Interview

Supras Virage PSG

La Saga Supras #2

Suite de l’entretien avec Boat, Bobine et Selim, 3 anciens présidents
des SUPRAS AUTEUIL. Dans cette deuxième partie on évoque avec eux
la création du groupe et l’évolution de sa mentalité. 

Revenons sur la création des Supras, Bobine, tu peux nous en dire plus ?

Bobine : Le principal a été dit quelques lignes plus haut ; une fois la porte du Virage ouverte par le club aux Supras, les gars ont fait leur vie. Le premier match des Supras a été contre l’Olympique Nîmois le 26 octobre 1991, 1 mois après le dépôt des statuts. Un adversaire anecdotique comparé à la formidable et inoubliable bicyclette d’Amara Simba, qui concrétisera 2 buts ce jour-là. Par ailleurs, le club a naturellement accompagné les Supras, comme tous les groupes d’ailleurs. Il nous donnait une subvention de 6.000 Francs environ à l’époque, nécessaire pour démarrer. Il nous a clairement sponsorisé dans la création des premières voiles (je pense à la « Vaincre pour Nous » destinée au Virage), pour la matière première des tifos et l’organisation des déplacements. Nous sortirons peu à peu de ces 3 axes pour revendiquer notre autonomie. On avait aussi un local, celui dont Selim parlait, en Auteuil rouge, commun avec les Lutece Falco, Dragon’s et plus tard les Tigris Mystic, ce qui nous permettait d’avoir une certaine cohésion. Au moins, on se croisait ! Dès qu’on sortait à la fin des matchs, tout le monde était ensemble, toutes les malles étaient dans le local. Il y avait une certaine unité, même si il y a toujours eu une petite guerre de clocher entre Lutèce et Supras. Mais c’est plus une rivalité de bonhommes avec leurs caractères que de groupes en réalité.

A ce sujet, c’est curieux parfois comme des choses purement matérielles comme des parpaings et du ciment séparent des gens. Je m’explique ; le local était donc commun à tous les groupes puis d’un commun accord, on sépare le local en deux avec Auteuil rouge. Atelier de maçonnerie avec Amar, président des LF, en construisant donc un mur entre Auteuil bleu et Auteuil rouge. Puis en 1998, je demande à sortir définitivement du local en demandant la construction d’un autre local, plus grand à dix mètres toujours en rouge. Avec le recul, peut-être la plus belle connerie que l’on ait faîte, s’isoler chacun chez soi… Par ailleurs, les symboles manquent, le groupe est très jeune, l’histoire est en marche, mais l’organisation nous fait défaut. C’est normal, Paris ne s’est pas fait en un jour ! Le décor est planté. Il fallait maintenant le structurer. C’est mon but. Le groupe a commencé avec un premier logo « SUPRA » et un pouce en l’air. Vous comprenez, ça faisait un peu « Vichy Saint-Yorre, ça va fort ! » si tu veux. C’était un truc « un peu trop positif » pour des tribunes populaires. Mais c’est facile de dire ça, quand les gars de l’époque partaient d’une feuille blanche. Et c’était il y a bientôt 30 ans. Mais il fallait bien commencer par quelque chose…

Bache Supras Virage PSG
la bâche « Pouce en l’air » © Collection personnelle

Qui a eu l’idée du nom SUPRAS ?

Bobine : C’est la contraction de Supporters et Ultras, de ce que nous étions et allions devenir. Aussi, dans Supras, vous avez quasiment toutes les lettres de Paris. D’où ça vient ? C’est simplement venu petit à petit, l’idée de rapprocher ce que les gens sont quand ils viennent au stade : des supporters et l’autre idée, de ce que certains deviennent : des Ultras. Il y a avait donc « SUPRA », mais sans le S en terminaison puis SUPRAS. Ensuite une évolution du logo, une main qui se durcit et se referme pour laisser apparaître un poing avec en son majeure une chevalière PSG. A noter que beaucoup de références italiennes ont naturellement été importées. Franck et « Mac Méga » avaient de réelles références en Italie. 

« Le couturier » raconte : « De cette saison (94/95), je garde également le souvenir de mon premier tournoi à Gênes par le biais de « Mac Méga ». Il était passé aux Lutèce, avec qui j’avais gardé des contacts et avait sympathisé avec les Ultras Tito de Gênes, lors de la Coupe du Monde en Italie en 1990, auquel il assistait, pour suivre l’Ecosse, basée donc à Gênes. Notre équipe s’appelait « Celtic Paris » et était composée de Supras (Les deux Laurent,, Gelaad, Raph, Seb, Bill…) et de quelques Lutèce (Gilles, Oliv et Seb). Les saisons suivantes, nous y retournions et nous retrouvions, Franck qui jouait avec des collègues à lui, supporters de l’Inter sous le nom de « l’Inter Club Paris ». C’est de ce tournoi à Gênes, que nous nous inspirions pour organiser à notre tour notre premier tournoi international (à la Varenne Jarcy, club de foot où je jouais, ainsi que Gilles et les autres membres des Lutèce du « Celtic Club Paris »). Puis Franck pris la main et organisa de nombreux tournois entre Supras »… à Bagatelle et ailleurs. Naîtra la SAFT (Supras Auteuil Football Team) et les tournois de foot qui deviendront une tradition, perpétuées encore aujourd’hui par les générations successives des SA. »

Saft Supras Virage PSG
Supras Auteuil Football Team © Collection personnelle

Selim : Franck avait peut-être des références à la Samp’ aussi.

Bobine : La « Samp » et ses Ultras pour « Mac Méga » donc ont suscité beaucoup d’admiration dans les rangs. C’est vrai. Quand j’entendais parler de leur organisation, j’exultais. Attention on parle d’un groupe de 1969 ! Aucune comparaison possible mais un exemple, c’est certain. Pour revenir aux nombreux symboles, prenons l’exemple de « The Screaming Hand », très en vogue dans le monde ultra, dessinée en 1985, par Jim Philips, légende de l’industrie du skate-board. « La main hurlante » qui figura sur une de nos écharpes. Nous sommes à cette époque en recherche de ces symboles transalpins, comme presque tout le monde. J’insiste sur le fait que les Supras n’étaient pas dans la rivalité dans la rue, mais en tribune : les chants et les Ttifos. Point barre. Et j’étais du même avis. Les SA ont été considérés à leurs débuts comme la « maternelle ». Ensuite les gens ont grandi. Cela n’a pas fait que du bien. Si tu veux boxer, monte sur un ring, ne va pas voir un match de foot !

Supras Virage PSG

Et une devise ?

Bobine : « Notre ferveur est sans limite » sur une de nos écharpes et « Vaincre pour nous » à l’échelle du Virage sur une des premières voiles.

Boat : 1994, l’écharpe Briques.

Bobine : Il y a un fait historique et une anecdote malheureuse sur deux de nos bâches. La toute première bâche (qui faisait domicile et déplacement) que l’on peut apercevoir sur certaines photos du match européen contre Salonique (bleue et rouge) a été piquée par les Urban Service à Nantes. Une deuxième a été fabriquée en PVC, la blanche. J’avais demandé un jour à Fred : « mais cette bâche blanche, où est-elle ? ». Ce que faisait les gars à l’époque, c’est qu’ils décrochaient la bâche et puis il fallait évacuer le Parc, alors ils revenaient le lendemain. Mais le nettoyage était passé. Elle est partie à la benne. No comment. Ce qui explique qu’entre septembre 91 et noël 92, nous en étions à la troisième bâche, la Supras Forever (+ pouce).

Selim: C’est important dans l’appropriation de la culture ultra par les différentes générations. Tu vois qu’à travers cette anecdote, on est dans le symbolique, mais sans toute l’application que ça implique derrière. Tu es en train de créer une identité. Elle n’est pas assez forte. Tu n’as pas encore les codes, qui viennent de l’Italie. « Il faut protéger la bâche coûte que coûte ».

Où alliez-vous chercher l’information sur la culture ultra ? Il n’y avait pas internet à l’époque.

Selim : C’est vrai. Il y a un fanzine qui s’appellait Supertifo, il fallait s’abonner depuis l’Italie. (ndlr : Supertifo, fanzine italien lancé en 1984, arrêté en 2012*)

Boat : Oui, et puis il y avait Sup’Mag (ndlr : fanzine français lancé en 1992, arrêté en 1995*)

Selim : Il faut aussi comprendre que par rapport à 2020, au début des années 2000 tu n’as pas Internet tel qu’il existe actuellement. Aujourd’hui, tu vas sur You Tube, tous les groupes ou presque se mettent en scène, les spectateurs filment les animations des tribunes, tu peux avoir un panorama mondial des ultras en quelques clics, des barras argentines aux groupes ultras marocains ou même indonésiens. A notre époque, tu avais quelques happy few qui avaient des VHS de groupes étrangers ou des compilations et qui les faisaient tourner aux copains. C’était très difficile de te faire une idée d’une tifoseria sans être allé sur place. Dans le même ordre d’idée, à un moment, t’as un exemplaire de « I Furiosi » traduit en français qui tournait à Auteuil. C’est un roman qui raconte les aventures des Brigate Rossonere. T’avais une traduction amateur imprimée sur du A4 qui circulait et les copains te pressaient chaque semaine pour que tu finisses de le lire et que tu le fasses tourner. L’accès à l’information était difficile, donc précieux, et on tentait de tirer des leçons de ce qu’on lisait, de ce qu’on visionnait ou des expériences qu’on pouvait vivre en direct quand on se déplaçait voir des tribunes à l’étranger.

*source : « Le dictionnaire des supporters : côté tribunes. », de Franck Bertheau, édition Stock.

Vous aviez des correspondants ?

Selim : C’est pas mon époque, parce qu’internet arrivait déjà. C’était 1999-2000, c’était le début. Tu commençais à voir les channels de discussion sur IRC. (Ndlr : « IRC », Internet Relay Chat). Mais j’ai connu des gars qui écrivaient encore à l’ancienne à leurs correspondants.

Poing Supras Virage PSGBobine : En 1991, les gars ont investi le Virage, c’étaient des supporters du PSG mais pas des ultras. Ensuite, une partie a commencé à s’intéresser au mouvement et à se cultiver, ils ont adopté des codes, c’est venu petit à petit. Certains s’y sont identifiés, d’autres non. On peut dire qu’au milieu des années 90, le groupe commence à être dedans. On parlait tout à l’heure de symboles, j’estime qu’ils sont loin d’être aboutis. Nous sommes passés de notre bâche de groupe « SUPRAS FOREVER » avec le pouce (un intitulé qui a un sens tout particulier aujourd’hui) à une nouvelle, la « SUPRAS AUTEUIL », avec un poing mais très mal dessiné, un pouce démesuré et en guise de chevalière le logo PSG « 3 lettres » version Canal+ que nous rejetions. On défendait le logo originel dit « Berceau ». J’avais en tête de refaire dessiner le poing, changer la chevalière et donc à terme la bâche. Un jour, en flânant Boulevard Malesherbes, je passe devant un troquet et je vois sur la devanture le logo de la bière munichoise « Paulaner », c’est le déclic, il était aux couleurs parisiennes ! J’insérerai le poing « revu », dans un logo circulaire comprenant le nom du groupe, sa date de création et le nom du Virage où nous évoluions.

Je continuais dans ma quête aux symboles (ndlr : « Bobine » sort de son sac un écrin, avec une chevalière dedans). Je courais après le temps et je voulais avancer. Mais là c’est très personnel. Mais au service du groupe, toujours. C’était mon anniv’, je dis aux mecs : « pas besoin de cadeaux, mais si vous voulez, venez remplir la cagnotte parce que j’ai quelque chose à faire ». J’ai fait réaliser par un joaillier avec un cahier des charges très précis : la chevalière du groupe. La chevalière qui se devait exister. Aujourd’hui elle est au coffre. Pour revenir à internet, une dédicace à notre webmaster JF qui mettra sur la chaîne mondiale notre groupe. Essentiel et novateur en 1998 !

Tu prends visiblement beaucoup de responsabilité ?

Bobine : Tout est relatif mais ça commence.

Boat : C’est ça. 97, c’est une époque où, de mémoire, tu te poses la question avec « The Boss » si il ne faut pas dissoudre le groupe parce qu’il n’y a plus grand monde.

Selim : Tu as une défection déjà de génération. Parce que nous on arrive, enfin notre équipe de jeunes qui ont 15-16 ans. On arrive alors que le noyau a fait défection, des gens que je n’ai pas connus, que je n’ai pas fréquentés. Le changement de génération dans un groupe ça peut foutre le bordel.

Bobine : A cette époque, tu as que quelques gars qui font tourner le groupe. Il suffit de quelques évènements personnels entre des membres du bureau et la machine se grippe. Cela a été le cas. Des points de désaccord entre moi et ceux qui ont « formé » par la suite la Kriek entraineront leurs départs. C’était eux ou moi ! mais ils ne se sentaient pas capables de diriger le groupe et ils sont partis vers d’autres horizons.

Selim : Je crois que c’est ce qui s’est passé avec le départ de Franck, le groupe a eu beaucoup de mal à s’en remettre.

Bobine : « The Boss » s’était retiré aussi. Lionel prendra la suite. Mais il lâche très vite, après une saison et là il n’y a vraiment plus grand monde. Je prends les rennes et je reconstitue peu à peu une équipe qui était vraiment chouette (Zoran, « Udc », etc…). Comme dit Selim, j’ai recruté un de mes amis, « l’Ultra des Cavernes » auquel j’ai ouvert les portes du Virage. Il avait vraiment une sensibilité et une culture ultra. Il avait à peu près ton profil (regardant Selim), dans l’approche et dans le verbal. Il avait une vraie intelligence de tribune. Il était pondéré. Ça faisait la balance avec moi (rires).

On parle d’un groupe qui fait quelle taille ?

Bobine Supras Virage PSG
Bobine avec la C2 © Collection personnelle

Bobine : Il y a les années 90 et les années 2000. J’étais à la transition entre deux époques (1997-2003). Un groupe se quantifie de différentes façons : un groupe à domicile, un groupe en déplacement et un groupe dans la vie de tous les jours. A domicile, à cette époque (la moins bonne) on tombe à 180 membres mais toujours beaucoup de sympathisants qui ne sont pas cartés. L’éternel paradoxe entre les membres, ceux qui pensent l’être mais ne le sont pas et ceux qui aiment bien le groupe mais ne veulent pas s’engager. Ces derniers sont très sympathiques mais ne participent pas à la vie du groupe. En déplacement, c’est le problème de tous les groupes, la proximité du match, son coût et quand ça tombe (la semaine et le samedi, c’est pas pareil). C’est donc très variable et pas la meilleure époque. En dehors des matchs, il n’y a pas à proprement dit de vie de groupe dans les années 90 (pas de local extérieur).

Selim : A l’apogée, tu es en 94-95, c’est ça ?

Bobine : En termes de membres.

Selim : Et d’influence dans la tribune.

Bobine : Absolument, et puis c’est nouveau, c’est l’endroit où il faut être pour certains.

Selim : Et tu as une poignée, moins de dix gars, qui font tourner le groupe.

Bobine : Dix gars, je ne sais plus mais c’est un grand maximum.

Après ça décline un petit peu. Tu parlais de recrutement ?

Bobine : Nous étions déjà dans la pente descendante. Mais nous allons d’abord revenir sur le fonctionnement du club avec les tribunes. Les associations considérées et reconnues par le club sont dites officielles avec des statuts déposés en préfecture, elles sont de type loi 1901, à but non-lucratif. Les relations avec le club s’établissaient via le service animation dont le responsable était Bruno avec des réunions régulières. Suite aux incidents de PSG vs Caen, le 28 août 1993 entre les CRS et certains du KOB, les Képis sont retirés des tribunes et remplacés par des stewards. Le club s’inspire alors très largement du modèle anglais. Dans la même dynamique, le département Supporters est créé, remplace le service animation, avec à sa tête, un ancien de Boulogne pour les relations avec le KOP et une autre personne, Fred, pour le Virage. C’est la première génération du département Supporters. Ces personnes sont donc des salariés du Paris Saint-Germain. Suite à des dis-fonctionnements internes, l’équipe du département Supporters changera et nous verrons arriver une seconde génération, une équipe 100% Kopiste avec deux personnes. Le climat va très rapidement se tendre, voire devenir invivable et pour répondre à ta question initiale, cette période n’est pas salutaire pour gérer normalement un groupe et le recrutement en pâtit. Nous sommes une cible.

Selim : On peut dire ta devise ?

Bobine : Non, ça c’est très personnel.

Supras Virage PSG

Selim : Non, c’était une très bonne devise, qu’on a retenue, et c’était vraiment les mots de Bobine, c’était …

Boat : « Les hommes assis, le Groupe debout ».

Bobine : Mon père était Officier de réserve dans l’Armée de terre. Lors de la remise de son grade d’Officier, la cérémonie a débuté par un « Les Hommes à genou, les Officiers debout ». Je m’en suis inspiré. Je l’ai même accentué. Elle me semblait salutaire.

N’est-ce pas finalement la mentalité des Supras ?

Boat : Si.

Bobine : Cela m’a inspiré, comme beaucoup de choses et comme tout le monde.

Boat : Si, si. Le groupe debout, les hommes assis. Si, si, bien sûr. Le groupe est plus important.

Selim : L’idée c’était que les gars se mettent au service du Groupe, et pas l’inverse. Que les mecs, quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, ne mettent pas en avant leur histoire personnelle au-dessus de l’histoire collective du Groupe. Les meilleures années du groupe sont celles où les gens prouvaient leur valeur et s’intégraient par ce qu’ils accomplissaient dans le groupe et non parce qu’ils profitaient des facilités d’intégration offertes par les gens « bien placés » qu’ils connaissaient dans le groupe.

Bobine : Parce que les gens passent, c’est une réalité. Le groupe, lui, reste.

Au moment où tu avais les rênes du groupe, est-ce que tu t’es inspiré de cette mentalité ?

Bobine : Au fond de moi bien entendu mais dans un groupe qui réussit, je le répète, l’organisation est de rigueur. Je remarque que l’on a fait certainement une erreur : c’est de ne pas s’être professionnalisé au milieu des années 2000. Le bénévolat a ses limites surtout pour des jeunes qui débutent leurs vies professionnelles et personnelles.

Qu’entends-tu par professionnaliser ?

Bobine : On entendait dire qu’en Italie ou dans le sud de la France, les groupes avaient leurs locaux. Les mecs y vont, ils ont leur cuisine, leur bar, ils ont leur lieu ! une organisation bien en place avec un foyer. Ce sont des choses qu’on a réalisées, mais bien après. C’était tendu. Tu ne peux pas tenir longtemps avec un système uniquement axé sur le bénévolat. Un moment ça craque à la maison ou au boulot ou les deux et tu ne revois pas la personne. Et l’organisation du groupe est compromise. On a réussi à avoir notre local en deux étapes (à Bagnolet pour un test mémorable, début 2000 puis en 2003 à Saint-Denis près du Stade de France). C’est un vrai défi avec un loyer supérieur à 1000€ tout de même et une vraie réussite dans notre quête d’autonomie. Nous avions refusé depuis longtemps la subvention, nous avions notre propre organisation au niveau des dép’… et le Graal : nous avions notre QG où tout le monde se retrouvait. Pour le coup un vrai symbole, Durant le premier semestre 2010, il prendra feu, l’immeuble sera ravagé, aucune victime mais cela aurait pu être dramatique (on va dire que c’est le hasard !). Cette période nous sera fatale…

Local Supras Virage PSG
Le bar du local SA91 de Saint-Denis © Collection personnelle

Boat : Dans le groupe tu choisissais. Soit tu avais une vie de groupe, soit tu avais une vie de famille.

Bobine : C’est exactement ça. Ou alors tu as une relève derrière, tu fais des bébés Supras qui reprennent les compétences pour relever les mecs qui vont partir. Mais ça n’existe que dans tes fantasmes à cette époque.

Boat : Tu te rappelles ce qu’on avait vu en Italie ? On s’était promis que plus tard au Parc, il y aurait une porte où on mettrait tous les gamins du groupe, tu vois tous les petits qui naissent, ça aurait été leur porte à eux, et nous on aurait été dans le bloc. C’est ce qu’on s’imaginait, à l’époque.

Bobine : On aurait pu le faire, mais ça ne s’est pas fait. Nous n’avons pas eu le temps. A Gênes justement ils ramenaient leurs gamins. Les mecs étaient déjà des darons, la transmission de génération était en cours.

Selim : Les Titos datent de 69, ça te place un peu la pyramide des âges (ndlr : Ultras Tito Cucchiaroni, groupe de la Sampdoria de Gênes).

Bobine : On ne pouvait que s’en inspirer. En 95 et en 96, avec « The Boss » et Lionel, nous sommes partis à Milan puis Florence, et c’est là qu’on s’est rendus compte de la culture ultra italienne, en se promenant dans les deux villes. Et même si nous regardions à Florence la Curva Fiesole de l’extérieur (pas possible d’y accéder), nous voyions le comportement des joueurs comme Batigol à l’égard des tribunes, sa statue en sortant du stade ; c’était très séduisant. C’était l’époque où ils avaient fait un tifo travelling de Florence, tout en feuilles, simplement, mais ils avaient réussi à faire tous les monuments de la ville. Simple mais efficace. On avait acheté du matos, des photos pour notre butin matériel, un très beau souvenir.

Vous n’aviez aucune référence anglo-saxonne ?

Bobine : On a tous été marqués par Liverpool en déplacement. (ndlr : 24 avril 1997, demi-finale retour Coupe des Vainqueurs de Coupe, Liverpool – PSG, 2-0) et bien sûr celui de Celtic en 1995 : Enorme ! « The Boss » et moi-même, avions une grosse sympathie pour Liverpool mais sinon rien de plus au niveau du groupe. Ce n’était pas ancré dans les gênes des SA.

