personnes ne comprennent pas ça. Parfois je reçois des messages sur les réseaux où je me fais insulter, notamment quand il y a des victoires de l’OM… genre « Alors, ça te fait mal au … ». Sauf que je sais rester neutre quand je commente des matchs de Paris ou d’autres équipes. Je reste objectif même si j’ai un club dans mon coeur. C’est un tout petit peu irrationnel. La remontada, et ça fait chier de finir là dessus, mais je suis resté 3/4 d’heure assis sur un pouf devant ma télé après le match. Si c’est Lyon, tu te dis « mais comment ils ont fait », mais tu passes à autre chose. Car ce n’est qu’un match de foot après tout. Mais là, il y a une notion affective. C’est mon club.


Xavier Chevalier

Aymeric, l’école du Fan

On a rencontré AYMERIC LE MEIGNEN, instituteur à l’ECOLE DU PARC DES PRINCES.
Qu’il enseigne dans cette école est tout sauf un hasard.
Ancien SUPRAS, fan inconditionnel du PSG depuis toujours, il essaye de transmettre la passion du Club tout autant que l’amour d’apprendre ses tables de multiplication.
Un personnage unique pour lequel on a eu un vrai coup de coeur.


D’où viens-tu Aymeric ?

Dans tout ce que j’ai fait dans ma vie, il y a toujours eu de la contradiction. J’ai de la famille corse par ma mère, qui est originaire de Leccia, à côté de Porto Vecchio. Mon père a un nom à consonnance bretonne, mais je suis né à Versailles. Puis j’ai habité à Paris, Versailles, Noisy le Roi dans le 78. Je me considère comme un vrai corse, même si je n’y suis pas né. Mais point de vue football, mon club c’est le PSG. J’ai été bercé, éduqué PSG, par un oncle, un frère de ma mère, qui m’a emmené tout petit au Parc. C’était en 1982. Le virus de la passion m’a touché ce jour-là. Mon meilleur ami Gautier lui aussi est corse, bastiais, d’Oletta précisément. Et il est lui aussi supporter du PSG depuis tout petit. Il est aussi instit’ dans le 19ème et c’est la même histoire que moi, il est mon jumeau. Supporter du PSG jusqu’à la mort.

Tu parles de ton oncle, ton père n’était pas fan de football ?

Mon père déteste le foot. Il était rhumatologue. Il a vu beaucoup de traumas de footballeurs. Du coup à chaque fois que je voulais faire du foot, c’était une galère totale. Pour moi, mais aussi mes frères. On est 3 garçons. En plus de ça, ma passion pour le PSG était très envahissante. J’apprenais le nom des joueurs par cœur, leur poids, leur taille… Je chantais les chants de supporters appris dans le Kop de Boulogne, dans mon bain tous les soirs, et donc mon père n’en pouvait plus. En tout cas mon oncle m’a emmené pour la première fois à Boulogne. J’avais 7 ans. J’étais avec ma petite crécelle en bois et une corne de brume qu’un CRS m’avait confisquée (l’autorité m’énervait déjà à l’époque), mon maillot Hechter sur le dos. J’ai enchainé les matchs comme ça, la tribune Auteuil accueillait les visiteurs et lors des PSG – Saint Etienne le Parc était vert, déjà petit, ça me rendait fou !

Puis on a dû déménager à côté d’Angers, à Saumur. De là j’ai dû attendre l’âge de 14-15 ans pour avoir mon premier compte chèque. Je pouvais appeler le service réservation du PSG depuis la cabine téléphonique en face du collège, pour qu’ils m’envoient des places après leur avoir envoyé un chèque. J’avais de l’argent de poche pour me payer le déplacement depuis Saumur. Puis je dormais chez un oncle au Chesnay ou chez mon cousin rue Dombasle dans le 15ème après avoir été au stade, et on revenait avec mon frère le lendemain. Tout ceci était rendu possible grâce à ma mère, qui souvent nous couvrait. Aux alentours de 16 piges en 1991, on s’est carté à Auteuil, avec l’arrivée de Canal, on a fait les déplacements dès qu’on a été majeurs. On était à la Fac à Angers et j’avais une petite 106. On la prenait pour monter au Parc, on faisait 300 bornes, puis après le match on rentrait direct. Comme on était à la Fac on pouvait sécher les cours pour faire les déplacements. On a fait l’Europe. On s’est fait plaisir : Milan, Barcelone, Madrid, la Juve à la grande époque. C’était facile contrairement à aujourd’hui. Il fallait aligner un peu d’argent mais on allait un peu partout. C’était l’aventure et on vivait PSG, on mangeait PSG, on transpirait PSG, on se battait pour le PSG…

Vous faisiez les déplacements avec un groupe en particulier ?

On était cartés chez les Supras. On était jeunes, on était dans le mouvement, motivés. On n’était pas des meneurs mais on apprenait à connaître tout le monde. Au début on était placés au Parc derrière les Karsud, pas loin de Franck Chaouat c’était mes héros ces mecs ! On rigolait, on découvrait le monde ultra, on appartenait à la naissance d’un mouvement, on appartenait à une famille et de match en match, de mois en mois, d’année en année le Parc raisonnait toujours plus fort, le Parc tremblait, on frissonnait comme jamais. J’ai deux enfants et leur naissance est un moment inoubliable mais les sentiments et émotions ressentis au Parc sont les plus fortes que j’ai pu avoir. On voyait les chants qui se créaient, les nouvelles bâches. Si on pouvait donner un coup de main on le faisait. C’était un vrai plaisir.

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Tu voulais déjà devenir instituteur à cette époque ?

Je voulais être prof de sport. J’ai donc fait des tests physiques. Ça durait deux jours. La deuxième journée ils m’ont fait poireauter je ne sais pas combien de temps, ça m’a saoulé je suis parti. Mes parents se sont demandés ce qui m’avait pris. Ce n’était pas grave, je suis parti sur autre chose, le métier d’instituteur. J’ai fait une fac de sciences jusqu’à la maitrise… J’ai une belle maitrise de sciences de l’environnement et de géologie. Je peux te dire qu’en tribune il n’y a pas grand monde qui la ramenait sur les schistes ardoisiers du crétacé ou du jurassique ah ah ah… En tout cas instit’ ça m’a plu et ça m’a permis de revenir à Paris. J’ai passé le concours sur Paris. A partir de ce moment-là j’ai habité dans le 16ème, juste à côté du bar les Princes, puis en face du Parc, encore aujourd’hui j’habite porte de Saint-Cloud.

Tu voulais habiter ce quartier en particulier ?

C’était obligé. A partir du moment où je revenais à Paris, il fallait que je me rapproche.  Le Parc, c’est ma maison de campagne. Tous les 15 jours je vais à la campagne. Alors comme tous les jeunes, j’ai travaillé ailleurs au début, mais j’ai fini par enseigner pendant 14 ans dans la plus grosse école de Paris entre La Muette et Passy, l’école Chernoviz. Ça se passait très bien mais quand j’ai pu me rapprocher de l’école du Parc des Princes, j’ai fait ma demande et j’ai eu ma nomination. De toute façon c’est un quartier qui est un peu excentré. Les enseignants n’ont pas trop envie d’y venir. Et puis le Parc c’est vécu par les riverains, comme les instits qui travaillent ici, comme un monde de contraintes. Tu ne peux pas te garer, il y a des barrages partout les soirs de match à risque… Mais moi je n’attends que ça, ça me fait marrer. Plus il y a de bazar, plus je suis dans mon élément.

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Tu enseignes dans des classes de quel âge aujourd’hui ?

Ça va du CP au CM2. Je me concentre sur les plus vieux, entre 9 et 11 ans. Parce que c’est mon truc, je peux manier aussi bien l’humour et le second degré. Et puis comme eux je suis du quartier, on parle du PSG, on peut chambrer, les grands comprennent et ont parfois une belle répartie. Il y a plus d’interactions qu’avec les petits.

L’école du Parc, malgré le fait qu’elle soit dans le 16ème, est loin d’être un école pour enfants aisés. C’est quoi le contexte ici ?

Ça n’a plus rien à voir avec ce que c’était il y a 25 ans quand je suis revenu à Paris. A l’époque les élèves avaient les doigts sur les coutures du pantalon, tous au garde à vous. Le quartier était différent, les commerces aussi. Aujourd’hui c’est un quartier très métissé. Si c’est bien ou pas bien je ne sais pas. En tout cas je constate que 3/4 des enfants que j’ai dans ma classe sont en difficultés scolaires. Ils ne viennent pas de milieux aisés, au contraire c’est plutôt défavorisé. Ils viennent des immeubles sociaux qui sont tout autour de la porte de Saint-Cloud. De plus en plus d’enfants sont parachutés dans notre quartier et notre école du fait de décisions politiques de la ville qui ne prennent jamais en compte les destinées des écoles. Le bien des élèves est devenu accessoire. Notre école se meurt un peu de ces politiques car si le métissage peut être un vrai bienfait, il peut vite modifier le niveau ou le climat d’une école lorsqu’il n’est pas fait pour de bonnes raisons. Quand tu as 17 élèves sur 25 qui sont en difficultés scolaires, c’est très compliqué à gérer. Ils ne savent pas s’exprimer, n’ont pas de vocabulaire adapté, ils ne savent pas lire correctement mais surtout ils ne savent plus donner de sens à leurs apprentissages. Ils ne savent plus pourquoi ils viennent à l’école. Ils viennent parce que « l’école c’est obligatoire », on les met là chaque matin sans trop leur expliquer pourquoi… Beaucoup de parents se déchargent complètement sur nous. On devient de seconds parents, des confidents, des psychologues pour réparer « leurs petits bobos de la vie ». On fait de l’éducation, on ne fait plus d’instruction.

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Tu parlais de la politique du maire de Paris. Tu peux détailler ?

Moi je ne suis pas un politique, je suis un humaniste, enfin j’essaie, c’est l’être humain qui m’intéresse, alors la guerre Hidalgo-Goasgen, les coups-bas et les décisions d’en-haut ont abouti à la lente dégradation du quartier, des logements. La population réputée paisible du fameux 16ème arrondissement, si connu en province, est devenue déséquilibrée. Les problèmes provoqués par nos politiques dans cette micro-société qu’est notre quartier ont forcément rejailli sur notre école et donc sur les élèves. Seul le Parc reste inchangé ! Enfin… Leproux est quand même passé par là ! Cette déchirure restera à vie !

Comment tu arrives à introduire le Parc et ta passion pour le PSG dans tes cours sans sortir du cadre de l’éducation nationale ?

Je ne peux pas faire n’importe quoi, on reste à l’école et il faut toujours respecter une logique et une cohérence dans son enseignement. Après, pour moi, il y a autant de méthodes et de pédagogie qu’il existe d’enseignants, ton enseignement correspond forcément à ton vécu et ta personnalité sans oublier tes passions… Ça commence d’ailleurs par la classe, ce lieu si particulier où, dans 30 mètres carrés tu vas vivre à 21, 25 ou des fois 34… C’est un lieu de vie dans lequel tu dois te sentir bien, heureux, chaque matin je veux que les élèves soient contents de retrouver leur classe, qu’ils se sentent rassurés dans cet endroit. Il y a une déco très panachée. Tout ce qu’on peut y voir a un rapport avec mes élèves d’aujourd’hui et d’avant. Y compris ce qui concerne le PSG. Comme l’école est en face du Parc, je leur raconte l’histoire du quartier. Le Parc compris. Je me sers aussi du levier du sport que je leur enseigne car c’est dans ma fonction. Il y a le football mais pas que.

Et puis on a un projet media avec lequel on essaye de les former à devenir des petits journalistes pour qu’ils découvrent le monde qui les entoure, que ce soit les media ou le sport. On essaye de décrypter tout ça avec eux. Pour revenir à ma passion, j’ai envie de leur montrer que le PSG a une histoire, ce n’est pas seulement des joueurs mais un club. C’est tout bête, on parle des résultats du week-end dans l’escalier le matin. Quand on va à la piscine, on lance des chants dans les vestiaires, c’est rigolo, surtout que le maitre-nageur est pour Marseille. Ça chambre aussi. L’année dernière j’avais un petit qui était pour l’Olympique lyonnais. On ne l’a pas lâché de la saison ! Lui non plus d’ailleurs surtout le soir où on a perdu chez eux… Et à proprement parlé dans l’enseignement, je peux lancer des problèmes de mathématique en parlant du football ou du PSG, quelques triangles PSG apparaissent parfois en géométrie, quelques exemples de phrases en grammaire, conjugaison ou orthographe dans les leçons, mais c’est sur le ton de l’humour à chaque fois. Cela dit, j’arrive quand même à glisser un peu de culture club !

Ce media dont tu parlais, comment ça s’organise ?

C’est un projet sur toute l’année. L’objectif c’est de les faire travailler mais AUTREMENT en faisant en sorte de leur faire interpréter ou critiquer les informations et les images qui les entourent en permanence. Afin qu’ils aient leur propre réflexion. On cherche vraiment à développer leur propre esprit critique, qu’ils deviennent vraiment acteur de leur vie même s’ils sont encore petits, mais arrêter de subir le monde des adultes sagement ! Mais ce projet s’intègre bien entendu dans les exigences des programmes. Ils vont avoir une partie théorique dans laquelle ils vont apprendre à décrypter l’info, les images, connaître les caractéristiques du métier de journaliste, enquêter, trouver des sources, choisir un angle, maîtriser l’écriture journalistique… Ensuite ils passent à la pratique. Ils font partie d’une petite rédaction qu’on a créée, avec un studio radio qui est dans la classe. On leur fait écrire des chroniques sur le quotidien, sur le sport. L’année dernière on a travaillé avec Daniel Riolo. On a enregistré de nombreux sujets lors de l’Euro 2016, on a parlé du foot féminin l’an dernier avec les venues de Thomas Meckich et Greg Margotton, sans oublier Lizarazu et Manu Petit.

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On forme des petits journalistes au contact des professionnels. Je continue de leur enseigner les matières tels que la lecture, la grammaire, la conjugaison, l’orthographe et le vocabulaire. Mais si je leur demande de le reproduire à l’écrit, il ne se passe rien car ils ont de grandes difficultés. Et puis ça les barbe. En les faisant découvrir un monde inconnu qui les passionne, ils vont produire sans s’en apercevoir. Ils vont en plus s’enregistrer. Donc ils vont progresser sur l’élocution, sur l’écoute et l’expression. Ils apprennent à s’écouter les uns les autres. Et ils ont rencontré des professionnels comme Anne-Claire Coudray notre marraine depuis 3 ans, Stéphane Bern, Jérôme Rothen, Daniel Riolo, Bruno Salomon, Thomas Isle, Léa Salamé, Maya Lauqué, Camille Combal, Julien Roux… Ils sont tous venus ici. Ils ont pris des petites équipes qu’ils ont coachées. Ils font une conférence de redac’, donnent de vrais conseils de professionnels, échangent avec les élèves de façons constructives et naturelles, puis ils enregistrent une émission avec l’invité qui fait l’animateur. Tout ceci va sur notre site qui est protégé et les parents peuvent télécharger le contenu pour écouter le travail de leur enfant. Et nous, ça nous permet de continuer à convaincre des personnalités de venir.

Tu as été surpris de la réaction des enfants, de leur progrès ?

Oui, et c’est pour ça qu’on continue, qu’on se donne du mal. Le studio, je l’ai obtenu après des mois de négociation auprès de la Mairie du 16ème. Afin d’obtenir un budget et acheter un matériel fiable et fixe. Quand je vois qu’à la fin de l’année un enfant qui est en difficulté arrive à s’exprimer au micro, ça veut dire qu’il s’est passé quelque-chose. Quand tu le retrouves l’année d’après, tu vois qu’il a changé, les parents te le disent. Et surtout il a pris confiance. Si tu viens à l’école avec l’envie, quel que soit ton niveau, il en ressortira quelque chose de positif. Tout le monde se focalise sur les notes, mais ce n’est pas ça la vérité, ce n’est pas ça l’école. Pour avoir eu des centaines d’enfants en classe, je sais que si l’enfant comprend pourquoi il vient, il donne alors du sens à ses apprentissages, il va avoir envie de progresser, quel que soit son niveau. Ce projet media permet aux enfants de voir que des personnes connues s’intéressent à eux. Ça les valorise. Donc ils se donnent du mal et acceptent de se dépasser comme sur le terrain, on y revient toujours !

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Comment les parents réagissent ?

A partir du moment où ils voient que leur enfant progresse, qu’il y a du travail derrière, forcément ils s’intéressent et ils deviennent curieux. Pour moi, les parents sont un maillon essentiel de la scolarité de leur enfant, ils appartiennent à la communauté éducative, à l’équipe quoi ! Ils ont un rôle à jouer, leur investissement est indispensable. Souvent les familles ne comprennent pas toujours notre pédagogie, nos objectifs, nos méthodes, c’est aussi à cause de nous car nous ne communiquons pas toujours suffisamment. C’est un peu le reflet de la société d’aujourd’hui, les gens vivent les uns à côté des autres, se méfient de tout, critiquent sans savoir… A l’école c’est pareil… Il faut gagner la confiance des parents et la réalisation de tel projet aide à y arriver. Et pour moi ça commence lorsqu’ils viennent à la réunion de début d’année, j’adore observer leurs réactions lorsqu’ils découvrent la classe, mon univers … Il y a tous les ans des parents incroyables qui sont toujours derrière nous et nous encouragent et à tous ceux-là je veux leur dire MERCI et ne nous lâchez pas !

Forcément tu as des parents qui ne sont pas supporters de Paris ?

Oui c’est marrant parce que la fois dernière j’ai eu un rendez-vous avec un papa adorable et investi, un balèse en plus, qui est conducteur à la RATP. En discutant il m’a expliqué qu’il ne savait pas comment faire lire son fils. J’ai dit à son père « Je crois qu’il accroche bien sur le PSG, il suit les matchs, les scores et s’intéresse au club. Vous savez que je suis un passionné, donc si vous voulez je lui donne des livres sur le PSG. » J’ai vu que le papa tiquait. Alors je l’ai testé, on a commencé à parler foot. Et à un moment il me dit « Moi, c’est pas trop le PSG, mais je peux pas trop vous dire. Je vous dirai en fin d’année ». Je lui ai dit qu’il ne fallait pas trop s’inquiéter. Que je n’allais pas saquer son fils si son papa n’aimait pas le PSG !!! Je lui ai dit « Allez dites le moi, vous êtes un supporter marseillais ! ». Et là il a tout lâché. Son père habitait à Marseille… Aujourd’hui il entraine au foot, donc lui aussi est un passionné. Et ça ne pose aucun problème. Quand on est dans l’enceinte du stade, on se chambre et c’est le jeu. C’est normal. Mais là non. Et il est reparti avec un livre sur le PSG ! Ma victoire : un supporter de l’OM qui lit l’histoire du PSG ! Aujourd’hui son fils a retenu les histoires qu’il a lues, il connait l’histoire, les premiers buteurs, la création du club, la fusion du stade Saint-Germanois avec le PFC… Et ça me fait super plaisir car dans notre pays, on peut se le dire, il n’y a pas de culture sport et encore moins une culture foot. Les media entretiennent ça. Tout est dans le paraitre. Tu vois Mbappé, c’est un grand joueur et j’espère qu’il va performer chez nous. Mais pour moi on l’utilise encore comme un animal de foire, c’est du spectacle, les gens n’attendent que ça, l’accélération ou le grigri et ça l’encourage à jouer comme ça !!! Mais nous, les aficionados du PSG, on a parfois envie de descendre sur la pelouse et lui mettre amoureusement une petite claque en lui disant « Hey Kylian, arrête de faire des roulettes, ces passements de jambe qui ne servent à rien, soit efficace gars. Arrête de te regarder joue au foot tu nous fais tellement rêver quand tu joues au foot ».

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Tu te sers de ce genre d’exemple pour sensibiliser ?

Toujours. Déjà j’ai cette culture sport en moi. Il y a le PSG et j’ai dû me bagarrer pour jouer au foot. J’étais inscrit au tennis mais je truandais pour aller au foot, avec la complicité de l’entraineur. J’ai une anecdote là-dessus. Mon prof de sport au collège et entraîneur au Racing Club de Saumur avait pris rendez-vous avec mon père, médecin, en simulant une blessure au genou. Au moment où il a été sur la table de soin, il a avoué à mon père qu’il était venu uniquement pour mon frère et moi. Il a essayé de le convaincre de nous inscrire au club de foot et en sport étude foot. Il a fait notre pub mais mon père n’a rien lâché. Le prof est revenu la tête basse… Il s’appelait monsieur Bernier. Il a failli se prendre une infiltration dans le genou juste pour nous. En tout cas les valeurs d’abnégation, de combat, de travail que véhicule le sport, j’essaie de les transmettre aux enfants. L’esprit d’équipe. Ma classe c’est une équipe. Et les parents le savent. Ici on s’intéresse au groupe. S’il y en a un qui ne va pas bien on s’arrête tous. J’essaie de partir tous les ans en voyage avec eux. On me propose alors des chambres d’enseignant mais moi je veux être avec eux. Pas grave si j’ai une paillasse dans le couloir, je dormirai dessus, au milieu des élèves. Je veux partager ça avec eux, leur prouver qu’on est ensemble dans la même galère : l’apprentissage de la vie…

Tu croises d’anciens élèves au Parc ?

Oui ça m’arrive. Ils ont grandi et se sont émancipés. Alors quand je les croise ils me chambrent un peu car j’ai 44 ans, je suis un ancien pour eux, j’ai passé la frontière de l’âge… Mais ça me fait plaisir car parmi eux il y a de vrais passionnés. Et puis tu sais ce qui est bien avec les petits, c’est que si ils sont passionnés à leur âge, ils le seront toute la vie. Ce n’est pas du fake. Les adultes peuvent tricher de temps en temps. Ils ont lu l’équipe ou regardé les rigolos de l’équipe TV qui passent leur temps à donner des leçons et à démonter le PSG pour ensuite aller pleurer pour une conf de presse et ils racontent ce qu’ils ont lu. Ce sont des perroquets. Les enfants sont vraiment sur le jeu, sur la tactique et les joueurs, ils sont naturels, dans l’émotion, et pas dans le simple jugement de valeur du footix de base et du « trop cher payés !!! ». Bien sur certains enfants sont manipulés par les medias, ils ne jurent que par les joueurs et le maillot fluo du Barça ou du Réal sans même connaître les joueurs, le nom du stade, la ville et encore moins l’histoire du club dont ils portent le blason et oublient le club. Et c’est là que j’ai un petit rôle à jouer. Si je peux essayer de donner deux trois clés. Surtout à ces enfants qui sont des riverains. Leur expliquer ce qu’est le Parc, le contexte ultra qui fait peur à tout le monde. J’adorerais emmener des gamins dans le bloc, en trouvant les bons accompagnants, ou leur montrer la préparation d’un tifo géant pour la Ligue des Champions et que les enfants fassent un petit reportage pour montrer l’envers du décors, alors ce serait génial. Si des mecs du collectif me lisent et veulent bien m’aider, moi un vieil ultra des Supras Auteuil 91, à montrer aux enfants ce que c’est qu’une PASSION, les gars contactez moi !

Le club est au courant de toutes tes démarches ?

Depuis que je suis ici j’ai essayé de contacter le club par tous les moyens : la fondation PSG, le service commercial etc… J’ai même rédigé un projet pédagogique que je leur ai proposé. Mais je n’ai eu aucune réponse. Aucune. Ce serait un grande avancée d’avoir un retour si ils nous lisent. Ces enfants-là, on leur doit un peu ça. J’ai souffert d’être un supporter du PSG quand j’étais gosse. A cause de l’image du club. Les gens détestaient le PSG pour de mauvaises raisons : club de la capitale, jalousie et compagnie. Qu’un marseillais déteste Paris car il est supporter de son club ça me va. Mais tous les autres, dans toute la France… Chaque fois qu’on s’est déplacé on a toujours été détesté, par les pouvoirs publics et les habitants des villes où on allait. C’est une détestation qui est un peu fatigante. Les petits bouts qui sont dans ma classe vont se faire détester car ils porteront leur maillot sur la plage cet été. Et j’ai envie qu’ils soient capables de se défendre. Nous le PSG, car je me considère comme faisant partie du club, nous leur devons de les faire rentrer dans le stade. De leur expliquer ce que c’est que ce club, de leur donner des clés pour défendre cette institution.

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Tu as prévu d’aller faire le PSG Expérience avec eux ?

Oui. Quelqu’un du club m’a répondu et a trouvé le moyen d’offrir les places à ma classe et à celle de ma collègue d’à côté. Et là, quand j’ai dit aux petits que ça allait se faire après les vacances de Noël… Ils vont juste enfin rentrer dans un endroit qui est face à eux tous les matins et tous les soirs. Pour moi c’est la moindre des choses. Le PSG fait tellement de choses remarquables pour des enfants malades, à travers le monde. Mais nous, on porte le nom du stade. J’ai envie de dire au PSG : « aidez-nous à ce que les enfants soient fiers de vous et qu’ils connaissent l’histoire du club. » 

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Tu aimerais que des joueurs se déplacent aussi dans ta classe ?