Selim : Vous, mais pas ma génération par exemple. Vous aviez fait les déplacements européens. Vous étiez beaucoup plus marqués inconsciemment par la culture anglo-saxonne. Parce que vous aviez fait les grands déplacements de l’histoire du PSG en Coupe d’Europe, à Liverpool, Celtic, Arsenal. A notre époque, en tout cas notre génération, c’était Italie, Italie, Italie. Il n’y avait que l’Italie. On s’en foutait du reste.

La culture britannique est quand même très prédominante dans le monde du supporterisme ?

Selim : Oui bien sûr, mais pour ma génération ce n’était clairement pas notre référence au niveau des inspirations. En tout cas pour ce qui concerne le supporterisme parce que paradoxalement mes influences musicales sont principalement anglo-saxonnes, beaucoup de punk-rock, two-tone, reggae. D’ailleurs il n’était pas rare de croiser des mecs de Boulogne, souvent des Rangers ou des Gavroches quand on allait à des concerts. Ça ne s’est jamais mal passé alors que dans le contexte du stade ça pouvait être beaucoup plus belliqueux.

C’était une façon de se différencier de Boulogne ?

Selim : C’est l’histoire du groupe déjà. Parce que les deux tribunes se sont construites sur deux modèles différents.

Selim, tu n’es pas allé voir des matchs à Manchester ou Liverpool ?

Selim : Non, j’ai fait les déplacements à Chelsea ou à Glasgow par exemple avec le PSG, mais je ne me suis jamais dit « Allez on se fait un trip quelques jours voir des matchs en Angleterre » parce que le modèle de supporterisme non organisé ne m’intéressait pas. Alors qu’on a fait plusieurs fois des visites en Italie pour voir comment ça fonctionnait là-bas. On en revient à ce qu’on disait tout à l’heure sur la difficulté de se faire une opinion sans être allé sur place. La démocratisation d’internet a tout changé par rapport à ça.

Bobine : Différentes expériences en Grande Bretagne comme le soulignait Sélim, déplacement à Liverpool où on s’est fait chasser dans les rues avant de trouver refuge dans un pub (je n’ai jamais vu autant de verres voler à travers une pièce, une vraie image), mais surtout cette atmosphère si particulière de cette ville ouvrière quand vous vous baladez dans les rues et où mis à part le musée des Beatles, Anfield et les pubs, il n’y a rien. On comprend que le foot soit si important. Celtic que l’on ne présente plus, Glasgow où deux choses m’avaient marqué en dehors du stade : un gigantesque portail avec le logo et devise du club pour une entrée de livraison et le merchandising avec une boutique où tu pouvais mettre ta maison aux couleurs du club du sol au plafond, en passant par la chambre des enfants, des bouteilles pour ton bar, des bijoux pour ta femme… En marge du Paris SG, un Manchester vs Dortmund, je crois, le 23 avril 1997, avec le grand Canto juste avant sa retraite. Nous avions fait un petit « On the road again » avec certains qui étaient coutumiers de l’Outre-manche et avaient leurs petites habitudes (acheter des sauces indiennes au supermarché du coin par exemple). Mais là, tu ne vas pas y voir des supporters organisés. Mais il y a une atmosphère. En Italie, tu as du visuel. Tu peux parfois t’introduire dans un local, voir un tifo, acheter du matos. Il y a de la matière. En Angleterre tu n’as pas ça. Tu as généralement un chant traditionnel en ouverture, puis à quelques reprises dans le match. Point barre. Tu regardes le match principalement et les seuls sons que tu perçois, ce sont les réactions du public au jeu sur le carré vert. La culture italienne, c’est du continu, c’est différent. Ce n’est pas un jugement sur le fond mais un constat sur la forme. Les gens sont des supporters sincères et impliqués dans les deux pays mais cela se manifeste différemment. En Angleterre, du coup, tu te concentres d’avantage sur le jeu. Tu as moins la tête tournée vers les tribunes.

Brigate Rossoneri Supras Virage PSG
Brigate Rossonere en action © Panoramic

Selim : Culturellement ce sont des modèles qui sont organisés sur des bases différentes. La culture foot anglaise c’est une culture très ouvrière, même si ça a beaucoup changé aujourd’hui. Les prolos qui viennent dans les stades et qui communient. Les surnoms de certains clubs en sont directement issus : les Gunners, les Hammers. Mais ce n’est pas organisé, tandis que l’Italie, c’est une culture construite sur la base de groupes organisés, c’est la fin des années 60, début des années 70, c’était les Brigades Rouges, les groupes politiques.

C’est de l’activisme ?

Selim : C’est une culture de l’activisme au sens large qui se transmet au stade. Tu as par exemple au Milan un groupe qui s’appelle les Brigate Rossonere (ndlr : groupe ultras du Milan AC fondé en 1975), « les Brigades rouges et noires », le nom fait clairement référence aux Brigades Rouges, mais le groupe choisit pour emblème un genre de Totenkopf. Donc les groupes italiens font cohabiter des noms et des symboles outranciers parfois même contradictoires, plus dans une forme de développement d’une culture de la provocation que l’expression d’une véritable culture politique. Mais tu as indéniablement cette culture, vraiment, du supporterisme activiste en lien avec l’activisme politique qui marque les années soixante-dix. Les noms de leurs groupes en portent les stigmates : les Fedayn, Settembre Bianconero… la liste est longue. D’ailleurs le modèle d’Auteuil s’est sans doute développé en mouvement de balancier par rapport à celui de Boulogne. En tout cas à l’époque il y a deux modèles : il y a le modèle anglais et le modèle italien, et tu n’as pas d’autre alternative. Les Espagnols n’existent pas, les Allemands pas encore, les Suisses, les Autrichiens, ou l’Europe de l’Est. L’Allemagne c’est une scène extraordinaire aujourd’hui, mais ça n’est pas du tout une référence à notre époque.


Benjamin Navet
Xavier Chevalier

Supras Virage PSG

La Saga Supras

Virage a rencontré 3 anciens présidents des SUPRAS AUTEUIL 91, groupe mythique du VIRAGE AUTEUIL des années 90/2000. Bobine, Boat et Selim nous ont racontés avec ferveur près de 20 ans de vie de groupe, de passion et d’engagement.
Cette interview est un récit fleuve que nous avons décidé de découper en 6 parties. Découvrez ce premier épisode consacré à l’arrivée dans le monde ultra
de chacun de ces 3 personnages aux parcours hors-norme.


Alors que nous allons commencer l’interview, Fabrice alias Bobine sort de son sac un album contenant
des places de matchs et des photos. S’ensuit la conversation suivante avec Christophe, alias Boat, et Selim :

Boat (s’adressant à Bobine en souriant) : Tu as ramené ton classeur.
Bobine : C’est toi le classeur ! (Rires).
Boat : Je n’aime pas les mecs qui n’assument pas. C’est un album de famille ?
Bobine : Des billets de matchs ; on  va me demander des dates, etc… Tout ça, je ne m’en souviens plus.
Selim : C’est vintage l’album.
Bobine : Ça l’est. Je ne peux même plus y décoller les tickets.
Boat : Moi j’adore les couleurs.
Bobine : Ne touche pas le classeur.
Boat : Tu aurais pu mettre des petites fleurs.
Bobine : Ta bouche toi. C’est au millimètre. C’est comme ça que ça marche.
Selim : Ça a toujours été comme ça.

Pourquoi le Paris Saint-Germain ? Comment est née votre histoire avec le club ?

Bobine Supras Virage PSG
Jeune Bobine © Collection personnelle

Bobine : D’abord ma rencontre avec le football, mes premières parties, dans la rue en Seine-Saint-Denis, où j’ai grandi, j’avais 7 ans. C’est là que j’ai rencontré mon meilleur ami François au début des années 80. Il jouait avec des plus grands, des voisins. Il me fait signe pour une partie de foot dans la rue. Une poignée de main et nous n’avons plus quitté notre rue avec comme point de repère une plaque d’égoût pour les poteaux et le trottoir. Pendant des années, nous avons passé des après-midi complètes et des soirées à mettre notre ballon chez les voisins. Je ne savais pas que ce jour, j’avais rencontré mon meilleur ami sur lequel je peux toujours compter 40 ans après ! Je ne savais pas non plus que la balle allait m’emmener dans une aventure humaine hors du commun. On a aussi joué ensemble en club dans le 93. J’étais stoppeur, n°4.

Ensuite le Parc des Princes. Cela a commencé par un match de rugby, France vs Irlande en 1984, une sortie familiale avec mes parents. Ma première écharpe, mon premier drapeau achetées dans la rue. Puis le premier match de foot, très peu de temps après, le match d’ouverture du tournoi du Championnat d’Europe des Nations 1984, autrement dit, l’Euro 84 : France-Danemark, le 12 juin, avec le coup de boule de Manuel Amoros en plein match, souvenez-vous ! (ça commence bien). Au quotidien, des collections en tout genre, des correspondances avec les clubs où vous receviez encore à cette époque des photos dédicacées et je parle bien de la D1. Je demandais aussi à mes parents de faire des détours improbables pendant les vacances et les week-ends dès qu’il y avait un stade ou une boutique à voir. Là j’étais bon en géographie ! Ils étaient mes premiers sponsors dans mes passions et ils se sont vraiment donnés à fond pour me faire plaisir. Un souvenir de football très important, familial celui-ci, durant la Coupe du Monde 86, avec l’apogée des images Panini et le fameux France vs Brésil regardé avec tous les miens, télé presque dans le jardin et saucisses sur le barbec.

Pour le Paris SG, cela vient ensuite. Le père de mon meilleur ami avait une connaissance au Club. Il nous emmène au Parc en latérale très régulièrement. On avait notre rituel, il nous emmenait ensuite manger sur les Champs. J’étais ado, environ 14-15 ans. Mais à 47 ans je m’en souviens encore. Merci Alain. Mon premier match du PSG sera celui contre Toulouse le 10 septembre 1988. Je suis allé voir le Matra Racing contre Marseille en février 89 au Parc en scolaire (le club « Qatar » de l’époque). Se sont enchaînés les matchs de Coupe de France, les Paris SG vs OM, les tournois estivaux de Paris, les matchs de coupe d’Europe (Naples et la Juve). Puis on a grandi… “Andiamo” pour un premier test derrière les buts, en populaire, en Virage. On voyait bien que ça y bougeait bien. On a commencé à Boulogne, pour un PSG vs Nantes en mai 1993 pour 90 Francs. On s’est même barré avant la fin du match et Caldéraro marque à la 90ème. Depuis je ne quitte plus jamais un match avant la fin. On s’est ensuite posé la question avec François, « Tiens, viens on va voir et essayer à Auteuil ». C’était pour le tournoi de Paris le 16 juillet 1993 avec Auxerre, Fluminense et Francfort. Prix du billet : 55 Francs.

Jeune, étais-tu déjà un peu sensible à ce qui se passait en tribune ?

Bobine : Je méconnaissais totalement le milieu, je n’ai pas de souvenir précis. Boulogne était en place et Auteuil émergeait. Cela bougeait, des chants en continu et des animations, des tifos… bref des sensations uniques ! On s’est donc dit qu’on allait lâcher un peu le paternel et qu’on verrait bien. Pas de voiture, RER et métro de la Seine Saint-Denis jusqu’à la Porte de Saint-Cloud. Nous sommes donc allés au Virage, et nous sommes restés tous les deux à Auteuil. On a vite pris notre carte d’adhérent aux Supras, dès la première année. Les SA prédominaient (ndlr : Tigris Mystic 1993, Lutece Falco 1991, deux autres groupes ultras du Virage Auteuil). Nos abonnements étaient en Auteuil jaune, que cela ne tienne, on descendait au niveau bleu. On n’était jamais au poulailler. Franck était Capo des SA et le cœur du Virage, c’était là ! On a fait notre première année d’adhésion en clôturant la saison avec le titre de champion de France 1994, envahissement du terrain et la fête sur les Champs (là, on a failli goûter au premier coup de gourdin par les casqués de la République). L’ambiance était tellement intense et enivrante que tu avais envie de t’investir. Je me dis « Tiens, qu’est-ce qu’on peut faire ?». C’est à ce moment que j’ai fait mes premières photos, c’était pour un essai pour PSG vs Metz le 25 mars 1994 et suivra PSG vs Arsenal (ndlr : 29 mars 1994, demi-finale allé Coupe des Vainqueurs de Coupe, PSG Arsenal, 1-1). Mon avantage était d’avoir un argentique à la maison. Les groupes ne sont pas équipés et le matériel n’est pas aussi démocratisé qu’aujourd’hui.

Boat : Laisse, les gens ils ne vont pas comprendre « argentique ».

Bobine : Il y avait donc un appareil photo et il a été très rapidement en service.

Tu parles de photos, c’est-à-dire que tu t’étais proposé ?

Bobine Supras Virage PSG
Bobine hisse les couleurs © Collection personnelle

Bobine : Je me suis proposé à Franck. Il a un vrai charisme. Tout le monde n’a pas son talent. Tu arrives un peu perdu, tu ne connais personne, tu te places où tu peux et tu observes. Et là il y a un mec au-dessus de tout le monde et lorsqu’il dit un truc, c’est toute une tribune qui suit. Logiquement tu te diriges vers lui à la fin du match.

Boat : … au méga il était bon.

Bobine : Pourtant, c’est lui qui est resté le moins longtemps en terme d’années. Mais il reste une référence.

Tu avais quel âge ?

Bobine : On est en 1994, j’avais 21 ans. Il me dit, mais sans grand intérêt «vas-y, va faire les photos, là-bas… ». C’est ce que je disais quelques lignes plus haut, c’était pour PSG vs Metz. Moi, j’étais sur un nuage. Pour prendre les photos, tu pars en latérale, en tribune Paris ; pour ma part, j’aimais bien la plate-forme béton réservée aux caméras où il n’y a jamais de caméra et où personne n’avait le droit d’aller. On commence à te donner un pass, les portes s’ouvrent avec l’acquiescement du steward, tu te trimballes en coursives et tu vas t’installer en latérale avec une mission : saisir le travail et la représentation de ton groupe et du Virage qui va se présenter à toi. Là, tu te dis « ah ouais, quand même ». Il faut avouer au début, c’est comme ça. Tu ne le diras à personne, bien entendu, mais dans ta tête, c’est comme ça que ça tourne. Tu as l’impression de commencer à faire « partie des murs ». Tu en es fier. Et puis les photos c’est bien, mais c’est un peu statique, et le matos, ce n’était pas encore comme maintenant, c’était réduit. Je me dis « et pourquoi pas une vidéo ». Rebelote, il y avait un camescope à la maison… En 1994/1995, nous avons réalisé la première vidéo ultra parisienne en VHS sur les Supras, avec en toile de fond le Virage Auteuil et aussi à l’extérieur pour certains déplacements : nos « On Tour ». Vintage pour sûr mais un vrai intérêt parce que presque tout le monde pouvait s’y voir.

Vous l’aviez vendue à la table ?

Bobine : Non sur commande car tirée en petite quantité. Mais c’était tout un truc. On ne se rend pas compte. Je ne connaissais rien au montage et à la vidéo. Je collais au mur de ma chambre une feuille A4 pour faire les titres de présentation de chaque match. Tu étais en VHS. Tu contactais une boîte. Tu faisais un master. Tu faisais des photocopies couleur par système D pour la jaquette. Cela coûtait cher et nous n’avions pas une grosse trésorerie.

Bobine, ton surnom vient de la vidéo ?

Bobine : « Tecate », une personne importante aux Supras, pleine d’humour, un vrai déconneur, sur qui on peut toujours compter en toutes circonstances, me dit « tiens, Bobine ». Je me dis « Si ça te fait plaisir, Pourquoi pas ! » Parce qu’un pseudo, tu ne décides pas de toute façon, c’est les autres qui décident pour toi. C’est resté.

Boat, c’est quoi le sens de ton surnom, Selim tu en avais un ?

Selim : Boat, c’est Boat People, parce que c’est un raclo ! Il dormait n’importe où ! On avait tous un surnom, mais je ne vous donnerai pas le mien !

Selim, raconte-nous ton histoire avec le PSG.

Selim : Mon histoire avec le PSG n’est pas liée à une tradition familiale. Mon père aimait tous les sports en général, mais il n’avait pas du tout l’esprit partisan des footeux. J’ai grandi à Strasbourg-Saint-Denis et le week-end au réveil, avec mon frangin, on avalait notre petit-déjeuner et on allait jouer au foot avec les copains dans le quartier toute la journée. Amoureux du foot avant tout. C’est la première partie des années 1990 et l’époque des épopées européennes du PSG et je m’identifie bien sûr aux légendes qui composent ces effectifs : Raì, Valdo, Weah, Ginola, Ricardo et surtout Bernard Lama qui est mon idole absolue. On n’a pas Canal+ à la maison donc on regarde les premières minutes des matchs qui ne sont pas cryptées, quel plaisir ! Et quelle déception quand l’écran se brouille et qu’on essaie de deviner ce qui se passe derrière le brouillard… Ça fait travailler l’imagination au moins ! On se passe en boucle les K7 vidéo des campagnes européennes. Le vrai plaisir visuel finalement c’est les grandes compétitions internationales dont tous les matchs sont diffusés en clair à l’époque. J’ai de vagues souvenirs de la Coupe du Monde 90 et de l’Euro 1992, mais celle que je vis pleinement la première fois est la Coupe du Monde 1994 où je peux enfin regarder tous les matchs. C’est aussi le moment où mon frangin et moi avons enfin nos premiers maillots.

Ton premier maillot, c’était quelle équipe ?

Ginola Supras Virage PSG
Gino et son maillot © Panoramic

Selim : C’était Paris. Ou non, peut-être l’Equipe de France. Oui j’ai un maillot de 1994 de l’Equipe de France. Super maillot. Je l’ai encore, je l’ai filé à mon gamin. Le maillot avec les trois bandes en losange sur les épaules, avec le coq, FFF, il est magnifique. Il n’a pas vieilli. Donc ça c’est mon premier maillot, et puis les maillots du PSG ont suivi. Bref, avec mon frangin on est à fond sur le foot, on suit les matchs et les résultats comme on peut, bien sûr le moment privilégié de la semaine c’est Téléfoot le dimanche matin où on peut enfin voir les buts de nos héros. Je suis en colo au moment où on se fait éliminer par Milan, en 1995 (ndlr : 19 avril 1995, demi-finale de Ligue des Champions, match retour, Milan AC – PSG, 2 – 0). Toute la journée, je suis nerveux, pas de radio, pas de télé, impossible de connaître le résultat et un animateur nous apprend le soir qu’on sort, je ne parle plus à personne pendant deux jours.

Boat : Tu es un sensible en fait.

Selim : Oui, je suis un gamin sensible, tu vois, j’en chiale, je m’en remets pas. Et je ne m’en remets toujours pas en fait. Quand t’es gosse, t’es persuadé que ton équipe est invincible, que ça va passer. La blessure n’est pas refermée quoi, comme la trempe qu’on prend contre la Juve en finale de Supercoupe d’Europe, je les hais toujours pour ce qu’ils nous ont infligé ! Mon premier souvenir du Parc, paradoxalement, ce n’est pas un match, mais un concert. Je suis au collège et un gros festival est organisé en juin 1997, c’est absolument énorme : No one is innocent et FFF l’après-midi avec Marco qui fout le feu sur scène avec le maillot du PSG. NTM qui assure la première partie du Wu Tang, mémorable ! Et le soir, combo Rage Against The Machine puis Prodigy, des groupes à leur apogée dans cette enceinte de légende, c’était dément !

Deux mois plus tard on assiste avec mon frangin, un copain du quartier et son père au tour préliminaire de LDC contre le Steaua (ndlr : 27 août 1997, tour préliminaire Ligue des Champions, match retour, PSG – Steaua Bucarest, 5-0). On débarque en tribune latérale, tribune H rouge, près d’Auteuil. Ça a peut-être été un des matchs les plus furieux à Auteuil. J’ai chaque but en tête. Je les vois encore défiler sur le terrain, le dernier match de Leonardo qui fait un récital sur le côté gauche juste devant nous avec quatre passes décisives. Le temps s’est figé pour ce match, je me souviens de tout, c’est gravé. Mais j’ai aussi passé une grande partie du match à regarder la tribune, envahi et complètement écrasé par la puissance et la ferveur qui s’en dégageait. Je me levais sur les chants pour les reprendre, j’ai saoulé tout le match les gens derrière moi qui me demandaient de m’asseoir.

De là, je suis piqué évidemment, je veux revivre cette émotion. J’ai 14 ans, je joue au foot à Balard avec un pote du collège qui est abonné à Boulogne avec son père. Auteuil est plein, on ne peut pas y aller. Et après les entraînements de foot, je commence à aller au Parc avec lui. Arrivé à la mi-saison, à force discussion, ma famille m’offre un abonnement pour la fin du championnat en R2, ça revenait 35 francs la place, le prix d’un grec de nos jours quoi ! Faut avouer que ma mère n’était pas très rassurée. Elle avait entendu des trucs sur la tribune. Bref, je lui sers la soupe. Elle téléphone quand même au club. Ils lui disent « Ça va un peu mieux qu’à une époque, mais comment vous dire, ce n’est peut-être pas la meilleure idée … ». Finalement, elle est rassurée parce que le père de mon pote est dans la tribune avec nous (ndlr : à l’époque la Tribune Boulogne était divisée en cinq parties, R2 se situait dans la tribune basse, à droite lorsqu’on la regardait depuis le terrain). Je pense que son père était un vieux gars de Boulogne, avec le recul, même si tout ça je ne l’analysais pas à l’époque. Ça faisait longtemps qu’il traînait ses guêtres en R2. Donc j’y vais avec mon pote, après les matchs de foot et les entraînements, je suis content, je vois les matchs, mais je suis loin de la tribune qui me fait rêver. Auteuil est en face, et tout ce que je veux faire, c’est y aller. Mais il n’y a pas de place. Comme je suis abonné uniquement pour le championnat et qu’Auteuil n’est pas full pour les matchs de coupe, je lorgne l’ouverture des billets aux abonnés à chaque fois et me jette dessus. Donc je fais le max de matchs à Auteuil pour les coupes à cette période.