Hervin Ongenda est déjà venu car je connaissais sa tante. Il se trouve que j’ai son petit neveu dans ma classe cette année. Mais sinon je n’arrive pas à avoir de joueurs. Je ne demande même pas les stars. Ne serait-ce que les jeunes du centre de formation, ce serait super. J’ai essayé d’avoir Cavani par l’ambassade d’Uruguay, j’ai demandé à Greg Margotton d’avoir Mbappé, je sais qu’ils sont sollicités, mais nous, on ne leur demande pas de venir pour une séance de dédicaces ou faire des selfies, mais pour du travail. Soit une séance de sport, soit une conférence de presse par nos apprentis journalistes, soit un reportage sur une séance d’entraînement, soit découvrir leur pays d’origine et discuter avec eux des particularités de la société et découvrir le système éducatif de leur pays et pourquoi pas correspondre avec une école dans leur pays (Uruguay, Brésil,…). On peut faire mille trucs avec eux. Pendant une séance de foot, ils peuvent venir faire trois plats du pied, un jeu de tête, un jonglage. Ça leur prend une heure avec les gamins. Ils seraient fous. Le club pourrait aussi nous offrir des chasubles estampillés Paris quand on va faire du sport dans d’autres écoles. On sera fier de représenter les couleurs du Parc des Princes. A mon avis c’est faisable et ça ne coutera pas très cher. Ça donnera une bonne image du PSG. Les parents auront l’impression que le PSG s’occupe de leurs enfants, et pour la vie du quartier je pense que ça peut être très positif.

Tu aimerais enseigner un jour au centre de formation du PSG, dans le futur centre de Poissy ?

Carrément, j’y vais en rampant, si le PSG a besoin de moi j’y vais. Si je pouvais joindre ma passion historique avec mon travail. En fait le PSG m’a toujours accompagné. Quand j’avais de gros problèmes de santé, et ça m’est arrivé, je me raccrochais à ça. Je me soignais au Parc, j’allais voir du foot avec les potes. Et quand le PSG n’allait pas, surtout lors de la saison où on a failli descendre, on était en dépression. Le lundi, c’était compliqué d’aller travailler. Ça parait irréel. Les gens ne trouvent pas ça très sérieux. Mais quand on le vit de l’intérieur, bien sûr que c’est très sérieux.

Ça t’est arrivé de consoler des enfants de ta classe après les matchs catastrophes du PSG en parcours européen ?

Je vais te raconter une histoire. Lors de la remontada, j’étais en classe de neige à Barcelonette. Déjà j’étais triste car je n’avais pas pu aller en déplacement. Bref, j’ai fait le malin toute la semaine sur les pistes avec mon maillot et mon écharpe PSG, surtout que là-bas c’est rempli de marseillais. Ils voulaient tous que Paris perde. Mais c’était impensable. Le soir du match, j’avais promis à tous mes petits parisiens qu’ils pourraient voir le match à la télé. Au bout de 2 min. on se prend le premier but et là je ne connais que trop mon club, je ne le sens pas. A la mi-temps j’ai dit aux petits d’aller se coucher. Bien sûr je suis resté devant le match. Fin du match, j’ai démonté un lit superposé. J’ai dû d’ailleurs m’expliquer avec un responsable du site. Je n’ai pas dormi de la nuit. Au petit matin j’étais assis sur mon lit, comme un enfant, la tête baissée, je ne pouvais pas aller au petit-déjeuner avec les enfants. J’ai envoyé les animateurs à ma place. Et là, il y a un petit black qui est venu dans ma chambre. Un petit qui jouait attaquant à l’ACBB à Boulogne. Il était dans ma classe. J’ai senti une main sur mon épaule. Et il m’a dit « Maitre il faut venir maintenant ». Je lui ai dit que j’avais mal à la tête. Alors il s’est mis devant moi, il m’a relevé le menton et il m’a dit « Des défaites comme ça on en aura encore, alors maintenant tu viens petit-déjeuner ». Je me suis retrouvé à une table de 4 enfants, il m’a servi un bol de Miel Pops et il m’a dit « Mange maintenant ». Je n’ai pas sourcillé. Je me suis fait consoler par un gamin de 10 ans, un truc de fou. Bref je suis incapable de consoler les gens quand il s’agit du PSG. Je n’arrive pas à accepter ça. Même après un match nul à Sedan ou une défaite en coupe contre Gueugnon je suis au fond du trou ! Et personne ne peut alors me raisonner ! Et je ne demande à personne de me comprendre. C’est ça la PASSION…

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Merci à Aymeric et à l’école du Parc des Princes pour leur accueil ainsi qu’au Service communication du Rectorat de l’académie de Paris pour avoir rendu possible cette interview.


Xavier Chevalier

Paname Rebirth

Les habitués du Parc des Princes s’en sont sans doute rendu compte. Il se repasse quelque-chose dans la tribune Boulogne. De jeunes groupes s’y sont installés et parmi eux les PANAME REBIRTH. On était donc curieux de pouvoir discuter avec eux pour mieux les connaitre, et découvrir leur ambition première :
faire renaitre l’ambiance dans le KOB. Vaste mission.


Commençons par les présentations ?

B : Je suis Brascouille, leader du groupe. Je suis aussi président de l’association. J’ai 28 ans.

G : Je suis Gaucho, responsable de toute la communication du groupe. Je m’occupe aussi de l’entente entre les membres de l’asso. J’ai 22 ans.

Comment êtes vous devenu chacun supporter du PSG ?

B : Je suis supporter de Paris depuis que j’ai 6 ans, depuis 1996. Je suis venu au Parc pour la première fois à 13 ans avec mon grand frère en tribune Paris. Mon deuxième match c’était à Boulogne à 14 ans. J’y suis resté jusqu’à la fin du KOB. Je n’étais pas carté mais je connaissais déjà bien la tribune Boulogne. L’ambiance, le stade, la ferveur à Boulogne me fascinaient.

G : C’était lors d’un PSG-Strasbourg en 2005 avec un but de Kalou. C’est mon oncle qui m’avait offert la place pour mon anniversaire. J’ai passé le match à regarder les tribunes qui bougeaient. Après ça, à chaque anniversaire je demandais des places pour aller voir le PSG. Au fur et à mesure j’ai commencé à y aller tout seul. C’est né comme ça.

Récapitualitif du match PSG-Strasbourg de 2005, cliquez ICI

Connaissiez vous l’histoire de la tribune Boulogne avant d’y rentrer avec le groupe ?

B : Oui par des amis de mon père qui y étaient. Ils étaient cartés chez les Boys. Pas moi car je n’ai jamais voulu intégrer un groupe à l’époque.

G : J’ai commencé à suivre l’histoire des tribunes parisiennes dans les années 2007-2008. J’ai appris pas mal de choses en discutant avec des anciens de Boulogne ou d’Auteuil. Aujourd’hui, on incite tous nos membres à se cultiver sur l’histoire des tribunes au Parc des Princes.

Qu’est ce qui a déclenché cette envie de monter un groupe à Boulogne ?

B : J’ai emmené ma fille voir un match de Coupe en février 2018. Je n’étais pas revenu depuis le boycott de 2010. Mais je voulais faire découvrir cette passion à ma fille de 6 ans. Quand j’ai vu l’ambiance qu’il y avait à Boulogne, ça m’a fait mal. Je ne suis jamais resté assis de ma vie dans ce virage-là. Je me suis dis que si je devais me ré-abonner, je ferai tout pour remettre de l’ambiance dans cette tribune. Alors quand j’ai décidé de revenir, j’ai contacté le Block Parisii (ndlr : autre groupe émergeant dans la partie haute de la tribune Boulogne) pour savoir comment arriver avec d’autres personnes en Boulogne Rouge et relayer les chants. Il n’y a pas eu vraiment d’entente au début car chacun faisait son délire, mais de notre côté ça a pris de l’ampleur. Il a fallu donner un nom au groupe, puis se considérer vraiment comme un groupe de supporters. Mais on ne se considère pas comme un groupe Ultra car on est encore jeune. Je pense qu’il faut avoir plus d’expérience avant de se considérer comme Ultra.

G : Je suis arrivé à l’époque où ils n’étaient que 6. 30 jours après la création. Après discussion j’ai intégré l’association qui n’était pas encore déposée. Puis le groupe a grandi, on a reçu des messages positifs, on a voulu faire évoluer le groupe dans le bon sens.

Paname Rebirth Virage PSG

Vous étiez conscient de la difficulté de la tache qui vous attendait ?

B : Je pars du principe que si le CUP a réussi à revenir à Auteuil, on peut réussir à faire revenir quelque-chose à Boulogne. Pourquoi d’un côté et pas de l’autre ? Peu importe le temps que ça prendra, même si on est pas reconnu aujourd’hui, on sera toujours là et on ne lâchera rien.

Pour construire l’avenir il faut avoir conscience des erreurs du passé entre Boulogne et Auteuil. Comment vous positionnez-vous là dessus ?

B : On travaille beaucoup sur la communication avec Auteuil et les mecs des autres tribunes. On veut bien montrer que nous sommes apolitiques, même si les Boulogne Boys étaient en soit apolitiques. Mais il y a eu des amalgames. J’ai vécu dans cette tribune un petit bout de temps et je n’ai personnellement jamais fréquenté de gens chelous. Boulogne n’est pas et n’était pas obligatoirement synonyme de facho. Y a 150 mecs qui ont foutu la merde à l’époque. Aujourd’hui encore on le subit. Quand on dit qu’on vient de Boulogne, on nous traite de facho. Il ne s’agit pas des leaders d’Auteuil, car ils savent de quoi on parle. Il s’agit de mecs de 16 ans, qui n’y connaissent rien et qui font qu’il y a encore cet amalgame. L’étiquette est toujours là et c’est assez pesant. Les gens ne cherchent pas plus loin. C’est comme les amalgames avec les religions. Le mec est à Boulogne, alors c’est un facho…Y a un mec qui s’appelle Ibrahima dans notre groupe, il est sénégalais, comment tu peux le traiter de facho ? Il suffit de regarder les couleurs chez nous. C’est un melting-pot. Moi-même je suis réunionnais.

Quelle est la philosophie de votre groupe ?

B : Nous, c’est famille. On est tous frères. Si le copain tombe, on est là pour le relever. Un mec de notre groupe a sorti cette phrase-là « Chante pour moi, je chante pour toi ». C’est ça. Quelqu’un qui arrive chez nous va apprendre à connaître tout le groupe. En tant que leader, je connais tous les membres. Je connais leur prénom, toute leur vie, je passe énormément de temps à travailler sur la relation entre membres. Sur le fait de leur inculquer nos valeurs, nos principes… À commencer par le fait qu’on est apolitiques.

G : L’idée ce n’est pas d’avoir 2000 membres. C’est de fonder une famille. Une belle entente. En dehors du Parc on peut se retrouver pour faire des choses ensemble.

Comment est structuré votre groupe aujourd’hui ?

B : On a créé le groupe en octobre 2018, l’association a été déposée en avril 2019. On a attendu d’avoir un noyau solide. Je suis président, Bab est vice président, Gaucho s’occupe de la com, Mulan s’occupe de tout ce qui est déplacement, du site internet… Il en fait beaucoup.

Ça vous prend beaucoup de temps ?

B : Moi, c’est 7 jours sur 7, H24. J’ai repris le taf, j’ai deux enfants à la maison, dont une de une an et demi, et je vais en avoir une troisième au mois de janvier… Mais peu importe, je trouve le temps. Mon bureau peut le dire : je suis casse-couille avec eux. Si je trouve le temps, ils peuvent trouver le temps. Si on a l’envie on peut aller très loin.

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Vous avez combien de membres aujourd’hui ?

B : Actuellement environ 70. Et une trentaine en attente de traitement.

G : On attend de voir si ils sont dans la même optique que nous.

B : On veut savoir si ce sont des mecs qui viennent pour un match ou pour avancer avec le groupe. Voir aussi leur mentalité. Si ils respectent les consignes, car on a une charte assez stricte.

En déplacement vous arrivez à faire venir combien de personnes ?

B : Une quinzaine. Pour Montpellier on y va à 20, pour Saint Etienne, on est 25-30. On préfère se structurer avant de partir faire de gros déplacements. Pour grandir petit à petit.

Y a-t-il des anciens membres du KOB dans votre groupe ?

B : Il y en a quelques-uns. La moyenne d’âge du groupe est de 30 ans. Le plus jeune a 16 ans. C’est le seul mineur, mais il est là depuis la création… On ne pouvait pas le lâcher en cours de route (rires).

Avez-vous eu des échanges avec des anciens de Boulogne ?

B : Oui. Certains considèrent que la tribune ne devrait appartenir qu’à eux et à personne d’autres. Mais il y a aussi des anciens qui sont favorables à notre action. Il y a beaucoup de retours positifs.

G : Depuis 8 mois, tous les retours sont positifs. Quand on discute avec d’anciens Boys, ils nous donnent des conseils pour mieux nous développer.

B : Certains nous disent que notre mentalité ressemble à celle du passé. Non pas dans la facette sombre qui appartenait à une partie de cette tribune, mais dans la façon de gérer notre groupe : toujours chanter, ne jamais s’arrêter, toujours être présent même si on est que cinq.

Vous aimeriez inviter des anciens capos des Boulogne Boys 85 à venir capoter dans votre bloc un jour ?

B : Ce serait avec plaisir. Et puis, si un jour un ancien grand leader me dit « fais-ci, fais-ça », je ne peux pas lui dire non. C’est comme un devoir, une question de respect. Ils étaient chez eux avant que je ne sois chez moi à Boulogne.

G : C’est dans la logique des choses. Dans cette tribune, il y avait une ambiance, des mecs qu’on respecte beaucoup aujourd’hui encore.

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Vous vous sentez plus proches d’une culture italienne ou anglaise dans la façon de supporter ?

B : Plus italien, voire allemand. L’aspect visuel est imposant chez eux. Que ce soit dans la gestuelle ou dans leurs chants. C’est carré, structuré. Il n’y pas de décalage.

Il existe un chant des Paname Rebirth ?

B : Oui mais pas en tribune car ce n’est pas nous qui lançons les chants. On l’a lancé pour nos un an devant le Parc pendant un cortège. On l’aime bien, c’est notre chant. Mais c’est plus un chant pour les trajets lors de nos déplacements. Pas pour être chanté en tribune.

Quelles sont vos relations avec les deux autres groupes présents dans Boulogne (Ndlr : Block Parisii et Résistance Parisienne) ?

B : Pour le moment le club nous a regroupés au même endroit en tribune, en 327-328. On a une bonne entente, sans plus. Chacun a sa façon de gérer son groupe. Il faudrait plus travailler main dans la main pour le bien de la tribune.

Aimeriez vous réunir les 3 groupes de Boulogne côte à côte comme les Boys, Rangers et Gavroches de l’époque, pour ne faire qu’une seule ligne en Boulogne Bleu ?

B : J’en ai déjà parlé avec la direction du club. Pour l’instant ils ne veulent pas en entendre parler. En tout cas vu l’évolution des 3 groupes, ce serait mieux si on pouvait avoir cette configuration. On vise la mi-saison comme timing pour obtenir gain de cause.

Aujourd’hui il n’y a que le Block Parisii qui a droit à son matos ?

B : Oui, méga, tambours et drapeaux.

Qu’est-ce qui vous reste à accomplir pour convaincre le club ?

B : Aujourd’hui on prouve qu’on ne pose aucun problème à personne, que ce soit en déplacement, au Parc ou autour du Parc. On leur montre que notre groupe est structuré. De toute façon, le meilleur moyen de les convaincre c’est d’arriver en masse sans créer de problème, que ce soit le Block ou nous. Qu’on soit assez nombreux pour qu’une solution soit trouvée.

G : On peut d’ailleurs parler de ce qu’on souhaite mettre en place pour l’association Cécifoot. On aimerait emmener au Parc des mal-voyants, afin qu’ils puissent partager cette ambiance avec nous. (Ndlr : Le Cécifoot est est un handisport pratiqué par des athlètes déficients visuels.)

B : Yvan Wouandji, joueur professionnel de Cécifoot est un ami. Je lui ai toujours promis de l’aider, avant même de monter le groupe. Ce qu’ils font sur un terrain sans rien voir, c’est incroyable…

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Quelles sont vos relations avec le CUP ?

B : On s’est présenté à eux lors du déplacement à Lyon car avant ça le groupe était trop jeune et il n’y avait encore rien de sûr. On a rencontré Romain Mabille leur préisdent. On a fait notre premier déplacement sans nos couleurs pour respecter les codes ultras. Lors du deuxième déplacement à Brest, on nous a autorisés à sortir nos écharpes, c’était un pas en avant. Les relations sont amicales et respectueuses.

Pensez-vous qu’ils soient réceptifs à l’idée d’un retour d’ambiance à Boulogne ?

B : La plupart oui. Ils nous disent que ce qu’ils voient en face change de match en match. C’est mieux d’avoir deux virages qui se répondent et qui chantent pour Paris.

G : On a pu parler avec la majorité des groupes présents à Auteuil. Ils sont intéressés par notre projet. Ils sont réceptifs.

Du coup la reconnaissance officielle du club, vous la voyez dans un horizon proche ?

B : Non. Il y a encore trop d’obstacles. Il y a trop de vieux démons du passé qui font peur. Bien que les groupes qui sont actuellement dans cette tribune n’y soient pour rien.

Pourtant le club vous laisse mettre l’ambiance en Bleu ? Avec le Block qui peut se servir de mégas et de tambours ?

B : Au départ on était en bas en rouge mais c’était compliqué pour le club de gérer deux groupes, un en haut et l’autre en bas. Ça les arrangeait qu’on monte pour des questions de sécurité. Ils sont peut être en train de nous tester pour voir si il y a une bonne entente entre nous. On a demandé récemment au club si on pouvait avoir deux matchs « test » : Nantes et Amiens. Avec un emplacement à nous, notre matos… On l’a fait en début de saison contre Strasbourg, on avait acheté nos places pour se regrouper. Il y avait deux groupes distincts avec le Block et nous. Et ça chantait 10 fois mieux qu’actuellement… Par moment contre Strasbourg, ça commençait à prendre dans l’espace latéral qui avait été laissé entre nos deux groupes.

Vous êtes en contact avec qui au Club ?

B : Le référent supporter du club notamment. On a de très bonnes relations. Je suis content de ce qu’on a aujourd’hui mais je voudrais qu’on ait notre emplacement.

Si vous l’obtenez, vous êtes prêts ? Vous avez votre matos ?

B : On a tout le matos, tout est chez Barbu, un autre membre du groupe, et chez moi : mégas, tambours, drapeaux, deux mats, on a même la bâche qui est prête.

Paname Rebirth Virage PSG

Avec quel emblème ?

B : Ça ne changera jamais, la tête de mort avec le bob rouge.

G : Avec comme maxime « La vie c’est Paris, Paris c’est la vie » (Ndlr : citation de Marie Bashkirtseff, peintre et scultrice d’origine ukrainienne vivant à Paris au 19ème siècle).

Au fait, pourquoi Paname Rebirth, pourquoi ce nom à consonance anglaise, pas facile à prononcer en plus ?

B : Pour la renaissance de Paris, on veut faire revivre quelque-chose dans cette tribune. L’anglais, c’est l’influence des Boulogne Boys 85. C’est comme notre tête de mort. Pourtant sur notre première écharpe on a reproduit une maxime de chaque tribune : « Notre histoire deviendra légende » de Boulogne et « Ensemble nous sommes invincibles » d’Auteuil. pour te dire à quel point il n’y pas d’animosité chez nous quelque soit la tribune. On respecte les anciens.

En parlant des anciens, il y a des chansons que vous aimeriez relancer au Parc ?

B : Toutes. Les chansons au Parc aujourd’hui ne sont pas faites en fonction du match. C’est un peu une playlist dans notre tribune. Et puis je trouve aussi dommage que Boulogne ne reprenne que les chants lancés par Auteuil. Autant créer une identité Boulogne. J’ai du respect pour ce que fait le CUP mais ce serait bien de marquer notre différence.

Ça peut créer des problèmes non ?

G : Non, on chante les chants d’Auteuil avec ferveur, mais c’est juste que pendant le match et aux moments opportuns, on aimerait lancer certains chants historiques de Boulogne, c’est tout.

B : Quand j’allais au Parc plus jeune, il y avait un rituel pour accueillir les supporters adverses. On chantait « paysans, paysans, paysans ». Ça ne se fait plus. J’ai l’impression qu’on veut fermer le livre des chants historiques. C’est dommage.

Plus d'infos sur les Paname Rebirth ? Découvrez leur site www.panamerebirth.fr

Xavier Chevalier

Mathieu Faure

Il est l’une des meilleures gâchettes de la presse hexagonale
quand il s’agit de parler football. Journaliste chez So Foot puis Nice Matin,
il couvre l’AS Monaco depuis plusieurs années.
Et pourtant, ce natif de Bondy n’a jamais eu cesse de déclarer sa flamme pour le PSG. Que ce soit sur papier ou sur twitter, où il excelle dans l’exercice difficile de la phrase courte mais choc. Ancien membre actif du groupe ultra « AUTHENTIKS »,
il revient pour nous sur son histoire d’amour avec le club de la capitale.

Tu viens d’où Mathieu ?

Je suis né à Bondy dans le merveilleux département de la Seine Saint Denis. Mon père travaillait à l’hôpital Jean Verdier de Bondy donc je suis né à la maison. J’ai toujours vécu à Montreuil, pas loin de la Porte de Bagnolet dans une cité qui s’appelle La Noue. Je suis parti finir mes études à Nice en 2007 quand j’avais 25 ans et j’ai été embauché par le canard dans lequel je bossais à la sortie de mes études, Nice-Matin, et j’y suis toujours aujourd’hui.

Qui t’a inoculé le virus du football au départ ?

Je n’ai pas de souvenir particulier. Mes parents ne sont pas du tout foot. Comme beaucoup j’allais dormir le mardi et mercredi chez mes grands-parents qui étaient aussi à Montreuil. Mon grand-père était d’origine italienne et il aimait bien le foot. Il n’avait pas Canal+ mais le mardi tu avais les matchs de Coupe de l’UEFA qui passaient sur TF1. J’étais tombé sur le fameux REAL-PSG, pas celui mythique du match retour. Mais celui qu’on perd 3-1 à l’aller. J’ai dans les 11 ans. J’aimais bien le foot, je faisais des albums Panini, je matais « Olive et Tom » etc… Mais c’est mon premier vrai souvenir du PSG. J’ai vu perdre cette équipe mais je trouvais qu’ils étaient beaux et cools et mon grand-père disait une chose assez simple qui était : « On habite Paris, on supporte Paris, on ne va pas chercher ailleurs ». 1 an plus tard mes parents m’ont offert le maillot Commodore du PSG, que j’ai toujours chez moi d’ailleurs. C’est l’année où ils sont champions et je me souviens que j’ai emmené ce maillot au collège. Ça ne se faisait pas trop à l’époque, je l’ai donc mis sous mes deux t-shirts, je ne voulais pas le sortir, sauf le midi quand on se tapait des foot.

De son côté, ma mère bossait à l’époque pour le ministère de la « Jeunesse et Sport » à Bobigny et la tribune G du Parc était la tribune du Conseil Général et elle avait des places gratuites de temps en temps. Du coup un an plus tard ils m’ont fait une surprise en m’emmenant au Parc pour le fameux PSG-Monaco où Laurent Fournier fait un sombrero sur Lilan Thuram avant de marquer. C’est mon premier match au Parc (Ndlr : 9 septembre 1995). J’ai 13 ans et j’ai trouvé ça superbe. Petit à petit je suis devenu fidèle au PSG. J’étais abonné à Onze Mondial, j’avais les fameux posters de début de saison avec la photo de l’équipe dans ma chambre, des posters de Bernard Lama et de David Ginola. J’achetais les cassettes VHS Euro PSG que je saignais à mort. Je crois que celle de 1994-1995 je la connais par coeur. Tu me mets le mute je fais le son tout seul. Sauf que je m’arrêtais toujours au match de Milan. Avant le premier but de Boban du match aller. J’ai du la voir 200 fois.

Résumé du but de Laurent Fournier lors de PSG-Monaco, cliquez ICI

Penses-tu faire partie de la première génération de supporters de banlieue ou parisiens pour laquelle le PSG s’est imposé comme une évidence ?

J’avais des potes qui aimaient le PSG au collège ou dans mon quartier mais il n’y avait pas cet engouement comme aujourd’hui. Tu n’avais pas internet ni les réseaux sociaux, c’était moins médiatisé. Mais quand je suis venu régulièrement au Parc après la coupe du Monde 1998, c’est le moment où les tribune ont vraiment pris de l’importance. Tu venais plus au Parc pour l’ambiance que pour le foot en soit. Tu avais aussi plein de revues comme Sup Mag ou Le 12ème homme par la suite qui mettaient en avant les tribunes. Le PSG n’allait pas bien du tout. Je suis arrivé au pire moment entre 1998 et 2010. On ne gagnait quasiment rien mais il y avait un murmure qui disait qu’il fallait aller au Parc car il y avait un truc qui s’y passait. Il fallait être dans un groupe Ultra. Je l’ai surtout senti quand j’étais au Lycée ou à la Fac. Quand tu arrivais dans les amphis, tu voyais des mecs avec un peu de matos, on se regardait, on se comprenait. A la pause on se parlait, on portait des écharpes de groupes ultras italiens, genre la Fossei Dei Grifoni, etc. On se reconnaissait entre nous. C’était un mouvement un peu underground.

Ça coïncide aussi avec l’explosion du rap français, d’une culture banlieue ?

Oui, il y a des groupes qui étaient proches de ça comme les Tigris Mystic avec leur « Jamais dans la tendance, toujours dans la bonne direction » qui vient de la Scred Connexion. Venant de Montreuil j’étais beaucoup plus marqué Auteuil, ambiance Hip Hop, NTM tout ça. C’était mon univers. C’était logique que ça m’attire. Et puis c’était un peu la première fois que venir de Banlieue n’était pas considéré comme quelque-chose de péjoratif. Tu rentrais dans Paris, tu amenais un truc un peu sauvage, d’un peu différent au Parc. C’était en opposition à ce qui se passait à Boulogne également. Venant de banlieue, ça me semblait être une suite logique d’aller à Auteuil.

ITW Mathieu Faure Virage PSG
David El Magnifico (c) Panoramic

Il y a des joueurs qui t’ont marqué au début ?

Oui, Lama et Ginola. Lama car quand tu es petit tu veux toujours avoir l’attirail du gardien de but comme dans Olive et Tom, après tu mets la casquette, le jogging, tu te la racontes. Ginola il était en poster dans ma chambre, je lui faisais un bisou avant de m’endormir… ce poster Onze Mondial où il fait son amorti poitrine… Je suis capable de l’encadrer et de le mettre dans mon salon si je le retrouve. C’était le mec beau, quand tu allais au Parc tu ne voyais que lui…

France-Bulgarie 1993, comment as-tu vécu le traitement médiatique à son encontre ?

Bizarrement je n’ai jamais été trop attaché à l’équipe de France. Je ne saurais te l’expliquer. Je m’en fous complet. Les 2 coupes du Monde, ça ne m’a rien fait. Je suis complètement détaché. Pendant les trêves internationales, quand le PSG ne joue pas, ma vie est d’une tristesse sans nom, je me désintéresse alors du football pendant cette parenthèse… Donc pour France-Bulgarie je n’ai pas eu de haine envers Ginola. Ginola c’était le mec de PSG-Real, PSG-Barça, PSG-Milan il est fabuleux. C’est le joueur du PSG des années 90. Tout le monde le détestait. Il représentait tellement ce que j’aimais au PSG : beau, fort, détesté partout. C’est ma première idole de foot, mon idole de jeunesse. Je l’ai rencontré il n’y a pas longtemps grâce au boulot et c’est le seul mec avec qui j’ai fait un selfie en 10 ans. C’était 2 ans après son malaise cardiaque, on a cru qu’il allait y rester… Ça m’a fait un truc, franchement. C’est comme perdre un tonton, alors qu’il est parti il y a 20 ans du Club. J’étais content de le toucher, oui de le toucher, c’est ma Madeleine de Proust, mon enfance. Pour tous les mecs de mon âge qui sont venus au Parc dans les années 90, c’est un mythe. C’est un marqueur pour moi.

Parlons de ton passé d’Ultra. Avais-tu connaissance de ce monde avant d’y entrer ?

Je m’y suis vraiment intéressé une fois que je suis rentré dedans. Au début tu vas au Parc pour le foot puis tu vois des mecs qui mettent de l’ambiance. Alors tu te rapproches d’eux, tu les observes. Et puis j’ai eu une chatte de cocu en fait. J’avais une meuf à l’époque depuis 3 ans. Elle m’a plaqué. J’étais dans le bad. Les WE pour moi avant c’était cinéma et galoche. Je me suis dit, « vas-y maintenant je vais aller au Parc ». Je suis arrivé un mois de janvier 2002 pour un PSG-Lorient complètement naze sur le papier. J’ai pris des places au hasard en tribune. Y a des mecs juste en bas qui mettent une bâche et qui donnent des drapeaux. Ils nous demandent si on est motivé pour les rejoindre. Je dis oui. J’étais avec un pote à moi et on y va. Et on se retrouve au premier rang à chanter juste devant la bâche des Authentiks. C’était la première fois qu’ils bachaient ! On gagne 5-0. C’est un super match. Je décide alors de m’abonner pour tout le reste de l’année.

Résumé du match PSG-Lorient de 2002, cliquez ICI

J’y retourne pour un PSG-Sedan, derrière la bâche, on était une dizaine au début. Les Stewarts du PSG enlèvent la bâche qui était au-dessus des panneaux publicitaires. Les Supras sont venus nous expliquer, nous aider, notamment Boat (Ndlr : Capo des Supras). Pendant ce temps, on fait les déplacements, on va à Guingamp, à Montpellier, on fait des cars communs avec les Supras et on commence à échanger. Ce sont mes premiers déplacements et j’accroche direct. Je suis quelqu’un de nature très curieuse, qui échange facilement donc c’était top. Et puis c’était les débuts d’internet. On a été un des premiers groupes à se structurer grâce aux forums sur internet. On n’avait pas de lieu pour se retrouver au départ. Il y avait des chats ultras sur IRC, Caramail… Tu avais plein de supports utiles. Comme on habitait pas aux mêmes endroits, on pouvait se retrouver sur les forums, c’était très organisé, un forum par cellule…. Au début des années 2000, tu avais accès facilement aux informations sur le mouvement ultra à Paris, en Italie ou en Angleterre à travers le site mouvement-ultra qui était une référence à l’époque. En 6 mois je me suis construit une culture ultra conséquente en lisant, en échangeant, en commandant les fanzines d’autres groupes, etc.. On avait pas tous internet à la maison, par exemple j’allais à la BNF où tu y avais accès pendant une heure gratos, j’en profitais. Internet était important, ce n’était pas le bordel d’aujourd’hui. Et on faisait des rencontres. J’ai correspondu avec des mecs de Bordeaux, de Strasbourg mais aussi en Italie. On pouvait retrouver ces potes d’internet ensuite dans le stade, tu échangeais du matos, des stickers, etc.

En fait tu es rentré aux Authentiks un peu par hasard ?

Oui. J’avais 19 ans et beaucoup de temps. En 6 mois je me suis retrouvé au cœur du groupe, avec un petit noyau. Si tu es investi aux débuts d’un groupe, tu te retrouves très vite avec des responsabilités. Après plusieurs déplacements, tu vois rapidement qui est fiable ou non. Comme le groupe a grandi très vite, et que ça me plaisait, ça s’est fait comme ça. Je suis venu aux réunions, c’est devenu ma préoccupation quotidienne très rapidement. Je ne vivais que pour ça, que par ça. C’est devenu une passion humaine et ça me fascinait. Dans le groupe, avec le temps, je suis devenu responsable du fanzine (Ganaderia), j’aimais déjà écrire sur les forums. Y avait ça au fond de moi.

ITW Mathieu Faure Virage PSG
Une jeunesse rouge et bleu (c) Collection personnelle

Comment tes parents ont réagi à tout ça ?

Je suis fils unique, je n’étais pas un gamin turbulent, je ne fumais pas, je ne buvais pas, je ne suis pas tombé dans la délinquance, mon seul vice c’était le mouvement ultra. Au début je mentais un peu. Je faisais du Volley, donc je leur racontais que j’allais à un tournoi, qu’on jouait pendant deux jours au fin fond du 93, etc. En fait je ne voulais pas les inquiéter. Quand tu vois qu’à Marseille sur un dep’ tu peux avoir 57 blessés… J’avais 20 ans, j’étais responsable, mais bon, je ne voulais pas qu’ils se fassent du mouron car c’est compliqué d’expliquer cette passion. Je me suis quand même fait gauler pour un déplacement dans le Doubs à Sochaux en janvier pour la Coupe de France. Il y a une torche qui m’a explosé dans la main et j’ai terminé aux urgences. J’ai failli perdre ma main. Quand ma mère a vu que je n’étais pas rentré à minuit et demi elle a appelé mon entraineur de Volley qui lui a dit qu’il n’y avait pas de match ce WE là. Je suis rentré à 4 heures du mat’, je me suis pris une tarte dans la gueule. T’as beau avoir 20 piges, ça reste ta mère. C’était une italienne, mère de fils unique, à 4 heures du matin, son regard ça te fait passer la douleur de ta main pour un pipi de chat…

Par exemple, quand je suis à Marseille en 2009, et que ça part en couille Boulevard d’Athènes, elle a été inquiète, elle savait que j’y étais, ça passait sur les chaînes d’infos etc. Pareil à Nice en 2002, ou quand j’étais à Bastia en 2004. Mais ils me faisaient confiance car ils savaient que je n’étais pas le genre à faire n’importe quoi. Et puis il ya un truc rigolo c’est que ma grand-mère était couturière de profession. Au début, t’es dans la débrouille alors elle a fait la couture chez elle à Montreuil pour le groupe : des deux mats, des voiles pour les premiers tifos. On l’a invité au Parc pour PSG-Lyon en tribune G avec mon père pour la remercier. Dans ma famille, très vite, m’investir dans un groupe ultra ça a été plutôt vu comme « le petit, il fait un truc qui lui fait du bien, il ramène des potes à la maison, on lui fait confiance ». Ils s’y sont intéressés parce que j’étais dedans et parce qu’ils m’aimaient. Ils m’ont toujours fait confiance.

Tu es resté combien de temps chez les ATKS ?

Jusqu’à la fin. Je me suis carté en 2002 et j’ai arrêté à la fin du groupe en 2010. C’était ma deuxième famille. J’aimais et j’aime toujours mon groupe. C’était une expérience extraordinaire. Je vois toujours des gens du groupe, je pars en vacances avec eux. Quand je repense à tout ce qu’on a fait ensemble, j’aime tout. Quand j’ai commencé on partait à deux bagnoles au Havre en déplacement. A la fin on était 80-90 à partir avec 450 cartés. La G, quand tu vois l’évolution entre 2002 et 2010… on a créé un truc unique au Parc.

Qu’est ce qui vous différenciait des autres groupes d’Auteuil ?

Déjà on a grandi très vite par rapport aux autres. On a beaucoup été aidé notamment par les Supras qui étaient un très bon modèle. Mais on s’est quand même construit petit à petit avec notre identité. On était structuré, on avait beaucoup de gens sains et stables. Quand tu prends le noyau de 2002, il a très peu changé jusqu’à 2010 même s’il y a beaucoup de bons jeunes qui sont arrivés. Quand tu venais chez nous tu y étais bien. Ce n’était pas un tremplin pour aller ailleurs. Et puis on était un peu atypique. A la fin notre logo c’était un mec de la croisière s’amuse, un blackos un peu funky. Au début c’est un taureau. Puis on a fait un deuxième taureau inspiré des Houston Texans, l’équipe de foot américain. Mais on a reçu un courrier de la NFL qui nous disait de changer notre logo sinon c’était le procès. On est alors parti sur autre chose et comme on aimait la musique Funk… Bref on ne se prenait pas la tête.

ITW Mathieu Faure Virage PSG
Le fameux VAG (c) Panoramic

En 3 mots comment tu résumerais les ATKS ?

C’est difficile. Déjà on ne parlait pas trop de nous, là je te parle mais c’est ma simple histoire. Mais je dirais qu’on était atypique, à la fois sérieux, mais aussi jeunes et insouciants et on était des bosseurs. Car un groupe Ultra c’est beaucoup de boulot. Et tout le monde est bénévole, tu donnes de ton temps sans rien attendre en retour. On est là par amour mais il faut un truc structuré avec une hiérarchie pour savoir où tu vas. Bref c’était une famille. A mon mariage il y avait des mecs du stade, Phil Collins en fond musical, chez mes parents il y a encore des stickers ATKS, ça fait partie de mon identité, de ma famille. Mon groupe, parce que je dis « mon » groupe, fait partie de moi, de mon ADN. Pour les 15 ans du groupe, on avait fait un site internet un peu « vintage » où j’avais fait un petit papier pour nous décrire. C’est comme une déclaration d’amour à ce groupe unique.

La déclaration d'amour de Mathieu aux ATKS, cliquez ICI

Le Parc de l’époque, jamais égalé malgré les tensions ?

C’était énorme. Tu avais un virage Auteuil à l’apogée. Déjà il y a eu les 10 ans des Tigris. Entre 2003 et 2006 il y a eu plein de moments fabuleux. Plus il y a eu un petit passage à vide avec la disparition des Tigris. Mais les Supras ont repris le lead. Les 15 ans des Supras c’était énorme. La finale de la Coupe de France contre l’OM en 2006 c’était énorme. Quand les supporters adverses venaient au Parc, on leur envoyait des tartes vocales. J’ai jamais retrouvé ça ailleurs, même dans d’autres stades. J’ai vu de grosses ambiances mais le Parc c’était tous les week-ends. C’est vrai qu’il y avait un antagonisme latent entre les 2 tribunes. Auteuil rattrapait son retard sur Boulogne et il y a une passation de pouvoir qui ne se passait pas bien. T’avais une émulation. Il fallait marquer son territoire.

Ça ne te faisait pas chier ce rapport compliqué entre les 2 virages ?

Au début c’était excitant car c’était pacifique entre guillemets. Puis il y a eu les rixes entre Tigris et Boulogne. Avec le recul on aurait peut-être dû faire quelque chose mais tu sais, on était jeune, et c’est facile avec du recul. Puis il y a eu une accalmie pendant 3-4 ans. Un pacte de non-agression tacite. Puis en 2009-2010 ça repart et c’est le point de non retour. Quelques part à la fin tu es content que tout s’arrête car les déplacements ça devenait vraiment compliqué d’y aller. Tu savais que ça pouvait partir en couille à chaque instant. Ça n’avait plus de sens. Le football était devenu secondaire. On y allait car on était un groupe, il ne fallait pas qu’on se couche. Et à un moment, ça devenait même chaud à domicile. A la fin ça devient pesant. Tu n’es pas venu pour ça. Ça n’avait plus de sens…

En 2010 tu es déjà journaliste ?

Oui ça fait un an que je suis à Nice-Matin. Je me souviens qu’en 2009 je suis allé à Marseille pour OM-PSG. Celui où ça part en couille. J’ai même écrit sur ce match. C’est une des rares fois où j’ai cru qu’il allait se passer quelque-chose de très grave. Le match avait été annulé à cause de la grippe A. On était à la gare Saint Charles et il y a un mec qui s’est fait renverser, là tu ne sais comment tu rentres ni quel est son état de santé. Sur le moment je ne sais pas trop ce que je fais. Il y a eu quelques déplacements où tu sais que tu es à la limite…. A Nice par exemple, où on était dans le bus des Lutece Falco. On n’était pas nombreux. On arrive au niveau de la Rotonde de la BSN (Brigade Sud Nice) et puis machinalement tu lances un « Nissa Merda ». C’est comme si un bus des CU84 arrive devant Auteuil et balance « Paris on t’encule »… On s’est fait massacrer le bus. La Finale de la Coupe de France 2006 aussi. On avait fait un grand cortège pour aller au Stade France. Ce jour là j’ai la bâche à domicile du groupe sur le dos et à un moment donné je me retrouve tout seul avec ma meuf et je perds tous les mecs de mon groupe. Et je vois des gens qui traversent le cortège en courant. Je suis en parano totale, je ne sais pas si c’était des indeps, des marseillais… et là j’ai un moment de stress énorme. En 2010, chaque match était comme ça, sur le qui-vive en permanence.

Comment rentres-tu à So Foot ?

J’ai toujours aimé So Foot car c’était l’une des rares publications qui parlaient des supporters. Il y avait Nicolas Hourcade, avec qui je me suis lié d’amitié par la suite. Comme je voulais travailler dans le monde du journalisme, c’était normal que je veuille travailler avec eux. En 2008 je fais un mémoire sur les supporters dans le cadre de mes études. Je rencontre Nicolas à Lyon. Je lui demande des contacts chez So Foot, j’envoie plusieurs mails et ma porte d’entrée ce sont les supporters. Je leur ai proposé un Top 10 des rivalités dans le foot anglais pour le site internet qui n’avait pas beaucoup de papiers à l’époque. ils m’ont dit de l’envoyer. Ça leur plait et ils le publient. Du coup je deviens le mec qui s’intéresse aux tribunes et qui leur fait des petits papiers là-dessus. Puis toujours dans le cadre des mes études j’ai dû faire un stage au sein du magazine, rue du commandeur dans le 14ème. Je commence comme ça. Aujourd’hui je suis toujours pigiste pour eux et j’ai enchainé sur Nice-Matin où je suis embauché en 2009 et, parfois, je collabore sur des papiers sur les tribunes. C’est vrai qu’il y a peu de journalistes qui ont eu une vie en tribune.

ITW Mathieu Faure Virage PSG
PSG-OM 2019 (c) Panoramic

Ça t’a aidé ce passé d’ultra dans ta carrière ?

Oui forcément car tu as un regard que les autres n’ont pas. Quand je vais au stade, j’ai la prétention de comprendre ce qui se passe sur le terrain mais aussi dans les tribunes. Et pour certains confrères ce n’est pas du tout le cas. Par exemple, lors du dernier PSG-OM, quand sort la bâche marseillaise du CU84 dans le Virage Auteuil, certains ont dit qu’ils avaient volé une bâche dans la journée, etc.. Non c’est une bâche qui a été volée dans les années 90 ! Ils n’ont pas tous les codes.

Tu crois que le sujet Ultra devrait être mieux traité dans les media ?

Oui mais il faudrait déjà que les ultras acceptent de parler. Et de tout. Tu ne peux parler que des interdictions de déplacement, de la répression policière, de la lutte contre les fumigènes, bref, de tout ce qui te donne le bon rôle. Il faut aussi parler de la violence, car certains groupes viennent chercher. Je sais que ça fait partie du système, le côté un peu machiste, le Trash-talking, la guerre des territoires, le chambrage, l’intimidation. Il faut accepter de parler de tout. Et certains mecs sont borderline, limite hors la loi, c’est le jeu mais tu ne peux pas aborder le mouvement ultra avec des filtres, il faut tout raconter ou ne rien écrire. C’est un milieu underground qui a souvent suivi le « pour vivre heureux, vivons cachés ». Mais à l’époque des réseaux sociaux, de la sur-médiatisation, est-ce encore possible ?

Quand tu arrives à Nice Matin et que tu commences à suivre l’AS Monaco tu as caché ton passé d’ultra ?

Non pas du tout. En fait j’ai un compte Twitter depuis plus de 10 ans. Je ne me suis jamais caché. Et au journal on ne me l’a jamais reproché. Il faut que tu trouves un ton où tu n’es pas dans l’insulte, et surtout pas l’insulte gratuite. Et puis je suis Monaco qui est un club particulier. Je ne pense pas que ça se passerait très très bien si c’était à l’OGC Nice… De toute façon j’ai la chance de pouvoir rester extrêmement objectif. Même quand il y a des PSG-Monaco. Bizarrement le club avec lequel je suis le plus critique, c’est mon propre club. Je suis super exigent avec lui car je l’aime fort, c’est mon gamin quoi. Aujourd’hui j’ai plus de 30.000 followers alors que je ne raconte rien d’extraordinaire. C’est assez rare comme positionnement pour un journaliste de Presse quotidienne régionale, je ne dirais pas que c’est un plus, mais ça permet, peut-être, de se démarquer.

Est-ce qu’écrire quotidiennement sur twitter est un exercice de style que tu t’imposes ?

Non car ce que j’écris, c’est assez proche de ce que je suis. Tu grandis un peu avec. Et puis c’est un outil formidable pour mon boulot. Ça m’a permis de faire des rencontres. D’être mis en relation avec le PSG parce que mon nom revenait souvent… Mais ma femme trouve que je suis dessus un peu trop. Et sur le style j’essaye d’avoir une ligne éditoriale assez proche de ce que je suis mais qui a évolué depuis mes débuts car on grandit tous, on murit. J’évolue aussi dans un milieu où le mot est important, où il y a beaucoup de vannes entre confrères. Il faut exister comme ça. Chez So Foot c’est comme ça. Si tu n’as pas de répondant, de bagout, tu ne tiens pas un mois… Tu as de grosses personnalités, de mecs très drôles. A Nice Matin c’est pareil, tu as des plumes, des grands reporters, le milieu du foot c’est particulier. Et puis j’aime bien donner mon point de vue pendant les matchs du PSG, échanger sur twitter. Comme je ne vais plus au stade, que je suis loin de Paris, que je suis souvent seul chez moi ou au boulot à kiffer le PSG, ça me permet de garder le contact avec une communauté de fans parisiens. Je suis dans mon salon 2.0, avec des potes, tu vibres.

ITW Mathieu Faure Virage PSG
No Jeremy, No Party (c) Panoramic

Ma femme m’a filmé en 2013 lors du Lyon-PSG du titre. Je suis sur le canapé, j’ai ma capuche sur la tête, je sautille partout, je me ronge les ongles, j’hurle lorsque le match est fini, c’est mon premier titre car en 1994 je suis trop jeune pour apprécier. Là, je suis seul à Nice mais je kiffe. 1 mois après, je me marie et je remercie Jeremy Menez au micro pour son but à Lyon qui nous donne le titre ! De toute façon plus tu vis éloigné de Paris, plus tu te revendiques parisien. Quand je suis en vacances et qu’on me demande d’où on vient, je dis que je viens de Paris alors que j’habite Nice. Au bureau j’ai une figurine de Pastore sur mon ordinateur, le brassard de Makelele, des posters au mur, des stickers, je suis le titi parisien. Mon petit a des maillots de Paris aussi, c’est normal pour moi.

Tu aimerais transmettre cette passion à ton fils ?

Evidemment. Là, je l’ai emmené au Parc pour le PSG Experience. Je pourrai l’emmener au stade de Nice ou Monaco car j’ai cette facilité mais par principe le premier match qu’il ira voir en vrai ce sera au Parc des Princes. Qu’il aime ou non, ce n’est pas grave mais je vais tout faire pour lui transmettre ce que j’aime, car c’est un devoir de transmission. Si ça prend tant mieux, si ça ne prend pas il aimera autre chose.

Ultra et journaliste, tu vois quelques similitudes liées au voyage ?

Oui, c’est ça que j’aime dans mon boulot : les déplacements. Après je me déplace dans de meilleures conditions que lorsque j’étais ultra, quand on voyageait dans des cars où des mecs vomissaient à peine le bus sur le périph’. En plus Monaco joue l’Europe donc ça permet de voir des beaux stades au Portugal, en Turquie, en Belgique, en Allemagne. Depuis 2013 j’ai du faire 50 stades.

Tu te vois continuer longtemps ce métier ?

C’est dur car tu n’as pas de vie de famille. Je bosse tous les WE, je n’ai pas de jour commun avec ma femme, je bosse tard. Pendant l’Euro je suis parti un mois. Mon fils avait 1 an, il a fait ses premiers pas, je n’étais pas là. C’est compliqué. Là je suis encore jeune, j’ai encore envie de le faire, mais je commence déjà à me dire qu’il faudrait réfléchir à l’après, à faire autre chose au journal.

Tu as dis dans une interview que tu aimais Javier Pastore pour son inconstance et sa capacité à te faire lever de ton siège sur une action. Le PSG c’est pareil non ?

Oui. En fait les trucs parfaits ça me fait chier. Je me lasse très vite. J’aime le fait d’être surpris. Le mec peut être nul tout le match et te sortir une action qui débloque le match. Le PSG c’est ça. T’as beau avoir des millions, tu te tapes une crise tous les ans.

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En 2020, il resigne avec le maillot historique (c) Panoramic

Du coup, ton avis sur Kylian ?

J’adore Kylian mais je n’ai pas la passion Mbappe. C’est un joueur incroyable, ça va être un monstre. Je l’ai vu jouer à 15-16 ans à Monaco, tu savais déjà… C’est un bon gamin. En plus il vient de Bondy, donc j’ai un petit lien affectif avec lui. Mais c’est un joueur trop parfait. Il ne me laisse pas indifférent mais ce n’est pas le genre de joueur que j’aime d’amour.

Un joueur aujourd’hui à Paris pourrait te refaire sortir de ton fauteuil ?

Ils me font tous un peu kiffer car ils sont tous très forts. J’aime bien Verratti car il a cette inconstance, il est très fort mais il a cette vie d’étudiant Erasmus. J’aime bien la personnalité d’Icardi. Mais je me rends compte qu’aujourd’hui je ne suis attaché à aucun des joueurs de l’équipe actuelle. Mais j’aime cette équipe. N’importe lequel de ces joueurs peut se barrer de Paris, je m’en fous.

Quel joueur aimerais-tu voir porter notre liquette dans les années à venir.

Pastore, il faut le faire revenir, ah ah ah… Non, je suis dans une époque où il y a peu de joueurs qui me font bander. J’ai juste envie que ça marche pour cette équipe. Par contre j’étais très content du retour de Leonardo. Je ne suis jamais très fan des mecs qui reviennent avec leur ex, mais tu avais besoin de lui à ce moment-là. Car en mars-avril je ne savais pas où on allait, j’étais très inquiet. On était capable de repartir avec exactement la même chose et de se replanter. On avait besoin d’un gros changement. Et le gros changement c’est lui. Il n’aurait jamais du partir en fait. C’est le mec arrogant, classe. Il a un peu de Francis Borelli en lui. Nasser il est trop propre. Il fallait un petit voyou, il fallait un Jean-Paul Belmondo…

Tu arrives toujours à apprécier un match du PSG, à t’enflammer malgré ton métier et ton passé d’ultra ?

Tout le temps. C’est parfois même pire qu’avant. J’ai des stress pour rien. En plus je suis un éternel pessimiste. J’ai toujours l’impression qu’on va se faire tamponner à chaque match. Qu’on reçoive Reims ou n’importe qui, ça me fait toujours kiffer. Le lendemain je suis toujours content d‘acheter les journaux quand ça marche bien. Mais j’évacue vite les déceptions, comme la remontada. Tu dors une nuit dessus et ça repart. Je prends ça avec dérision et puis j’ai un petit garçon, j’ai perdu ma maman assez tôt dans des circonstances assez compliquées, alors tu relativises aussi très vite. En revanche, j’appuie sur les trucs qui ne vont pas même dans les bons matchs. Comme la deuxième mi-temps contre l’OM. Le devoir d’exigence il doit être là. Tu dois appuyer pendant 90 min. Malgré tout, j’ai l’impression qu’on n’arrivera jamais à gagner la Ligue des Champions car je suis un pessimiste et que c’est le PSG. Tous les ans on dit que ça se passe bien puis au mois de mars c’est de la merde. Pour l’instant le schéma est le même que d’habitude. On a un bel effectif, on a du banc, on est les champions du monde des phases de poule mais dès que ça devient chaud, on s’écroule… On a éliminé personne depuis 3 ans et demi ! Qu’on élimine une équipe, même nulle, je m’en fous, mais qu’on passe au moins un tour. Ouais, j’en suis là…

Quand tu retournes au Parc, as-tu ce double sentiment de plaisir et d’amertume comme beaucoup d’anciens ultras ?