Valdo Maldini Supras Virage PSG
Valdo & Paolo – Milan AC vs PSG 19 avril 1995 © Panoramic

Côté Supras à l’époque ou pas ?

Selim : Oui, tout de suite j’ai été côté Supras. Mais peut-être que c’est parce que j’avais été en tribune G/H, donc juste à côté, et j’avais eu les Supras au-dessus de ma tête pour PSG vs Steaua. Je n’avais regardé que ça, et le bloc Supras avait dégagé une ferveur incroyable pendant ce match. C’est là que je voulais être. Le nom aussi, « Auteuil », c’était le seul groupe qui avait « Auteuil » dans son nom. « Supras Auteuil ». Donc je me mets aux Supras dès que je fais ces matchs de Coupe. A la fin de la saison, je demande mon transfert à Auteuil, qui est accepté, je saute de joie !

Lors de ta période à Boulogne tu as ressenti que tu n’y étais pas à ta place ?

Selim : Je n’ai jamais mis les pieds en bleu et R1 était complètement coupé de R2 même dans les coursives. Il y avait des mecs zarbis en R2 bien sûr, mais la tribune ne chantait pas en chœur des chants de la Waffen SS. Faut pas déconner quand même, et je ne me suis jamais senti en insécurité physique.

Tu étais donc attiré par Auteuil plutôt que Boulogne ?

Selim : De base, bien sûr, puisque je voulais être acteur du match et que la tribune Auteuil était clairement le vecteur d’ambiance du Parc. Même en R2 je reprenais les chants lancés au-dessus par les Boys pendant la plupart du match, mais je sentais bien qu’on n’était pas nombreux dans ce délire et je voulais absolument être au cœur d’un bloc qui soutenait l’équipe tout le match.

Bobine : Mais Auteuil était plus démonstratif de toute façon. Donc forcément si tu ne connais pas, tu vas plutôt à Auteuil. Boulogne, ce n’est pas que c’était vide, mais c’était moins attirant par rapport à l’agitation d’Auteuil sur l’ensemble de ta tribune, et divisé en blocs avec différentes influences. C’était aussi plus ouvert pour les raisons historiques. Les gens se sentaient beaucoup plus libres aussi au Virage.

Selim : Oui, mais mes premiers pas à Boulogne, c’est quand même une période où il y a plus de bruit dans la tribune qu’à la tienne. Les Boys étaient installés et étaient plus dans la démonstration ultra qu’à l’époque où toi tu es arrivé. Tu dis que ce n’était pas encore très démonstratif. Je comprends, mais pour moi ça l’était déjà plus, même si je n’étais pas physiquement dans le secteur qui participait le plus.

Bobine : Nous sommes d’accord.

Selim : Cependant, ça n’avait rien à voir avec une tribune entière ou en tout cas majoritairement orientée vers le soutien vocal et visuel à l’équipe. À Auteuil, c’était trois groupes qui t’en balançaient dans les oreilles pendant tout le match. Moi je voulais passer à la « stéréo ».

Donc tu vas direct aux Supras et tu es intégré ?

Bobine Supras Virage PSG
Suivez le guide © Collection personnelle

Selim : Non, pas direct. Je me carte et je m’installe dans le bloc en m’approchant de plus en plus des premiers rangs où sont installés les capos. Et après il se passe un petit peu de temps. Les Supras à l’époque, organisaient ce qu’on appelait « Les coulisses du Parc ». C’est Bobine qui avait organisé cela. C’était très bien. Du coup tu te cartais chez les Supras, tu prenais ton écharpe en même temps que le cartage, et on te disait « on va t’inviter à visiter les coulisses du Parc ». En gros, à faire un avant-match. Je me dis « ah ouais, c’est cool ». Mais attention, ce n’est pas un truc automatique, c’est « on va t’appeler ». Donc le jour où Bobine m’appelle, et qu’il me dit « C’est Fabrice des Supras, tu as le privilège d’être invité aux Coulisses du Parc », tu te dis « génial ». Il me donne donc rendez-vous. Je suis là, une demi-heure avant, super excité à l’idée de faire un avant match, d’installer tout le matériel, de voir le Parc s’apprêter avant le spectacle du soir. Bobine est venu me chercher à l’entrée. Tu assistes à tout ce qui se passe avant un match, toute la préparation, sortir le matos des locaux dans les coursives, l’installer sur les sièges, installer les bâches, les feuilles d’info, voir les tables de vente de matériels et d’inscription aux déplacements se préparer. Mais il y avait aussi un truc qui m’avait intéressé, c’était qu’il y avait un local dans le Parc. Tous les groupes avaient un local qui était dans les coursives, vraiment dans le béton, dans le dur. Et pendant ces « Coulisses du Parc » il y avait une réunion dans le local Supras où les membres discutaient de la confection d’un matos, et tu avais tout cet aspect débat entre les membres, sur la présentation du matos, « est-ce que ça vous plaît ? est-ce qu’on fait comme ci, est-ce qu’on fait comme ça ? qui vote ? » Ce côté un peu démocratique et surtout de la réflexion, des échanges qui débouchent sur du concret, la sortie d’un matos, m’avait beaucoup plu. On m’avait même demandé mon avis, tu vois, alors que je me cachais dans un coin du local, je ne voulais pas qu’on me remarque, et on nous dit « les deux nouveaux là, qu’est que vous en pensez ? », parce que j’étais avec mon frangin, « qu’est-ce que vous en pensez ? », et nous, « oui, c’est vachement bien, nous on est d’accord de toute manière ! ».

Et toi Christophe ?

Boat : Alors, premier match au Parc, d’où ça vient ? Ce n’est pas familial. Parce qu’à la base j’ai des parents qui n’ont pas le temps de faire ça, ils s’en fichent. C’est avec des potes du quartier. On peut avoir des places gratos. Les souvenirs sont vagues, mais je crois que les premiers matchs c’est pareil, saison 89/90, ce sont des places gratuites en latérale. Tout de suite c’est l’ambiance qui me plaît. Je regarde Boulogne, je regarde ce qui se passe, et je retourne voir deux ou trois matchs comme ça. Un jour il y a une nana avec qui je sortais, dont le frère, qui était beaucoup plus âgé que moi, allait à Boulogne. Il me dit « vas-y viens, on va voir à Boulogne ce qu’il se passe ». Donc premier match en virage, à Boulogne. Je suis tout jeune, je suis un gamin. J’ai 14 ans. A l’entrée, il y a un CRS qui me fouille, moi je n’ai pas l’habitude, je lui dis « non non je n’ai rien », et tac, je me prends une patate de la part du CRS. Bienvenue au Parc. Voilà, sympa. Je m’en rappellerai toujours, ça m’a marqué. Une patate, tac. « Non, tu ne me tutoies pas ! » Bon d’accord, ok. Et puis on rentre dans la tribune, je voulais aller côté Boys parce que ça chantait, et là le grand frère me dit « allez, viens plutôt à droite, ça se bagarre, c’est plus marrant ». Voilà, donc lui il était en haut, côté B1. Bref, je voulais aller du côté où ça chantait, je fais un match avec les Boys. C’était pas mal. Mais comme tu as dit, tu entends des trucs bizarres. Je n’étais pas forcément super à l’aise par rapport à tout ça. Plus tard je continue à aller voir des matchs comme ça. Mes parents n’ont pas de thunes, donc je gratte de l’oseille où je peux, je demande aux potes dans le quartier, 1 franc, enfin bref tu paies ta place comme ça, tu galères, mais tu y vas de temps en temps. Et puis premier abonnement, je crois que c’est 91/92. Je prends la première écharpe du groupe à la table. Je prends la première carte. Première année des Supras. Mais non investi, je suis vraiment de mon côté. Je suis jeune à l’époque, je ne m’investis pas vraiment, je ne suis pas dans ce délire. Donc voilà, Auteuil direct, Supras direct, puisque j’ai commencé à m’investir en 1998.

Bobine : Quand je suis venu te chercher au Lama Fan Club

Boat : C’est ça. Et qu’on s’est mis quasiment sur la gueule.

Bobine : Le Lama Fan Club c’était à la première porte à droite d’Auteuil Bleu à la limite des G, quand tu es face à la tribune.

Boat : C’est ça. En fait j’ai toujours pris mes cartes aux Supras, mais on était entre nous. Alors tu peux l’appeler Lama Fan Club, à une époque c’était Valdo Fan Club, à une époque c’était l’Unité Amok, c’était un petit groupuscule. On traînait à notre porte. Après je faisais déjà beaucoup de déplacements. Mon premier déplacement c’est 92 à Naples. J’étais tout jeune. 93 à Marseille. Je suis né en 76, donc je n’étais pas bien vieux.

Lama Supras Virage PSG
Selim, Boat et Bobine entre amis avec Bernard © Collection personnelle

Tu as donc vu la tête de Basile Boli en direct ?

Boat : Oui, oui, j’ai vu la tête de Basile Boli, les tirs de stylos fusée, mon petit frère se faire défoncer par les flics en tribune à Marseille. On est dans le virage, sous un filet, on prend de la pisse, des mecs qui pissent dans des bouteilles et qui nous les jettent sur les filets. Oui, c’était sympa. Avec des mecs de Boulogne dans un train. Nous on était quoi, 50 gars d’Auteuil, et il y avait 800 types de Boulogne, je ne sais pas d’où ils les avaient sortis, mais c’était 800 types, c’était spécial. En train organisé par le PSG. Donc voilà. Et je commence à m’investir aux Supras, c’est par Tecate, qui me dit « ils sont en galère, ils leur manquent du monde, ils ont besoin de reconstruire un petit peu, vas-y viens ». On s’investit un peu. Puis il y a un déplacement, un OM vs PSG. Tu t’en souviens ou pas ?

Bobine : Yes.

Boat : Donc il y a OM vs PSG. C’est vrai qu’en général les déplacements je ne les faisais pas forcément avec le groupe. Et pour ce genre de match tu as toujours des mecs qui viennent et qui ne sont intéressés que par ce déplacement. Et donc Bobine me parle mal. Voilà quoi, le premier truc c’est qu’on est à deux doigts de se foutre sur la gueule.

Bobine : J’étais surtout énervé. J’en avais marre des mecs qui se pointaient pour partir à Mars une fois par an et que je ne revoyais plus.

Fabrice ne voulait pas que tu ailles à Marseille juste parce que tu ne faisais que ce déplacement-là ?

Boat : Oui, c’est ça l’histoire. Tu te rappelles toi ?

Bobine : Disons que c’est un bon et un mauvais exemple. Le problème c’est que tu besognes toute l’année, et puis tu as, grosso modo, comme tu dis, tous les mecs qui viennent à Marseille. Ce sont des profiteurs pour une grande partie. Ils sont contents de trouver le groupe pour ce qui les arrange. A la fin du match, tu ne les vois pas pour aider et ranger le matos. Ils se barraient rapidement pour aller boire un coup ou pour rentrer chez eux. Tous les groupes connaissent l’histoire, des centaines de personnes se marrent avec toi et te tapent sur l’épaule et dès le coup de sifflet final, tu restes une poignée avec des stewards qui te pressent pour sortir. Pour revenir à « parler mal », c’est compliqué, tu dois diriger, coordonner une équipe dans un certain stress et énervement et parfois ça ne va pas. Tu remets donc les choses ou les gens à leur place, c’est marrant pour personne mais c’est nécessaire. S’il y a une couille, devinez à qui on demande des comptes ? Rien d’extraordinaire à tout cela. Et puis, on a chacun son caractère et on ne réagit pas tous de la même façon.

Tant que tu n’es pas à cette place, tu ne peux pas savoir et tu n’as surtout rien à dire sauf si tu prends les commandes et que tu montres ce que tu sais faire. Va voir dans les autres groupes, à Paname, en France ou à l’étranger, comment ça se passe, c’est la même. Mais parce que l’herbe est plus verte dans le pré d’à côté, on dira « t’as vu, là ça suit, c’est bien ordonné » blah blah, quand cela te tombe dessus, ça te fait chier, c’est normal mais il n’y a rien de personnel, c’est pour le groupe. A ceux qui veulent discuter sur le sujet (en général les forts en gueule mais rien de concret, je cause et après je me barre) allez au salon de thé et prenez des biscuits. Vous mettrez ça sur mon compte. Bref… Je ne sais pas si on s’est embrouillé pour ça, mais c’est ça qui a commencé à me faire chier mais après on s’est bien rattrapé. Je t’ai rappelé, et là tu as enclenché dans le groupe, j’avais, sans le savoir à cette époque, recruté le futur leader et Capo du groupe.

Donc tu fais le déplacement à Marseille, et c’est le début pour toi dans le groupe ?

Boat : Dans le groupe oui, en tant qu’actif.

A partir de là tu rentres et tu restes dans le noyau ?

Boat : Oui, parce que très rapidement je prends le méga.

Boat Supras Virage PSG
Boat harangue les troupes © Collection personnelle

Virage : Tu le prends comment ? C’est Fabrice qui te le donne ?

Bobine : Franck est parti depuis un certain temps maintenant et personne ne l’avait jamais vraiment remplacé. On peut estimer qu’il a été à la base de la plus belle époque en terme d’ambiance à Auteuil. Beaucoup s’y sont essayés de notre côté par la suite mais sans réel succès. Cela correspond à la perte de vitesse du groupe, puis l’émergence d’autres capos et par conséquent d’autres groupes. Pour Boat, je n’ai rien donné du tout. Il a eu l’audace et le courage de s’imposer, année après année, au poste peut-être le plus en vue et le plus risqué.

Quand tu dis la base, il n’avait donc pas que le méga ? Il était à la base du groupe ? Qui étaient à la base d’ailleurs ?

Bobine : Beaucoup de légendes ont circulé et beaucoup de contre-vérités ont été dites. A l’été 1991, Canal+ reprend le club. Une étude très sérieuse sur l’ambiance au Parc des Princes est lancée par le PSG, auprès des abonnés et du public en général. Une chose ressort, les gens en ont assez de l’image médiatique très négative des supporters parisiens (en tous les cas, d’une partie) et voudrait un endroit où ils seraient plus libres, plus détendus pour faire la fête et où tout le monde aurait accès… enfin. Bruno (ndlr : nous ne citerons que les prénoms ou surnom dans cette partie) venait juste de se faire recruter par le club avec différentes missions : animation/promotion/marketing. Il fera beaucoup pour les tribunes et ses supporters. En collaboration avec Pierre et le directeur général Gérard, au vue des résultats de l’étude, le PSG a la volonté de dynamiser Auteuil et permettre à des personnes d’accéder au Virage qui était alors une tribune mixte visiteurs/supporters parisiens sans affiliation particulière. La tribune Auteuil était une tribune dite “morte”. La décision a été prise en quelques jours. Je place une dédicace toutefois aux premiers habitants parisiens d’Auteuil qui avaient un certain goût pour la musique, d’après certains témoignages. Ils ont peut-être alors montré le chemin vers l’ambiance et la fête. C’est alors qu’un abonné se présentera à Pierre avec une idée : créer un groupe de supporters à Auteuil. Il avait alors une trentaine d’abonnés avec lui. Il est arrivé au bon moment avec la bonne idée.

Frédéric sera le premier président des Supras. Avec sa volonté de créer un groupe à Auteuil, il sera, sans le savoir, celui qui posera la première pierre du Virage Auteuil. Il sera accompagné de Jean-Christophe, le trésorier, puis se joignent très rapidement au projet David, qui part ensuite à Boulogne, Gilles en capo alias « Mac Méga », Thierry au secrétariat, autrement dit le lien avec les membres, Xavier alias « Poppies » aux photos, Ouassini alias « The Boss » qui introduit les percussions au Virage et qui reprendra la présidence du groupe jusqu’en 1995, sans oublier Didier alias « le couturier », un esprit créatif, qui bouge dans tous les sens et qui laissera son empreinte avec « Mag Méga » dans les tifos du Virage Auteuil pendant de nombreuses années. Toutes ces personnes arrivent sur quelques mois, donc elles ne sont pas citées nécessairement dans l’ordre d’arrivée si je puis dire. Le  pari de miser sur quelques jeunes était un sacré défi, pour des « gosses » qui allaient avoir en face d’eux le Kop, avec déjà une Histoire, des personnes plus âgées et beaucoup plus expérimentées. Gravir les marches en béton du vaisseau de la Porte de Saint-Cloud, entrer en tribune, regarder à gauche et à droite, constater un terrain en friche avec à la main un petit fût et une paire de baguette dans un seul but : donner vie à ce Virage où les gens se moqueront dans un premier temps et en ayant un Kop en face d’eux, les frères ennemis, une seule chose à dire, chapeau bas messieurs !!! Bravo aux Gars de 1991 ! Vous êtes les fondateurs du Virage Auteuil ! Vous avez mis le Parc en Stéréo. Le noyau était situé dans un premier temps à la fin du tableau d’affichage / début du bâchage du groupe sur le muret (qui deviendra No Man’s Land par la suite) puis les SA investiront, à quelques mètres, le bloc niveau bleu, sur la gauche (quand vous entrez en tribune) entre les deux portes RTL. Les tambours furent installés sur celle située plus vers le centre de la tribune, porte devenue « historique » pour le groupe. De cette façon, le Capo pouvait se coordonner avec le leader des tambours qui profitait de la caisse de résonnance du vomitoire.

The Boss Supras Virage PSG
« The Boss » aux baguettes © Collection personnelle

Le groupe est apolitique et ouvert à tous. Cosmopolite et non-violent. Vous comprendrez alors peut-être mieux le courage et le défi des fondateurs, en démarrant avec cette philosophie positive dans le monde des tribunes. Cela expliquera les « moqueries » (un terme très soft quand on connait le déroulé des évènements) des Kopistes et des Sus-Scrofa (anciens de Boulogne) installés à Auteuil bleu au centre. En 91/92, ils seront 150 cartés. Toutes les personnes au sein du groupe furent surpris par un tel engouement. Premiers fumis et ballons agités, un spectacle pour la retraite de Joël Bats. Monaco sera le premier déplacement des Supras. En 92/93, c’est l’année des tifos et le groupe montent à 250 membres. c’est le premier Tifo « cierges magiques » contre Salonique, suivra Anderlecht, le lettrage PSG contre le Real et les ballons contre la Juve. A ce moment les SA sont plus nombreux, ils sont au micro et au niveau Tifo, les LF sont aux manettes. Lors du dép’ à Anderlecht, ce sera pour certains d’entre nous la découverte du hooliganisme aussi bien du côté parisien que belge. En 93/94, la première bâche « On Tour » sera réalisée par « le Couturier », lors de ses vacances d’été, made in Bretagne, avec du tissu récupéré la saison passée, lors du match contre la Bulgarie (triste souvenir). Confirmation des Tifos par Arsenal entre autres. Nous sommes à 350 cartés et de plus en plus présents en dép’. « Le couturier » a commencé à monter son équipe animation pour rejoindre les Lutèce Falco dans leurs idées artistiques. Arsenal sera un très beau souvenir. Ce tifo européen marquera mes débuts aux Supras en tant que photographe du groupe. Cette équipe incontrôlable se composera pour les principaux de « Gelad », les deux Laurent (dont « Talons aiguilles » toujours parmi nous) et donc du « couturier ». Pour « Talons », je vous laisse le soin de faire le rapport entre un fumi et une chaussure…

On verra apparaître les appellations de Car-Nord et Car-Sud dans les échanges de chants dans les bus en déplacements (Sochaux, Cannes, Auxerre etc…) entre les personnes devant et celles au fond du bus (Franck, Gelad, les deux Laurent, Lakdar, « Tecate », « le Couturier » etc… Car-Sud restera deviendra « Karsud » et sera le pseudo de Franck. Il créera une section indépendante des groupes et présente au centre d’Auteuil bleu par la suite. Des membres des Supras quitteront le groupe pour rejoindre les Karsud. « Le couturier » poursuivra dans l’évènementiel et réalisera, entre autres, les Tifos de la coupe du Monde 98 avec une grosse équipe et plusieurs associés. L’évènementiel a toujours fait partie de sa vie, il en fera son métier. Franck devient le capo en début 93 (après le départ au service militaire de « Mac Méga » fin 92). Il sera en parfait accord en tribune avec les tambours menés à la baguette par « The Boss », des fûts aux couleurs du club et celles de Liverpool (certains étaient sensibles au Spion Kop). C’est par la suite Stéphane alias « l’homme des Bois » ou « Big Mac » qui reprendra avec brio la batterie de tambours à la porte mais pas que, aussi toute la gestion de la Sono du Virage Auteuil. Quel boulot ! Bravo à toi qui a mis à l’unisson le Virage Auteuil ! L’équation d’un groupe n’est pas très compliquée en fait sur le papier : une voix (El Capo), une rythmique (des percussions) et sa proximité au public qu’il convertira parfois en adhérents, tout cela articulé par une réelle organisation au quotidien et beaucoup savent ce que cela coûte. La difficulté réside dans le maintien d’un équilibre et sa constance. Les Lutèce sont venus rejoindre  très rapidement les Supras (avant Noël 91) pour constituer le binôme du Virage. En rouge, il y aura par la suite les Dragon’s (avec Stéphane leur président) et les Tigris (fondés en 93 par Fred, par la suite à la tête de la 3ème génération du Département Supporters). Voilà pour l’architecture du Virage durant les années 90.

Revenons à nos moutons… des percussions donc, un Capo talentueux, ce côté transalpin que Franck importait, des chants en continu, des animations avec les premiers tifos où les gens étaient acteurs, ont été notre apogée. Cela attirait et c’était nouveau ! La saison 94/95 a été une des plus belles pour le groupe (410 membres et 1000 sympathisants estimés). En 95/96, nous chutons. Peut-être avons-nous mal géré notre « succès » ? 180 membres. Toujours présents pour les tifos majeurs. 96/97 marquera l’arrivée de certains Boys et de Girls dans le groupe. Des personnes vraiment de qualité. Mais, nous stagnons… Premier tifo de la saison pour les 5 ans du groupe. Le maillot géant pour Marseille. Un beau projet ! On sortira de l’organisation du club pour faire notre premier bus direction Nantes. Un premier pas vers l’autonomie du groupe. Nous sommes très bons en déplacement mais la qualité des Tifos baisse à domicile. 225 cartés mais pas de quoi s’affoler.

Et Champion de France.

Bobine : Oui en 94 mais pas que, aussi un titre d’invincibilité et la Ligue des Champions. Une très belle époque avec des beaux souvenirs de déplacements européens entre autres et un envahissement de terrain « historique » pour le titre. C’est vrai que le contexte est profitable même si les rapports avec le club étaient en tension permanente (épisodes des banderoles en tribune PSG vs HAC, un an après en mai 1995 qui n’est pas le seul exemple). Une très belle élaboration des tifos par les LF & les SA réalisés en collaboration avec les Dragon’s (Auteuil Rouge).

Quel est d’après toi le premier gros tifo du Virage ?

Bobine : Difficile. Je parlerai peut-être de tifo « référence ». Arsenal (ndlr : 29 mars 1994). C’était mes début en tant que photographe et voir un tifo sur le Virage tout entier de l’extérieur, ça vous saute littéralement à la gueule et ça vous marque comme cette première fois où vous rentrez au Parc et que ce carré vert, tellement lumineux, vous éblouit. Après, il y a ce package de tifos européens du début des années 90, et là c’est chacun ses goûts et ses souvenirs.

Selim : Je n’y suis pas. Pour moi le premier gros tifo collectif de ma génération c’est le magicien. (ndlr : 13 octobre 2000, Division 1, PSG – OM, 2-0). C’est un super souvenir, les trois groupes ont travaillé dessus comme des oufs.

Bobine : C’était un gros Tifo avec une élaboration beaucoup plus complexe et un vrai travail collectif. Un vrai cousu-main. On rentre dans l’ère du savoir-faire. Les gars deviennent de vrais artisans. On ne peut pas oublier Milan (ndlr : 5 avril 1995, demi-finale aller de la Ligue des Champions, PSG-Milan, 0-1). Un tifo feuille simple, mais terriblement efficace. Mais un gros bonus, la société Tifo, basée en Italie, nous décernera le titre de Meilleur Tifo Européen de l’année. On était tellement content de recevoir ce cadre partagé avec les LF. Ce n’est qu’une société. Ce n’est pas le Vatican. Mais pour nous, c’était une société italienne, notre pays de référence.

Supras Virage PSG
Tifo Magicien – PSG vs OM © DR


Benjamin Navet
Xavier Chevalier

Antoine Bréard Virage PSG

Antoine Bréard

Antoine Bréard est l’auteur de « PSG, 50 ANS, 50 MOMENTS » fraichement paru
chez Larousse. On est revenu avec lui sur la façon dont il a imaginé ce livre
qui raconte les petites histoires qui ont écrit la grande. 50 figures y dévoilent leurs souvenirs personnels liés au club. Entre anecdotes et coups de foudre,
il a souhaité mettre en avant l’humain plus que la performance.


Est-ce que tu as une histoire personnelle avec le PSG ?

En tant que journaliste de sport généraliste, je suis amené à traiter pas mal de disciplines, je dois donc garder le plus possible de distance avec les sujets. Et cela s’applique aussi au PSG, même si je n’en suis pas un « suiveur » habituel. Néanmoins, j’ai une réelle tendresse pour le club car quand j’ai été en âge de m’intéresser au foot un peu plus sérieusement, vers 12/13 ans, les deux grosses cylindrées de l’époque étaient le PSG et l’OM. Venant de la Marne, où on vivait dans le déclin du Stade de Reims, Paris c’était quand même autre chose.

Il y avait une connivence géographique déjà. Après quand je suis venu m’installer à Paris, pour mes études, j’ai rencontré quelqu’un qui est devenu un ami, et qui est fan pur et dur. A l’époque pourtant c’était les sales années où ça ne gagnait pas. Progressivement, il m’a emmené au Parc et j’ai pris un peu plus le virus… Au-delà de ça, à titre personnel, je suis vraiment attiré par les performances individuelles en tant que telles, parfois plus que par les équipes en elles-mêmes. J’apprécie l’intelligence sportive et je suis vraiment admiratif de ces sportifs capables de faire le bon geste, le bon choix au bon moment. Une passe en profondeur dans le bon timing ou un tir à 3 points sur le buzzer au basket, ça me rend fou !

Tu es donc un fan de Javier Pastore ?

Oui Javier c’est mon chouchou des dernières années. Car il est beau à voir jouer, car même si tout n’a pas été parfait, il a beaucoup donné. C’est ce que j’aime dans le football. Il n’y a pas que ça mais si tu dois avoir un joueur totem, il fait partie de ceux-là. Je me rappelle qu’avec mon ami on arrivait à avoir des places en bord de pelouse au Parc. Des fois tu le voyais passer et déclencher un transversale… Tu entendais le bruit du pied qui frappe le ballon, et tu voyais la balle qui arrivait là où elle devait arriver. Tu fais pffff… Quand tu es au Parc ou dans un stade, ça n’a rien à voir avec ce que tu peux voir à la télé. Devant l’écran tu vois autre chose : les ralentis, la dimension du terrain, les plans larges. Mais au Parc tu vois la précision technique des joueurs. Quand tu sais la quantité de travail que ça représente pour être un sportif de haut niveau et de ce que ça implique, c’est impressionnant. Ils se rendent les choses faciles car ça devient une habitude pour eux.

Antoine Bréard Virage PSG
Tous derrière et lui devant © Panoramic

Pour en revenir au livre, est-ce que c’est un projet que tu as proposé à l’éditeur ?

Les 50 ans du club était une évidence, d’autant que le PSG est le club le plus médiatique en France. Et je trouvais sympa de faire un livre sur le PSG. Comme je ne travaille pas souvent dans le foot, l’expérience était intéressante. Mais il fallait arriver avec un angle original pour ce livre. Aujourd’hui dans le livre de sport, il faut une façon de raconter les choses un peu différente. Je n’avais pas envie de raconter des trucs déjà racontés. Il fallait être au maximum au service de ceux qui ont vécu les choses. Dans ce livre je n’écris quasiment rien, c’est surtout du verbatim tiré d’interviews. Je voulais donner déjà de la quantité avec 50 interviews de personnalités liées au PSG.

Et offrir au lecteur un témoignage, le plus orignal et le plus honnête possible. Je me considère comme un passeur. Mon boulot c’est de mettre les gens en avant. Dans le livre, tu as des grandes stars, et puis tu as aussi des gens qu’on connait un petit peu moins, et qui racontent des trucs rigolos, des petits moments de leur vie aussi. Comme les frères jumeaux Brisson. Ce qui m’intéresse c’est l’humain. On a une vision des sportifs aujourd’hui sans aucune prise avec le réel. Ce sont des personnages quasi virtuels. Avec ce concept de 50 matchs racontés par 50 personnalités, tu es dans le concret.

On est sur un déroulé très chronologique. Tu avais une liste très précise de ce que tu voulais ou ça s’est fait en fonction des interviews ?

Il y avait les deux. C’est un peu la difficulté des livres « de somme ». C’est comme un légo. Il faut réussir à respecter une trame générale avec des matchs incontournables, et trouver le témoignage le plus pertinent sur chaque match. Parfois c’est facile comme lorsque tu demandes à Presnel Kimpembe quel match a été le plus marquant pour lui. Et il va te parler de PSG-Barcelone. Le premier grand match de Ligue des Champions qu’il a fait. Parfois, c’est plus difficile car il y a beaucoup de matchs très importants sur certaines années avec une équipe qui change moins comme au cœur des années 90.

Antoine Bréard Virage PSG
Presko de Paname © Panoramic

C’est pas trop frustrant de s’arrêter à 50 ?

Si évidemment. Car contrairement à ce que d’autres supporters d’autres clubs pensent, le PSG a une histoire. Et il y a beaucoup de choses à raconter. Même si ça ne fait que 50 ans. Son histoire est riche de ces hommes et de tous ces matchs. On aurait pu rajouter une vingtaine de matchs de plus. On aurait pu raconter le but de Charles Edouard Corridon contre Porto par exemple. Car c’est un but important pour lui. Plein de trucs comme ça. Mais il faut se tenir à ton concept de départ. J’aurais aimé avoir les Djorkaeff père et fils et leur faire raconter leur histoire commune avec le club. Mais au final j’ai écrit le livre que je voulais écrire. Et puis pour les joueurs qu’on n’a pas pu avoir, j’ai un peu détourné le truc en demandant à d’autres personnalités de raconter le joueur. Comme Jean-Luc Ettori qui nous parle de Georges Weah. Au final j’ai une galerie assez large de personnalités qui commence avec les débuts du club jusqu’à aujourd’hui. Je voulais que toutes les générations soient représentées.

Ce n’était pas trop difficile d’obtenir l’accord de joueurs récents comme Presnel ou Javier ?

Si c’est difficile même si au final ça s’est bien passé car ils ont compris notre démarche. Le PSG est un club très exposé, la communication est serrée de partout. Parfois c’est un peu à l’excès. Je me pose la question de savoir si contrôler autant la communication renforce ou non la performance du club et des joueurs. Pour suivre d’autres disciplines, je n’en suis pas persuadé. Après c’est sur qu’un joueur ne peut pas répondre à 15 interviews par jour. Ça dépend aussi de la personnalité du joueur et de son entourage. Après ça fait partie du jeu.

Il y a eu des moments un peu magiques durant ces entretiens ?

Oui avec Raì. C’est toujours un peu magique d’échanger avec lui. Pour le coup c’est le football de mon adolescence, c’était un joueur magnifique et il aime le club. C’était une forme d’achèvement  à la fois personnel et professionnel. Je ne suis pas du genre à mettre des croix sur tous ceux que j’ai interviewés. Mais quand tu es journaliste indépendant, ce n’est pas tous les jours faciles. Alors quand tu arrives à rencontrer ce genre de personnalités, tu te dis que tu es capable de faire des choses plutôt cools. Le casting du livre est assez relevé et j’ai réussi à faire des choses qui n’étaient pas faites ailleurs. Quand j’ai discuté avec Vincent Guerin, j’ai senti qu’il y avait encore de l’émotion quand il parlait du club. Tout comme Laurent Fournier ou Camille Choquier quand il me racontait les tout-débuts du club.

Antoine Bréard Virage PSG
Passion adolescente © Panoramic

Ce qui est difficile c’est qu’aujourd’hui on voit beaucoup d’anciens joueurs intervenir à la télé. lls sont un peu dans des rôles. Le plus difficile c’est de les faire parler de trucs plus personnels. C’est ça qui est super intéressant. Et tu sors au final enrichi d’histoires humaines. Par exemple avec Luis Fernandez, on a parlé de l’aspect humain qui est indispensable dans sa façon d’appréhender le collectif. Que ce soit avec ses partenaires ou quand il a entrainé. Il m’a dit des choses très touchantes sur la difficulté de créer une alchimie dans le sport de haut niveau. Sur une saison tu peux avoir une bande de mecs avec qui ça marche bien, et la saison suivante c’est fini parce que tu as des histoires perso compliquées. Ça peut foutre tout l’équilibre en l’air. Cette connaissance du haut niveau est très inspirante.

Qu’est ce que tu retiens de tous ces entretiens in finé ?

Je retiens que l’histoire du PSG est très riche. Ce club est extrêmement attachant par ces hommes. Aujourd’hui c’est effectivement une super structure économique et sportive. Qui va au delà de ce qu’on connaissait avant dans le sport français car c’est un autre mode de fonctionnement. Mais les hommes qui y sont passés, parfois en y étant restés pas très longtemps, ont marqué le club. Ronnie par exemple n’est pas resté longtemps, mais tout le monde parle encore de lui aujourd’hui. Les supporters, les anciens partenaires, les présidents. Les figures tutélaires de ce club peuvent être d’une sympathie et d’une bienveillance incroyable. Raì bien sur en est l’exemple le plus évident mais Presnel aussi. Je suis très content de l’avoir eu dans le livre car c’est un vrai parisien qui a grandi en regardant le PSG. Il a fait toutes ses classes au club. D’aucun dirait que ce n’était pas le plus talentueux de sa génération mais c’est lui qui est aujourd’hui professionnel. Je trouve que ça rend le club attachant. Je suis très attaché à la formation. Je trouve que si il y avait plus de jeunes issus du centre dans l’effectif pro, ça renforcerait encore plus l’identité du club. Comme c’était le cas au début des années 80 avec des Pilorget, des Fernandez…

Mais aujourd’hui c’est la compétitivité maximum, le club veut gagner la Champions League et il lui faut les meilleurs des meilleurs. Le foot a un peu changé. Malgré ça, le club reste tout de même une attache pour les joueurs. Je comprends l’amour que les gens ont pour le PSG. Ce livre me permet de mettre en lumière cet aspect. J’aime beaucoup l’entretien que j’ai eu avec Fred Musa (Ndrl : l’animateur de Skyrock), qui nous parle de Momo et de l’amour qu’il avait pour le PSG, de sa façon passionnée de supporter le club. J’avais vraiment envie de l’avoir dans le livre. Les supporters c’est une des clés du foot. On le voit aujourd’hui, jouer dans des stades vides ça n’a aucun sens, à part satisfaire les besoins télé. Ça ne remplacera jamais le fait d’aller en tribune, d’avoir cette ferveur. Je suis toujours impressionné par cette façon de soutenir son équipe, d’animer les tribunes avec des tifos, de se manger des milliers de kilomètres pour aller voir un match. Et je trouve que le PSG déclenche ça.

Antoine Bréard Virage PSG
Un Parc plein et des fumis, futur proche © Panoramic

Le PSG ça va au delà de la simple entreprise, on en est tous conscient, surtout en tant que supporter.

Oui. A la création du club il y a eu un côté très show-bizz. Et c’est ce qu’on peut lui reprocher. Et c’est encore le cas aujourd’hui. Mais il y a aussi un côté « à la bonne franquette ». Enrico Macias, qui ouvre le livre, a une façon de parler très enfantine quand il évoque le club. Ça désamorce pas mal la relation Paris-Province. Cette défiance continuelle qui existe. On entend souvent « Paris c’est un club en toc ». Car il n’a que 50 ans. Il faut bien commencer un jour ! Le club s’est construit au fil de ces histoires humaines, avec ces joueurs issus du centre de formation. Et il y a toujours des garde-fous qui restent, garants de l’identité. Des gens comme Alain Caysac qui est toujours dans les instances du PSG. Sa voix compte peut être moins qu’avant mais elle représente quelque-chose.

Il existe aussi une transmission chez les supporters comme à Saint-Etienne ou à Marseille, dans des clubs français plus anciens. Ou à Lens où tu vas au stade de père en fils. Les générations de supporters au Parc se succèdent. Les mecs des années 90 qui viennent toujours au Parc, sont accompagnés maintenant de leurs gamins. Je trouve que le terme utilisé par les américains « Dedication », pour parler de cette transmission est très adapté. Il est différent du dévouement. Il correspond plus à un principe d’appartenance qui est un socle important du supporterisme. Ces rituels liés au match du week-end. Se retrouver au Bistrot de la Reine avant le match, boire des bières, après le match aller aux 3 Obus pour debriefer, et se faire un restau avec les potes. Se rajoute à ça le fait qu’aujourd’hui tu vois de grands joueurs évoluer au Parc. Neymar, Mbappe, Cavani, car oui je suis aussi un Cavaniste…


« PSG, 50 ANS, 50 MOMENTS » disponible chez Editions Larousse

Antoine Bréard Virage PSG


Xavier Chevalier

Guy Adam Virage PSG

Guy Adam

En 1970, Guy Adam voit naître le club et il ne le quittera plus jusqu’à son départ, brutal, au début des années 2000. Supporter entièrement dévoué à la cause du PSG, il est recruté par Francis Borelli au début de sa présidence, et Michel Denisot en fait son coordinateur sportif. 33 années d’une vie dédiée au Paris Saint-Germain
Guy Adam se souvient et raconte.


Mon 1er contact avec le PSG ? J’ai répondu, comme beaucoup de gens, à l’appel de Pierre Bellemare, Guy Crescent…, pour faire revivre le football à Paris. Je me rappelle, c’était un dimanche matin et sur Europe 1 (février 1970), ils encourageaient les gens à venir souscrire, avec aussi des artistes comme Annie Cordy, Enrico Macias qui se mobilisaient à différents endroits de Paris…

J’avais 23 ans et avec des amis, nous sommes devenus souscripteurs, on disait aussi « membre associé ». Je ne me souviens plus exactement du montant de la cotisation mais à partir de là, les choses se sont enclenchées rapidement. Les associés, les dirigeants, on voulait tous relancer le football à Paris.

Avant, j’allais voir jouer le Stade Français, où jouait mon idole : René Gallina. C’est le 1er gardien qui jouait tout en noir. J’étais gardien de but et par rapport à tout ça, c’était ma 1ère idole. Dans les années 1970, je jouais avec les amateurs du PSG, j’étais 3ème ou 4ème gardien.

Je travaillais à Saint-Germain, le camp des Loges n’était pas loin donc j’y allais souvent, en tant que supporter. Il y avait une relation exceptionnelle entre les joueurs, les dirigeants, les supporters. Tout le monde se connaissait, se parlait… La 1ère année, le PSG jouait en D2 avec des jeunes, des amateurs qui avaient un travail à côté et aussi des internationaux comme Jean Djorkaeff, qui était le capitaine de l’équipe de France.

Ma 1ère grande émotion, c’est la montée en D1 face à Valenciennes (4-2, 1974). J’en ai un souvenir très précis. J’étais avec mon papa, qui est décédé 2 ans plus tard. Je l’avais emmené avec moi, c’était son 1er match au Parc des Princes. Un match à rebondissements, vraiment exceptionnel. J’étais supporter, en tribunes et c’était une joie incroyable de vivre cela.

Avec le club des supporters, on commence à créer des gadgets PSG, on organise des déplacements de supporters. En 1974, on a créé le Club des Amis du PSG (1er groupe de supporters du PSG, ndlr). On avait en charge une grande partie commerciale du club, on tenait la boutique PSG avenue Franklin Roosevelt, dans les locaux de RTL. On vendait des gadgets, on avait aussi un bureau pour la vente de billets, d’abonnements, on organisait nos réunions de supporters.

Guy Adam Virage PSG
Avec le boxeur Jean-Claude Bouttier lors d’une réception au siège des Amis du PSG (c) Collection personnelle

Et donc avec les Amis du PSG, on avait lancé l’opération « jeunes supporters du PSG » : 10 francs, 10 matches gratuits (2 matches super gala, dont Marseille, Saint-Etienne, 2 matches galas, 6 matches normaux) et 1 cadeau de bienvenue : 1 gros pin’s avec la photo d’un joueur. On avait acheté une machine pour les fabriquer. J’avais aussi voulu lancer la cocarde PSG, comme cela se faisait beaucoup dans le rugby en Angleterre. Mais ça n’a pas du tout marché (sourires).

Ce club des jeunes supporters (pour les moins de 16 ans, sur présentation de la carte scolaire), ça nous tenait à cœur. C’est Christian Dumont (Ndlr : l’un des membres fondateurs de l’association) qui a eu l’idée. Ce qu’on voulait, c’est faire revenir les jeunes au Parc, travailler pour les futures générations. Les jeunes supporters de cette époque sont les supporters d’aujourd’hui.

Je vis désormais à Uzés dans le Gard. Il n’y a pas longtemps, je vais voir un match de foot dans la région, quelqu’un vient vers moi, et me dit : « Bonjour Monsieur, je vous présente mon fils, il a été ‘jeune supporter’ au PSG ». J’avais devant moi, un grand gaillard, 1m90, père de 2 enfants, toujours supporter du PSG. Cela m’a mis un sacré coup de vieux (sourires), mais ça fait plaisir, très plaisir.

Depuis quelque temps, on voit réapparaitre au Parc des Princes tribune Auteuil, un drapeau avec un logo qui me tient à cœur. Il représente le logo du PSG qui semble éclore du stade. A l’époque où l’on parlait d’une 2ème équipe à Paris, j’avais proposé au Président Borelli ce logo, en expliquant qu’il représentait l’association inséparable du PSG avec le Pars des Princes.

Guy Adam Virage PSG
Avec les 2 Bianchi (Carlos et Armando, saison 1978-1979) lors des réunions de supporters des Amis du PSG (c) Collection personnelle

Quand Francis Borelli est devenu président (1978), j’ai commencé à travailler pour le club, dans ses bureaux rue Bergère. Je m’occupais des relations commerciales, des abonnements, de la location des places avec la Fédération. Et puis Serge Guyot, qui était le secrétaire sportif du PSG, est parti au Matra Racing. Il avait eu une belle proposition et alors je dis au Président : « Monsieur Borelli, moi, ça me plairait bien de passer au sportif ».