J’ai mis longtemps à revenir au Parc. C’était un PSG-Rennes en 2012. Nenê met un triplé. J’étais placé en latérale. Je ne suis jamais retourné en tribune G, et je n’y retournerai jamais. Pour ce premier match c’était dur. J’avais l’impression de retourner dans ma chambre chez mes parents et qu’ils avaient tout changé, comme si quelqu’un d’autre y habitait. J’avais des repères et en même temps j’étais perdu. C’était très particulier. Puis j’y suis retourné plusieurs fois pour le boulot. Mais ce n’est pas pareil quand c’est pour le taf parce que tu es dans un moule différent. J’y suis retourné 2-3 fois pour mon plaisir, le 7-1 contre le Celtic, le 7-1 contre Monaco, le dernier PSG-OM. Pour le Celtic j’étais avec des potes, je sautais, je chantais un peu. Mais je ne passerai plus 90 min. à chanter debout comme avant. C’est fini. Je suis plus en mode daron qui profite. Et puis le fait de bosser sur le foot toutes les semaines dans des ambiances différentes, tu prends du recul, de la distance avec le terrain. Mais chez moi je suis beaucoup plus excité.

Aujourd’hui que manque-t-il au PSG pour passer les 1/8 et les 1/4 selon toi ?

Déjà beaucoup de chatte au tirage. Il faut franchir un tour et taper une équipe de merde. Casser le plafond de verre que nous avons au-dessus de nous. Avoir aussi de la chance d’avoir tous nos joueurs, pas de blessé et que ça tourne un peu. Des fois tu te dis que c’est l’année où tu t’y attends le moins que ça passe, comme l’année où Ibra est parti.

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Un seul mâle vous manque et tout est dépeuplé (c) Panoramic

Tu trouves qu’il manque aujourd’hui dans le vestiaire ?

Ça manque de leaders. Y a pas de mâle alpha. C’est une équipe où il y a beaucoup de très bons suiveurs : Di Maria, Marquinhos, Verratti, Thiago Silva. Ce sont des supers joueurs quand tout va bien. Mais j’aimerais voir qui va prendre tout le monde par la main quand ça ira mal. Car à un moment donné ça va mal tourner. Le noyau de notre équipe, c’est le même qui échoue depuis 6-7 ans. Qui sera le taulier quand on sera mené 2-0 au retour et qu’il restera 10 min. à jouer et qu’il faudra faire l’exploit. Ce groupe là m’inquiète un peu sur ça. J’ai peu confiance en leur capacité à se révolter…

Tuchel-Léonardo, doublette Germano Aurvirede compatible ?

Tant que ça va oui, mais au premier couac, j’ai l’impression que Tuchel va dégager. Parce que Léonardo n’a pas choisi Tuchel, il a d’autres mecs en vue. Tuchel a déjà survécu à Manchester. Si il y en a un deuxième, c’est inconcevable de continuer avec lui. Après j’étais content qu’on le prolonge. Il a des responsabilités dans Manchester mais pas que. il voulait un groupe étoffé, il ne pouvait pas bosser avec Antero… Là il a du matos. S’il se viande, il n’a plus d’excuse.

Malgré ton pessimisme naturel, au fond de toi la C1 tu y crois ?

En théorie, Paris peut gagner, oui. Au bout d’un moment c’est cyclique, sur le papier tu as des joueurs hors norme pour gagner la C1. Si tout s’aligne bien sur une campagne… Regarde l’Ajax ou Tottenham la saison dernière. En finale, même sur une demi-finale, sur un match tout est possible. Il nous manque beaucoup et pas beaucoup à la fois. Mais j’ai l’impression que Paris est un club qui n’a pas le karma pour ça. C’est un club hyper bordélique où ça ne se passe pas comme ailleurs. La remontada, Manchester, ton meilleur joueur qui se pète deux fois le métatarse… Depuis qu’il y a QSI, peut être qu’on a vendu notre âme, je sais pas, il faut qu’on le paye. Depuis 2011 on a éliminé que 3 équipes ! Chelsea, Lerverkusen et Valence. C’est quand même pas beaucoup. La remontada à la rigueur, mais Manchester ! On a perdu face à une équipe qui ne voulait même pas gagner. On a vraiment une équipe de faibles ! Forts contre les faibles, faibles contre les forts. Je n’ai plus confiance en eux en fait. Je les soutiendrai, mais je n’ai plus confiance. Qu’ils éliminent déjà une équipe en 8ème et après on verra.

Si un jour on va en finale tu fais le déplacement ?

Comme tout le monde, je nique mon PEL et j’y vais ! Ma femme le sait. « Chérie, si on va en finale, tu m’oublies. Les 10 ans du petit, nos 10 ans de mariage, tu fais comme tu veux mais rien à foutre je serai pas là ». Comme elle est parfaite, elle comprendra mais elle me dira très calmement « vous allez perdre car vous êtes mauvais ». Et si jamais on perd, elle m’enverra un petit texto le soir même « SHAY ». C’est de bonne guerre. Je pense que, souvent, le PSG est pesant pour elle mais elle a l’intelligence de comprendre ma passion. Quand j’ai emmené l’héritier au Parc, je lui ai envoyé une photo du petit et moi sur la pelouse, de lui dans le vestiaire, elle a eu la meilleure réaction « t’es heureux, hein ? ». Elle sait.


Xavier Chevalier

Emilie Ros

Loin de l’hystérie médiatique et des croisades de superette, ça fait du bien de parler avec une fille qui aime le foot et qui l’assume. EMILIE ROS, créatrice de #meufdefoot défend le supporterisme féminin à sa façon,
avec franchise, bonne humeur et enthousiasme.
Sans récupération
. Une meuf authentique, mais surtout une meuf d’aujourd’hui,
qui kiffe, qui twitte et qui parle dans le micro. Rencontre.


Quand et comment deviens-tu supportrice du PSG ?

Juste pour faire un petit historique, je n’ai pas la culture foot qui vient de mes parents. Je n’ai jamais été voir un match au stade avec mon père. J’ai découvert le foot professionnel en 1998 avec la Coupe du Monde car ce qui m’intéressait avant, c’était le foot amateur. C’était de voir mes potes évoluer à Creil, Chantilly ou Chambly, de division en division. Ce que je préférais c’était le foot derrière les barrières, les coudes râpés…  Le foot pro m’intéressait peu, je regardais juste l’équipe de France et basta. Bien sûr mes potes suivaient un peu le PSG, l’OM et Monaco, les clubs qui marchaient bien à l’époque. Je suivais Paris de loin, mais pas à donf. Je suis ensuite arrivée à Paris pour y travailler il y a 10 ans. Alors j’avais déjà été au Parc avec mes potes, habillée en garçon, survet’, capuche sur la tête, et on partait très vite à la fin du match. J’étais côté Auteuil. Mais bon je ne suis pas née dans la culture PSG, pas comme la plupart des personnes que vous interviewez. Je suis un peu arrivée avec le Qatar en fait. Mais j’aime ce club. Je vais me battre, crier, pleurer pour lui. Je ne suis pas là depuis longtemps mais mon amour est intact. J’ai commencé par le foot masculin car je viens de là. J’ai commencé avec mes potes, puis je me suis intéressée aux filles en 2015 avec la Coupe du Monde au Canada, donc je me suis aussi intéressée aux filles du PSG.

Facile de revendiquer ce supporterisme quand on est fille à l’époque ?

#Meufdefoot Emilie Ros VirageAdo, j’étais un peu garçon manqué, je ne trainais qu’avec des garçons. C’est plus tard que j’ai découvert que j’avais des cheveux et des ongles, et que ça pouvait servir en fait (rires). Mais pour être honnête, on ne m’a jamais fait de remarque sur le fait que j’étais une fille. Quand j’ai créé #Meufdefoot, c’était facile car c’était mon langage, quand je parle de « fille », je dis toujours « meuf », et il n’y avait aucun féminisme derrière. Je ne suis pas dans cette démarche-là. Quand j’allais aux matchs avec mes potes, avec les tambours et les banderoles, on ne m’a jamais demandé ce que je faisais là. Je me suis retrouvée dans des débats pendant la Coupe du Monde féminine à me justifiersur le fait que je n’avais aucun problème à travailler dans un milieu d’hommes. Quand je fais de la radio, il n’y a que des mecs. En fait c’est un environnement dans lequel j’aime bien être. C’est donc un faux débat me concernant. Par contre, si je peux aider sur le féminisme dans le bon sens du terme, sur l’égalité homme-femme, la liberté d’expression, alors oui. Mais je ne me battrais pas sur le salaire des joueuses par exemple.

Tu avais des copines qui te suivaient sur ta passion pour le PSG ?

Avant #Meufdefoot, non, je ne regardais jamais un match avec des meufs. Depuis, je me suis fait des potes et des « copines » avec qui parler foot. J’ai découvert des meufs avec des profils différents qui aiment le foot. Avant je trouvais même ça chelou d’aller avec des « filles » au stade. Mais là j’ai trouvé des meufs avec le même état d’esprit que moi, avec qui ça se passe super bien en tribune. On parle ballon, c’est multi clubs. C’est pas le côté Wags. On n’est pas des fifilles. Quand on me propose des opérations promotionnelles pour me faire les ongles ou préparer des cupcakes pendant les matchs, je refuse !

Donc aucune expérience sexiste vécue au Parc ? Ou en dehors du Parc ?

Non aucune. Les seuls taquets que je me suis pris c’est sur Twitter mais ça reste ponctuel !

Certains ne le savent pas, mais les filles étaient aussi présentes dans les Virages parisiens d’avant le plan Leproux. Tu n’as jamais été tentée de rejoindre un groupe ultra ?

J’y ai pensé mais on m’a souvent fait remarquer que je n’étais pas là avant. C’est un peu un truc bloquant à Paris qui m’agace parfois. Certes je ne suis pas supportrice depuis longtemps, mais je suis ultra dans mon cœur. Je connais les chants, les chorégraphies…

Il y a un chant en particulier que tu préfères ?

Il y en a deux en fait. « Oh Ville Lumière » bien sûr et la chanson qui arrive à la fin des matchs « Tous ensemble on chantera… », j’adore le timing de ce titre. Et puis j’aime bien aussi la cohésion qui existe entre les ultras et les joueuses du PSG, qu’on ne retrouve pas avec les garçons. Comme ils ne sont pas parqués, ils peuvent se mélanger, et donc toute la tribune est ultra. Ils sont torse nu, ils chantent tout le match, comme pour les mecs, et je trouve ça bien, car je vois des gamins sur les épaules de leur père. Si la transmission de la passion passe par les meufs, c’est cool.

Tu vas aussi souvent au Parc pour les garçons ?

Oui mais ça m’arrive aussi de rester chez moi tranquille. Je peux du coup suivre le match dans les détails, suivre un joueur en particulier, voir ses déplacements, ses appels, ses réactions. Chose que je ne peux pas faire au Parc car je suis trop prise par l’ambiance. Je peux me re-mater un match plusieurs fois pour changer de joueur, c’est très chiant ! Mais j’adore ça ! Au stade, je ne peux pas faire plusieurs choses en même temps, en fait je suis un mec (rires) !

#MeufdeFoot, raconte-nous la story

Pour résumer, je suis sur mon canapé, j’adore twitter, j’adore live tweeter ce qui se passe à la télé, j’adore le foot et à l’époque on mettait des # pour tout ce qu’on faisait. Alors quand je parlais de foot, je mettais #Meufdefoot. Et je m’aperçois qu’il y a des meufs qui l’utilisent et qui en discutent. Ce qui me permet d’avoir des discussions avec des meufs mais aussi des gars. Le phénomène prend, des marques commencent à me contacter, ma communauté commence à monter, 1000, 2000 followers, même si ce n’est pas bezef par rapport à d’autres. Mais ça commence à marquer les esprits. On m’invite en bord de terrain, on m’offre des maillots, des déplacements. Je vois du foot comme j’en ai jamais vu. Surtout quand il s’agit du club que tu aimes. C’est le Graal d’être sur la pelouse du Parc. C’est mon château de la Belle au Bois Dormant. Et il y a un seul Prince qui doit laisser trainer sa paire de crampon dans l’escalier ! On en reparlera après (rires avant qu’elle ne chuchote : Choupo…) ! Bref le # commence à prendre, se passe la Coupe du Monde féminine, se passe l’Euro, ça prend de l’ampleur. Mais je me rends compte que les marques veulent l’utiliser, sauf que ce n’était pas le but, ce n’était pas à vocation commerciale.

#Meufdefoot Emilie Ros Virage

Alors on me conseille de déposer le # comme une marque. Pour que je sois protégée. Je le dépose donc et je continue ma vie. Sauf qu’un an après je reçois un courrier de l’INPI (Ndlr : Institut national de la protection industrielle) qui me dit que si je veux que ma marque soit protégée, il faut qu’elle soit exploitée. Me vl’a bien… Je ne savais pas quoi en faire. On me suggère de faire des t-shirts. Je me dis que personne ne va en acheter, mais ce n’était pas grave. Je voulais par contre que ce soit bien fait, donc produit en France, avec un coton bio, avec des tailles enfant. Finalement je le fais, ça marche, les gens en achètent et tu croises des meufs dans le stade avec ton t-shirt, et tu peux pas savoir comment ça fait plaisir. Surtout quand c’est dans toute la France. Ce n’est pas que la parisienne qui a créé son truc. Et je ne veux pas gagner d’argent avec ça. Tout ce que je fais, je le fais à rentabilité 0. Tout ce que j’ai gagné, je l’ai dépensé pour la marque. Mais ça m’a tellement rapporté plus humainement. Des papas qui me contactent parce que leurs gamines ont découvert la marque et aiment le foot… Par contre quand des féministes veulent utiliser le # à des fins revendicatrices, mais dans le mauvais sens selon moi, là je leur demande de le retirer. Désolé les filles, mais renseignez-vous avant, et c’est quand la dernière fois que vous avez regardé un match en fait…? Faut pas tout mélanger. Ma crainte c’était ça, la récupération. D’autant qu’il y a même des mecs qui portent mes t-shirts (rires).

Tu aimerais développer encore plus la marque ?

En fait je ne suis pas une vendeuse de t-shirts. Je pense plus à des collaborations pour aider le football amateur par exemple. Il faut que ça serve, à des mini meufs de foot…

Pourquoi pas déposer #MecdeFoot ?

Tu rigoles, mais on me l’a demandé à plusieurs reprises. Mais à la base c’est moi, donc je ne suis pas un mec de foot. Bah non, ben pourquoi… Et je ne dis pas mec de toute façon… Bonhomme de foot ? (Rires)…

C’est qui pour toi le pire joueur du PSG sur les réseaux sociaux ?

Neymar a eu sa période très compliquée. On voit trop de choses de sa vie… Kimpembe aussi. Et pourtant Presko il est géré. C’était après sa coupe du monde, tu sentais qu’il était en vacances tout seul et qu’il fallait lui retirer son téléphone. Il était en roue libre. Sinon mention bien à Kylian Mbappé, mais c’est très lisse, comme son image. Sinon j’aime beaucoup Cavani car il y a le côté perso du bonhomme. Lui c’est vraiment le mâle alpha. Et pour être dans le milieu, je pense que pour ces mecs, les réseaux sociaux c’est un calvaire. Ils sont obligés d’y être et ils sont souvent obligés de confier leur com à d’autres car s’ils le font en direct, il n’y a plus rien de secret et ça devient insupportable. Surtout s’ils répondent à leurs followers.

Un avis justement sur la com de Thomas Meunier ?

Je pense que c’est vraiment lui derrière, car ça pue la vérité. J’ai bien aimé son post juste avant la fin du mercato, « Il reste 54 min… », moi ça m’a fait marrer. C’est propre, c’est juste et c’est pas grave. J’aimais bien quand il annonce aussi les recrues l’année dernière. Mais globalement ça reste assez lisse. Les brésiliens par contre, c’est un calvaire, tu vis avec eux, il ne faut pas les suivre sur Instagram. Tout est scénarisé, ça pue la télé réalité. Il n’y a aucune innocence. J’ai plus vu Thiago Silva et sa femme que mes parents ces derniers mois. Et j’adore mes parents…

Un joueur ou une joueuse à qui tu aimerais proposer tes services sur les réseaux sociaux ?

#Meufdefoot Emilie Ros VirageLes meufs j’aimerais bien car je trouve qu’elles manquent de résonance. Mais je pense qu’elles ont peur des réseaux sociaux car elles ont eu un gros coup de projecteur sur elles alors que jusqu’ici tout le monde leur foutait la paix. Elles mériteraient de faire beaucoup plus de choses, surtout sur le côté sportif. Si je pouvais je prendrais Ève Périsset, Kadidiatou Diani, Grace Geyoro et forcément Marie-Antoinette Katoto. Mais il faut que tes réseaux te ressemblent. Les féminines du PSG, c’est comme une plante que tu dois continuer d’arroser. Chez les mecs tu es obligé de couper les branches car ça dépasse et ça fout le bordel. Chez les filles, il y a encore des choses à faire. Et puis il y a aussi le fait que c’est un peu plus frais chez les filles. En même temps j’espère qu’elles vont perdre cette innocence, car ça voudra dire qu’elles sont passées dans une autre dimension.

Tu sens que la Coupe du Monde et les bons résultats des filles du PSG commencent à tirer dans ce sens ?

Oui, surtout quand tu vois le buzz que ça a fait la non-sélection de Katoto en Equipe de France. Ça prouve qu’on la considère. C’est con mais je trouve ça rassurant que tout le monde en ait parlé. Ensuite ce sont surtout les parents qui me font penser que ça prend de l’ampleur car ils parlent de leurs filles qui s’identifient aux joueuses du PSG. C’est la future génération dont on parle. En tout cas il y a eu une répercussion sur les joueuses de l’équipe de France mais je ne suis pas sûre que ça ait eu le même effet en D1 sur les clubs. Il y a une différence entre suivre les filles de l’équipe de France et les filles dans leur club. Charge aux médias maintenant de faire venir les gens dans les stades, en parlant du championnat, en donnant les résultats, en donnant les horaires. Il faut continuer à en parler et puis il va y avoir l’Euro ensuite. Mais c’est normal que la D1 n’ait pas fait un boum comme tout le monde l’attendait. C’est comme chez les mecs. Regarde le nombre de personnes qui suivent la Coupe du Monde ou l’Euro, ce ne sont pas les mêmes que tu retrouves dans les stades de L1 après.

Tu penses que le PSG n’a pas fait plus d’efforts pour ses féminines en com ?

Non. J’adore les équipes qui s’occupent des filles, car elles sont super dispos et tu peux faire plein de trucs avec elles. Mais la tête du panier du PSG, non. Jean-Michel Aulas joue certes avec son portefeuille, mais il a eu le mérite d’y aller. Il a mis une couille à gauche sur les hommes et une couille à droite sur les femmes ! Sportivement ça se ressent. Pour le coup l’OL a une meilleure visibilité. Et encore qui sait combien de Champions League elles ont gagné ? C’est quand même un exploit. 

Revenons aux hommes, as-tu des « chouchous » au PSG ?

J’aime bien avoir des chouchous loosers. J’aimais bien Lavezzi. J’étais au Parc quand il a mis son triplé (Ndlr : 25 avril 2015 face au Losc). J’ai beaucoup aimé Berchiche, et là maintenant c’est Choupo. Mais mon vrai choix de cœur c’est Cavani. J’adore ce joueur pour les valeurs qu’il véhicule dans le football. Pour moi il a toutes les valeurs du foot. L’amour du maillot, à mon sens, c’est à dire que c’est un parisien, il a la reconnaissance du club. Il est aussi un peu à part.

C’est quand même malin de sa part de soigner sa com avec les supporters ?

Oui, c’est malin mais c’est surtout intelligent. Quand tu évolues dans le foot il y a une forme d’intelligence à bien gérer sa com. Et tant mieux.

L’arrivée d’Icardi t’inquiète du coup ?

On ne va pas se mentir, on sait qu’il va pousser Edi sur le perron. Mais ils n’ont pas le même âge, le même mental, et on a aussi besoin de lui. J’adore Cavani, mais je ne veux pas qu’il reste à tout prix, au point où on le ferait passer pour une chèvre. On a laissé partir de chez nous des joueurs qui ont excellé ensuite ailleurs, comme Blaise Matuidi ou Lucas. Il y a un problème de fond à Paris là-dessus. Heureusement Leonardo est arrivé. Il a fait un mercato de folie. Mais il y a un karma sur ce club, ce n’est pas possible… Il y a une bête noire, je ne sais pas où elle est. Sur le sportif, on a un effectif qui est sur le toit du monde pourtant. En tout cas j’ai hâte de voir comment la mayonnaise va prendre cette année. Déjà récupérer la Coupe de la Ligue. On est Paris, c’est un problème qu’on ne l’ait pas gagnée l’année dernière…

Comment tu la sens cette saison, c’est la bonne pour la Champions League ?

Non, pas cette année. Je pars de mon expérience pro pour t’en parler. Quand tu construits un plan de transformation, tu as besoin de 3 ans. Tous les ans, on reconstruit au PSG sans se laisser du temps. La supportrice que je suis aimerait qu’on décroche tout mais objectivement je n’arrive pas à y croire. Si on y va cette année, c’est vraiment la chatte à Dédé ! S’il doit se passer quelque chose ce sera l’année prochaine. Mais je ne sais pas si on aura la patience, on a un passif trop lourd. Je suis bipolaire sur le sujet en fait. En tout cas, être supportrice du PSG, ça m’aide beaucoup dans ma vie sentimentale (rires).

#Meufdefoot Emilie Ros Virage

Parlons de l’émission Tribune PSG sur France Bleu. Ça a duré 2 ans ? Tu as aimé ?

J’ai surkiffé ma race. J’ai rencontré Bruno (Ndlr : Salomon, animateur de l’émission) lors d’une opération marketing Fifa. On a commencé à parler ballon. Il m’a proposé de venir dans son émission et je lui ai dit non car il y a des gens dont c’est le métier et qui en parlent mieux que moi. J’ai toujours eu un problème de légitimité… Il a insisté. Finalement je suis venue en invitée. J’ai trouvé ça magique. Je n’ai pas trop parlé, je les écoutais débattre surtout. Et je suis revenue. Bruno est tellement bienveillant, c’est un coach de vie, il m’a rassurée, en me disant qu’il ferait attention à ce que je dirai. Je l’ai averti sur le fait que j’avais un vrai travail dans la vie, que je ne devais pas me griller. Tu as toujours peur de raconter une saucisse, et tu fais quoi après… L’aventure a finalement duré une saison, j’ai surkiffé, et une autre saison car la radio est vraiment un monde incroyable. Bruno est incroyable, j’ai rencontré Rabé, Rabé putain ! Tu parles de foot avec Stéphane Bitton et les autres au Café, et là tu trouves que ta vie est géniale. Cette année Bruno est parti chez France Info. L’émission n’a pas été reconduite, mais remplacée par 100% PSG en quotidienne. Mais ce n’était plus mon aventure. Par contre France Bleu nous a proposé de revenir pour les soirées Ligue de Champions avec Rabé et Joss, et là ça me va, car c’est avec ma team, mes copains.

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Maud Bourgoin
Xavier Chevalier

Giscard, deuxième partie

Dernière partie de l’interview de GISCARD, fondateur des GAVROCHES
et personnage central des tribunes parisiennes. On évoque avec lui
sa passion toujours vivace pour le club de la capitale.
Un témoignage unique pour tous les supporters du
PSG.


Comment as-tu vécu la montée des extrémismes en tribune ?

Nous, on ne pouvait pas faire grand chose. Si les flics ne foutaient pas ces mecs dehors… On espérait que ça ne dégénère pas. Surtout que les gens sont influençables, ce sont des moutons. La meute, voilà c’est ça. Surtout que parfois tu voyais un mec foutre le bordel, se taper avec les flics, et 15 jours après tu le revoyais au Parc ! Les plus faibles qui voyaient ça, les ont suivis. C’est en partie pour ça qu’on n’a pas voulu que les Gavroches soit un groupe trop grand. Car on voulait connaitre tout le monde. Alors OK, parmi les Gavroches il y en a qu’il ne fallait pas venir chercher. Je me rappelle d’un déplacement à Lille dans le vieux stade. Les supporters des Dogues sont venus nous chercher à la fin de la première mi-temps. Ça a tapé et on ne s’attendait pas à ça. Puis ils sont retournés dans leur tribune. Au début de la deuxième mi-temps, on se retourne, et on voit que plein de mecs ont disparu. Ils étaient partis se venger dans la tribune des locaux ! Peur de rien !

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Giscard, de face, à Nancy – Janvier 85

L’arrivée de Canal+, ça a changé la donne ?

On a réagi un peu comme quand le Qatar est arrivé. Même si le Qatar c’est puissance 1000 par rapport à Canal. On était pas négatif mais on savait que ce ne serait plus un club familial. Il fallait de l’argent pour avoir des grands joueurs. C’était un cercle vicieux. Si tu n’as pas de grands joueurs tu n’as pas de résultat, et donc les autres grands joueurs ne viennent pas.

Tu as arrêté quand d’aller au stade ?

A partir de 2010. L’association des Gavroches a été dissoute en 2008 mais ça n’avait rien à voir avec la banderole de PSG-Lens. Philippe, le président de l’asso, avait décidé de la mettre en sommeil. Mais ça n’a ensuite jamais repris. J’ai perdu pas mal de gens de vue. C’est triste mais c’est comme ça. En tout cas en 2010, j’arrête et ça a été très dur. Je ne pouvais pas retourner au Parc sans mes potes. Je ne voulais pas boycotter comme ils l’ont fait. Pour moi il fallait continuer à y aller. Il fallait virer les mecs qui foutaient le bordel à Boulogne et à Auteuil. Mais ça ne s’est pas passé comme ça.  Du coup j’ai regardé les matchs chez moi. Même PSG-OM. Si on m’avait dit un jour que je regarderais ce match chez moi ! Même une jambe dans le plâtre, même dans le coma, j’y vais ! Du coup l’année d’après j’ai repris mon abonnement. C’était trop dur d’être à la maison, de ne plus aller au Parc. On a recréé un petit groupe avec une dizaine de vieux potes à Auteuil, hélas, mais c’était moins cher et il n’y avait plus d’ambiance à Boulogne.

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Parcage à Laval – Saison 85-86

Bon je me suis un peu pris la tête avec les nouveaux mecs en virage. Je suis placé au dessus de la porte dans les bleus. En plein virage. Au bout d’un moment t’as des mecs qui sont arrivés et qui ont commencé à s’étaler. Puis un type nous a gueulé dessus « Cassez-vous, on va mettre nos tambours ici ! ». Je lui ai dit « On part pas et puis de toute façon, que tes tambours soient ici ou au premier rang c’est pareil ! Et puis tu peux taper dessus tant que tu veux, j’en ai entendu pendant des années des tambours ! ». Il m’a traité de footix ! Je lui ai demandé son âge, il avait 16 ans ! Je lui ai dit « En 98 tu n’étais même pas né, alors toi tu es arrivé après les footix ! Et puis j’allais au Parc alors que tu n’étais même pas né. Tu ne serais peut-être même pas là si il n’y avait pas eu un kop à Boulogne avant. » Il m’a dit que je me la pétais… et qu’on allait prendre des coups lorsqu’il y aurait des buts ! Je lui ai répondu « Rigolo, quand il y avait des buts on faisait des pogos à Boulogne à chaque but ! Et si t’es pas content j’appelle la sécurité ! » J’ai appelé un vieux pote de la sécurité. Il est arrivé et il me dit « Giscard, qu’est-ce qu’il y a ? ». Je lui raconte l’histoire. Il regarde le gamin et lui dit « T’es qui toi ? Tu vois ce mec, on n’a pas la même couleur mais c’est mon frère ! C’est Giscard, ici c’est un dieu ce mec ! Il se met où il veut, quand il veut avec qui il veut. Personne ne le déloge. Si tu l’emmerdes encore une fois, je te vire du stade et tu en seras interdit pendant 5 ans ! OK ? ». Bon on a fini quand même plus tard par bouger tellement ils nous saoulaient. J’ai essayé de faire revenir tout le monde à Boulogne. On aurait pu se mettre devant sans être emmerdé par des drapeaux et des mecs qui font durer des chants des plombes. Mais il y a un des mecs du groupe qui était d’Auteuil et avec qui on fait tous les déplacements européens. Lui ne voulait pas bouger. Comme on est une famille, comme l’un des nôtres voulait rester à Auteuil, alors on a décidé de tous rester à Auteuil.

Donc aujourd’hui tu continues à aller au Parc et tu te fais tous les matchs de Coupe d’Europe ?

Oui, tous les matchs. On s’est organisé avec mes potes. On a ouvert un compte bancaire en commun avec une carte bleue. Avant le début de saison, on met tous entre 500€ et 1000€ dessus. Comme ça lorsqu’on part en déplacement dans un pays où il n’y a pas l’euro, on n’a pas besoin de titrer de l’argent, on paie avec cette carte. Dès le tirage au sort des matchs, on prend nos billets tout de suite pour payer moins cher. Celui qui est en charge des billets d’avion ou de train a les fonds pour payer tout de suite du coup. Après c’est toujours le même problème pour avoir les places de match. Y a pas un mec au club capable de te dire quand les places seront en vente. Faut être réactif. Des fois c’est vicieux, les places sont mises en vente lors de journées de  championnat au Parc. Ça m’est arrivé de m’arrêter en bagnole en plein Bois de Boulogne pour acheter mes places avec un téléphone, quitte à me faire arrêter par les flics ! J’ai un pote dont la femme reste à la maison pour les matchs et rafraîchit la page pour avoir les places dès qu’on reçoit l’alerte… En tout cas pour l’instant je suis rentré dans tous les stades !

Tu gardes cette flamme à chaque déplacement ?

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Déplacement à Metz – Saison 80-81

Ah ouais. On a toujours envie de tomber sur un club qu’on n’a pas fait. Et même si on doit retourner dans un stade qu’on a déjà fait, j’y vais. Sauf Barcelone. Tu payes 94 balles la place la moins chère, tu es tout en haut, et tu ne vois rien ! Depuis le fameux match, j’ai dit que je n’y retournerais plus… Enfin je dis ça…

Tu crois qu’un jour le PSG gagnera la Coupe d’Europe ?

Ouais. L’année où j’y croyais le plus c’était cette année. Après le match contre Liverpool à l’aller, ils ont commencé à tirer tous dans le même sens. Bon après il y a eu Neymar, pas de bol, deux années de suite. Bon en même temps Barcelone a mis 97 ans à remporter sa première Coupe d’Europe en 1992. J’espère voir ça de mon vivant. Comme disait l’autre « Maintenant on peut mourrir tranquille ».

Tu vis comment les années QSI toi qui a connu toutes les époques ?

Je suis toujours aussi passionné mais c’est vrai qu’avec le Qatar c’est plus l’argent que l’esprit qui prime. Maintenant, avec le retour de Léonardo, et je suis content qu’il revienne, tu sens qu’ils achètent plus des guerriers que des noms. Il faut des mecs qui mouillent le maillot. Quand je vois qu’à l’époque ils hésitaient à prendre Cavani. Alors la première année je me suis posé des questions sur lui, mais quand on voit ses stats aujourd’hui…

Il fait partie des joueurs que tu aimes le plus dans l’équipe actuelle ?

J’aime tous les joueurs, là dessus je ne changerai pas. Mais j’aime bien ce joueur-là. Car tu ne l’entends pas, il ne fait pas la bringue comme les autres. Sur le terrain il est irréprochable. Il en rate aussi mais tous les joueurs font des boulettes. Regarde Mbappe, contre Manchester,  s’il la met au fond… On est qualifié. Cavani sur les corners, il vient au deuxième poteau pour défendre, pas Mbappe. C’est des joueurs comme ça qu’il nous faut. J’aime bien Verratti aussi, malgré son hygiène de vie. Sa façon de casser les lignes, il fait peur. Mon plus grand regret c’est aussi le départ de Blaise, surtout pour laisser de la place à Rabiot. Tu pouvais pas laisser partir un mec comme ça. Et puis sa joie de vivre… Dans le vestiaire quand il disait un truc, il était écouté.

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Turin 1989

Tu dis que tu aimes tous les joueurs mais il n’y en pas quelques-uns en particulier ?

C’est l’équipe avant tout. Les joueurs sont de passage. Mais bon Raí et Valdo… Ma femme adorait Valdo. Quand on voit un mec comme Paredes jouer aujourd’hui, tout le monde dit « Il faut le vendre ». Mais ce qu’ils oublient c’est qu’il est arrivé avec une préparation tronquée. Il faut lui laisser une chance supplémentaire. Comme Raí. Tout le monde voulait le virer quand il est arrivé. Et puis au final, on a tous pleuré quand il est parti. J’y étais ce soir-là. J’ai chialé comme un gamin. Quand je revois les images aujourd’hui, j’ai encore les frissons. Sušić aussi, mais bon lui, il choisissait ses matchs. Quand c’était télévisé, et puis si on lui mettait la balle un mètre devant, il n’y allait pas, mais c’était un monsieur. Ronnie et Pauleta aussi. C’est dommage qu’on ait pas eu les deux en même temps.

Toi qui a tout connu en tribune à Paris, comment vois-tu le mouvement ultra évoluer ?

J’avoue qu’aujourd’hui je m’en fous un peu, mais ça me ferait chier qu’il n’y ait plus d’ambiance en tribune. Quand je vois ce que sont devenus les stades en Angleterre. Quand on allait voir Chelsea, même quand ils perdaient 3-0, tout le stade chantait. Maintenant ils sont assis, ça fait peur. Quand je me suis déplacé à Stamford Bridge lors des derniers matchs de Paris là-bas, ils ont voulu me faire faire assoir ! Ils ont même appelé les stewarts. Mais à chaque action on se levait, on était tellement pénibles qu’ils ont laissé par nous laisser faire…

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De père en fils et en fille (c) Collection personnelle

Tu as transmis ce virus PSG à ta famille ?

Non. J’aurais bien voulu qu’au moins un de mes trois enfants suivent. Le grand n’est pas sport du tout. Il est timide et réservé. La foule, ça le saoule. Quand je l’ai emmené dans le kop, il se planquait derrière moi quand je disais bonjour à tout le monde. Dès que le match se calmait il me demandait si on pouvait partir. Pareil à la mi-temps… À la fin du match il m’a dit qu’il ne voulait plus revenir. Je l’ai rassuré là-dessus. Le plus jeune, il accrochait un peu plus. Mais sans plus. Il avait même réussi à récupérer un ballon qui était arrivé dans la tribune à l’entrainement à Auxerre. Scooter (Ndlr : ancien du KOB) avait réussi à lui faire dédicacer par tous les joueurs car il bossait pour le PSG, d’ailleurs il y bosse toujours, au Parc je crois. Ça me fait penser à Didine, qui fait partie des « tontons » au PSG aujourd’hui. Il ramassait les ballons au Camp des Loges à l’époque. Et dire que ça aurait pu être moi. Un jour quelqu’un lui a demandé si il voulait venir bosser et puis de fil en aiguille…

Tu aurais aimé bosser pour le club.

Ah ouais. J’aurais tout vécu de l’intérieur. Les trucs que les gens peuvent pas voir. Tu peux côtoyer les joueurs de près, sans taper forcément la discute avec eux, mais au moins tu peux faire tous les déplacements !

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Scooter à gauche de Giscard – Challenge Tourtel (c) Collection personnelle

Tu en penses quoi du maillot cette année ?

Je m’en fous. Tout le monde gueule mais si on gagne la Champions League avec, t’inquiète, ils iront tous l’acheter. On peut avoir le plus beau maillot du monde et se faire sortir comme des merdes. De toute façon je les achète tous. Les 3, domicile, extérieur et third. J’attends les soldes. Je les garde tous. Pour certains maillots floqués, c’était pas cher de les avoir, comme Fiorèse ! A l’époque même à 5 balles il partait pas ! Mais bon, le pire niveau coup de putes, c’était Dehu. Je savais qu’il allait partir bien avant tout le monde. Dans le club de foot où je jouais en vétéran, il y avait un père de famille qui entrainait une équipe de gamins dont celui de Dehu. Il avait dit au gamin en février que l’année suivante, il changerait de catégorie mais qu’il l’aurait toujours comme entraineur. Le gamin lui avait dit « Mais je ne serai pas là l’année prochaine, mon père il déménage… il va à Marseille ». Ah ah ah. Moi ce que je lui reproche c’est d’avoir ouvert sa gueule avant la finale de coupe (Ndlr : 29 mai 2004 – PSG vs Châteauroux / 1-0). Il y a eu des fuites. Il aurait du faire un démenti, comme ça il n’aurait pas été sifflé au Stade de France. Et il serait parti en fin de saison tranquillement. En plus cette année-là, j’ai un pote qui bossait à la mairie de Paris et qui a réussi à m’avoir des places pour le diner d’après match avec les joueurs. Dehu tirait une de ses gueules. Il est même parti avant. Il a gâché la fête parce qu’il s’était fait siffler. Trop con, il aurait du faire un démenti. « Avec tout ce que j’ai donné… ». Mais on s’en fout de ce que tu as donné, c’est ce que tu laisses à la fin qui compte.

Pour visionner la vidéo de PSG vs Châteauroux, cliquez ICI
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« On a Paris dans la peau » (c) Virage

Xavier Chevalier

Giscard, 1ère partie

Abonné depuis 1977 au Parc, fondateur des GAVROCHES, un surnom présidentiel
et une passion indélébile, tatouée jusque dans sa chair,
GISCARD n’a plus rien à prouver. Il respire, il vit, il incarne le PSG à lui tout seul.
On a rencontré cette grande figure des Virages parisiens.
Quand l’histoire devient légende.


Comment commence ta passion pour le PSG ?

Au début ce n’était pas une passion pour le PSG. J’ai joué au football quand j’étais gamin, mais le PSG n’existait pas. Je suis né en 1962. A 6 ans mon père m’a inscrit au Red Star car il allait voir des matchs là-bas. J’ai même été une fois ramasseur de balle au Stade Bauer. Je m’en rappelle comme si c’était hier. Ça devait être vers 1968-1969.

Tu étais du nord de Paris ?

J’habitais pas loin de Porte de Clignancourt, Paris 18ème. Puis un jour, mon père a été invité en porte I rouge au Parc, une fois le PSG en 1ère division. Ça devait être vers 1974. C’était super bien placé, proche du terrain. Je l’ai accompagné. On voyait très bien le match, et j’ai vu des mecs à Boulogne, pas nombreux mais qui chantaient avec 3-4 drapeaux. Il y avait peu de monde au Parc à l’époque, max 15000, sauf quand Saint-Etienne ou Nantes venaient car le titre se jouait toujours entre ces deux-là. Bref je vois ces mecs et ça m’a attiré. Je me suis dit que la prochaine fois que je retournerai au Parc, j’essaierai d’aller là-bas.

C’était facile d’avoir des places ?

Tu pouvais aller rue Bergère (Ndlr : Où étaient situés les bureaux de Francis Borelli) mais je ne connaissais pas trop où c’était. Ils vendaient aussi des places dans les cafés. Mon père allait justement dans un café du 18ème où ils en vendaient. Il m’a donc réservé des places à Boulogne pour ce match. Puis je me suis abonné en 1977. Déjà… J’ai 16 ans.

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Giscard (en vert) sur le Ferry (c) Collection personnelle

Pourquoi t’abonner ?

Car l’ambiance m’avait plu, même si il n’y avait que deux chants « Allez Paris… », et car j’étais un gros fan de football anglais. Des potes me filaient des cassettes vidéos des matchs en Angleterre. On profitait même de Noël pour aller voir des matchs à Londres. On prenait les Eurolines et on logeait chez des amis là-bas. On allait voir Chelsea car c’était le seul stade où on pouvait avoir des places. Arsenal c’était toujours complet… On allait à la boutique de l’ancien Stamford Bridge et on trouvait toujours des places. Et aussi ces fameuses VHS avec les matchs. Bref ça chantait et je me disais que ça ne tiendrait jamais pareil au Parc.

A Paris, ça bougeait quand il y avait de belles actions mais dès que le match s’enterrait, c’était mort, c’était comme ça en France. En tout cas ça me motivait. J’habitais à côté du marché Saint-Pierre vers Montmartre. J’ai acheté des tissus et des manches à balais. Une amie à mes parents étaient couturière. Elle m’a confectionné des drapeaux bleu-blanc-rouge-blanc-bleu. Je suis allé au stade avec, on ne te fouillait pas à l’époque. A tel point qu’une fois je suis même rentré avec une batterie et des klaxons de bagnole pour les mettre sur le tableau d’affichage et faire du bruit. Personne ne t’emmerdait ! Bref je venais avec mes 3-4 drapeaux, j’en gardais un à la fin du match et je confiais les autres à des mecs autour, et je leur disais « Tu reviens au prochain match ? Si oui, tu ramènes le drapeau ! ». Au fur et à mesure, les mecs se prenaient au jeu et ça finissait par faire pas mal de drapeaux.

J’ai essayé alors de ramener des chants d’Angleterre. Certains étaient trop compliqués pour nous, mais on a lancé celui avec les lettres, P.A.R.I.S, il faisait ça aussi à Chelsea. Ce n’était pas facile de lancer des chants, les gens se foutaient de ta gueule. Heureusement j’avais une grande gueule et les mecs autour de moi me suivaient. Surtout qu’on avait pas de méga. On faisait tout à la voix. Bref ça prenait, en plus des drapeaux et des cornes de brume qu’on achetait un peu partout.

Il n’y a alors encore aucune association organisée ou groupe à Boulogne ?

Non rien. Il y avait les punks qui venaient mater les matchs avec nous, avec leur colle à rustine. Ils n’étaient pas méchants mais ça te prenait la tête cette odeur de colle. En tout cas il n’y avait aucune structure, aucun rapport avec le club. C’est à partir de 1978 qu’il y a eu la création du Kop de Boulogne. On s’est inspiré du Kop à Liverpool pour le nom. C’est venu de là. Avec des potes on se retrouvait rue Marbeuf après les matchs, on mangeait une pizza, on refaisait le monde, mais il n’y avait pas d’association encore.

As-tu participé à la création des Boulogne Boys en 1985 ?

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Giscard avec le masque d’époque (c) Virage

Celui qui a créé les Boys c’est Franck Delobel, que je connaissais déjà depuis 2-3 ans. Je faisais alors partie des figures de la tribune. J’avais déjà mon surnom de Giscard. Ça vient d’avant 1981 quand Giscard était Président de la République, avant qu’on fasse le KOB. Le Président de la République remettait la Coupe de France au Capitaine vainqueur. J’avais acheté un masque de lui à la Samaritaine. Et comme je travaillais dans la tôlerie, j’avais confectionné une coupe en alluminium avec les rubans et les auto-collants PSG. A chaque match de Coupe je venais avec. Je transpirais vachement sous mon masque donc au bout d’un moment je l’enlevais pour respirer. Les mecs autour de moi, quand il voyait mon visage, se disaient « Comment il s’appelle déjà lui  ? Hé Giscard !!! ». Le surnom est venu comme ça. Bref Delobel, a voulu monter les Boys. Il avait plus la culture italienne, les tifos. Moi c’était l’Angleterre. A nous deux ça aurait pu faire un truc super fort. Mais le problème c’est que les anciens de tribune ne connaissaient pas Franck et n’avaient pas trop confiance en lui. Ils trouvaient que Boulogne Boys ça faisait trop anglais, pas assez parisien. Et là j’ai proposé de monter un groupe avec un nom bien parisien. Là, ils étaient OK. Ça s’est fait 2-3 mois après la création des Boys. On a monté les Gavroches de Paris. Tu ne pouvais pas faire plus parisien comme nom.

Tu avais des joueurs que tu suivais plus que d’autres au PSG ?

Doumé Baratelli ! Puis Pilorget. Et puis plus tard Luis. Mais Baratelli c’est en grande partie grâce à lui qu’on gagne notre premier trophée en 1982. Il a fait des séries d’arrêts importants en Coupe de France.

Tu y étais à la finale en 1982 contre Saint-Etienne ?

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Défilé sur les Champs (c) Collection personnelle

Oui, pfff… J’en rêvais de ce titre depuis que j’étais abonné. J’avais deux rêves. Gagner un titre et jouer au moins un match de Coupe d’Europe ! Juste un ! Tu vois… Le fait de gagner la finale te permettait en plus de participer à la Coupe d’Europe ! C’était coup double. Bref la veille de la finale je n’ai pas dormi. J’étais avec des potes. Je voulais arriver tôt à la finale. J’ai pas trop picolé, parce que je n’ai jamais été trop alcool. Le matin on avait fait un petit foot à Bagatelle, le midi on a mangé dans un restau près du Parc. On était là 5 heures avant le début du match, devant les portes en attendant que ça ouvre. Du jamais vu ! Sauf que pour la finale ils avaient décidé de mettre les parisiens côté Auteuil, pour nous montrer qu’on était pas chez nous ! À l’époque, à Auteuil ils n’y avait personne. Les stéphanois étaient à Boulogne. Ça nous faisait un peu chier quand même. Bref tout Auteuil s’est rempli en à peine une demi-heure. On était tous là ! Je me suis dit que ça commençait à bouger à Paris, car toute la tribune était pro PSG. Mais il fallait gagner car si Saint-Etienne menait durant le match, le public se serait retourner. Saint-Etienne, c’était des dieux à l’époque. Paris était le petit Poucet, personne ne nous voyait gagner contre le grand Saint-Etienne. Les verts ont mené longtemps au score. Il n’y avait pas de tableau d’affichage avec le temps, donc à la fin du match, tout le stade chantait « On a gagné, on a gagné » ! ». Ce n’était pas possible. On avait les boules. Il y avait des mecs derrière moi qui disaient « De toute façon Platini ne fera pas le tour du Parc avec la Coupe, sinon on descend sur le terrain ! Il ne fera pas chez nous ! ». Et puis égalisation à la dernière seconde, séance des penalties, envahissement de terrain…

Tu as fait partie de ceux qui ont été sur la pelouse ?

Oui, j’avais un grand drapeau avec moi. J’avais trouvé un nouveau système pour le tenir. J’avais acheté des cannes à pêche télescopiques et je prenais du tissu léger comme de la voile de bateau. Il était donc facile à replier et à ranger. Je suis donc sur la pelouse avec ce drapeau, je n’avais plus de voix… Avec tout le stade qui chantait « Les flics au boulot, les flics au boulot ! ». Je ne sais pas si on peut retrouver des images de ça. Car à l’époque les cassettes VHS ne duraient pas assez longtemps, pas plus de deux heures. Du coup il y a peu de gens qui ont enregistré le match en entier ! C’est collector, à part l’INA je ne vois pas qui a ce match en intégralité… Donc après le match, on va sur les Champs, on défile en allé retour, on a fait un foot sous l’Arc de Triomphe. J’avais prévenu mes parents que si on gagnait, il ne fallait pas m’attendre. On avait pas de portable et si tu trouvais une cabine téléphonique, il y avait 15 mecs devant. Bref je leur avais dit de m’attendre pour midi. Ma mère s’inquiétait pour moi, mon père non. Je suis arrivé pile à midi pour Téléfoot avec Pierre Cangioni.

Revenons sur la création des Gavroches, tu fais ça donc en 1985 avec qui ?

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Giscard (à droite avec le chapeau) escorte le Président Borelli entouré de Doumé Baretelli et Georges Peyroche sur les Champs en 1982 (c) Collection personnelle

Avec Florian. Il a été Président. Puis j’ai pris le relais quelques temps après. C’était du taf. On voulait avoir un vrai rapport avec le club et le Président Borelli. Ce n’était pas comme maintenant où il y a beaucoup de barrières à passer. Borelli, on demandait à le voir auprès de sa secrétaire et elle nous disait quand il était disponible. On le voyait à son bureau au Parc. On lui expliquait ce qu’on voulait faire. Borelli était prêt à nous aider, à nous financer, mais il fallait des associations, il ne pouvait pas donner de l’argent comme ça. On lui a demandé de faire de grands drapeaux dont celui « Notre histoire deviendra légende » , à avoir des mégaphones, pour pouvoir lancer les chants mais surtout pour expliquer aux gens comment allaient se passer les animations, à ne pas craquer des fumis pendant le dépliage des drapeaux etc… A cette époque la tribune haute de Boulogne était découpée en trois groupes : à gauche les Boys, au milieu nous, et à droite les Firebirds. On lançait les chants, Flo ou moi, ou c’était les Boys. Tout le monde suivait. Puis ensuite chacun a lancé ses chants.

Quel était l’état d’esprit chez les Gavroches ?

On ne voulait pas faire un tribune entière Gavroches. L’idée était qu’on devait tous se connaitre. On ne voulait pas être plus de 200. On se connaissait tellement bien qu’on faisait les mariages de certains, les baptêmes… On venait avec des fumis ou des banderoles dans les Eglises. Lors du mariage de Philippe, un des anciens présidents, on est venu sans le prévenir avec la banderole Gavroches, accompagnée de fumis. Ça a fait une de ses fumées lors de la haie d’honneur, ça rentrait dans l’église, le curé gueulait ! Pareil, si un mec était dans la galère on l’aidait. C’était soudé, c’était la famille.

Vous vous considériez comme des Ultras ?

Non, car c’était plus un concept italien. Nous c’était anglais.

Vous aviez donc de bonnes relations entre les groupes et avec le Président ?

Oui, Borelli était très à l’écoute. Il nous devançait même parfois quand il y avait eu des bagarres ou des problèmes en tribune. Il nous contactait directement. Il nous invitait à venir déjeuner dans un restaurant près du Parc. Un truc de fruits de mer. Il nous disait « Alors mes enfants – il nous appelait comme ça – ce qui s’est passé au Parc ça ne donne pas une bonne image du club, il faut arrêter tout de suite, je ne veux pas de ça. Si vous avez un problème vous venez me voir, ou si vous avez besoin de tifos, on vous aidera si on peut le faire ! ».

C’était un homme de parole ?

Ah ouais. C’était un vrai pied noir. S’il te tapait dans la main, c’est juré, tu pouvais être sur qu’il allait le faire. Même si le club n’avait pas les moyens de nous aider, il payait de sa poche. J’ai appris même plus tard que lorsque les joueurs étaient hospitalisés, il envoyait des fleurs ou les faisait apporter à l’anniversaire de chaque femme de joueur, il faisait même livrer des fleurs à leur maison… C’était comme ça, pour lui c’était sa famille, son club. Pareil pour le sportif. Il allait voir ses défenseurs, leur demandait quel attaquant leur posait le plus de problème et il essayait de l’embaucher. Il était malin. Très malin.

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Le 11 titulaire de Boulogne (Giscard, en bas, 2ème en partant de la droite) lors du Challenge Tourtel (c) Collection personnelle

Tu faisais aussi les déplacements un fois l’association montée ?