Il m’appelait « mon fils ». Il me dit : « Mon fils, je vais voir ». Il est allé demander à l’entraîneur, qui était Georges Peyroche, s’il voulait bien travailler avec moi. Peyroche lui dit : « Oui, il n’y a aucun problème ». Ca a commencé comme ça. J’ai quitté la rue Bergère pour venir travailler à Saint-Germain au camp des Loges. J’ai pris mes fonctions après le match à Sofia (Lokomotiv Sofia 1-0 PSG, 1982, 1er match du PSG en Coupe d’Europe).

J’ai énormément appris de Francis Borelli puis de Michel Denisot dans la gestion des hommes. Ces 2 présidents m’ont beaucoup apporté. Francis Borelli, c’était un très très grand passionné de football. Il venait jouer le dimanche avec les joueurs, au camp des Loges. C’était un président très proche, vraiment, de ses joueurs, et de son staff. Il était très humain. Il a repris le club après l’affaire de la double billetterie, ce qui n’était pas simple. Il a porté le club à bras-le-corps avec Charles Talar, Bernard Brochand… Ils l’ont remis sur les bons rails.

Monsieur Borelli m’a aussi permis de réaliser un rêve. Faire le Dakar, avec une voiture aux couleurs du PSG. J’ai 2 passions, le foot et le sport automobile. Tous les joueurs étaient parrains de la voiture, et Julie Pietri la marraine. Une Mitsubishi exceptionnelle, avec le logo du club (sourires), et de La Cinq (ancien sponsor du PSG).

Guy Adam Virage PSG
Avant le départ pour le Paris-Dakar 1989 avec Francis Borelli, Christian Perez, le copilote Bertrand (à gauche) et derrière le mécanicien avion. Au 1er plan Julie Pietri (c) Collection personnelle

En 1989, la trêve hivernale était très longue, ce qui m’a permis de partir. On était 24ème, 1ère Mitsubishi en classement privé, on a cassé à 2 jours de l’arrivée. On a fait venir des pièces, on les a changées, on est arrivés 1h après les délais… Il n’y avait pas de SMS mais je recevais des messages des joueurs et des salariés du siège du club.

En 1991, Canal arrive et je deviens coordinateur sportif : j’étais là pour faire en sorte que tout se passe au mieux pour les joueurs (organisation des stages, des déplacements…), j’ai même organisé des vacances pour certains. C’est un poste courant aujourd’hui. A l’époque, le PSG était le 1er club en France avec un coordinateur sportif.

C’est un métier où on ne compte pas ses heures. Pas de week-end en famille, pas mal de nuits courtes… Mais quand on aime, on ne compte pas (sourires). J’étais l’homme le plus heureux. Je me disais : « sois conscient de la chance que tu as, il y a des gens qui paieraient pour être à ta place ». J’ai côtoyé les plus grands joueurs, 15 entraîneurs, 5 présidents. J’ai dû faire plus de 1000 matches sur le banc de touche, en championnat, coupes de France et de la Ligue, matches amicaux, et environ 150 matches européens. Le PSG, c’est toute ma vie. Je l’ai vraiment en moi.

La période Canal c’est 5 demi-finales de Coupe d’Europe consécutives (1993, 1994, 1995, 1996, 1997). Enormément de joies, dont 2 souvenirs exceptionnels pour moi.

D’abord il y a PSG-Real (1993), Artur Jorge saute de joie et il me saute dans les bras. C’est un souvenir exceptionnel car ce n’était pas le style d’Artur Jorge, quelqu’un de très réservé, qui garde pour lui beaucoup de choses. Le match se termine, on sort du banc de touche et là, il me saute dans les bras. Je ne l’oublierai jamais.

Et la finale de la Coupe des Vainqueurs de Coupe (PSG 1-0 Rapid Vienne, 8 mai 1996). A la fin du match, je craque. Je pars pleurer dans les coursives du stade. Si vous regardez bien, je ne suis sur aucune photo. Je suis submergé par l’émotion et je pleure (de joie) dans mon coin. Raì sort du vestiaire, il demande aux Tontons* : « Mais il est où Guy ? », « Il est là ». Raì vient me voir, il dit : « Guy, merci pour tout ce que tu as fait pour nous ». Ce souvenir, il me reste gravé à vie.

Guy Adam Virage PSG
Avec Artur Jorge lors de Creteil – Libourne Saint-Seurin le 20 octobre 2006 (c) Panoramic

PSG-Steaua Bucarest (1997), je l’ai très très mal vécu. L’histoire du fax autour de la suspension de Laurent Fournier**, ça a été très violent. Je ne veux pas rentrer dans les détails, mais j’ai tout pris sur le dos, tout seul. Je l’ai vécu comme une injustice. Pour le match retour, pour la 1ère fois depuis très longtemps, je n’étais pas au stade, je n’étais pas sur le banc.

J’étais chez moi. Après le match, les joueurs ont dit : « On a joué pour Guy », ça fait quelque chose, mais après ce que j’avais pris sur la tête, ça ne m’a même pas réconforté. Au final, il n’y a pas eu de conséquence sportive (le PSG l’emporte 5-0) mais sur ma vie, oui. Ma femme aussi en a beaucoup souffert.

On ne peut pas oublier… Michel Denisot a été très important dans ce moment. Cela reste en interne, entre nous, mais il a toujours été là. Je veux le remercier pour ça. 

La saison 1998-1999, Charles Bietry est devenu président. Le 1er match de préparation, à Châteauroux, il vient me voir et me dit : « Ce soir, je veux que tu sois sur le banc, tu reprends toutes tes fonctions. Je veux réparer une injustice ». Ça m’a touché.

Je vis aujourd’hui dans le sud, il y a beaucoup de supporters de Marseille ici mais on résiste (sourires). Je regarde tous les matches du PSG avec mon épouse. Quand je l’ai rencontrée, ma compagne ne connaissait rien au football, et aujourd’hui, elle est presque plus fan que moi. Depuis que j’ai quitté le club (2003), je suis revenu 3 fois au Parc. 2 fois comme dirigeant (Libourne-Saint-Seurin) pour le tirage de la Coupe de France, une fois après le retour de Leonardo (directeur sportif). Il nous a invités, ma femme et moi pour PSG-Toulouse.

Johan Cruyff Guy Adam Virage PSG
Avec Johan Cruyff en 1975 lors du tournoi de Paris au Parc (c) Collection personnelle

Au Parc, j’ai vécu des moments exceptionnels, vraiment exceptionnels. Depuis l’inauguration (1972), j’ai fait plus de 1 000 matches dans ce stade. La page est maintenant tournée.

Cela a mis du temps, car mon départ du PSG a été brutal. Je ne veux pas trop m’étendre mais, quand vous lisez dans la presse : « On veut se séparer des dinosaures du camp des Loges » (c’est-à-dire moi, et aussi le kiné, le médecin), que quelque mois après on vous met dans les plus grandes difficultés.

Au début de la saison 2002-2003, pour la soirée « VIP » de présentation de l’équipe. On présente tout le monde, les joueurs, le staff sauf une personne, moi. Ça fait mal au cœur. J’ai fini par faire une dépression. Mon épouse est tombée malade aussi. Le médecin nous a dit « si vous ne partez pas… » On a décidé de déménager en province.

Quand vous avez passé 33 ans dans un club, que vous avez participé à sa création et que, quand vous partez, il n’y a pas un geste, pas un regard. Et bien, ça fait très mal croyez-moi.

Aujourd’hui, je ne veux garder que le positif et il y en a beaucoup. Chez moi j’ai encore des maillots. J’avais dessiné un maillot avec lequel on a joué (voir photo). J’aimais bien le logo « Paris 1992 » pour la candidature aux JO, ça m’avait donné une idée : s’inspirer de leur Tour Eiffel, Rouge et Bleu, qui, en diagonale, venait occuper la partie gauche du maillot.

Susic Bravo Virage PSG
Safet et Daniel avec le maillot 1990-1991 (c) Christian Gavelle / PSG

Je le propose à Francis Borelli qui en parle à Jacques Chirac, qui est d’accord. Le logo, bien sûr, appartenait à son créateur. Il s’en est rendu compte et a dit à Monsieur Chirac : « Ou vous me l’achetez, ou vous arrêtez de jouer avec ce maillot ». On a joué une saison avec, la dernière de Safet Sušić.

Ce club, je l’aimerai toute ma vie, et je salue tous les supporters du PSG.


*Surnom donné aux intendants du PSG par David Ginola

**Tour préliminaire de la Ligue des Champions, le PSG s’impose 3-2 à l’aller, mais perd 3-0 sur tapis vert pour avoir aligné un joueur suspendu, Laurent Fournier. En cause, un fax de l’UEFA égaré. Au match retour au Parc, le PSG s’impose 5-0 et se qualifie pour le tour principal, au terme d’une soirée légendaire.


Emilie Pilet

Block Parisii Virage PSG

Block Parisii

Ils font partie de ces nouveaux groupes installés dans la TRIBUNE BOULOGNE.
Le BLOCK PARISII grandit progressivement depuis un peu plus de deux ans et surtout se structure. VALENTIN son président, et GAÉTAN son porte-parole, ont accepté de répondre à nos questions. On a parlé philosophie de groupe et ambitions.

Block Parisii Virage PSG

Commençons par les présentations ?

Je m’appelle Gaétan, j’ai 20 ans, je suis le porte-parole du Block Parisii. J’ai intégré le Block environ 6 mois après sa création en 2017.

Je suis Valentin, président du Block. J’ai 20 ans, j’ai commencé à travailler sur l’idée de faire revenir l’ambiance à Boulogne fin 2016. On était quelques potes à s’être rencontrés en tribune. Le Collectif Ultras Paris venait d’être reconnu lors d’un match contre Bordeaux. Certains membres du CUP ont quitté leur place à Boulogne pour rejoindre Auteuil. On est resté une petite team de potes à Boulogne et début 2017 on a mis en place le Block Parisii.

Pourquoi ce nom, Block Parisii ?

Valentin : C’est tout con. Les Parisii sont les premiers habitants de Paris et c’est un mot gaulois. Et Block car j’aimais bien ce terme court et efficace, qui rappelle le groupe et qui fait aussi un peu banlieue. C’est sorti comme ça.

Comment êtes vous devenus supporters du PSG ?

Valentin : Mon père était abonné à Boulogne. Il a ensuite fait partie des co-fondateurs du groupe Hoolicool. J’ai donc appris à ses côtés. Il m’amenait au Parc en tribune. J’ai baigné dans cette ambiance depuis tout petit. Premier match au Parc en 2003, premier déplacement en 2008. A 16 piges je me suis intéressé à ce qui se passait en tribune avec le CUP et là j’ai décidé de voir ce que je pouvais faire à Boulogne. Aujourd’hui on commence à être en place, on a plus de 170 adhérents, au début on était 4. Ça fait plaisir. On était une équipe de jeunes qui se sont retrouvés. On se correspondait, on avait la même vision des choses. C’était une force pour relancer quelque-chose.

Gaétan : Mon père était aussi abonné à Boulogne, en R2. Il n’a jamais intégré une association. J’ai baigné dedans mais moins dans le côté associatif.

Block Parisii Virage PSG
(c) Block Parisii

Votre histoire personnelle vous a incité à retourner à Boulogne en somme ?

Gaétan : On part du principe que le Parc ce sont deux virages. Ce n’est pas possible d’avoir un seul virage qui chante.

Valentin : Quand j’ai vu que ça repartait à Auteuil, je me suis dit que ça pouvait aussi repartir à Boulogne, sans rentrer dans les histoires du passé. On pouvait relancer la tribune sans les aspects négatifs, sans la politique. Il fallait appuyer sur les couleurs Rouge et Bleu. On est le Block, on n’accueille tout le monde et on chante pour Paris. Le BP c’est une deuxième famille.

Il existe une philosophie Block Parisii ?

Valentin : C’est difficile à définir car il y a plusieurs mentalités qui se rejoignent dans le BP. On essaye toutefois de créer notre propre identité. Dans le passé Boulogne était une tribune à l’anglaise. Nous on a un côté ambiance à l’italienne, un peu comme les Boulogne Boys. Pour certains il y a la sape à l’anglaise, on se cherche encore un peu sur ça dans l’association. Personnellement j’étais très impressionné par les tifos des Supras, c’était magnifique. J’aimais bien aussi ce mix entre la dégaine à l’anglaise et la culture ultra italienne des Lutece Falco. Bref, ce sera clair plus tard mais pour le moment c’est une inspiration entre l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie. L’héritage principal ça reste de supporter Paris. Cet héritage, je l’ai eu très jeune grâce à mon père. J’ai kiffé très vite le mouv’. Mais aujourd’hui on repart de 0, on est jeunes et on veut créer notre propre histoire. On veut représenter Paris et impressionner partout où on passe.

Block Parisii Virage PSG

Vous vous êtes donc intéressés au mouvement assez vite ?

Valentin : Oui, en lisant Gazetta Ultra, Sup Mag, les vieux So Foot… On s’intéresse toujours et on essaye de creuser. J’ai fait des matchs dans d’autres clubs comme l’Ajax, le PFC pour piocher un peu et faire grandir la culture Ultra dans l’asso.

Vous avez déjà des alliances avec d’autres groupes ?

Valentin : Non, pour le moment on est concentré sur notre groupe. On a de soucis avec personne, on a des relations cordiales. De toute façon on est encore personne dans le mouvement. Alors autant se faire la patte et par la suite on verra.

Block Parisii Virage PSG
(c) Block Parisii

Comment est structuré le groupe aujourd’hui ?

Valentin : C’est une association de loi 1901. Elle représente le BP. Et au sein du BP il y a un groupe ultra, enfin c’est encore tôt pour le revendiquer, mais ce groupe réunit les gens les plus investis. C’est la « Sciarpa Nera ». Ce sont les gardiens du Block en quelque sorte. Ceux qui ont la mentalité ultra. Car dans les 170 adhérents du BP tu n’as pas 170 ultras. Chacun a sa mentalité dans l’asso.

Gaétan : Il faut préciser qu’on a accueilli vraiment tout le monde au début. Des pères de famille, des gamins à partir de 16 ans, des filles comme des garçons. Maintenant on voudrait recruter de manière plus ciblée. Les responsables matos sont plus âgés, ils ont dans la trentaine. Dans le secrétariat ils ont la quarantaine.

Valentin : Mon père m’aide aussi sur la trésorerie. Gérer des fonds d’association c’est très important. Il faut un peu d’expérience. Pour le moment on n’a pas beaucoup de moyens, on est dans la débrouille mais on a la dalle. Des anciens de Boulogne nous aident aussi mais ils n’étaient pas dans tous ces trucs politiques. On n’a jamais été approchés par des anciens des firms ou ce genre de chose-là.

Block Parisii Virage PSG
(c) Block Parisii

On parlait de matos, comment avez vous réussi à re-introduire de l’animation en tribune ?

Valentin : Au début, en 2017, j’avais fait des demandes pour des mégaphones mais ça a été refusé tout de suite. Fin 2017 on a eu le droit aux megas mais lors d’un PSG-OL il y a eu des insultes qui ont fusé contre Lyon. On se les est fait sucrer. Ensuite il y a eu des tests. Et cet été, lors de la réunion d’inter-saison avec le club, on a été autorisés à avoir 2 mégaphones, 2 tambours, des deux-mats, des drapeaux… Par contre tout ce qui est tifo ou bâche, pour le moment c’est restreint. La taille de nos drapeaux est aussi restreinte. On a réussi à avoir 7 rangs pour se placer en tribune mais maintenant que les Paname Rebirth et les Résistance Parisienne sont regroupés avec nous, on en a plus que 4. C’est contraignant mais on fait avec pour le bien de la tribune. On est obligé d’avoir des mesures de sécurité notamment pour nos capos. On n’a pas d’estrade pour eux par exemple. Ils ne peuvent pas prendre appui sur des barrières larges de 10 cm. Tout en ayant un pied sur leur siège. Après on a un bon dialogue avec les référents supporters. On a récemment demander de monter une animation deux-mats et on attend le retour du club. En tout cas, tant qu’il n’y a pas de bavure et qu’on respecte tout le monde on n’a rien à craindre.

Ce n’est pas trop difficile de gérer une association qui grandit de la sorte ?

Valentin : Le plus important c’est de gérer tous les nouveaux entrants en évitant que des petits groupes se montent au sein même de l’association. Il faut garder une unité. Pour le moment tout le monde s’entend bien. C’est soudé.

Block Parisii Virage PSG

Les ambitions du groupe c’est quoi ?

Valentin : Avant même notre réussite, le plus important c’est de remettre de l’ambiance dans la tribune. Et qu’il y ait un virage et une tribune qui se répondent au Parc. Le jour où on sera reconnus, tant mieux, mais la priorité c’est l’ambiance et que ça marche.

Quels progrès avez-vous à faire ?

Valentin : Sur la gestuelle, nos chants, sur l’administratif au sein de l’association… Car on doit évoluer. Au méga on doit progresser aussi au niveau des chants. Nos capos sont obligés de demander constamment de maintenir la gestuelle ou de ne pas lâcher le chant. Ça devrait être instinctif pour toute la tribune, supporters comme ultras. Mais c’est un savoir-faire. Ça va prendre du temps. En plus, on est entourés de touristes en tribune.

Vous avez aussi l’envie d’avoir vos propres chants ?

Block Parisii Virage PSG
(c) Block Parisii

Valentin : Pour le moment on reprend les chants du CUP qu’on chante avec eux en déplacement. On leur laisse par contre les chants spécifiques aux groupes d’Auteuil. Car ça leur appartient. Mais il nous arrive de reprendre de vieux chants comme « Une chope de bière » qui est un chant historique de Boulogne.

Gaétan : On essaye aussi de lancer des chants connus, pour que les gens qui ne connaissent pas forcément les nouveaux puissent les reprendre avec nous. Pour emmener la tribune.

Valentin : Aujourd’hui ce sont les clapings qui fonctionnent le mieux. C’est un peu triste mais les gens sont un peu perdus à Boulogne. On travaille toutefois sur nos propres chants, on en a lancés deux, pour créer notre propre identité. On verra ce que ça donne.

Au niveau du placement vous aimeriez réussir à faire une seule ligne à Boulogne avec les Paname Rebirth et les Résistance Parisienne ?

Valentin : Encore une fois, le plus important c’est la tribune. On est placés dans les accès 327 et 328. Si on est reconnus demain, on aimerait rester à cet emplacement. On aimerait que ce soit notre bloc. Si les autres groupes arrivent à obtenir d’autres accès, tant mieux pour eux.

Vous avez conscience que l’entente cordiale entre les groupes facilitera le retour de l’ambiance à Boulogne ?

Valentin : C’est obligatoire. Le but ce n’est pas de se faire la gué-guerre. Au début on a eu des mauvaises interprétations entre nous. Mais on arrive à parler, on n’est plus des gosses. On est obligé d’avancer ensemble si on veut que ça marche.

Vous êtes confiant pour l’avenir ?

Valentin : Pour le moment avec le club, ils voient qu’on peut discuter ensemble et que ça se passe plutôt bien. On cohabite bien dans la tribune, on fait les déplacements ensemble. Bien-sur il y a des petites conneries mais rien de grave. En tout cas je suis confiant.

Vous avez fait le déplacement à Dortmund ?

Gaétan : C’était gagesque…

Valentin : On a eu des problèmes avec le police fédérale allemande. On est arrivés à la douane vers 9H00 du matin. On est reparti à 16H00 ! On a été traités comme des animaux. On est restés bloqués 4 heures dans un bus, déplacés 2 heures dans un hangar. Pour pisser tu avais deux flics avec toi. J’avais un petit de 16 ans avec moi, ils se sont moqués de lui, c’est facile de faire ça quand tu es dans les forces de l’ordre.

Gaétan : On avait de la pyro avec nous dans le bus. On a joué le jeu, on leur a donné tout de suite. Au bout de 6 heures, ils ont fait sortir le groupe qui avaient donné la pyro et ils leur ont dit « Vous n’irez pas au match ». Ils ont essayé de leur faire signer un papier comme quoi ils avaient été présents lors de faits de hooliganisme avérés contre le Bayer Leverkusen en 2014. A l’époque le block n’existait même pas. Ces documents n’avaient pas de valeur. On était à la limite de la légalité. On a refusé de les signer.

Block Parisii Virage PSG
(c) Block Parisii

Revenons sur le sportif, quel est votre rapport au football ?

Valentin : C’est vrai que la tribune est plus importante pour moi. Mais le foot c’est le plus beau sport du monde. Ça peut sortir les gens de la galère, c’est une histoire, c’est une famille… Je ne sais même pas comment l’expliquer. De toute façon quand je suis né, c’était direct rouge et bleu. Il y a des joueurs qui m’ont marqué quand j’étais jeune : Pauleta, Rothen, Yepes, Hoarau… Je n’ai pas connu les joueurs d’avant mais je m’y suis intéressé, c’étaient de grands messieurs. Il y avait l’amour du maillot. Mais aujourd’hui j’ai l’impression que c’est surtout les billets qui les intéressent. Je suis déçu de la mentalité des joueurs actuels, et pas seulement au PSG. C’est le football en général. Je vais mettre l’Amérique du Sud à part, mais en Europe, tous les grands clubs, il n’y a que le pognon. L’amour tu peux le retrouver plus facilement en deuxième division, en troisième division.

Gaétan : Et encore en France je trouve qu’on est encore assez protégés. Quand tu vois le prix des abonnements en Angleterre par exemple…

Valentin : Et on fait des erreurs avec certains joueurs. Un gars comme Matuidi, jamais tu ne le laisses partir de Paris. C’est un vrai parisien qui mouillait le maillot. Comme Cavani. Tu dois lui donner envie de rester.

Donc votre groupe est plus important que l’équipe ?

Valentin : C’est notre ville avant tout, ce club, ce stade, cette ambiance et ensuite l’équipe.

Vous avez l’impression que les ultras sont un peu les derniers garants de football d’antan ?

Valentin : C’est la dernière entité du football populaire. Les ultras sont garants de certaines valeurs qui se perdent dans le football moderne : amour du maillot, respect, fierté. Les groupes ultras français doivent aussi rester souder pour défendre cette mentalité et cette culture qui se perd d’année en année à cause des répressions incessantes. Quand tu vois ce qu’est devenue l’Angleterre. Il n’y a plus d’ambiance. Pour Dortmund, on nous a beaucoup parlé du mur jaune dans le mouv’, mais honnêtement, on était là-bas et je n’ai pas trouvé ça impressionnant. Paris en déplacement fait aujourd’hui beaucoup de bruit. C’est propre.

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Xavier Chevalier

ITW ESF Virage PSG

L’Equipe Sans Frontières

Virage parle exclusivement du PSG mais parfois on aime faire des sorties de terrain. Surtout quand il s’agit de belles causes. On a souhaité mettre un coup de projecteur sur l’Equipe Sans Frontières, une association qui par le biais du foot
aide les migrants à s’insérer socialement. On a rencontré Chloé est Julien
pour parler de leur engagement.


Comment est née cette équipe ?

Chloé : C’est une idée que j’ai eue quand je travaillais en tant que bénévole pour le BAAM (Ndlr : le Bureau d’Accueil e d’Accompagnement des Migrants). Je suis prof et j’étais entre deux années scolaires. J’avais du temps libre. Je donnais donc des cours de français pour eux à Barbes. Et je me suis rendu compte très vite que mes apprenants étaient tous dingues de foot, comme moi. On en parlait beaucoup, on faisait le débriefing des matchs. Tous les élèves de la classe voulaient s’exprimer à ce sujet alors que dans un cours de langue ce n’est pas toujours facile de les motiver à s’exprimer. J’ai parlé de cette expérience à un contact que j’avais dans un club de foot amateur à Saint-Maur m’a proposé de former une équipe pour jouer contre la sienne en match amical.

J’ai donc demandé à mes élèves s’ils avaient déjà eu l’occasion de jouer au foot en France. Ce n’était pas le cas. Ils n’avaient pas les moyens, ils ne sont pas toujours très bien vus et ont un peu peur. Je trouvais ça bizarre d’autant que dans d’autres pays ce n’est pas trop le cas. En Angleterre par exemple, la FA (Ndlr : Football Association : fédération anglaise de football) a mis en place toute une structure d’insertion par le biais du foot avec Amnesty International. Bref je leur ai proposé de monter une équipe, des rencontres amicales, de leur trouver un terrain, d’acheter des ballons… Ils étaient tous super partants. C’était à l’été 2017. Au départ ça devait être très informel mais à la rentrée en septembre, j’avais presque toute l’école de Barbès qui voulait s’inscrire. On m’a donc conseillé de monter ma structure, ce que j’ai fait, et l’association est officiellement née en janvier 2018.

ITW ESF Virage PSG
Entraînement à la Goutte d’Or

Pendant toute l’année 2018 j’ai mis en place la structure. J’ai rencontré les premiers entraineurs de l’équipe, qui ont tous énormément contribué à faire progresser l’asso, on a décroché difficilement des autorisations pour avoir des terrains dans Paris. Aujourd’hui on a 3 entrainements par semaine. Le mardi on a un terrain pour du foot à 11, le jeudi on joue sur un petit stade à la Goutte d’or dans le 18ème et le samedi à Porte de la Chapelle dans le 18ème également. On a une équipe à 11 qui fait le championnat de FSGT (Ndlr : Fédération Sportive et Gymnique du Travail). On aimerait développer une Equipe 2 et une section féminine. On essaye aussi de se rapprocher du football professionnel français. Mon contact qui est entraineur en Angleterre au Fulham Football Club travaille aussi pour la fondation du club qui finance un projet d’insertion par le biais du foot. Il était très surpris d’apprendre qu’il n’y avait rien en France sur ce sujet.

Car dès 2016 la FA a incité les clubs de Premier League et de Championship à se sensibiliser à la cause des migrants. Il y a eu des rencontres organisées entre les clubs et des ONG pour que des projets d’insertion soient lancés. Tout cela encadré par la FA. Au moins 1/3 des clubs de Premier League ont des projets. Nous trouvons surprenant que la France, championne du monde, pays des droits de l’homme, ne fasse rien là-dessus. La France ne semble pas avoir beaucoup de recul sur ce sujet contrairement à l’Angleterre ou à l’Allemagne, qui est aussi très avancée là-dessus. Le problème c’est que le sujet migrant a été très politisé en France alors qu’à la base ce n’est pas un problème politique. Ça divise beaucoup les gens.

Tu parlais du rapprochement avec le football professionnel français. Comment ça se passe aujourd’hui ?

Chloé : On travaille très étroitement avec le CDOS 93 (Ndlr : Comité Départemental Olympique et Sportif) et notamment Benjamin Grizbec afin de nous rapprocher du foot pro. On a été voir la Ligue de Football Professionnel. Mais ils nous ont expliqué qu’ils ne s’occupent que de la Ligue 1 et de la Ligue 2 et nous ont donc redirigé vers la Fédération Française de Football. Ces derniers étaient ravis de découvrir notre projet. Ils nous ont proposé des invitations à des réunions de travail, ce qui est bien, mais dans les faits, il ne s’est pas passé grand chose. J’ai trouvé que c’était une réaction très française. « C’est bien mais on ne fera rien ». Ils ont pourtant le réseau, le pouvoir et les moyens pour enclencher des actions, tout comme la FA. On essaye donc d’agrandir notre propre réseau, de parler avec des medias, de faire des choses. On essaye d’utiliser tous les moyens possibles et imaginables. On essaye de survivre en faisant des campagnes de financement participatif.

Comment sont constitués les équipes de l’ESF Paris. Pas simple de construire avec des gens qui sont en transit ?

ITW ESF Virage PSG
Jusqu’à la tombée de la nuit

Chloé : Parmi les migrants il y a les demandeurs d’asile. 76% des demandes sont refusées. Ensuite ils peuvent avoir recours à la CNDA (Ndlr : Cour Nationale de demandeurs d’asile). Elle peut accepter ou refuser mais si c’est accepté ils obtiennent soit la protection internationale avec une carte de séjour valable 10 ans, ou soit la protection subsidiaire avec une carte de séjour valable 4 ans, en fonction du profil. Sauf que tout cette procédure peut prendre 2 ans. On a de tout dans nos équipes. Mais on a un noyau. Entre les rendez-vous avec l’assistance sociale et les cours de français, ils n’ont pas grand chose d’autre à faire et ils sont super contents de venir jouer au foot. Ça leur permet de penser à autre chose, sociabiliser et de progresser en français. Car on ne leur parle qu’en français, que ce soit sur le terrain ou dans les groupes de discussion WhatsApp qu’on a montés pour eux. Ils développent un sentiment d’appartenance, ils intègrent une communauté, c’est comme une famille. On les emmène à des matchs de foot, notamment du PSG. On répond à un besoin humain. Le logement est la nourriture c’est bien-sûr important, mais ces moments de bonheur c’est aussi indispensable.

Les objectifs à moyen terme c’est quoi pour vous ?

Chloé : Tant qu’il y aura des migrants, on sera là. La vérité, et je sais que ça dérange, c’est que les flux migratoires ne disparaîtront pas. Ils risquent de s’amplifier en raison des changements climatiques et il faut qu’on apprenne à vivre ensemble. On a plein de points communs, et le foot en est un. On a les mêmes émotions. En tout cas on veut continuer à professionnaliser la section masculine. Elle joue en départementale et se débrouille très bien pour une équipe qui, entre guillemets, n’a que deux ans. On est très contents du début de notre saison. Les joueurs ont énormément progressé depuis le début des entrainements. Ça porte ses fruits. On aimerait aussi créer une section féminine au sein de laquelle on aimerait créer une section junior. Avec une crèche pour gérer les plus petits. On se rapproche aussi du sport scolaire avec l’UNSS (Ndlr : Union Nationale du Sport Scolaire). On voudrait organiser une journée sportive avec les A.S. de foot des lycées parisiens et de banlieue tous les ans, pour la journée internationale des réfugiés. C’est très important pour moi qui suis prof. Ça avance bien. Mais bon financièrement, pour survivre, c’est comme les terrains, ça va être encore galère pendant un an.

ITW ESF Virage PSG
Julien supervise l’equipe

Certains des joueurs de ton équipe aimeraient embrasser une carrière de footballeur pro ?

Chloé : On travaille sur ce sujet avec Benjamin du CDOS. S’il y en a qui ont leurs papiers et qui veulent devenir pros, on peut les aider. il existe des histoires comme ça. Par exemple Nadia Nadim qui est d’origine afghane et qui joue aujourd’hui au PSG. Elle a le même profil que certains de nos joueurs. Typiquement c’est le genre de personnalité qui pourrait devenir marraine de notre association. Grace au foot elle a réussi à s’intégrer, à trouver son chemin. Tout le monde ne peut pas le faire mais ça reste un beau parcours.

Venons-en au terrain à proprement parlé. Comment se passe les entrainements ?

Julien : Déjà, je me garde bien de les prendre de haut ou des les infantiliser comme ça se passe parfois dans le monde associatif. Ils ont vécu beaucoup plus de choses que moi. Ensuite on n’a pas trop de problème de compréhension malgré la pluralité des origines. On communique beaucoup par les gestes. Et puis il y en a toujours un pour traduire aux autres. Et pour les exercices on les fait à vide pour leur montrer ou avec un joueur qui parle français, puis ils le reproduisent. On arrive à s’en sortir. On est 4-5 entraineurs et on organise les sessions entre nous. En fonction des niveaux.

Qu’est ce que ça vous apporte personnellement ?

ITW Chloé et Julien ESF Virage PSG
Julien & Chloé de l’ESF

Chloé : On en apprend beaucoup sur les autres cultures, afghane, soudanaise… J’ai commencé à apprendre l’arabe il y a quelques années et j’ai du arrêter. Avec eux ça me permet de m’y remettre. Il y a des échanges linguistiques et culturels super intéressants. Ça m’a appris à relativiser pas mal de choses. Je suis aussi admirative de la façon dont ils supportent tout ce qui leur arrive.

Julien : J’étais déjà pas mal impliqué dans le milieu associatif autour des migrants, déjà par convictions politiques. Car il y a des scandales les incroyables qui se passent sous nos yeux. Il y a des gens qu’on prive de droits de façon totalement aléatoire. Et je suis vraiment impressionné par leur endurance aux épreuves. Ce n’est pas que leur vie est un cauchemar quotidien mais ils s’emmerdent atrocement. Leurs demandes administratives peuvent prendre un an et demi. Ils n’ont aucune nouvelle de l’administration française pendant des mois. Ils ne savent pas ce qu’ils vont devenir. Ils se font contrôler tout le temps pour rien. Ils dorment devant les préfectures et parfois on les refuse, alors ils re-dorment une nuit de plus dehors. Je péterais un câble à leur place. Eux jamais. Ils ont un grand sourire tous les matins. Ils sont d’un calme, d’une résilience qui font mon admiration. En tout cas pour moi c’est surtout un plaisir simple de jouer au foot avec des gens. Je ne ferai pas de grand discours du genre « We are the world » car ce sont des choses très simples qui font que lorsque je rentre chez moi le soir, je suis content d’avoir été avec eux à l’entrainement. Comme avec des potes.

Découvrez et aidez l’ESF en allant sur leur site : www.esfparis.org


Xavier Chevalier

François Brisson Virage PSG

François Brisson

À l’orée des 50 ans du PSG, il est passionnant d’écouter parler les gens qui ont participé à l’histoire naissante de notre club. François Brisson fait partie de ceux-là,
de ces pionniers. Il est de la première génération sortie du centre de formation fraichement créé par le duo Hechter-Fontaine en 1975. Il a joué son premier match sous nos couleurs à 17 ans seulement. Puis a connu plus tard l’épopée olympique de 1984. Aujourd’hui il se souvient pour nous de sa riche carrière, avec énergie, enthousiasme et détermination. A l’image de son jeu…

Tu as commencé le football à quel âge et pourquoi ce sport en particulier ?

J’ai fait du sport très tôt. Mes parents habitaient Bourg-la-Reine en région parisienne. Ils étaient tous les deux très sportifs. Ma mère avait joué au basket en première division, et mon père jouait au rugby en D2 à Antony. Il nous emmenait mon frère jumeau Gilles et moi à ses matchs les samedis et dimanches. A côté du terrain de rugby, il y avait des terrains de foot. Vers 7-8 ans on a glissé vers ces terrains. De toute façon très vite, j’ai adoré faire du sport. C’était un vrai terrain d’expression. Mon frère et ma soeur aussi. Avec mon frère on a débuté le foot au patronage, pas en club. C’était le mercredi ou le jeudi toute la journée. J’ai touché à d’autres sports comme le handball, le judo, la gym… On était de toute façon très doués en sport naturellement. Et puis il y a eu un truc fondamental, c’est que je suis tombé sur un prof de gym exceptionnel qui s’appelait Christian Denis. Il avait dans les 25 ans. Plus tard il est devenu l’entraîneur national du décathlon français. C’était le prof de sport de mon école primaire et il venait faire les entrainements de foot au patronage. Avec lui tu apprenais vite et facilement.

J’ai donc fait de l’athlétisme et du foot en même temps, jusqu’à mon entrée à 17 ans au PSG. D’ailleurs j’ai fini deuxième aux championnats de France cadets de triple saut, 2 mois avant de rentrer au PSG. Avant ça j’ai joué au foot avec mon frère au club de l’US Bourg-la-Reine / Sceaux. J’ai commencé en pupille. Mon père nous suivait partout. Il avait arrêté le rugby pour s’occuper de ses garçons. Il emmenait les gamins tous les dimanches en voiture pour les matchs. Mais on jouait tous les jours au foot, dans la rue, sur les terrains… Notre enfance c’était le foot de la rue, il n’y avait pas d’ordinateur… J’étais fou de foot. J’étais fan de l’Ajax de Johan Cruyff, qui était mon idole. J’avais été aussi émerveillé par le Brésil de 1970.

Comment as-tu été repéré par le PSG ?

François Brisson Virage PSG
Les Cadets de Paris en 1974 avec Jean-Marc Pilorget (c) Collection personnelle

Déjà on ne perdait pas beaucoup de matchs avec Bourg-la-Reine. J’avais un double surclassement en cadets. Je suis passé directement en première. Et puis un jour je reçois un courrier comme quoi je suis sélectionné dans l’équipe des cadets des Hauts de Seine. Il n’y avait pas les U15, U17 à l’époque. Puis je suis passé ensuite chez les cadets de Paris. J’ai dû être repéré en Gambardella car on était allé loin en 1974. On était tombé en demi-finale contre les cadets de Lorraine où il y avait Ettore, Zénier, Jeannol, une grosse équipe… En tout cas je n’avais aucun plan de carrière. Le foot pour le grand public, ça passait derrière le rugby et le vélo. Être sportif professionnel, ce n’était pas un statut installé dans la société. A la rigueur prof de gym… C’était une autre époque même si le monde bougeait beaucoup dans les années 70. La mode, la musique, c’était formidable…

Bref je suis convoqué pour deux journées de détection à Saint-Germain en Laye pour le PSG. Je me rappelle, c’était le lundi de Pâques 1975. C’était un beau courrier de René Baule qui a été très important par la suite. C’était le recruteur en chef du PSG. Il m’avait repéré, tout comme Jean-Marc Pilorget qui était aussi avec moi chez les cadets. J’y suis allé tout seul. On avait passé une nuit à l’hôtel. On était une centaine de jeunes et tout ça se passait sous le regard de Just Fontaine, l’entraîneur du PSG. Avec Daniel Hechter, ils avaient eu l’idée de créer le centre de formation du club. Ce stage c’était en fait le premier stage de détection pour le centre de formation. On a été seulement 5 à être retenus dont Pilorget et moi. Mais de toute façon ils nous avaient déjà repérés avant chez le cadets. Pour te dire, je n’ai pas disputé 2 des 3 oppositions qui étaient prévues. Le soir même j’avais eu la réponse. C’est « Justo » qui nous a annoncé notre sélection. Et il nous a invité chez lui ce soir-là à boire du Champagne ! Incroyable !

François Brisson Virage PSG
Le centre de formation du PSG cuvée 1976 avec à gauche son directeur Pierre Alonzo et son fils Jérôme (futur gardien du PSG) au milieu. De gauche à droite : Alonzo, Barberat, Bensoussan, Pilorget, Justier, Alle, Farina, Brisson, Tanasi, Lequiem, Dossevi en bas. (c) Collection personnelle

Tu suivais déjà le parcours du PSG ?

Oui j’allais au Parc avec mes potes dès 1972. J’étais au premier match de foot au Parc, c’était un France-URSS. Puis j’ai vu les tournois de Paris, avec Cruyff, quand Bianchi se fait casser la jambe avec l’entente Reims-PSG contre Barcelone. Le match de la montée en 1973 avec le but de Dogliani et « Justo » qui s’évanouit, j’y étais aussi ! Tous les gros matchs du Parc j’y étais.

Comment se sont passés tes premiers pas au centre de formation ?

Je suis arrivé en août 1975 mais il n’y avait aucun bâtiment. On était 5 ou 6 avec Jean-Marc Pilorget, Lionel Justier et d’autres. Le centre a ouvert le 4 novembre. Ils ont trouvé une villa sur l’Avenue Hoche à la sortie de Saint Germain en Laye. Elle pouvait accueillir une quinzaine de lits. Mais avant ça, on était logés au foyer des jeunes travailleurs. Presque 3 mois… J’avais 810 francs de salaire. J’étais nourri, logé avec un contrat d’aspirant. Pas de prime à la signature bien sûr. Mais c’était formidable. On était des gamins passionnés de foot. On était fous d’entraînement, on doublait les séances, on se mettait minables. Et il y avait déjà un bon niveau dans l’équipe première. Il y avait Pantelić, Humberto, Jacky Novi, Piasecki, Dogliani, Dahleb, M’Pelé, Adams. C’était des références et puis c’était « costume-cravate ». Les mecs avaient la classe. Ça m’a marqué. Par exemple Carlos Bianchi venait nous chercher au centre de formation en voiture. Jean-Pierre Adams aussi avec sa Mercedes et son Philadelphia Sound, Billy Paul etc… Ils n’étaient pas obligés de le faire mais ils le faisaient.

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Le centre de formation cuvée 1977. De gauche à droite de haut en bas : Leclerc, Corre, Tofollo, Porquet, Perfetti, Bureau, Longatte, Lorant, Valente, Jean, Mongelli, Gonzalez, Cardinet, Merelle, Valente, Reverdy, François Brisson, Morin, Lemoult, Kroener, Gilles Brisson, Buissonneau, René Baule (c) Collection personnelle

Ton frère jumeau est arrivé quand au PSG ?

Il a aussi été repéré par Monsieur Baule. Il est arrivé deux ans après moi. Il était défenseur.

Raconte-nous la fameuse histoire des quatre mousquetaires.

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Les 4 mousquetaires face à Reims : Brisson (17 ans), Justier (19 ans), Pilorget (17 ans), Morin (18 ans) (c) Collection personnelle

C’était la deuxième année du PSG en première division. « Justo » était entraineur. Et ça ne marchait pas trop bien. Hechter n’était pas satisfait. Il n’aimait pas l’attitude et l’envie de certains joueurs. Il était très impliqué dans le club. Il suivait les pros comme les jeunes. Il faisait les stages, il allait dans les buts lors des préparations, venait manger au centre, et il voulait que des jeunes de Paris soient impliqués dans ce projet PSG. On est donc en 1975. Il est décidé d’ouvrir les portes de l’équipe première à des jeunes. Et pourtant il n’y avait que 13 joueurs sur la feuille de match à cette époque. On marchait bien en réserve même si on ne s’entraînait pas trop avec les pros. Arrive donc un match du mois de décembre au Parc des Princes (Ndlr : 21 décembre 1975, PSG – Reims). On est 4 à être convoqués du centre de formation, qui n’avait que 2 mois d’existence ! Thierry Morin, Jean-Marc Pilorget, Lionel Justier et moi. On se retrouve dans l’équipe. J’ai commencé sur la touche, les 3 autres ont joué directement car ils étaient milieux ou défenseurs. Les meilleurs joueurs du PSG jouaient devant. Mais je suis rentré en deuxième mi-temps.

Tu as été surpris de rentrer pour ce match ?

Une fois que tu y es, non. La surprise c’était déjà d’être au PSG alors que je jouais auparavant à Bourg-La-Reine. Mais j’étais passionné. Bien sûr il y avait de la pression, ça restait un grand stade. Mais une fois que tu es habitué au Parc, un terrain vague ou un grand stade c’est la même chose, tu joues !

Tu as eu Jean-Michel Larqué comme entraîneur ensuite. Comment ça s’est passé avec lui.

Très bien. Avant on a eu Velibor Vasović comme entraîneur mais il était dur avec les jeunes. C’était un peu militaire. Ça ne s’est pas très bien passé avec lui. En plus j’étais un peu un écorché vif, dur avec moi même. J’avais tellement envie de jouer, de gagner. En tout cas Jean-Michel avait remarqué mes qualités en arrivant. J’allais vite, j’étais polyvalent. Il a eu l’idée de me faire jouer en 8. Un peu comme Matuidi en plus offensif, ou Rothen, ou Di Maria quand il décroche. J’avais ce profil. Du coup je décrochais derrière « Mouss » Dahleb, j’étais son soutien offensif. On jouait en 4-1-5 en 1977 avec Renaut, Bianchi, M’Pelé, Dahleb et moi devant. Je crois qu’avec Jean Michel j’ai fait 33 matchs en pro. Dont 25 au milieu de terrain. Quand « Mouss » sortait ou se blessait, je montais à l’aile gauche pour servir Bianchi ou M’Pelé.