Oui, c’était plus facile pour affréter nos propres cars. On allait voir les compagnies et on les rassurait sur le fait que ça se passerait bien avec les gars. Ensuite il fallait négocier avec les clubs adverses pour avoir nos places en tribune, sauf qu’à l’époque tu n’avais pas de parcage visiteurs. On se retrouvait souvent avec les supporters adverses, mais ça se passait bien en général. Donc à chaque début de championnat je regardais le calendrier et je commençais à me renseigner sur les prix de location pour proposer un tarif global aux membres du groupe. Les gars avaient mon téléphone fixe, car pas de portable évidemment. Ça arrivait que je reçoive des coups de téléphone la veille du match à 2 heures du mat pour savoir si il restait des places dans le bus ! Je faisais tout… Et comme tout le monde me connaissait… En plus des bus, il fallait prévoir les boissons et les casse-dalles. J’amenais tout au bus avec ma bagnole qui tapait le cul par terre tellement elle était chargée ! On vendait tout ça mais il n’y avait pas de bénéfice. Tout l’argent récolté servait pour le déplacement d’après ou pour faire des écharpes qu’on donnait à tout le monde. Comme ça tout le monde était heureux. Mais c’était du boulot !

Il y a des déplacements que tu affectionnais plus que d’autres ?

Auxerre c’était bien car ce n’était pas loin. Et puis les mecs étaient dégoutés quand on arrivait dans leur ville. Ils avaient le droit à leur « Paysans, paysans, paysans »

Mais je n’avais pas de préférence. J’aimais faire les déplacements car on ne savait jamais ce qu’il allait de passer. On venait déjà pour voir notre club gagner, pour l’ambiance qu’il y avait dans un car. Alors si tu perdais, ce n’était pas ça, tu préférais dormir… Mais je me rappelle d’un match à Turin (Ndlr : 1er novembre 1989), en coupe d’Europe au Studio Communal. La police italienne nous avait dit en arrivant à Turin de ne rien mettre autour du bus qui puisse ressembler à quelque-chose de parisien. Au match allé le car de la Juve s’était fait fusillé car il était passé près de Boulogne. Les joueurs avaient été à plat ventre dans le car… La presse italienne en avait parlé. Donc les italiens voulaient se venger. A l’arrivée à la gare, la police ne trouve rien de plus intelligent que de mettre 3 cars de police devant notre bus et 3 derrière ! Toutes sirènes dehors. On est arrivé dans le stade, on sort et on s’installe avec nos écharpes en chantant. Et là tout le stade se lève et ils brandissent leurs écharpes. Bon OK…

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Giscard au 1er rang avec le chapeau dans le KOB (c) Collection personnelle
Cliquez ICI pour visionner le match Juventus vs PSG de 1989

Le match se finit, (Ndlr : 2-1) on y a cru, on ne passe pas (Ndlr 0-1 à l’aller), on retourne vers notre bus qui était entouré de bagnoles de flics pour nous protéger. On nous a dit que ça craignait dehors. On les entendait crier « Juvé, Juvé !!! ». Mais il y avait des travaux dans le stade et le chauffeur du bus a niqué le carter d’huile en sortant du bus. Ça fuyait. On ne pouvait plus partir. Ils ont appelé l’ambassade de France pour trouver des solutions. Ils ont affrété un autre bus mais les flics s’étaient barrés car on est resté près de 3 heures à poireauter. Ils nous ont même mis sur la pelouse en attendant. On s’est fait un petit foot… On a même enlevé une banderole qu’on n’aimait pas où il était inscrit « Juventus Club Paris », on savait que c’était des mecs qui venaient comme nous de Paris, pour supporter la Juve.  Ils l’avaient laissé dans le stade… Quand on est reparti, finalement les supporters de la Juve étaient partis. Mais on a vu des barres de fer, des pavés, des bouteilles, il y en avait partout ! Tout ça c’était pour nous ! Putain. Heureusement qu’il y a eu ce carter d’huile sinon je ne sais pas si je serais encore là aujourd’hui. Ça faisait flipper. On était que 50.

Je me souviens aussi d’un autre déplacement à Derry (Ndlr : 14 septembre 2006). Pareil, le bus s’arrête dans la ville et les flics nous disent de pas trop trainer. On devait aller du centre-ville au stade à pied. Et s’arrêter dans un pub près du stade pour boire un coup. Sur tout le trajet, les mecs nous arrêtaient et nous tirer par le bras pour nous payer un verre dans leur salon ! Chez eux, dans le canapé ! Ils nous servaient des bières ! Parfois on tombait sur d’autres parisiens qui étaient déjà là dans le salon ! Quand on est arrivé au pub on était déjà bien chauds. Et dans le pub, il y avait plein de mecs de Derry. Un coup, ils lançaient leurs chants, un coup c’était nous, on est resté là jusqu’à une demi heure du coup d’envoi. On pensait les éclater mais on a fait un match nul de merde. Mais l’ambiance était tellement géniale dans ce stade… Il y avait un grand cimetière sur une butte en face du stade. Les gens étaient rentrés dans le cimetière en masse pour regarder le match. Ils avaient fait monter des gamins sur des bus impériaux pour qu’ils puissent aussi voir le match. Paris, c’était gros pour eux. Après le match on a proposé à 3-4 mecs de Derry de prendre leur téléphone et leur adresse au match retour. Ils savaient que ce serait peut être la seule fois de leur vie où ils iraient à Paris. J’ai pris 2 jours pour leur faire la visite de la capitale à leur arrivée. On était une quinzaine. On a été à Pigalle, la Tour Eiffel, les petits bistrots sympas du 18ème que je connaissais. J’ai jamais re-vécu ça, à part à Glasgow pour le match contre le Celtic il y a 2 ans.

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Souvenir de Derry (c) Collection personnelle

Je m’attendais à quelque-chose de fort. Ça a été même plus fort qu’à Liverpool l’année dernière, que j’ai trouvé un peu fade. A l’entrée des joueurs on a lancé « Oh ville lumière » mais ils ont aussi leur « You’ll never walk alone ». Tout le stade s’est mis à le chanter avec les écharpes. Sans se parler, on s’est tous regardés, et on s’est tous tus par respect en gardant nos écharpes brandies. Tout le stade, des populaires aux loges, était couvert d’écharpes du Celtic. On ne voyait même pas la tête des gens. Ça m’a fait un coup ! J’ai failli en pleurer. On était pas loin d’un passage pour la circulation des handicapés ou pour l’évacuation des blessés. J’ai vu passer un gamin handicapés avec son père. Je l’ai appelé pour lui donner un pins du PSG. J’en ai toujours sur moi en Coupe d’Europe. Le père me remercie. A la mi-temps il reviennent et ils me donnent un drapeau du Celtic. J’avais l’air con avec mon pins alors je lui ai filé mon écharpe et je lui ai mise autour du cou. Le mec à la fin du match, m’a encore remercié. Des vieux nous disaient « ça fait 25 ans qu’on s’est pas fait balader comme ça chez nous par une autre équipe. Même pas le Barça. Et vous avez des supporters en or. Vous avez respecté notre chant. Tous les supporters adverses ne font pas ça. ». Quand ils ont fini le « You’ll never walk alone » au début match, ils se sont retournés vers nous en chantant « Paris, Paris ! »… On avait presque les boules pour eux, ce public méritait d’aller plus loin dans la compétition.


Xavier Chevalier

Bouquin, dernière partie

Entre pyrotechnie et déplacements houleux, prise de micro, puis interdiction de stade, la vie de BOUQUIN fut bien remplie au sein KOP OF BOULOGNE et des RANGERS.
Et puis arriva 2010 et le plan Leproux. La fin d’une époque, la fin d’un cycle, la fin d’une histoire, la fin d’une vie en somme. Troisième et dernière partie de son interview.

Pourquoi as-tu arrêté en 1996 ? Es-tu revenu au stade après ?

En 1996 j’arrête car je suis interdit de stade, à cause de fumigènes. Après mon IDS, je ne suis pas revenu tout de suite, la faute à de problèmes auditifs. Et au niveau personnel je n’étais pas dans une bonne période de ma vie. Le procès pour les fumigènes a duré une éternité. J’étais Président des Rangers et comme celui des Boys et des Générations Parisiennes, nos têtes avaient été coupées. Il s’agissait d’un PSG vs Metz. Le match par excellence du craquage. Il a toujours coïncidé avec de superbes incendies. C’est le terme qu’on utilisait pour un craquage massif. Ça s’est un peu perdu comme expression depuis. Celui-là, c’était peut être l’incendie de trop.

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Paris en déplacement (c) Collection personnelle

Comment les Boys ont perçu votre départ pour créer les Rangers ?

Relativement bien. Tout simplement parce que les Boys ont changé entre temps aussi. C’était la fin d’une génération. Entre ceux qui étaient déjà partis du côté d’Auteuil, pour fonder les Irréductibles Gaulois et ceux qui, comme moi, ont quitté le groupe pour en créer un autre à Boulogne, ils avaient perdu beaucoup d’unités mais de nouvelles têtes sont arrivées pour nous remplacer. Les deux moteurs de la tribune se devaient de s’entendre.

N’as tu pas eu peur de casser cela en créant les Rangers ?

Non, même si il y a toujours un risque. On a su garder de bons contacts et une bonne entente avec ceux qui étaient en place. En l’occurrence le président des Boys de l’époque c’était Rouquemoute, avec qui je m’entendais très bien. On a toujours été plus ou moins sur la même longueur d’onde pour que la tribune Boulogne soit au top, notamment par rapport à Auteuil qui montait. On devait relever ce challenge ensemble, donc on était obligé de garder une bonne coordination avec les Boys. On faisait les déplacements ensemble. Tu ne peux pas faire des déplacements avec d’autres ultras si tu ne les aimes pas. Et les exemples de lutte fratricide au sein d’une même tribune en France sont nombreux (Saint-Etienne, Marseille…). Quand on faisait un tifo commun, on se réunissait pour le préparer. Ce n’était pas juste les Boys qui décidaient. On donnait notre avis aussi.

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La bâche Rangers (c) Collection personnelle

Sur la bâche Rangers, ce qui est rare chez les ultras, il n’y avait pas d’emblème et de logo, pourquoi ?

La bâche Rangers, je l’ai faite avec l’aide de mon meilleur pote, la partie couture étant assurée par ma mère ! Au niveau de la couture je suis un peu nul et même si les Boys avaient tout ce qu’il fallait à leur local, je n’allais pas faire faire notre bâche Rangers par les Boys. Donc on s’est démerdé pour la faire avec nos propres moyens, et à l’époque on n’avait pas de moyen financier. je suis allé acheter le tissu au marché Saint-Pierre, on l’a coupé, j’ai fait le lettrage, et pour tout ce qui était couture, j’ai fait bosser ma mère.

Vous ne vous êtes pas dit qu’il vous fallait un emblème ?

Si, l’emblème on l’avait. On en avait même plusieurs si tu regardes toutes nos écharpes. Les emblèmes, il y en avait au moins trois. A la base, le premier, c’est l’emblème des Rangers Milano; un chat qui tirait la langue manière Rolling Stones, avec un flingue et une étoile de shérif. On l’a simplifié en enlevant le flingue et l’étoile. Le problème est que pour le réaliser à l’époque sur la bâche, j’ai calculé trop court au niveau du tissu. Je l’ai fait longtemps après, séparément. Il fallait raccorder les deux bâches, ce n’était pas très joli. Puis on a refait des bâches en PVC. On repérait des bâches de mairie principalement, qui faisaient de la pub pour un événement. La nuit on allait les récupérer, on les retournait et on y allait à la peinture ! « Rangers Paris », ou « Rangers » tout court. Il y en a deux ou trois où on a fait le logo. Quand j’ai arrêté, le chat est plus ou moins passé en retrait au profit du bouledogue, celui du Kop.

Du coup en tribune vous êtes situés entre les Gavroches et les indépendants. Comment ça se passait la cohabitation ?

Très bien avec les Gavroches, c’était plus un groupe de potes avec des figures de la tribune (Giscard, Scooter et Filtoche). Ils n’étaient pas vraiment dans le délire ultra, drapeaux, torches et tifos mais on pouvait compter sur eux pour aider quand il y avait une chorégraphie dans le bloc. Il y avait quand même quelques spécialistes du chlorate chez eux. Le chlorate, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un savant mélange de chlorate de sodium et de sucre au 2/3 – 1/3. On amenait ça séparément dans des petits sacs en plastique. On faisait le mélange en tribune. Une partie des gars se mettaient devant le tas pour le cacher puis quelqu’un jetait sa clope dedans. Il fallait vite s’écarter car la combustion instantanée donnait de grosses fumées et une chaleur intense ! Ça mettait littéralement le feu en tribune. C’est arrivé plusieurs fois, notamment à Auxerre où je vois encore Guy Roux devant le parcage avec son seau d’eau !!! A l’époque les tribunes d’Auxerre étaient encore partiellement en bois, comme dans le vieux stade de Caen par exemple. Si tu allumais du chlorate, forcément ça brûlait… Nous on en avait rien à péter, pour nous c’était drôle et presque sans risque.

La philosophie des Rangers c’était quoi ?

Une philosophie, hum, c’est un grand mot ! Je dirais plutôt une folie organisée. Basée au début sur le modèle italien avec ses chants, ses tifos et beaucoup de pyro. Mais c’est avant tout une bande de potes qui ne se prenaient pas trop au sérieux mais qui savaient s’investir pour Boulogne.

Tu faisais partie de ces mecs qui ne voyaient rien du match en étant capo ?

Je ne voyais pas les matchs en entier et c’est vrai que j’ai raté quelques buts. Mais en retour j’avais une façon différente de vivre le match. Je le vivais au travers les yeux des autres et voir les explosions de joie quand on marquait, avec les mouvements de foule qui vont avec, c’était jouissif. Et puis je m’adaptais en fonction du contexte de chaque match. C’est un peu le reproche que je ferais aux groupes d’aujourd’hui. Ils ne s’intéressent pas assez au match, ils restent sur leur chant quoiqu’il arrive. Moi, je m’adaptais. Si il y avait un corner j’arrêtais le chant en cours pour en lancer un autre plus spécifique à la situation du match, un chant court et plus puissant.

Par exemple, lors du PSG vs Real de 1993, tu as vu la tête de Kombouaré ?

Oui. J’étais posé sur le panneau d’affichage de l’époque, celui en triangle, avec mon méga. J’ai regardé le coup franc. J’étais de dos par rapport au tireur mais j’ai vu la tête de Kombouaré et le ballon rentrer dans le but. Et là je ne savais plus où j’étais… Sur ce but, il s’est passé quelques-chose que je n’ai jamais revécu de toute ma vie. Ça a été bref mais tellement puissant. Tout le stade s’est levé, a hurlé comme un seul homme. Il y a eu une vibration qui passait de tribune en tribune, un vague gigantesque qui a submergé le Parc tout entier, comme si le béton était vivant. Moi qui était sur le tableau d’affichage, j’ai eu la chaire de poule. C’est un sentiment indescriptible. Ce n’est pas toi qui tremble mais le stade. De toute façon c’est le plus grand match du PSG en Coupe d’Europe.

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Bouquin, micro à la main, dos au match (c) Collection personnelle

Il y a un match qui t’a marqué au Parc, hors-mis ce PSG vs Real ?

Ça va vous paraitre bizarre mais c’est un match face à Saint-Etienne, l’année où on joue le maintien (Ndlr : 10 mai 2008). Ce match m’a marqué car, en dehors du fait que c’était les adieux de Pedro Miguel Pauleta, c’est la seule fois où j’ai vu tout Boulogne à l’unisson. Toutes les mains se levaient, même en rouge. Tous les chants partaient, les tendus d’écharpes étaient juste magnifiques, c’était impressionnant. On jouait tous notre vie sur ce match-là. Ça va de paire avec le match à Sochaux. C’est un seul et même match pour moi. La mobilisation était extraordinaire même si on était persuadé qu’on n’allait pas descendre. Il y avait beaucoup d’anciens du KOB, comme Fabian par exemple, qui n’étaient plus venus depuis longtemps et qui s’étaient donnés RDV à Bonal. Sochaux, c’est tout petit. Dans le centre-ville tu as 3 bars. On était dans les 3 et je passais de l’un à l’autre, pour saluer tout le monde. C’était génial. Sans hésiter un de mes meilleurs déplacements en ligue 1. D’ailleurs dans le même registre, il y a un match que j’aurais adoré faire, c’est le déplacement au Havre pour se sauver également (Ndlr : 4 juin 1988). Francis Borelli avait payé le déplacement aux supporters. Ils étaient près de 1500 à avoir fait le voyage avec la victoire 1-0 et le maintien au bout.

Ton premier déplacement était avec les Boys ?

Oui c’était lors de la saison 88/89 pour un Lille-PSG (septembre 88) et je me souviens que j’avais du apporter une autorisation parentale car je n’étais pas majeur, mais celui qui m’a le plus marqué, c’est le premier déplacement officiel de supporters parisiens à Marseille. (Ndrl : 8 septembre 1990) Il n’y avait qu’un seul bus, affrété par les Boys. Ça coïncidait avec la sortie de la première écharpe tissée du groupe faite en Italie. On l’avait quasiment tous dans le bus ! Bref on est que 50 et on se retrouve placés en tribune Ganay, même si le vélodrome me semble moins impressionnant que ce que j’avais pu voir et entendre sur cette enceinte. On est tout de même entouré de marseillais sans aucune séparation car il n’y avait pas de parcage visiteurs à l’époque. Il y avait juste une compagnie de CRS pour nous encadrer. Je me rappelle les avoir comptés. 10 CRS de chaque côté. On se faisait insulter de partout, par des pères de famille avec leurs gamins, on se prenait des trucs sur la gueule mais rien de bien méchant car personne n’avait visiblement prévu qu’on serait là. J’avais réussi à rentrer une torche et j’avais même brûlé un siège en PVC en l’allumant. La victoire de l’OM avait plus ou moins calmer les esprits mais je n’ose imaginer la fin du match si Paris s’était imposé…

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Paris sous les bombes marseillaises (c) Collection personnelle

Mais il y a un autre déplacement dans le sud qui me tient à coeur, à Martigues en championnat (Ndlr : 5 novembre 1994). La veille du match, on avait rendez vous à la Gare de Lyon en fin de soirée, on était 150 environ, tous mélangés, Boys, Rangers, Indep’… On avait briefé tout le monde pour venir sans signe distinctif. Et bien-sur il y en a un de chez nous qui est venu avec un Bombers Rangers et l’écharpe… ! Je me suis arrangé pour éviter qu’il se prenne une rouste par les anciens. Il a laissé ses affaires à la consigne et il est monté dans le train. Aucun de nous n’avait de billet donc le contrôleur en chef, lui aussi, avait été briefé par la SNCF. Soit le train partait à l’heure prévue et arrivait sans problème à destination, soit il ne partait pas du tout. Le lendemain, on arrive à Marseille et on descend sur le Vieux Port en chantant des trucs bien encourageants pour les locaux. Il est tôt et il n’y pas grand monde dans les rues mais c’est jouissif de voir les regards médusés des badauds. Un mec des Winners (Ndlr : groupe ultra marseillais) déboule avec un ceinturon et se prend une claque… ou deux.

Après avoir paradé quelques temps sur le Vieux Port, on fait la connerie de retourner à la gare Saint-Charles pour prendre le métro. Les RG et les flics nous y attendaient… Résultat on a été parqués pendant plus de 7 heures dans une salle désaffectée qui était un ancien MacDo. C’était irrespirable et on ne pouvait rien faire de plus qu’attendre. On ne savait pas si on allait voir le match et des rumeurs contradictoires circulaient « on allait nous mettre un train à notre disposition » mais sans être certain pour autant de sa destination finale.

Plus le temps passait, plus j’étais pessimiste et craignais un train direct pour Paris. Au final c’est bien à Martigues que nous emmena le fameux train. De la gare on prend des bus pour aller au Stade Francis-Turcan…. Enfin ! Sur place on retrouve un contingent d’Auteuil qui était lui aussi parti en train le matin. En face il y a une cinquantaine de marseillais qui bâchent à notre droite en latérale, trop loin de nous pour qu’il puisse y avoir le moindre contact et c’est sans doute volontaire de leur part. En tribune c’est tendu et les grillages qui nous séparent des locaux sont malmenés après le but de Martigues. Quelques fusées partent en direction du petit groupe de rats sans trop de réussite vu la distance, puis Paris égalise et la frustration accumulée en gare Saint Charles se transforme enfin en joie. Il n’y aura pas d’incident majeur en tribune mais le retour lui, a été très animé ! 

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Paris allume Gerland (c) Collection personnelle

Les bus sont caillassés, plusieurs vitres explosent dans le notre, certains arrivent à descendre pour aller chasser les fautifs dans des cités alentours, mais il fait nuit et c’est le chaos total. Le retour en train s’annonce épique et il le sera ! Le train doit s’arrêter au moins 4 fois, pour des alarmes tirées. À chaque fois une partie d’entre nous descend sur les voies et divers concours de lancé d’objets ont lieu sur tout ce qui bouge… ou pas. Une compagnie de CRS monte même dans le train pour sécuriser le trajet. C’est encore plus tendu mais la fatigue l’emporte… de tous les déplacements et voyages que j’ai fait, c’est la seule fois de ma vie où j’ai réussi à dormir dans un train. Je suis monté dans le filet à bagage du compartiment et j’ai pioncé jusqu’a Paris.

Ton match européen en déplacement préféré ?

Difficile de trancher la aussi, il y a bien entendu la finale de Coupe des Coupes à Bruxelles, parce que c’est le seul titre remporté en Europe. Il est mémorable car on était quand même 15000 parisiens là-bas. Il n’y a que des bons souvenirs, du départ en bus (on avait fait 3 bus avec les Gavroches !) sur le parking du Parc des Princes, à l’avant match bien arrosé dans Bruxelles en passant par la très bonne ambiance dans le stade malgré la séparation Auteuil / Boulogne qui rendait la coordination difficile. Et surtout le retour en car qui est inoubliable. On n’a pas arrêté une seule seconde de chanter et de célébrer cette Coupe d’Europe, c’était vraiment la folie douce. Je m’en rappellerai toute ma vie. Et puis il y a le déplacement au Celtic Park … fait à 4 Rangers (ça aurait pu prêter à confusion là-bas avec un tel nom de groupe mais même pas !) en caisse et sur 4 jours. Avec le ferry puis un arrêt « camping » dans les Highlands, tente installée de nuit sans que l’on voit réellement l’endroit où on se trouvait avec un réveil mouvementé marqué par la charge d’une vache folle et écossaise visiblement pas contente qu’on se soit installés sur ses terres !

Mémorable également à cause de l’ambiance dans un Celtic Park bouillant alors qu’il est pourtant en travaux et seulement rempli au 2/3 de sa capacité. Tu rajoutes la victoire 3-0, le privilège personnel d’avoir lancé un « You’ll Never Walk Alone » avec l’aide de ceux qui connaissaient les paroles chez nous, repris par tout le stade et applaudi par des fans du Celtic extraordinaires qui te payent des pintes avant et même après le match… Franchement Glasgow est vraiment une ville qui respire le foot à chaque coin de rue et il ne faut pas te tromper de quartier si tu portes une écharpe d’un des deux clubs.

Depuis la dissolution des groupes en 2010, es-tu retourné au Parc ?

Oui une seule fois. C’était pour un match de championnat cette année. Mon meilleur pote, qui a fondé les Rangers avec moi, a tellement insisté pour que je viennes que j’ai cédé. C’était une occasion de passer un peu de temps ensemble car je le vois de moins en moins. J’étais quasi persuadé que ce serait une déception et ça n’a pas loupé. En plus on était placé à Boulogne. Quand j’ai vu l’état de la tribune ça m’a définitivement convaincu sur le fait qu’un retour d’une grosse ambiance à Boulogne était une chimère. Et même si il y a un retour d’ambiance ce sera sans moi. Je n’y retournerai pas. Je n’ai plus la motivation, l’énergie et la santé pour ça. Même devant la télé, je ne serre plus les poings sur un but du PSG à l’exception de quelques matchs en Ligue des Champions où l’enjeu est plus important. Quelque-chose s’est cassé et j’ai pris beaucoup de recul.

ITW Bouquin 3ème partie Virage PSG
(c) collection personnelle

Tu n’as pas peur de passer pour un vieux con aigri ?

Non, je vais faire un parallèle entre la musique et le foot sur cette question. Je ne suis pas fan des comparaisons « Avant / Après » que l’on fait souvent en musique car le « c’était tellement mieux avant » sort trop facilement dans les conversations. C’est juste différent, chaque époque a son charme et chaque génération a ses références. C’est un peu pareil avec le foot et l’ambiance du Parc aujourd’hui. On a eu notre période avec ses moments magnifiques et ses galères à rallonge, maintenant c’est autre-chose et chaque chose à son temps. Mais je regarde encore les matchs, mêmes ceux des féminines ou le Hand quand je peux. J’ai encore ça au fond de moi même si j’ai eu du mal à faire mon deuil de ma vie d’ultra car ça représentait une grande partie de moi.

De toute façon on écoute toujours la musique qu’on a écouté adolescent ?

C’est clair, j’écoute toujours les Pink Floyd, les premiers Marillion ou Boston avec autant de plaisir qu’un bon Muse.

Tu as l’impression d’avoir été un privilégié de connaitre ces années ultras de la fin des années 80 ?

C’était évidemment une chance, un vrai bonheur même, et si c’était à refaire, je le referai. Je changerai quelques détails mais globalement ce serait la même histoire. L’apogée du mouvement à Paris pour moi, c’est la saison 1995-1996. Boulogne est à son top (et Auteuil commence vraiment à prendre de l’importance) même si je n’ai pas la prétention de dire qu’on était les meilleurs. Loin de là. La grotesque dissolution des Boys en 2008 sera un coup presque fatal pour le Kop. Mais je me suis fait une bande de potes que je revois encore aujourd’hui. C’est comme des membres de ta famille. On se fait des finales de coupe ou des déplacements européens ensemble à 5, 10, 15 mecs, ça dépend du lieu et de la motivation. Aujourd’hui Boulogne est plus qu’en sommeil, le Kop s’est endormi avec Yann (Ndlr : Yann Lorence, mort lors d’échauffourées entre Boulogne et Auteuil en 2010 avant PSG vs OM).

Tu le connaissais ?

Oui, c’était un mec en or. Je discutais souvent avec lui avant les matchs ou pendant la mi-temps sous la porte des Gavroches, on refaisait le monde et il m’arrivait souvent d’être en retard à la reprise à cause de nos discussions. Il m’encourageait régulièrement pour continuer à mettre l’ambiance. L’hommage émouvant qu’on lui a rendu contre Bordeaux restera gravé à jamais dans ma mémoire comme sa joie de vivre.

ITW Bouquin 3ème partie Virage PSG
Bouquin avec l’Alcool Group (c) Collection personnelle

En 2010 tu quittes donc le KOB comme une grande majorité ?

Oui, en tant qu’ultra et supporter actif, le PSG vs Montpellier de 2010 est mon dernier match. J’ai d’ailleurs quitté le Parc avec le micro de la sono ! Mais attention ça ne veut pas dire qu’on existe plus, on est toujours capable de se réunir en nombre sur un match comme pour les 40 ans du KOB à Bordeaux lors de la finale de la Coupe de la Ligue ou plus récemment lors de notre Tournoi de foot annuel.

Comment tu vois le mouvement ultra évoluer ?

En Europe, le mouvement est largement en perte de vitesse. En France, je ne veux pas être méchant, mais il n’y pas grand chose à part Saint Etienne toujours au top et Nantes. Ce qu’ils font depuis quelques saisons avec la Brigade Loire c’est un peu l’exception qui confirme la règle. Le mouvement en Italie est en chute libre, beaucoup de grande tifoseria ont vu leurs groupes majeurs disparaître, la dissolution de la Fossa et des BRN à Milan laisse la Curva Sud sans voix, idem à Rome avec les problèmes liés à la sectorisation des Curva, la disparition de la mythique Fossa Dei Grifoni à Gênes … la liste est encore longue et l’Italie ne s’en est pas vraiment relevée.

En Espagne, à part 4 ou 5 groupes (Ultras Sur, Frente, Ligallo Fondo Norte, Yomus, Riazor Blues) il n’a jamais existé, question de « culture Penya » oblige et les groupes cités disparaissent les uns après les autres. Il y a quelques exceptions comme la Pologne où le mouvement ultra est en pleine bourre. C’est sans doute du à la répression que subissent les supporters. Il y a eu la Tessera en Italie et en France les stades sont des laboratoires de l’Etat pour tout ce qui est répressif. Le seul avenir pour les ultras, c’est peut-être ce qui se passe en Allemagne. C’est trop encadré à mon goût mais c’est sans doute la seule alternative au maintien de la culture ultra. Les instances françaises devraient sans doute s’en inspirer notamment pour tout ce qui touche à la pyrotechnie et les déplacements.

ITW Bouquin 3ème partie Virage PSG
(c) Collection personnelle
Découvrez la première partie en cliquant ICI et la deuxième ICI

Bouquin, deuxième partie

Dans cette deuxième partie, BOUQUIN nous parle sans détour de la création
des RANGERS, de la vie dans la tribune BOULOGNE, des chants,
de ses débuts en tant que Capo et de la VIDA LOCA ULTRA.


Tu montes les Rangers en quelle année ? Etait-ce en réaction à ce qui se passait aussi du côté d’Auteuil ?

C’était en 1992, année qui vit la naissance de plusieurs nouveaux groupes et firmes, dont les fondateurs étaient presque tous issus des Boys. Les Rangers entre autres en faisaient partie. À la base, on est 5 potes, tous ex-Boys, et on se place à coté des Gravroches, au niveau de la troisième porte d’accès pour une nouvelle aventure ultra. Non, ce n’était pas en réaction. Les groupes à Auteuil venaient à peine d’arriver. Ils n’étaient pas encore très nombreux derrière leurs banderoles. Et puis nos potes des Irréductibles Gaulois, après un bref passage en tribune K (qui étaient à notre droite) et avant de devenir les Lutece Falco à Auteuil étaient des anciens Boys, comme « Grande » par exemple. On se connaissait et on s’appréciait beaucoup. J’ai d’ailleurs toujours été un grand fan des Lutece et de leur esprit. Il n’y avait donc aucune tension ou réaction particulière à ce qui se passait en face à cette époque.

Ton but c’était de recentrer les ultras dans la Tribune Boulogne. Comment as-tu eu cette idée de créer les Rangers ?

Je voulais recentrer l’ambiance. Dès le moment ou tu prends le mégaphone, tu te rends compte de l’ampleur de la tâche, et c’est quasiment impossible à faire en restant dans le coin de la tribune. Si tu as tendance à ne regarder que le noyau des Boys, tu ne fais pas participer le reste de la tribune. Créer les Rangers, c’était le prolongement logique de cette idée puisque ça n’a pas été possible avec les Boys.

ITW Bouquin Virage PSG
Parcage Rangers. Bouquin, à droite, assis sur la bâche (c) Collection personnelle

C’était qui à l’époque aux mégas chez les Boys ?

Il y avait Dieu et les jumeaux qui n’étaient pas forcément là à tous les matchs. Le méga demandant beaucoup plus d’énergie que le micro d’une sono, il était rare qu’une seule et même personne fasse le match en entier. En plus il n’y avait rien, pas de podium ou d’installation prévue à cet effet comme tu en vois partout aujourd’hui. Tu ne pouvais que monter sur un siège du premier rang pour te faire voir, ou monter sur le bord en béton et pas très large de la tribune, mais ça pouvait être très dangereux quand il y avait des mouvements de foule. En gros ce n’était pas très glamour et il n’y avait pas beaucoup de prétendants.

A partir de quelle année as-tu récupéré le méga de façon régulière ?

A partir de la saison 1989/90. Je participais déjà beaucoup dans le noyau, sans mégaphone, en lançant ou en relançant des chants qui ne duraient pas assez longtemps à mon goût. Quand tu commences à râler parce que ce n’est pas le chant que tu aurais lancé à ce moment du match, ou que tels ou tels chants ont été oubliés, tu te dis qu’il est peut-être temps de passer à l’action. J’entendais aussi quelques chambrages à l’attention de Dieu, il fallait lui donner un coup de main et je ne me suis pas fait prier.

Tu es resté jusqu’à quand ?

Jusqu’en 1996, l’année où je suis interdit de stade pour trois ans. Sans rentrer dans les détails c’était pour allumage de fumigènes. Après j’ai eu des problèmes de santé qui font que je ne suis pas revenu tout de suite après la fin de mon IDS (Ndlr : Interdiction de stade).

Quand tu prends le mégaphone, tu te rends compte que tu prends en quelque sorte le pouvoir ?

Attention, les mots sont importants. À Boulogne, le mot pouvoir, c’est presque tabou. Honnêtement le pouvoir, tu ne le prenais pas avec le mégaphone dans une tribune aussi complexe. Ça pouvait même se retourner contre toi si tu n’étais pas prudent.

ITW Bouquin Virage PSG
Bouquin, dans une station service, le jour où naquit son surnom (c) Collection personnelle

En tout cas tu deviens connu, et reconnu.

Être connu c’est une chose, mais être reconnu et respecté, ça c’est encore autre chose. Il faut du temps. Entre le match où tu te fais charger par les skins parce que tu fais partie des Boys et celui où tu montes sur le tableau d’affichage pour t’adresser à toute la tribune, il s’est écoulé presque une saison et demie entière. Être respecté à Boulogne ce n’était pas une mince affaire. C’est venu avec le temps.

Quelle était ta volonté en prenant le méga ? Tu avais déjà réfléchi à une nouvelle structure ?

Non je n’étais pas encore dans cette réflexion. Mon seul objectif c’était que l’ambiance soit plus forte et que Boulogne devienne une référence également pour ses chants, qu’on supporte plus le Paris Saint-Germain, que toute la tribune participe. Je voulais faire changer les choses à ma manière, je me déplaçais dans la tribune pour faire participer un maximum de monde en plus des Boys. Entre les skins et les Boys, il y avait beaucoup de supporters dans la tribune qui n’attendaient que ça.

As-tu inventé des chants ?

Oui, bien-sûr. Si tu prends le méga et que tu n’es pas capable de lancer tes propres chants, tu ne fais pas de vieux os. Tu es vite remplacé par quelqu’un d’autre. Il y a toujours un jeune qui pousse pour te remplacer. Il fallait donc être productif et créer régulièrement des nouveaux chants qui venaient d’Italie et d’Angleterre à parts égales. Le Kop étant calqué sur le modèle anglais, il fallait leur balancer des chants en rapport avec leur culture et les chants à rallonge, c’était à dose homéopathique. Il fallait être capable de trouver le juste milieu entre les chants ultra et le côté anglais plus spontané. Ainsi, le répertoire se renouvelait assez rapidement et même si des classique comme « Si tu es fier d’être parisien » perduraient, d’autres chants, pourtant très simples comme le tendu d’écharpes à l’italienne « Ohé ého, ohé ého. Ohé ého, ohé ého » ou la Petite Musique de Nuit de Mozart sur laquelle on faisait tourner les écharpes, ont été très rapidement portés disparus !

Quand tu lançais un nouveau chant, il y avait une concertation avant ?

Bien-sûr qu’il y avait une concertation. Notamment dans les cars pendant les déplacements, car le laboratoire des nouveaux chants s’avérait souvent être le stade adverse (et le temps du trajet en car avant d’y arriver). Pour la bonne et simple raison que tu pouvais compter sur la motivation à 200% de ceux qui t’accompagnaient tout au long de la saison en déplacement pour aider à faire prendre le nouveau chant. Le bureau des BB85 faisait également des réunions où l’on abordait toute la vie du groupe, des projets de tifo à l’organisation des prochains déplacements en passant par la fabrication de la nouvelles écharpes… C’était vraiment une époque formidable. On n’avait pas de local, donc on allait à Franklin Roosevelt, à la (petite) boutique des Amis du PSG à côté des Champs-Elysées. Quand on n’avait pas accès à leur salle de réunion, on allait où l’on pouvait et ça se terminait parfois sur les pelouses des squares alentours. L’après Boys, c’était différent. On a fait les premières réunions Rangers chez moi, en petit comité puis au local du Parc, et on y passait pas mal de temps avant les matchs et même pendant la semaine.

Que penses-tu du terme capo ?

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Bouquin, look old school Bombers, Docks et Casquette Lonsdale (c) Collection personnelle

Je n’ai jamais été fan de ce mot-là. J’en ai vu des capi, parce que j’ai fait pas mal de matchs en Italie, notamment à Milan. Franchement en France, on était à des années lumières des capi mais ce n’est que mon avis. Ici on croit que prendre un méga pour faire chanter 40 guignols, ça fait de toi un capo …

Il n’y avait pas de sono à l’époque, toi tu étais au mégaphone ?

La sono est arrivée bien après. Oui, c’était au mégaphone et parfois sans, quand on oubliait de changer les piles et qu’elles tombaient en rade pendant le match. Après tu étais obligé de faire le reste à la voix. Ça ne me dérangeait pas même si dans ce cas précis, je la laissais souvent au Parc et qu’il me fallait plusieurs jours pour la récupérer. Au mieux il y avait maximum deux ou trois mégas qui fonctionnaient sans compter celui de Safet (du groupe PAC) qui était à l’autre bout de la tribune. La plupart du temps, un gros modèle et un plus petit. Je prenais le gros et je me plaçais le plus possible au centre de la tribune. Les emplacements changeaient en même temps que la configuration de la tribune, tableau d’affichage en triangle puis plat ou perché sur le plexiglas. Le second méga restait lui dans le bloc des Boys. En théorie c’est moi qui lançait le premier chant et il était repris sans décalage si possible. Blague à part, en France nous sommes les champions du décalage. Il n’y a qu’à voir comment on chante notre hymne national. On doit être les seuls en Europe, voir dans le monde entier, à ne pas savoir chanter notre hymne sans décalage, en rythme avec la musique.

Les mecs t’entendaient ?

Les premiers rangs oui, après c’était plus compliqué surtout à la voix mais tu t’arranges pour qu’ils t’entendent. Tu fais des gestuelles pour leur faire comprendre qu’on va faire tel ou tel chant. C’est chaud, mais ça peut marcher.

Justement, passer du mégaphone au micro, c’était pour avoir toute la tribune et pas uniquement le bloc ?

Dans l’absolu, oui, mais même avec la sono tout n’a jamais été parfait, plus d’une fois on a perdu un « cône » (Ndlr : une des enceintes) en plein match quand il n’était pas HS dès le début … mais le micro c’était bien après. Après l’arrivée de Canal. Avant c’était au mégaphone. Pour revenir au niveau des chants, c’est l’époque où les Boys sont officieusement jumelés avec la FDL de Milan (Ndlr : Fossa dei Leoni, groupe ultra du Milan AC). En fait il s’agit plutôt de la création d’une section fossa à Paris que le contraire. Mais cet échange nous permet de voir plusieurs matchs à San Siro, invités par les ultras italiens. Comme contre Verone, la Samp entre autres, et même contre l’OM en ligue des Champions, et toujours dans la Curva Sud ! C’était l’occasion d’enrichir notre répertoire. Pour revenir à une précédente question, un des premiers chants que j’ai lancés, c’était sur l’air du « Perché Il Milan è forte Alè » à Naples ! Ça m’a marqué car on l’a fait pendant 45 minutes sans arrêt tellement les gars étaient emballés et c’était eux qui le relançaient à ma place ! On gagne 0 – 2 (Ndlr : Naples vs PSG, 21 octobre 1992), on est que 80 dans un avion affrété par le club. J’avais fait très simple en collant des « Allez Paris SG, ohé, Allez Paris SG, oh oh oh, Allez Paris SG, Allez Paris SG, Allez Paris SG oh oh oh ». Et le moins que l’on puisse dire c’est que cela a fonctionné. A tel point qu’à la fin du match les Ultras Napolitains qui faisaient grève à l’époque contre leur direction et n’avaient fait qu’un  seul chant à la mi-temps;  un « Dieeeego, Dieeeego, Dieeego », sont venus nous voir pour nous saluer et nous dire « bravo, vous n’étiez pas nombreux mais on vous a entendus pendant toute la partie ». C’était une grande fierté pour nous !

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Bouquin, méga à la main, à San Siro (c) Collection personnelle

Il t’est venu d’où ce chant « Allez Paris SG Ohé » ?

Il vient de la Curva Sud du Milan A.C.. Alors ce déplacement à Naples il est spécial pour moi. En plus je me suis fait griller par mon prof de Communication ce jour-là. J’étais en BTS Communication et Publicité, et pour sécher les cours, j’avais donné une excuse bidon à mon prof du genre : « je vais voir ma grand-mère ». Le lendemain du déplacement, je rentre dans la salle et je vois le prof qui a une attitude bizarre. Il a une cassette à la main. Il met la cassette dans le magnétoscope. Il ne disait rien, alors que d’habitude ça ne se passait pas du tout comme ça. Tout le monde s’assoit. Il lance le magnétoscope. On ne sait pas ce qui nous attend, et là je vois le « Journal télé du 20H ». Je savais qu’il y avait eu un reportage à la télé sur le match, mais je ne m’attendais pas à des gros plans en travelling sur la tribune où l’on voit les 80 supporters parisiens. Et qui est-ce qu’on voit avec le mégaphone en gros plan ? C’est moi, et le prof qui enchaine « Et donc Monsieur Lemure est allé voir sa grand mère à Naples ». Eclats de rire dans la classe … et moi qui ne savait plus ou me mettre ! J’en rigole encore aujourd’hui !

Comment tu définirais l’ambiance à Boulogne ? Latine ou britannique ?

C’est un mix de tout à la sauce Parisienne : Français, Italien, Anglais, Grec… mais paradoxalement les chants que je suis le plus fier d’avoir lancés sont le fameux hymne du PSG « Allez les Parisiens » que j’ai toujours en 45tours et que j’ai remis au goût du jour et surtout le « Supporter du Paris Saint Germain, une chope de bière toujours à la main… » sur l’air de « Dirty Old Town » (la reprise des Pogues), même si on ne l’a pas fait longtemps car c’était deux saisons avant la fin des abonnements. Je me suis cassé la tête pour que les paroles collent bien à cet air magique mais je peux te dire que ça a été un grand moment de solitude quand je l’ai lancé pour la première fois au Parc. Je l’ai chanté quasiment seul pendant au moins 10 minutes non stop, le temps te parait une éternité dans ces moments-là, avant que les mecs ne commencent à l’imprégner et à le reprendre. De toute façon c’était simple. Quand tu voulais lancer un chant à Boulogne, si tu n’insistais pas, il ne partait jamais. Soit tu persistes et tu signes, soit tu oublies.

Revenons sur le fameux PSG vs. Caen de 1993. Quel était le contexte ?

Déjà on était tous en Rouge (partie basse du KOB) car la tribune Bleu était fermée. Tout le KOB était donc réuni en Rouge, toutes tendances confondues : casuals, indep’, ultras et compagnie. La raison officielle c’était qu’il y avait des travaux sur la structure de la tribune pour la sécuriser suite à des vibrations. Du coup pendant une moitié de saison on s’est retrouvé en Rouge.

Mais comment pouvais-tu réunir tout le KOB juste dans la partie basse ?

Il faut remettre les choses dans leur contexte. A l’apogée du KOB, il y avait environ 3000 membres actifs mais en 1993 le KOB n’était pas au complet, la tribune rouge était souvent quasi déserte et puis le match avait lieu au mois d’août … donc ça pouvait tenir d’autant plus qu’il n’y avait pas de siège. Rien à voir avec le futur Auteuil et son 1/4 de Virage plein. D’ailleurs si je dois définir mon rôle à cette époque en une phrase, au delà du support inconditionnel du PSG, c’était de faire en sorte que Boulogne relève toujours le défi d’Auteuil, qui se développait bien plus vite que nous, au niveau vocal bien entendu. M’adresser à toute la tribune et négocier avec les Boys pour que les enceintes ne soient pas tournées que vers le bloc des Boys, mais vers toute la tribune. C’était toujours dans cette optique. Je voulais que lorsqu’un « allez Paris » était lancé par Auteuil, on puisse leur répondre avec au moins autant de puissance vocale. Bref si on revient sur ce match de Caen, la situation était déjà tendue avent le match, des accrochages avaient eu lieu au niveau des tourniquets et les fouilles des CRS avaient été animées. En tribune, tout part de la tentative d’interpellation d’un  supporter qui a balancé sa chaussure sur la pelouse et qui est allé la récupérer tranquillement… Les CRS ne s’attendaient pas à être repoussés aussi violemment au point d’oublier un des leurs dans leur fuite. Le match fût interrompu à cause des gaz lacrymogènes. Je suis persuadé qu’ils n’avaient aucun ordre pour intervenir. Celui qui a pris cette décision, il l’a prise seul et il avait 2 grammes d’alcool dans le sang, mais ça on ne te le dira jamais. Après quelques coups de gazeuse, le « CRS oublié » est tombé à la renverse après avoir reçu un coup de pied en pleine face. Les coups n’arrêtaient plus de pleuvoir sur lui… D’autres CRS sont venus ouvrir tant bien que mal les grilles qu’on avait fermées, pour le sortir en le trainant par terre car il avait vraiment pris cher.. C’était la dernière fois qu’on voyait des CRS à Boulogne.

Tu sais si le CRS en question a eu des séquelles, tu n’étais pas loin des faits ?

Oui, il a été gravement blessé. Ça avait été trop loin. Après on ne va pas se mentir. On a jamais été potes avec eux. Quand on arrivait à Boulogne, il y avait des rangées entières de camions de CRS. Mais il y en avait toujours un qui n’était pas rempli de CRS mais plutôt de « carburant ». Ils marchaient au même que nous. Il y avait des glacières avec des packs de bières les uns sur les autres. Tu les voyais rentrer un par un dans le camion pour se ravitailler, ça y allait quoi… Ensuite ils ne cessaient de nous provoquer, les compagnies venaient souvent de Province et donc n’étaient pas spécialement fans du PSG.

En tout cas, sur le moment je me trouvais pas loin du CRS. J’ai vu des anciens descendre avec des ceinturons et s’en prendre à lui. Sur le moment tu es pris dans le mouvement, tu débranches ton cerveau et tu y vas aussi pour faire mal, mais heureusement pour moi, je ne l’ai pas touché, il y avait trop de monde devant moi. Je n’ai jamais pris part à une fight, mais comme tout le monde à Boulogne, il m’est arrivé de faire le coup de poing. C’était spontané, jamais programmé.

Tu as justement des souvenirs de « rencontres » avec des supporters adverses ?

Oui, contre Marseille en Coupe de France au Parc en 1995. Autour du Parc, tu as plein de petits squares. Comme d’habitude on était tous regroupés dans le « petit parc », certains tisaient, d’autres fumaient, ça discutait. Et d’un coup on voit arriver un car avec un drapeau South Winners qui s’arrête juste devant nous. C’était Noël avant l’heure. C’était le groupe marseillais le plus détesté des parisiens. Alors forcément on y va tous. Les rats sont sortis du car armés avec des battes, des couteaux… Ça a été assez bref. Je me souviens que j’avais une canette de bière à la main et que j’ai trouvé le moyen de rater le car ! Pas mal… C’était loin d’être ma meilleure canette ! En tout cas on ne s’attendait pas à ça. En fait le chauffeur du car s’était planté de sortie et avait pris Boulogne au lieu d’ Auteuil. Les gardes mobiles sont arrivés assez vite sur place pour éviter que ça ne s’aggrave car il y avait déjà quelques blessés dont un à l’arme blanche de notre côté.

Après Caen, comment perçois-tu le traitement médiatique en France.

C’est un choc national. Ça dépasse tout ce qui avait pu être dit, lu et vu. La France du football savait qu’il y avait des hooligans dans les tribunes, mais là, c’est le grand public qui s’en rendait compte pour la première fois. Et le Kop a perdu beaucoup d’unité. Les politiques se sont emparés de l’affaire pour légiférer et les IDS tombèrent en masse.

Revenons-en au groupe que tu as créé. Pourquoi ce nom, les Rangers ?

On en revient toujours au Milan. Les Rangers c’est un nom que j’ai piqué à un petit groupe de supporters du Milan. Certes il y avait la Fossa dei Leoni et les Brigate Rossonere, mais il y avait aussi des petits groupes qui étaient placés au dessus ou en dessous dans la curva. Les Rams, le Gruppo Brasato et les Rangers en haut, les Commandos Tigre, plus anciens et moins actifs, en bas. Les gars ont adhéré tout de suite à ce nom qui fût préféré aux « Viking Korps » et autres « North Warriors » !

ITW Bouquin Virage PSG
Incendie dans le parcage Rangers (c) Collection personnelle

Comment les autres mecs de la tribune ont réagi aux Rangers ? As-tu demandé l’autorisation ?

Non, on a pris la liberté de le faire sans demander l’autorisation aux anciens. Et donc le retour de manivelle était inévitable. Lors d’un PSG vs Sochaux, on avait été une mi-temps à Auteuil, pour montrer la bâche. On avait allumé quatre ou cinq torches derrière et on était revenu à Boulogne. Le match d’après, on était en train d’installer la bâche, et hop, tu vois la bâche qui descend en tribune rouge. Je me suis pris un rappel des Commandos. Pas méchant, mais c’était « Quand tu fais un truc comme ça, préviens nous » et c’était tout à fait justifié. C’était notre « erreur de jeunesse » mais les choses sont rentrées rapidement dans l’ordre avec les anciens. Les Commandos aimaient bien mettre un petit coup de pression de temps en temps quand ils en avaient envie. Je me rappelle d’un des premiers matchs où j’ai pris le mégaphone, je suis sorti tout seul du Parc, ils m’attendaient dehors, ils étaient dix, ils m’ont entourés et gentiment « secouer ». Le mégaphone, ils en avaient rien à taper, ce n’était pas spécialement leur vision du foot. Aujourd’hui je fais la bise à certains d’entre eux.

Comment tu arrives, en partant à cinq gars des Boys, après avoir créé votre groupe, à recruter dans le reste de la tribune ? Vous étiez une asso officielle ?

Oui, on était une association loi 1901. Pour le recrutement, ça revient au fameux potentiel que je vous ai décrit. Je savais très bien que la tribune ne se résumait pas seulement aux Boys ou au futur bloc B3 qui regroupait les Indeps. On a mis en avant le groupe au maximum. On bâchait au Parc et en déplacement, en plus de nouveaux grands drapeaux et deux tambours, la première écharpe voit rapidement le jour, notre devise est « Nous sommes tous Fous » donc on fait un Fanzine « Fous » (il n’y aura que deux numéros) et des cartes de membres pendant deux saisons. On organise des déplacements, on allume des fumigènes, beaucoup trop d’ailleurs sur certains matchs, ce qui nous a valu quelques reproches mais aussi des nouveaux membres. Je me souviens d’un match où on a craqué pendant 45 minutes. C’était une autre époque. Pots de fumée (militaires), torches, chlorate, tout y était passé, c’était balaise.

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Craquage dans le parcage (c) Collection personnelle

Vous les achetiez où les fumis ?