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Les deux jumeaux, qui est qui ? (c) Collection personnelle

Parlons de Daniel Hechter, c’était quel type de président ?

J’ai adoré ce président. C’était « mon » président. Son départ en 1978 m’a déçu. Il aimait le foot, il aimait les jeunes. Si Jean-Michel et Daniel n’avaient pas quitté le PSG, j’y serais resté par la suite.

Il y a des joueurs qui t’ont marqué lors de tes débuts au PSG ?

Il y en a eu deux. Déjà « Mouss », c’était le joueur dominant de l’équipe. C’était la classe mondiale. Techniquement il faisait des trucs qu’on n’apprenait pas à l’école de foot. Il avait le sens de l’improvisation, il était subtile. Je l’ai vu au Parc faire un amorti sur un dégagement du gardien suivi d’une cuillère et il s’est mis ensuite à jongler. Pourtant il y avait un marquage individuel sur lui. Sur ses dribbles il faisait des changements de pied et il faisait perdre l’équilibre au mec devant lui. Un peu comme Salah Assad ou encore Ben Arfa. Et puis c’était un bosseur.  Dans le comportement il avait de la classe. Un peu comme Zidane. Il ne parlait pas fort, pourtant il était capitaine.

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Le 11 titulaire face à Marseille le 8 janvier 1978 avec les deux jumeaux (c) Collection personnelle

Le deuxième joueur qui m’a marqué c’est Carlos Bianchi. C’était un seigneur. Super sympa, il venait me chercher au centre, pour déconner il m’appelait « Chaton ». Il m’avait pris sous son aile car quand je jouais je le faisais marquer. Pourtant il était le dernier en footing, dernier en vitesse, il n’avait pas le plus grande détente de l’équipe, techniquement il ne pouvait pas dribbler un mec en un contre un. Mais par contre qu’est ce qu’il était malin ! Sur des séances de 50 tirs aux buts, il marquait 45 fois, il y avait 2 poteaux et 3 arrêts de gardien. Il cadrait tout ! Et il était toujours au bon endroit. Quand il y avait poteau, le ballon revenait toujours vers lui, jamais vers toi. Il anticipait, il avait toujours un temps d’avance. Il créait des fausses pistes à faire tomber le défenseurs. Je le regardais faire, son jeu sans ballon, c’était un modèle. Quand tu débordais, tu levais la tête, il était toujours tout seul. Il bernait les défenseurs. Il fallait lui mettre proprement mais il te montrait où et comment il la voulait. Il m’a beaucoup apporté.

Quel match t’a marqué en plus de ton premier en 1975 ?

C’est le match du 8 janvier 1978. Jean-Michel Larqué était l’entraîneur et Daniel Hechter avait été radié du football dans la semaine. C’était un PSG-Marseille. L’OM était premier du championnat, et le PSG en milieu de classement. On éclate Marseille 5-1. J’avais marqué et fait marquer. En plus c’est le premier match que je joue avec mon frère jumeau.  Gilles jouait derrière et moi je jouais au milieu derrière « Mous ». Le Parc était en feu, Paris était fait pour ces matchs de gala. Ce match il était pour Daniel.

Résumé et descriptif du match PSG-OM 1978, cliquez ICI

Qu’est ce qui t’a fait quitter le PSG ?

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Dahleb, M’Pelé et Brisson portent Daniel Hechter en fin de match contre Marseille en 1978 (c) Collection personnelle

Déjà je n’avais pas d’atome crochu avec le président Borelli. En plus il avait fait revenir Vasović après Larqué. J’ai donc demandé à être prêté en 1979. Un peu contre mon gré car c’était mon club. Je pars donc à Laval où je fais une super saison. Je savais que j’avais les qualités pour réussir. D’ailleurs j’avais marqué et on avait gagné contre le PSG. Comme toujours… Au PSG J’avais été baladé à gauche, devant et au milieu. Vasović m’avait dit un jour en causerie devant tous les joueurs « Brisson, toi pas vedette, vedette Bianchi, Dahleb. Toi aller jusqu’à la ligne médiane et donner à vedette… ». Moi qui était un joueur créatif, qui admirait Cruyff, je ne comprenais pas ce discours. Un entraîneur est là pour faire progresser les joueurs, pas pour les brider. Bref après Laval, je reviens au PSG et là, c’est Georges Peyroche qui est entraîneur.  Une saison de perdue. Je ne joue que 18 matchs. Au début de saison je suis pourtant titulaire, mais je ne marque pas. Pendant 3 mois, j’étais à l’hôtel et je ne marquais pas. Et il y avait du monde devant. Rocheteau, Toko, Dahleb, Boubacar, Bureau… Une concurrence de folie. C’était difficile. Et Lens pense à moi. Ils me connaissaient déjà car j’avais fait partie de l’équipe de France Junior pour la Coupe du Monde en 1977.

Au moment de Laval, je faisais aussi partie du Bataillon de Joinville, l’équipe de France militaire. Et en 1975 j’avais joué un match titulaire contre Lens en Coupe de France. On avait gagné 0-4 là bas. J’avais compris qu’il fallait que je fasse ma vie pro ailleurs qu’au PSG. Leur recruteur est venu me rencontrer et ça s’est fait. La première année à Lens a été difficile mais elle l’a été pour tout le groupe. Il y avait Xuereb, Leclerc, Vercruysse, … Une bonne équipe. Puis ensuite on a pris un bon rythme de croisière. De mon côté j’arrivais à maturité. J’étais marié. J’ai eu mon premier enfant en 1983. J’avais digéré, j’avais compris ce que c’était qu’être un joueur de foot professionnel. La saison 1982-1983, Gérard Houiller est arrivé. On était premier à la trêve et on finit 4ème du championnat. On a mis 4-0 au PSG, on a battu Marseille. On ne doutait de rien. C’était un club pour moi. Là j’étais parti… J’ai marqué 17 buts en championnat. Et puis arrive l’aventure des Jeux Olympiques 1984.

Parlons-en à présent. C’était une aventure incroyable ?

Oui. C’était soit l’équipe de France A soit l’équipe Olympique. J’étais un des meilleurs ailiers gauche de France. Mais l’équipe de France A venait de faire une super Coupe du Monde en 1982. C’était un club un peu fermé avec beaucoup de supers joueurs comme Didier Six, Bruno Bellone, qui étaient encore jeunes. J’avais été toutefois sélectionné une fois par Hidalgo en 1983 pour un France Pays-Bas. J’ai joué 20 minutes et on a gagné 1-2 là bas. Parallèlement à ça, Henri Michel venait de finir sa carrière à Nantes. Il était le successeur annoncé d’Hidalgo. On lui a alors confié le poste d’entraîneur de l’équipe de France Olympique. Cette équipe n’existait pas. Elle a été construite pour les J.O. de Los Angeles. Il n’avait pas de moyen mais il a monté cette équipe qui n’a jamais perdu. 12 matchs, aucune défaite. C’était un destin. Il n’y avait pas de limite d’âge chez les joueurs choisis. C’était une vraie équipe de France B. Tu avais Touré, Bijotat, Thouvenel, Bibar, Ayache… On aurait tous pu être dans le groupe des 30 Français. Et cette équipe a marché tout de suite.

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L’équipe olympique médaillée (c) Collection personnelle

On était une génération qui avait la dalle. On en avait plein le cul de ne rien gagner. Séville, les poteaux carrés de Saint-Etienne… Les Anglais, les Italiens et les Allemands se moquaient de nous. Platini a été le guide en montrant qu’on pouvait être Français et gagner le ballon d’or. Qu’on pouvait être champions d’Europe. On s’est tous dit que c’était le moment. Il était temps qu’on remette les pendules à l’heure. C’était à notre tour de « bouffer » ! Notre premier match de qualification se fait en Espagne, et on va faire un hold-up là-bas. On gagne 1-0. On s’est dit que rien ne pouvait nous arriver. Puis on bat la Belgique et on fait un match d’appui contre l’Allemagne en aller-retour. L’aller au Parc on fait 1-1 et tout le monde se dit que c’est fini. On gagne 1-0 là bas ! On est qualifiés. On part aux Etats-Unis avec un groupe de 17 joueurs. On est arrivés à New York puis on a pris un vol pour Baltimore. C’était à l’opposé de Los Angeles. On avait des éliminatoires à disputer avant de rejoindre le village olympique. On devait rencontrer le Qatar, le Chili et la Norvège. Il fallait finir premier de ce groupe. On était en août. Je m’étais préparé comme un malade. On a eu un départ besogneux contre le Qatar. On fait 2-2. J’étais remplaçant. Lors du deuxième match contre la Norvège, Henri Michel me fait jouer et je fais un doublé. Puis on se qualifie en faisant 1-1 face au Chili, et on part pour Los Angeles.

Résumé du match France-Brésil, Finale des J.O. 1984, cliquez ICI

Et là c’est comme si on arrivait à Disneyland. On était vraiment aux J.O. On était dans les locaux de l’université de UCLA. Il y avait les Américains avec nous, les Anglais. On croisait Edwin Moses, Sebastian Coe… On était avec le gratin du sport mondial. On était comme des gamins. J’ai profité des 2-3 jours avant la reprise de la compétition pour aller voir tout l’athlétisme. Et puis on était en forme. Je n’ai pas trouvé l’aventure olympique très difficile sportivement. Les matchs qu’on a joués n’ont pas été les plus difficiles de ma carrière. On s’était construit de la confiance dans les éliminatoires, le groupe se connaissait, on était détendus mais super sérieux les jours de match. On était une équipe pas facile à jouer, une équipe de contre. En premier match, on a passé l’Egypte tranquille.  On gagne 2-0 (Ndlr : Doublé de Xuereb). En demi-finale on joue au Rose Bowl de Pasadena devant 100 000 personnes. On bat la Yougoslavie dans les prolongations (Ndlr : 4-2) et puis il y a le Brésil en finale.

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Le 1er but de la tête en Finale des J.O. 84 (c) Collection personnelle

C’était pour nous. Je savais, de mon expérience avec Bianchi, que si il y en avait une, il ne fallait pas la rater. Je marque le premier but de la tête. C’était un match fermé. On laisse le ballon aux Brésiliens. On les attend, ils nous remuent un peu mais on avait déjà connu ça. On était solides. Il y avait des chiens comme Jean-Claude Lemoult. C’était une équipe soudée. J’étais avec 2 co-équipiers de mes débuts au PSG. Jean-Claude Lemoult et Michel Bensoussan. Et il y avait aussi 2 mecs de Lens, Xuereb et Sénac. Il y avait aussi Philippe Jeannol avec qui j’avais fait la Coupe du Monde Junior de 1977. Le foot c’était un petit monde. C’était un conte de fée ces J.O., même si l’équipe est morte le jour de la finale. On s’est séparés le lendemain en arrivant à Paris. On a repris notre carrière. On s’est revus pour la première fois en 2004, 20 ans après. Incroyable ! C’était pour les 100 ans de la fédération. Sur les 17 on était 15. C’est une des dernières fois que j’ai vu Henri Michel.

Que penses-tu du PSG d’aujourd’hui, tu suis leurs performances ?

Je ne pense pas que ce soit la meilleure équipe de l’histoire du PSG. Mais cette saison, ils ont un grain de folie qu’on avait pas vu avant. Cette équipe est imprévisible. Mais elle n’est pas très équilibrée défensivement. Ils ont moins de personnalité dans la possession contrairement aux saisons passées. Alors c’est sur qu’il n’y a pas beaucoup d’opposition en Ligue 1 par rapport à son potentiel. Mais il me semble qu’avec Zlatan, Thiago Motta, David Luiz, il y avait un potentiel équipe plus ferme et plus mature. Aujourd’hui le PSG, ce n’est plus uniquement une question de Président, de directeur sportif, d’entraîneur… L’avenir du club est entre les mains des joueurs. Ceux qui sont sur le terrain. La question c’est : qu’est ce qu’ils veulent faire ensemble ? La Remontada, c’était une mi-temps, Manchester c’est du passé. On ne parle jamais du 5-0 qu’a pris le Bayern en demi finale ou des deux remontadas qu’a subies le Barça.

Le PSG c’est un élève brillant mais qui n’a pas encore gagné. Ils ne savent pas encore gagner. A un moment il y en a plein le cul ! C’est comme nous en 1984. La motivation ils l’ont, maintenant il leur faut plus il leur faut de la grinta. Est-ce que ces joueurs sont capables de se sublimer, je ne sais pas. Je pense que Neymar oui, il est capable d’être habité par une mission. J’aime beaucoup ce joueur. Mbappé, je ne pense pas, il n’en est pas encore là. Mais il en est capable. Il est encore trop obnubilé par ses stats. Après j’espère que Paris sera capable de gagner cette Ligue des Champions. La France a besoin de cet étendard pour passer un cap. Car l’histoire des clubs français en Europe est nulle. On devrait avoir honte. Une seule Ligue des Champions et une Coupe des Coupes. C’est tout  ! C’est plus facile pour nous de gagner la Coupe du Monde que la Coupe d’Europe. En tout cas j’espère que le sens du détail et l’esprit vont gagner le PSG pour que cette équipe aille au bout. Il est temps que les choses changent. Ça suffit !


Xavier Chevalier

ITW Fabrice de Cheverny Virage PSG

Fabrice de Cheverny

On a rencontré FABRICE DE CHEVERNY, auteur de « CAR NOUS DEUX C’EST POUR LA VIE », un livre qui retrace de façon très documentée le retour des ultras au Parc.
On a évoqué sa passion pour le PSG et le monde ultra parisien.

Comment débute ta passion pour le PSG ?

Mon père était un grand passionné du PSG. Il ne m’a pas obligé à m’intéresser au club, il me laissait libre.Tout petit déjà je le voyais regarder les matchs, crier quand il y avait des buts ou des occasions… En 1996, j’étais encore très jeune mais cette chanson de Yannick Noah (Ndlr : Yeah Yeah Yeah) qui accompagnait le PSG lors de la Coupe d’Europe 1996 a éveillé ma curiosité. Mon père la chantonnait, je la fredonnais avec lui, non pas parce que j’étais fan du PSG mais plus parce que je la trouvais joyeuse et rythmée. Merci Yannick Noah.

Extrait vidéo de la chanson de Yannick Noah dans le vestiaire parisien, cliquez ICI

Peu après, l’attraction du PSG se faisait de plus en plus grande. D’une part parce que j’aimais le foot depuis la Coupe du Monde 1994, et d’autre part, parce que je commençais à suivre quelques matchs de Paris avec mon père. J’ai énormément suivi la Coupe du Monde 98. Et peu avant l’ouverture du mondial, on assistait aux adieux de Raì au PSG. J’ai suivi ça avec mon père et ça m’a ému. L’animation avec le drapeau brésilien géant en virage, Raì qui pleure dans son maillot puis qui s’agenouille… Certains ultras torses nus et en larme qui chantaient. Ça m’a vraiment marqué.  Mon père voulait vraiment que je regarde, car pour lui, la passion était aussi faite de larmes. Il me disait : « on ne regarde pas la grandeur d’un Club par rapport à son palmarès ou à son ancienneté, mais par rapport à l’amour que portent les joueurs pour le club et l’affection qu’a le public a envers les joueurs ». J’ai toujours gardé cette phrase en moi. Par exemple, je m’en suis rappelé très fort quand j’ai vu le manque de classe lors des adieux de Casillas au Real Madrid après 25 ans passés au club…
Pour tout résumer, le départ de Ra
ì, a été l’électrochoc et avec la coupe du Monde 98 la passion foot explose.

Pourquoi ton père supportait le PSG ?

 Je ne sais pas et je ne lui ai jamais posé la question. Comme club il ne regardait que ça. Il suivait aussi l’équipe de France mais appréciait particulièrement le Brésil car étant jeune il aimait beaucoup Pelé. Mon père a vu naître le PSG. Ce club était tellement attendu à Paris, un peu comme un couple qui désire un enfant depuis longtemps, forcément tu l’aimes deux fois plus… D’où sans doute son attachement pour le PSG, en tout cas je le vois comme ça.

Tu commences à aller au parc à partir de quand ?

Lors de la saison 2004-2005 je commence à aller régulièrement au Parc. Mon premier match était extraordinaire. C’était face à Porto en League des Champions. Les Portugais venaient de remporter la C1 avec Mourinho face au Monaco de Didier Deschamps. Bon, le club portugais qui se présentait à Paris s’était fait piller la moitié de l’équipe titulaire mais ils avaient quand même Victor Baia dans les cages, ni plus ni moins le meilleur gardien européen à l’époque. Sur ce match j’étais en latérale. En ce début de saison, le PSG c’était l’incertitude. On avait fait un début de championnat catastrophique et on s’était fait humilier au Parc face à Chelsea avec Drogba qui avait crié « Allez l’OM »…

J’avais suivi de près le mercato de Porto cet été-là et je voyais qu’ils étaient diminués. Mes amis ne croyaient pas trop en la victoire, ils voyaient plutôt un match nul. Moi j’y croyais. Et là, on les bat 2-0, avec la manière et le spectacle. Notamment avec le but monstrueux de Coridon. C’est parti d’un contre, avec le Parc qui grondait pour pousser l’équipe. Baia a tellement été surpris par ce coup du Scorpion. Et Juste après Pauleta marque et on blinde. Après ça je n’avais qu’une envie, c’était de retourner au Parc.
Mes potes m’appelaient le porte-bonheur car on a commencé à gagner quelques matchs, notamment celui face à Marseille, à 10 contre 11. Quel but incroyable de Pauleta (Ndlr : 07 Novembre 2004) et quelle victoire malgré le handicap du carton rouge d’Armand
dès la 20ème minute…

PSG PORTO Virage Paris
Le Scorpion et sa tribu (c) Panoramic

Tu étais placé où et avec qui au Parc ?

Avec des potes toujours en latérale. Il y avait de l’ambiance contrairement à aujourd’hui. A l’époque c’était vivant. Le plan Leproux n’a pas vidé que les ultras des virages, les latérales aussi ont été désertées par les vrais supporters.

Cet univers des Ultras dont tu parles dans ton livre, à partir de quand tu commences à t’y intéresser ?
Le premier véritable contact arrive avec la victoire en Coupe de France en 2006, face à l’OM. Avec mes amis on a rejoint les ultras sur les Champs-Élysées pour fêter la victoire. Les chants, les tambours et les fumis ce soir-là, c’était inoubliable. Même ma sœur a fait la fête avec nous, c’est dire. On a continué la soirée à la maison avec des amis jusqu’au petit matin. C’était juste dingue. Ensuite, en 2008 quand il y a l’union sacrée pour éviter la descente en Ligue 2. J’ai commencé à faire quelques déplacements. Je me suis retrouvé au plus près des ultras que je voyais au loin depuis les latérales. C’est là que j’ai ouvert les yeux sur le cœur de l’ambiance.

Après la victoire face à l’OM en 2006 © Collection personnelle

Tu as déjà été carté ?

Non. Je n’avais pas les épaules pour être ultra. Même si tu n’as pas besoin de faire un grand chelem (Ndlr : assister à tous les matchs du PSG de la saison, domicile extérieur), il faut être motivé… Ils ont un emploi, une famille, mais ils sont capables de peindre un tifo toute la nuit sans dormir et d’aller au travail le lendemain matin puis au match le soir-même. Respect ! Et oui, le stade ne se décore pas tout seul et ils sont bénévoles. J’étais à la fac à l’époque. Comme beaucoup d’étudiants parisiens, je travaillais le soir pour financer mes études. Certains, en plus d’être étudiants et d’avoir des petits boulots arrivaient quand même à aider à la préparation des tribunes avant les matchs et même effectuer plusieurs matchs et des dép’s. Chapeau ! Je m’apercevais qu’il y avait une forme d’entraide, une fraternité. Peu de moyen mais beaucoup de générosité. Ça vaut tous les enseignements. Côté football ce qui m’a marqué aussi en 2008 c’était ce but de Jérémy Clément au Parc face à Saint-Étienne. On a fêté ça comme si c’était une victoire en Champions League. La célébration de ce but a duré super longtemps. Je ne me souviens pas d’une célébration plus longue que celle-là.

Extrait but de Jeremy Clement en tribune, cliquez ICI

Puis arrive 2010.

Bien avant, il y a déjà eu la dissolution des Boys qui avait fait beaucoup de mal car ils étaient fédérateurs dans le Kop de Boulogne. Côté Auteuil, en 2010 arrive la dissolution des Authentiks et des Supras. Les Supras… On parle d’un très gros groupe. Bien sûr qu’il fallait solutionner la violence mais dissoudre l’ensemble des Supras c’était briser le Virage Auteuil. Au début de la saison 2010-2011, avec les dissolutions et le boycott, même en regardant les matchs à la télé tu comprends que c’est la fin. Le stade n’avait plus d’âme. Le Parc traversait une forme de Near Death Experience, quand l’âme quitte le corps. Les ultras boycottaient le Parc suivis par les supporters en latérale. Difficile de vivre les matchs sans vrais supporters. C’était d’autant plus injuste que pour la plupart ils n’étaient pas du tout violents. A ce moment-là, je fais comme bon nombre de supporters, je prends beaucoup de recul. Le PSG passe en arrière plan, ma passion est mise de côté au moins pendant trois ans.

Parlons du livre, c’est en fait un récit journalistique et chronologique du retour des Ultras au Parc ?