Au tout début ça ne s’achetait pas. Il n’y avait pas de fournisseurs de fumis, donc on se débrouillait. Et la nuit, on rendait visite aux gares parisiennes pour piquer les grandes torches SNCF qui se trouvaient en queue de wagon des trains Corail. Ensuite il fallait scier le bâton de fumigène en plusieurs morceaux d’une dizaine de cm de hauteur. Au final ça faisait bien une quinzaine de torches par bâton. Pour les rentrer au stade, il n’y avait pas 36 solutions. C’était soit dans ton ben, soit dans le sandwich ou la casquette pour les plus téméraires et tu passais la fouille comme ça. Que ce soit au Parc ou à l’extérieur. On avait un grattoir et un allumeur pour 10 torches. Une fois que les possesseurs de l’allumeur et du grattoir avaient allumé leurs torches, il fallait allumer les autres torches bout à bout et prévoir une bonne paire de gants. Là il n’y avait aucune protection et les brûlures étaient courantes.

Alors qu’aujourd’hui il y a des fabricants et fournisseurs de fumis ?

Bien-sûr maintenant c’est très simple et moins risqué pour se procurer du matos. À l’époque où j’ai bossé à Sup’Mag, il y avait bien un fournisseur français qui faisait de la publicité dans le magazine mais ça n’a pas duré bien longtemps. Les choses évoluent aussi et grâce aux amitiés italiennes ou avec la BU88, la Brigade Ultra de Mulhouse, on arrivait à se procurer du matos plus facilement en Italie. Puis aux Rangers on avait notre propre fournisseur qu’on appelait le « Rital ». Il nous fournissait tellement bien qu’on craquait parfois un peu trop en tribune.

ITW Bouquin Virage PSG
Bouquin (casquette sur la tête), fumi à la main (c) Collection personnelle

Donc vous arrivez à cinq au milieu de la tribune avec les Rangers. Après que se passe-t-il ?

Ce n’est pas simple. Mais on ne part pas tous seuls non plus. En plus de quelques Boys qui nous suivent, il y a l’Army Korps, dont on est très proche. Quand on jouait au foot à Bagatelle (Ndlr : terrains de football en libre accès dans le bois de Boulogne), on jouait avec eux. À cette époque on était fier de porter le maillot du PSG car il y en avait très peu qui le portaient. Tout les dimanches, on jouait contre des équipes qu’on ne connaissait pas. Ça m’est d’ailleurs arrivé de mettre quelques beaux tacles à des mecs qui portaient le maillot de l’OM. Quand on jouait contre eux on s’en donnait à cœur joie. L’Army Korps nous aidait un peu, même si leur truc à eux c’était plus la baston. Ils étaient aussi au milieu, à notre droite en tribune. Ils n’étaient pas dans le même délire, le côté ultra il était là, parce qu’ils avaient été formés comme nous aux Boys. Ils ont gardé les bases et au moins ils chantaient et participaient à leur manière à l’ambiance de la tribune. Et puis après, à force, tu vois qu’il y a quelque-chose qui commence à prendre, tu as des gens qui arrivent, des jeunes que je ne connaissais pas. Ils viennent me voir et ils demandent si ils peuvent faire partie du groupe. On leur donne des tâches à faire, cela fonctionne. Ils restent. Tu as même des mecs d’en face qui viennent. Des ex Sus Scrofa qui nous rejoignent. D’ailleurs avec David, on avait fait un délire avec les Parc Kaos. On avait fait une bâche et on craquait comme des malades. C’était une autre époque. C’est comme dans le foot, on a fait notre mercato. On n’a jamais été un noyau extrêmement grand, on n’était pas 150 comme les Boys. Au départ, on pouvait compter sur 25 personnes actives, pas plus.

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Bouquin, debout au milieu de Boulogne (c) Collection personnelle

Avez-vous eu l’ambition de devenir un « grand » groupe, en s’ouvrant à tout le monde ?

Peut-être qu’inconsciemment je l’espérais mais la réalité te rattrape vite. Malgré les cartes de membre, le groupe n’a jamais dépassé les 100 membres… Mais le but était quand-même atteint puisque c’était suffisant pour faire participer le reste de la tribune et faire des tifos avec les Boys, avec qui on a toujours été en bonne intelligence.

Quelles sont les dates du groupe ?

Les débuts, c’est août 1992 jusqu’à… aujourd’hui… même si on a pas pu fêter nos 20 ans en tribune. Ce sera sans doute un de mes plus grands regrets pour le groupe. Moi, j’arrête en 1996 et une nouvelle génération reprend les rennes du groupe.

La première partie de l'interview est disponible ICI 

Bouquin, première partie

La tribune l’a baptisé BOUQUIN. Ce surnom doit moins à la littérature qu’à une certaine idée du rapprochement des corps… Banlieusard tombé en amour
pour le
PSG un soir de lutte contre Bastia, dans les années 80,
il a ambiancé le KOP DE BOULOGNE avec ses tripes et son coeur
de longues années avant de tirer sa révérence.
Il a accepté de se souvenir pour VIRAGE de cette époque révolue
où la passion l’emportait toujours sur les calculs mesquins.


Etais-tu fan de foot avant d’être fan du PSG, ou ton amour du football a-t-il commencé par le PSG ?

Entre Kopistes on a coutume de dire qu’on aime pas le foot mais le PSG… Plus sérieusement, l’amour du football, c’est mon grand-père qui me l’a transmis. Ce n’était pas un club particulier au départ. Bien-sûr, je suis né en région parisienne, donc c’était le PSG qui avait le plus de chance d’attirer mon attention. Heureusement que mon grand père avait la passion du foot parce que dans ma famille, que ce soit mon père ou mes frères, le foot, ce n’était pas du tout leur truc. J’ai du tanner mes parents longtemps avant de pouvoir aller au Parc.

Tu es d’où en région parisienne ?

Je suis né à Fontenay aux Roses, dans le 92. Mon grand-père habitait à Nolay en Bourgogne (à côté de Beaune) et même s’il était né à Paris, il supportait l’AJ Auxerre. Chaque année j’y allais pour les grandes vacances d’été mais aussi en hiver pour les fêtes de fin d’année. À l’époque Auxerre (avec Lille) faisait partie des bêtes noires du PSG et nous mettait souvent à l’amende alors je n’y coupais pas, j’avais toujours droit à un petit chambrage du genre « alors Auxerre vous a encore battu ». Moi je suivais ça de loin, mes premières parties de foot c’était dans la cour d’école avec une balle de tennis et on s’identifiait aux joueurs de foot les plus connus donc pas forcément à une équipe en particulier même si celle de Saint-Etienne était parfois citée. Je n’avais que 8 ans et je ne suivais pas encore assidûment le PSG mais il y avait quand même des signes avant-coureurs. Je me rappelle par exemple que quand je collais mes images Panini dans l’album de la saison, j’apportais un soin tout particulier aux deux pages dédiées au PSG et quand j’ouvrais les paquets d’images, je voulais absolument trouver les stickers brillants des logos de chaque club et plus particulièrement celui du PSG.

En fait le gros déclencheur fut la Coupe du Monde 1982, l’épopée des Bleus et cette fameuse demi-finale contre l’Allemagne ! Oui l’été 82 a vraiment tout changé pour moi ! J’en reviens donc à mon grand-père avec qui je regardais le match en question dans la grande salle à manger. J’étais assis à droite de la grande table (facile 20 couverts !). Papy était dans son fauteuil et à l’autre bout de la table il y avait cette minuscule télévision en noir et blanc dont les boutons claquaient quand on changeait de chaine ou qu’on l’éteignait ! A chaque action dangereuse et à chaque but de la France je faisais des bonds et je courrais autour de la table. J’en profitais pour prendre une autre chaise et me rapprocher du poste de télé à mesure que la tension augmentait. On connait tous le déroulement de ce match extraordinaire, même si la fin ne fût pas à la hauteur de nos espérances. Au coup de sifflet final, il y eu quelques larmes de crocodile, mais à peine étaient-elles séchées que je voulais que ça continue !

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Harald le chirurgien dentiste avec Patrick son meilleur patient en 1982 (c) Panoramic

Penses-tu que si on avait gagné ce match, tu aurais été autant dans le foot ?

Je pense que oui. J’avais seulement dix ans mais ce jour-là, il y a quelque-chose qui a changé. Ma vision du foot a changé, dans le sens où elle est devenue vraiment passionnée. Quel que soit le résultat à la fin, ce n’était pas grave, j’avais une autre approche du foot, j’avais vécu intensément ce match et je ne voulais pas que ça s’arrête ! A partir de ce moment-là, je ne voulais plus être un simple spectateur mais un acteur de ce sport. J’ai d’ailleurs commencé le foot cette année-là à l’ASBR, club de ma ville de BOURG LA REINE. Tous les matchs qui étaient diffusés je les regardais (coupe d’Europe, Finales de Coupe de France et Equipe de France), je me rappelle de la finale contre Sainté ou du fameux PSG vs Waterschei. J’écoutais tous les matchs du PSG à la radio avec un vieux transistor dont l’antenne était fatiguée. J’avais une mauvaise réception et des fois ça s’arrêtait en pleine action pour Paris, il me fallait quelques secondes pour retrouver la bonne fréquence en espérant ne rien avoir raté. Ou que j’aille en vacances, le poste faisait le même trajet ! J’étais passé de l’autre coté de la ligne et la prochaine étape c’était d’aller au Parc des Princes. J’ai mené la vie dure à mes parents…

Pourquoi tes parents ne voulaient pas t’emmener ?

Y aller tout seul c’était compliqué, je n’étais pas majeur et mon père ne voulait pas entendre parler de foot, quant à mes deux frères… ils avaient 7 et 8 ans de plus que moi et on était pratiquement jamais ensemble, leurs centres d’intérêt étaient différents, impossible de compter sur eux. En plus il n’y avait pas les trains et les bus de maintenant, il fallait trouver une autre solution et j’ai eu la chance, en 1985, d’avoir dans la résidence où j’habitais, des voisins qui étaient abonnés au Parc. J’ai sympathisé avec eux. Je plaçais mes pions. Mes parents les appréciaient et leur faisaient suffisamment confiance pour qu’ils m’accompagnent au Parc et me ramènent en voiture, les étoiles étaient enfin alignées. Lors de la saison 1985/1986 j’avais treize ans, tout fût arrangé pour le dernier match de la saison au Parc; le fameux PSG vs Bastia, match où on a fêté le premier titre de Champions (Ndlr : 25 avril 1986, 38ème et dernière journée, victoire 3-1 du PSG). Ils étaient abonnés en Auteuil bleu. Je n’avais pas dormi de la nuit, j’étais tellement excité que je comptais les minutes avant le grand moment, c’était mon premier mais aussi mon seul match à Auteuil. Je m’y suis peut-être retrouvé une autre fois sur une finale où les supporters parisiens avaient été placés côté Auteuil. Dès que tu arrives sur place, le Parc vu de l’extérieur est déjà imposant avec sa forme elliptique et ses arrêtes tranchantes. Ses courbes ne peuvent pas te laisser indifférent surtout avec les yeux d’un gamin de 13 ans.

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Le bordel sur la pelouse pour le titre en 1986 (c) Panoramic

C’est la première fois je pénètre dans le stade de mes rêves, et là difficile de trouver les mots pour décrire cette sensation. Tu te sens tout petit au milieu des milliers de spectateurs, il y a beaucoup de bruit et les lumières qui descendent du toit sont aveuglantes, il me faudra un petit moment pour m’y habituer. Le match va commencer et mon coeur bat la chamade ! Après quelques minutes de jeu, Paris marque déjà par Robert Jacques, puis ce dernier récidive, 2-0 après même pas 20 minutes de jeu. Mon attention s’évade un peu du terrain pour se fixer en face sur la tribune Boulogne, en haut à droite plus précisément ou un carré de fans n’arrêtent pas d’agiter des grands drapeaux, des écharpes, j’entends même des tambours au loin qui rythment l’ambiance et des chants que le reste du public ne reprend pas. Pendant tout le match ils n’ont pas arrêté une seule seconde d’agiter leurs drapeaux et d’encourager le PSG. Ça me donne des idées et je me dis « j’ai peut être envie d’aller avec eux la prochaine fois ». La prochaine fois en tribune Boulogne n’est pas arrivée tout de suite, mais je m’en suis rapproché. Le match d’après, j’étais en Tribune K (Ndlr : actuellement la tribune où se trouve le parcage visiteur). Là c’était grâce au club de foot qui filait des invitations au club d’Île de France. Je me suis donc rapproché du Kop. Et là, même si j’étais à l’opposé des Boys, je les voyais encore de plus près.

Donc les premières fois où tu es allé au Parc tu as été autant captivé par le spectacle des tribunes que par le football ?

Oui, je te dirais que j’ai plus regardé le coin où il y avait les Boys que le rectangle vert. Ils étaient les seuls qui encourageaient le PSG. C’était ma deuxième révélation, je voulais être comme eux. Ils n’étaient certes pas très nombreux. A l’époque, ils avaient 3 ou 4 grands drapeaux, pas plus. Ils n’étaient que 150, mais qu’importe le nombre tant qu’on a l’ivresse.

Lors de ce PSG vs Bastia, le Parc était plein parce que c’était le match du titre ?

Oui, il devait y avoir un peu plus de 40 000 personnes. Il n’y avait pas beaucoup de sièges vides. Mais sur la saison il n’y avait pas plus de 20000 ou 25000 personnes de moyenne.

Comment finis-tu par t’encarter au Boulogne Boys ? Tu étais assez jeune finalement ?

Fin 88, lors de la saison 1987/88. On m’a déjà dit que c’était peu courant, car d’habitude ça prenait plus de temps que ça. Peut être que j’ai parlé aux bonnes personnes tout de suite et puis je me suis impliqué suffisamment pour le mériter. Dès mes premiers matchs à Boulogne, je savais où je voulais aller. L’objectif était le « devant de la scène », les premiers rangs de la tribune, là ou tout prend vie. Je n’y suis pas arrivé tout de suite. Quand tu rentres dans une tribune comme Boulogne, au début c’est sur la pointe des pieds, j’ai donc fait ça par étape, match après match. De la porte la plus haute au dessus du noyau des Boys jusqu’au premier rang de sièges (il n’y avait pas le no-man’s land à l’époque, c’était le Parc à l’ancienne, donc aux premiers rangs il y avait des sièges en bleu) (Ndlr : bleu est l’ancienne appellation des tribunes au niveau intermédiaire, rouge étant celle de la tribune basse et jaune celle de la partie haute supérieure).

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Bouquin en ballade (c) Collection personnelle

Tu as pu t’encarter tout de suite aux Boys, sans rite initiatique ?

Je suis arrivé à une époque où les Boys se développaient. Ils cherchaient de la main d’œuvre. C’était Franck Delobel (Président des Boys), alias Dieu, qui était aux commandes avec entre autres, Didier Frontigny à ses côtés. Je n’ai fait que croiser le chemin des fondateurs du groupe (notamment Luc qui est revenu bien plus tard), tout doucement mais sûrement je me suis rapproché de ses bras droits. Et puis je n’étais pas seul, il y avait d’autres supporters qui arrivaient ou qui étaient déjà présents mais voulaient prendre part activement à la vie du groupe. En plus de mon ami d’enfance Hervé alias Vomitor, il y avait Van Basten, Boys Power, Olive, BenJ et son frangin, la Yougo Connexion, Gling Gling, Chouba (qui veille sur nous de la-haut aujourd’hui), La Peute et sa grosse voix (peut-être celui qui m’a donné l’envie de lancer les chants), les Frères Garnier (Flav et Laurent le photographe officiel des Boys à l’époque), Châteauroux (qui perdra un oeil sur un tir de flashball a Montpellier en 2008) ou Loncou (le seul d’entre nous qui est encore abonné aujourd’hui) … et bien d’autres qui formeront plus tard une partie du noyau des BB85 puis des Rangers, de L’Army Korps ou encore de l’Alcool Group.

On se retrouvait au MacDo de Denfert Rochereau avant chaque match puis on allait au Parc ensemble, en déplacement on était toujours au fond du car ! Au début j’ai proposé mes services pour des tâches de base comme le rangement du matériel (drapeaux, tambours) à la fin du match ou la distribution des tracts ou fanzines et autres supports des tifos avant le match. Les Boys avaient tout juste trois ans, ils représentaient une centaine de mecs actifs qui faisaient les déplacements, et autour, une autre centaine qui gravitaient; les sympathisants. Les cartés ne devaient pas dépasser les 200 membres. Ils ne filaient pas la carte aux premiers venus, donc il fallait prouver ton implication dans la vie du groupe mais en même temps il n’y avait pas de phénomène footix ou de mode à l’époque donc le choix était beaucoup plus facile. Si tu es fiable et que tu viens régulièrement, la carte de membre est largement accessible. Le rite initiatique n’est pas obligatoire, le mien je l’ai eu bien plus tard en déplacement avec l’obtention de mon surnom.

A part ta présence devenue régulière, que faisais-tu en particulier pour le groupe ?

Au départ j’ai pris un tambour. Je n’ai pas commencé directement par le mégaphone. Donc un jour, avant le début d’un match, un préposé aux tambours n’était pas là. Il y avait les baguettes posées sur le côté du tambour, je n’ai pas hésité et j’ai commencé à taper un simple « Paris » qui à été repris. Personne n’a bronché, ils m’ont laissé faire. Après, c’était les drapeaux. Manier un grand drapeau, c’était l’étape suivante. Je peux vous dire que ces grands drapeaux étaient assez énormes avec leurs longs tuyaux en PVC et des voiles grand format très lourdes, c’était physique. On se relayait plusieurs fois sur les 90 minutes sinon tu avais tellement mal aux poignets que tu ne pouvais pas continuer. Si tu arrives à prendre un drapeau et à le faire voler correctement, si tu arrives à taper un peu au tambour, si tu chantes et que tu arrives même à lancer des chants sans méga, si tu connais quelques membres du noyau et surtout si tu prouves que tu es impliqué, toutes les portes sont ouvertes après.

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Bouquin à cheval sur la bâche (c) Collection personnelle

Dans l’histoire de la Tribune Boulogne, au début des années 80, il y a une forte culture vivante, avec les skins, les punks, les alternatifs, plein de courants différents, de mouvements politiques, et musicaux, étais-tu imprégné de ça ? Est-ce que cela t’avait attiré ?

Moi c’était vraiment le foot, et l’ambiance qu’il y avait dans le KOB. Au début le Kop, en 1978, c’était tout l’underground de Paris, comme vous dites : les punks et les skins entre autres mouvances. Je n’ai jamais fait partie de ces catégories, même si j’aimais la musique (plus le métal ou le rock prog), ce n’est pas ce qui me branchait à Boulogne. Idem pour la politique j’étais trop jeune pour être marqué.

Contrairement à aujourd’hui avec Internet, où tu sais à l’avance ce que tu vas trouver ?

Exactement. Là, le seul moyen de savoir, c’était d’aller en tribune et de voir les choses de tes propres yeux. Aujourd’hui tu sais presque qui tu vas trouver et comment il s’appelle avant même d’avoir mis les pieds en tribune, grâce aux forums ultra généralistes ou privés, aux groupes Facebook et j’en passe, tu peux avoir accès à des trombinoscopes en deux temps, trois mouvements. C’est valable aussi pour les codes vestimentaires ou les chants, tout est disponible en ligne si tu cherches bien !

Quand tu es arrivé dans la tribune, tu t’es senti à l’aise ?

Du côté des Boys, oui, j’étais à l’aise. Les chants et tifos me correspondaient plus que le modèle à l’anglaise des Firebirds ou des Gavroches. Le Kop avait déjà sa réputation, bien sulfureuse. En 1988 il y avait déjà pas mal d’incidents depuis le fameux France vs Angleterre au Parc des Princes (Ndlr : 29 février 1984). C’est le vrai point de départ du mouvement hooligan à Paris. Ce match au Parc a marqué toutes une génération de Kopistes avec notamment les gars du Commando (Ndlr : Commando Pirate Paris, l’un des principaux groupes de hooligans du Kop de Boulogne, créé au milieu des années 80). Ce jour-là, tout a basculé et derrière c’était la fascination pour l’Angleterre et les mouvements organisés des hooligans en particulier. Moi je n’ai pas vécu ça. Ce fameux France vs Angleterre je n’y étais pas. C’est donc autre chose qui m’a attiré.

EXTRAITS DU FIGHT DURANT FRANCE-ANGLETERRE, CLIQUEZ ICI 

A l’époque tu ne pouvais pas connaitre tout ça, à moins de connaitre des mecs ?

Effectivement, si tu ne faisais pas partie du milieu, le seul moyen c’était les informations. Je me rappelle qu’il y avait eu un reportage aux infos, ils en avaient également parlé dans la presse écrite et ce fut un choc pour l’époque ! la France découvrait le hooliganisme…

Donc toi c’était les Boulogne Boys qui t’avaient attiré ?

Les Boys c’était une école de la vie à Boulogne. Pour celui qui voulait devenir ultra et qui était passionné par ce mouvement, c’était un passage obligé. Le mouvement ultra est né un peu plus de dix ans avant en Italie et à Paris c’est grâce aux Boys qu’il s’est implanté. Internet n’existait pas encore, on était la génération Minitel, donc pour se tenir au courant il n’y avait pas 36 solutions; on achetait Supertifo et on échangeait les photos de nos correspondants. Je parle bien ici de courrier papier ! J’ai eu jusqu’à treize ou quatorze « corres’ » en Italie, à Côme, Venise, Pescara, Rome, Florence, Gênes, Vérone, Catane, Milan, j’en avais également en Espagne avec Madrid, un aux Ultras Sur (Ndlr : Real Madrid) et un au Frente (Nldr : Atletico Madrid) ainsi qu’en France (Bad Gones, CU84, BSN, Irréductibles Toulon…). Les Boys c’était comme une micro-société avec ses figures; Dieu, Mamie Hooligan ou Kronenbourg. Nous étions environ 150. Toujours les mêmes, on faisait tout les déplacements ensemble contre vents et marées. C’était un vrai noyau avec des sympathisants qui rentraient vite dans le moule.

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Bouquin et ses potes en formation (c) Collection personnelle

On était pas nombreux mais on revendiquait notre appartenance au groupe et notre amour du PSG avec encore plus de force parce qu’à l’époque au Parc, quand Saint-Etienne, Nantes ou Rennes marquaient un but, tu avais 70% du Parc qui se levait. C’était une vraie fierté de porter le maillot du PSG. A Boulogne on pouvait se sentir chez nous parce qu’il n’y avait quasiment jamais de maillot des équipes adverses. Les liens entre nous s’en trouvaient renforcés. Les Boys c’était une vraie famille. Niveau tifo. Même si ce n’était pas des tifos très ambitieux au tout début, parce qu’on ne pouvait pas faire une chorégraphie sur toute la tribune à cause de la composition de Boulogne et de ses mouvances et mentalités différentes, on arrivait quand même à faire des tifos sympas à base de rouleaux de PQ, de pots de fumée, de torches ou avec des voiles comme « Notre Histoire Deviendra Légende » qui à été jetée à la poubelle par le club en 2010. Avec le temps, les mentalités ont évolué et le challenge ultime, qui était de tirer avantage au maximum des différentes composantes de Boulogne, a été plusieurs fois réussi en faisant par exemple 3 tifos différents, un par bloc.

Pour toi, Boulogne, c’était un acte fondateur dans l’histoire du PSG ?

Je n’ai pas la prétention de te dire qu’on a été fondateur de quoi que ce soit. La seule certitude qu’on avait, c’était qu’on était les seuls à encourager le club de la première à la dernière minute. Ça c’est clair et net. Parce que dans tout le reste du stade il n’y avait aucun autre chant qui partait. Il y avait éventuellement des « Paris, Paris, Paris » mais ça allait rarement plus loin. Nous, on avait le côté italien pour les chants longs et anglais pour les chants spontanés, le tout au rythme des tambours.

Et vous n’aviez pas de projection par rapport à l’importance que vous preniez ?

Si bien entendu, que ce soit au niveau de la vente des écharpes et autres produits dérivés, à la demande grandissante pour la carte de membre ou encore le nombre de cars qui passaient du simple au double en déplacement. Il y avait clairement un potentiel qui augmentait à vue d’oeil. Le coin de tribune BB85 allait rapidement devenir trop petit et trop confiné pour cette demande. A partir de 1991, des divergences de point de vue sont nées au sein du groupe. Il y avait un débat sur la position géographique du groupe à Boulogne, je faisais partie de ceux qui voulaient que les Boys soient au centre de Boulogne pour rayonner sur l’ensemble de la tribune et utiliser au mieux cette nouvelle dynamique mais j’allais contre l’avis de pas mal d’anciens Boys qui voulaient absolument garder la position historique du groupe dans la tribune et rester à gauche au niveau de la première porte d’accès. Boulogne était à une période charnière de son existence… Moi j’avais ce rêve un peu fou d’un groupe ultra qui pourrait se developper sur une grande partie de la tribune sans être limité par sa position ou son histoire et faire en sorte que l’ambiance se transmette dans toute la tribune sans être compartimentée. Les skins étaient moins présents et les rapports avec les autres composantes indépendantes étaient bien meilleurs, toutes les conditions me paraissaient réunies pour réaliser ce rêve avec ou sans les Boys…

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« OM Je te hais », meilleure banderole du monde (c) Collection personnelle

Donc c’est ça qui t’a fait partir des Boys ?

Oui, même si dans l’absolu je reste convaincu que la meilleure solution aurait été de recentrer le groupe, quitter les Boys était devenue la seule alternative, à mon grand regret. J’aurai toujours une affection particulière pour ce groupe mythique car il a fait de moi le supporter rouge et bleu que je suis et resterai à tout jamais. Être Boys un jour c’est être Boys pour toujours.

En sorte, tu voulais unifier la tribune, pour qu’il y ait plus de force ?

Unifier n’est peut-être pas le terme adéquat mais, oui, il y avait un potentiel, pour faire mieux. La tribune pouvait faire plus niveau ambiance.