Oui, c’est l’angle que j’ai choisi. Un travail d’investigation et un récit chronologique du combat des supporters. Le boulot a commencé en décembre 2018. Le match à Manchester l’année dernière m’a conforté dans mon projet. Il y avait une telle ambiance en parcage à Old Trafford, cela ressemblait vraiment à l’ambiance de l’ancien Parc. Tout le monde était motivé, synchro sur les chants et les claps. On a éteint Manchester à 3000. Peu après, j’en parle à Mika (Ndlr : Leader LPA, Ancien président du CUP). Je ne le connaissais pas au début. Celui que je suivais pendant la contestation c’était James. Je l’avais souvent écouté sur l’émission foot de France Bleu Paris avec Michel Kollar.

Mika était pratiquement partout. Tu ne pouvais pas le rater. C’est l’une des figures de la contestation avec Jérémy Laroche, qui lui, a pris du recul. Donc je lui parle du livre. Les ultras étaient revenus depuis plus de 2 ans et personne ne parlait vraiment de leur combat. C’était bizarre. Je voulais donc raconter l’histoire de cette lutte et Mika a été d’accord. A partir de là le travail s’est intensifié. Les archives présentes dans le livre m’ont été remises par les contestataires… C’est énorme tout ce qu’on a mis à ma disposition. Puis j’ai rencontré d’autres personnages clés de la contestation comme Romain Mabille et Maître Cyril Dubois qui était avec Maître Pierre Barthélémy les avocats des contestataires. J’ai été marqué par leur altruisme. Pendant toutes ces années de lutte, ils défendaient leurs clients bénévolement. De nos jours c’est extrêmement rare…

ITW Fabrice de Cheverny Virage PSG
Défilé de la contestation (c) Collection personnelle

Ça a été facile de discuter avec les ultras, qui sont de nature méfiante ?

Rien n’est facile. Il a fallu expliquer ma démarche. Le fait de parler avec eux était déjà une première avancée. Quand tu vois le traitement qui a été accordé aux événements lors de la fête du titre au Trocadero en 2013… On a mis la casse sur le dos des ultras, c’est normal qu’ils soient si méfiants… Pourtant ce ne sont pas eux qui en étaient responsables. J’y étais, je les ai vu les casseurs au fond de la place, comme à chaque manif tu en as.

On sent un parti pris côté supporters dans ta façon de relater les faits. Tu as essayé d’avoir aussi la direction du PSG, Robin Leproux ?

Oui mais je n’ai pas eu accès à eux. Pour le parti-pris, j’ai surtout retranscris des heures d’interviews. Je les ai travaillées tout en restant fidèle aux témoignages. Toi, en tant que supporter, tu as ressenti ce parti-pris, mais le lecteur qui ne connaît pas ce monde, doit aussi comprendre ce qui s’est passé du point de vue des ultras et de leurs avocats. Et puis le son de cloche d’en face, on l’a eu pendant des années et à foison.

Ce qui est également intéressant dans ce livre, quand on s’intéresse à l’histoire et à la façon dont des ultras ont pu revenir au Parc, c’est qu’il est chronologique, avec des données historiques, documentées et argumentées. Le livre parle bien sûr des ultras parisiens mais aussi des ultras en général, par exemple tu parles de la marche à Montpellier pour Casti. Quels retours as-tu eu du monde ultra parisien, et même du monde ultra en général  ?

Les ultras ou les supporters qui l’ont lu et que j’ai rencontrés lors des séances dédicaces ont aimé le bouquin. Dont un très touchant qui m’a dit  :  » Tu sais, j’ai participé à la contestation, et tu m’as appris des choses que je ne connaissais même pas  ! Le livre m’a permis de remettre des liens à des trous que j’avais, dont certains volontaires car les leaders ne pouvaient pas tout dire. Ce qui a pu se dire avec Nasser, pourquoi c’était si compliqué, pourquoi cela s’est débloqué d’un coup, etc… » Et puis beaucoup plus surprenant encore, une mère de famille qui me dit : « J’ai lu votre livre. Je comprends seulement maintenant le comportement de mon fils. On pensait qu’il avait un problème à l’époque. On en comprenait pas pourquoi il partait parfois plusieurs jours en province ou à l’étranger avec ce qu’on croyait être des voyous. Maintenant on comprend tout. Il s’est battu pour les droits des supporters parisiens… »

Il y a un passage vraiment hallucinant où l’on apprend que Nasser pendant longtemps n’était pas au courant de la situation des ultras.

Exactement. Et sincèrement ce n’est pas si hallucinant. J’ai posé et reposé cette question à des gens du club et c’est vrai que ce n’est pas si étonnant. Les Qataris sont étrangers et viennent d’arriver en France. La DNLH et la préfecture de Police leur expliquent que les ultras sont dangereux et qu’ils se sont entretués. Pourquoi vont-ils contester cela à peine arrivés dans un pays qui n’est pas le leur ?

D’accord mais la contestation était visible, le silence du Parc comparé aux contre-parcages par exemple.

Nasser s’en est rendu compte par lui-même, grâce aux contre-parcages, qui lui ont ouvert les yeux. Il a demandé à ses collaborateurs, non pas parce qu’il était naïf, mais c’était sûrement pour connaître leurs réactions  : « Qui sont ces gens qui chantent avec passion du début jusqu’à la fin du match, et qui portent le maillot du PSG  ? ». On lui répond  : « Ah non, ce sont des voyous, des racistes, ce sont ceux qui se sont fait écarter du stade et qui s’entretuaient en 2010. »

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Contre Parcage à Caen (c) Collection personnelle

Tu ne penses pas qu’il y aurait pu avoir des voix alternatives qui auraient pu expliquer la situation à Nasser ou à son entourage proche  ?

Des gens biens comme cela il y en a eu oui et j’en connais. Il y a eu un travail de fait sur la chronologie véritable des évènements. Il y a des choses que je ne peux pas dire mais je vais essayer de les dire différemment. Il y a eu des personnes bien intentionnées qui ont interféré pour que certaines choses arrivent aux oreilles de Nasser. Dans un combat, il y a des gens bien, qui font le choix d’aider le bon parti.

Les personnes qui œuvraient dans l’autre sens, c’est-à-dire qui étaient contre un retour des ultras, quels étaient leurs intérêts ?

Il y a deux choses à mon avis. La première c’est qu’en tant que directeur de la sécurité c’est toujours plus facile quand il ne se passe rien, vous avez forcément moins de travail, moins d’effectifs à gérer, ça c’est une réalité. La deuxième raison, c’est qu’avec ou sans ultras, le Parc était désormais plein. Les prix augmentaient tous les ans. On est rentré dans l’ère du foot business. Sur ce point, la France devait suivre les pas de l’Angleterre, tout simplement. C’était dans la logique des choses. Des tribunes plus aseptisées, sans ultra, un public plus consommateur avec moins de supporters. Personne pour protester contre l’augmentation du prix des places, pas de contre pouvoir, liberté totale vis-à-vis des tarifs en billetterie. Paris devait être le précurseur de tout cela pour la France.

Cela a-t-il vraiment changé depuis le retour du CUP  ?

Oui, cela a changé. Depuis le retour des ultras, les prix sont plafonnés en virage, les abonnements sont revenus. Si on prend le top dix des clubs européens ce n’est pas le PSG le plus cher en virage c’est même l’un des moins chers. En Auteuil Bleu l’abonnement est à 416 l’année, c’est l’équivalent d’un club de milieu de tableau en Angleterre. Nous parlons quand même de la ville de Paris, une des villes les plus chères d’Europe. En latérales et en loges, le Parc des Princes est l’un des stades les plus chers. On trouve donc les deux extrêmes niveaux tarif. Aujourd’hui, le club ne peut pas augmenter les abonnements du jour au lendemain, en disant je mets les abonnements à 600 en virage. Cela passe désormais par le dialogue. C’est bien la preuve que cela a changé.

A ton avis, est-ce pour ces raisons que le PSG ne veut pas avoir d’ultras côté Boulogne  ? Même si les « Block Parisii », « Résistance Parisienne » ou les « Paname  Rebirth » semblent faire bouger les lignes depuis quelques mois, penses-tu que l’on reverra un jour des ultras à Boulogne ?

C’est une très bonne question. Il faut saluer le travail des Block Parisii. Ils sont très jeunes et c’est un vrai groupe ultras, on ne peut pas les appeler autrement. Il existe donc de vrais ultras à Boulogne. De là à les autoriser dans toute la tribune Boulogne, le club ne le fera pas. Cela je pense pour deux raisons. La première, à cause d’un véritable traumatisme historique hérité des violences qui ont opposé une minorité de Boulogne à une minorité d’Auteuil. On ne parle pas de 6500 personnes qui se rentraient dedans, c’était entre 150 et 300 de chaque côté, et encore… Je ne pense pas que Boulogne renaîtra aussi vite. Pourtant, tu peux t’apercevoir que lors des gros matchs en Ligue des Champions ou de belles affiches de championnat, Boulogne commence véritablement à être synchro. Cela a évolué. Si tu regardes le dernier match contre le Real de Madrid, il y avait une très bonne ambiance. Lorsqu’ils font une « grecque », il n’y a pas que le « Block Parisii » qui la fait, même Boulogne bas suit. Ce n’est pas ce qui se faisait à l’époque encore, mais c’est beau.

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Cortège Paname Rebirth (c) Virage

La deuxième raison est-elle le prix des places  ?

Si on ouvre un deuxième virage aux ultras côté Boulogne, forcément le prix des places doit s’aligner sur celui d’Auteuil. Tu ne peux pas faire autrement. Cette pression qui existe sur la billetterie et le prix des places c’est le fair-play financier. Le vrai problème du PSG c’est le fair-play financier. Le club doit toujours trouver des ressources financières et la billetterie en est une.

Tu continues à aller au parc aujourd’hui, en virage, tu es placé où  ?

Auteuil bleu, juste au-dessus du bloc LPA.

Quel est ton sentiment sur l’évolution de la relation entre le club et ses supporters ? Il y a des sujets importants qui doivent encore être approfondis, comme le référent supporters.

Tu as raison de parler des référents. Paris ne compte que 2 référents supporters purs opérationnels qui se déplacent toute l’année aux quatre coins de la France et de l’Europe, et un troisième, Arnaud, qui gère plus de 110 groupes de supporters en province et à l’international. 3 personnes ce n’est pas suffisant pour tout ce beau monde. Je cite justement dans le livre qu’en Allemagne, ils ont entre 5 et 8 référents supporters par club. Cela ne concerne pas que le PSG mais 2 personnes pour 6500 supporters, c’est léger si tu comptes ceux qui sont à Boulogne. Tu ne peux pas avoir que 2 référents, c’est le PSG tout de même. Un club qui grandit chaque année comme le PSG doit avoir au moins 8 référents supporters.

Y a-t-il d’autres sujets où le club est encore largement perfectible en terme de relation avec ses supporters ?

Oui, concernant les déplacements par exemple. Est-ce que tu te rappelles du déplacement à Belgrade  ? Les supporters sont venus en avion, aéroport, bus, stade, match, stade, bus, aéroport, avion, Paris. C’est ce qui doit être, à mon sens, la norme quand il s’agit de matchs « à hauts risques ». Pour Galatasaray, le PSG se déplaçait à Istanbul  ; rivalité énorme après ce qui c’était passé en 2001. Le club aurait dû suivre le même modèle que pour le déplacement du match à Belgrade contre l’Etoile Rouge. Le déplacement à Belgrade n’était pas plus dangereux pour les Parisiens que celui de Galatasaray.

Ce n’est pas un peu triste quand même ce déplacement aller-retour ?

Oui, mais il y a certains matchs qui nécessitent cela. Après si tu veux faire du tourisme, demain tu vas à Istanbul et personne ne va t’embêter si tu portes une écharpe du PSG. Mais à chaque fois c’est contextuel. Dans la confrontation du match Galatasaray – PSG, le supporter parisien n’est pas le bienvenu. Par contre si tu y vas 3 mois après avec ton écharpe, personne ne te regarde. C’est toujours une histoire de contexte. Alors dans ce contexte particulier, c’est toujours triste de ne pas pouvoir visiter la ville, OK. Mais pour ce genre de match tu ne peux pas tout avoir.

Côté supporters, parlons du CUP qui réunit différents groupes avec des philosophies différentes.

Le CUP est le super groupe qui englobe tous les groupes ultras d’Auteuil. Le Collectif Ultra Paris a été créé non pas pour que chacun oublie son appartenance à son groupe d’origine mais pour servir d’interlocuteur unique et crédible vis à vis du club et des pouvoirs publics.

CUP Virage PSG
Le CUP dans ses oeuvres (c) Julien Scussel

Tout cela ne doit pas être évident à gérer pour les personnes qui s’en occupent.

Dans le livre Romain Mabille l’explique. Quand ils ont voulu créer le CUP, il n’y avait personne. « Qui veut être président  ? … personne… – Oui mais il faut qu’on avance ». Le fichier stade était là, la loi Larrivée était en discussion à l’Assemblé Nationale. Si le CUP n’était pas créé cela devenait très compliqué pour les contestataires. Tu as deux personnalités naturelles qui sont sorties du lot, Romain et Mika. Président et vice-président. Il fallait un interlocuteur crédible, avec du poids. Là c’est un groupe qui parle au nom de plusieurs groupes. Il faut saluer ce travail qui a été réalisé. Chapeau à eux. Personne ne voulait se présenter à l’époque et ce sont donc Mika et Romain qui ont pris les choses en main.

Comment vois-tu l’avenir du CUP et d’une façon générale du supportérisme à Paris  ? Déjà parlons du virage Auteuil, comment peut-il évoluer  ?

Le CUP continue son chemin. Quant au supportérisme, il est chaque année en expansion surtout à l’international. Pour une éventuelle évolution, je pense que cela va dépendre du fair-play financier, qui est une épée de Damoclès et dont le club sera sans doute débarrassé d’ici quelques années. Le PSG a toujours plus de pression qu’un autre club, il sera toujours plus observé que les autres. Donc quand ce poids du fair-play financier ne sera plus là, le PSG pourrait, pourquoi pas, étendre des prix populaires en 1/4 de virage ? Et c’est intéressant de se demander si dans les années à venir, un public un peu plus populaire ne pourrait pas grignoter l’un des ¼ de virage côté Auteuil. Souvenons-nous des Authenticks.

On a longtemps dit qu’agrandir le Parc n’était pas possible, pourtant il semblerait qu’une solution ait été finalement trouvée, as-tu des infos  ?

Oui, le Parc va être agrandi, l’objectif va être de passer de 47929 places à plus de 60000, ce qui ne serait déjà pas mal. Alors c’est drôle car en ce moment on parle beaucoup de Dortmund, et justement, en terme d’inclinaison et de gain de place le mur jaune est une référence. Tu perds moins de place en faisant une grande pente unique avec une forte inclinaison. Il faut savoir aussi que l’on a une particularité au Parc des Princes, c’est que derrière les buts tu as de la place pour mettre un avion. Si l’on parvient à faire un mur rouge et bleu, sur le modèle du mur jaune de Dortmund, qui démarre juste derrière les buts, cela permettra au PSG de gagner énormément de places.

Nous sommes d’accord pour dire qu’il n’y a plus de débat sur un déménagement au Stade De France  ?

Évidemment. Nasser a bien compris l’attachement des supporters au Parc. D’ailleurs le titre du livre c’est « Car nous deux c’est pour la vie » et en sous titre « Supporters, l’âme éternelle du PSG », et bien Nasser en fait partie. J’ai mis supporters et non ultras même si les ultras ont été en première ligne du combat. Nasser est un supporter du PSG avant tout. Il a été à la Préfecture de Police et au Ministère de l’Intérieur pour expliquer qu’il était temps que le plan Leproux s’arrête. La vraie problématique de ce plan, c’est qu’on appliquait des blacklists illégales et des mesures anti-hooligans pures à des ultras et des supporters. Un simple supporter peut être touché au même titre que les hooligans. Il n’y a eu aucune différence de faite, tout le monde était mis dans le même panier, c’est bien ça le problème. Qu’il y ait des mesures anti-hooligans pour éradiquer la violence, c’est très bien, je suis pour. Mais que l’on mette pas tout le monde dans le même panier…

ITW Fabrice de Cheverny Virage PSG
(c) Collection personnelle

Ce retour d’ultras au Parc, n’est-ce pas quelque part une victoire du peuple sur une vision plus cynique et pragmatique ? Finalement, n’est-ce pas une lueur d’espoir dans un monde qui se sécurise, qui s’inquiète de tout ?

Maître Cyril Dubois le citait dans la préface « Le foot a été créé par les pauvres et volé par les riches » donc oui le football est avant tout populaire. Et pour en revenir à ta question, le combat des ultras à Paris est un combat populaire qui a pesé dans le destin des ultras de France. C’est-à-dire que Paris n’est pas tombé grâce au combat des contestataires, cela a permis à d’autres clubs d’ouvrir les yeux sur l’importance des ultras et d’entamer un dialogue avec eux. En Europe, si tu prends le top 10 des grands clubs, aucun, à part le PSG, ne compte des ultras. Le PSG est le seul. Au Real et au Barça tu as des socios mais plus d’ultras. En Angleterre plus rien. Tu as des ultras à la Roma ou à Naples oui mais on n’est plus dans le top 10. Au Bayern c’est le nouveau brassage. Ultras et supporters mélangés. C’est un peu ce qu’on retrouve à l’extérieur au PSG. Aujourd’hui dans un dep’ du PSG, tout le monde est mélangé. Au Bayern c’est aussi comme ça.

Le modèle ultra en Allemagne ne serait-il pas le modèle à suivre  ?

Exactement. C’est ce que suit le CUP, avec des enfants et des femmes en virage, un vrai mélange. Tu peux mettre ta fille sur tes épaules avec les ultras à côté. Tu peux être avec tes enfants au milieu des ultras, on ne t’éjecte pas.

Dernière question, peux-tu nous raconter cette anecdote, qui est dans le livre, sur la rencontre entre le directeur de Nike et les ultras ?

Alors ça aussi, cela n’existe dans aucun club  ! Et le club précurseur de tout cela n’a même pas 50 ans  ! C’est-à-dire que tous les autres clubs centenaires n’ont jamais fait ça  ! Aucun club n’a permis aux représentant de ses supporters de proposer des maillots jusqu’à prendre rendez-vous avec le Directeur de Nike  ! Cela démontre que le PSG accorde une grande importance aux choix des supporters dans une discussion saine.

Est-ce un coup de com  ?

Non pas du tout. Les Ultras veulent le retour de nos couleurs historiques et le club n’est pas contre. Qui de mieux que les représentants des ultras pour expliquer à Nike quel type de maillots ils veulent exactement.

Le fait de voir nos deux maillots historiques (le Hechter et le blanc) revenir est très symbolique.

C’est extraordinaire, d’ailleurs le maillot blanc est un gros succès. Et sur la couverture de mon livre, tu peux voir le futur maillot des 50 ans, et le col c’est le maillot third blanc qui est déjà sorti. C’est dingue que ce soit l’un des clubs les plus jeunes d’Europe qui soit le précurseur de ce genre de chose. Les 2 maillots dédiés aux supporters c’est le third (le blanc) de cette saison et celui qui va arriver pour les 50 ans (Le Hechter). Le maillot Jordan c’est tout à fait autre chose. Il s’adresse plus à l’international.

Une dernière anecdote  ?

Toutes ne sont pas dans le livre pour différentes raisons, mais il y en a une que j’aime beaucoup, d’ailleurs c’est James qui me l’a racontée. Le Directeur Départemental de la Sécurité Publique à Troyes reçoit un coup de fil du commissaire Boutonnet (Ndlr : responsable de la lutte contre le hooliganisme – DNLH) un soir de match à Troyes. Boutonnet gueule tellement fort au téléphone que tout le monde entend  : « De quel droit vous faîtes entrer des personnes violentes  dans le stade ? ». Très zen, le directeur de la DDSP lui répond « Ils ne sont pas violents, au contraire ils sont très coopératifs. »  – « Il faut les virer  ! »« Ah bon  ? Mais je n’ai aucune raison de la faire. » A la fin du match, Mika se fait arrêter pour l’exemple, avec une IDS qui l’attend derrière et tout le tralala…. Et là, la personne de la DDSP explique à James, que s’ils l’ont arrêté sans preuve, leur ami ne risquait rien. Il va donc voir lui-même, et il arrive à ramener Mika. Et c’est là qu’intervient le respect, l’attachement aux valeurs républicaines de cette personne. Il a gagné le respect éternel des supporters ! Le préfet de l’Essonne, Bernard Schmeltz a aussi été extraordinaire tout comme Jean-Martial Ribes, actuel directeur de la communication du PSG, ou Michel Kollar l’historien du club. Il y a comme dans tout combat, des gens justes, des gens bien. Pour finir cette interview, je voudrais les saluer, je ne pourrais pas tous les citer mais ils se reconnaîtront.


« Car nous deux c’est pour la vie » disponible aux Editions Amphora

Car nous deux c'est pour la vie Virage PSG


J.J. Buteau
Xavier Chevalier

ITW James Rophe Virage PSG

James Rophe

Si il y a un homme qui symbolise la lutte, la ténacité et l’enthousiasme,
c’est bien James. Supporter de la première heure, victime comme beaucoup
du Plan Leproux, il a ensuite combattu de toutes ses forces pour faire revenir
les ultras au Parc. Personnage central dans la création de LPA, de l’ADAJIS, de l’ANS
et enfin du CUP, son témoignage prouve que rien n’est jamais perdu d’avance.

Tu viens d’où James ?

Je viens de région parisienne. Je suis né à Enghien les Bains et j’ai grandi à Epinay sur Seine. Ensuite j’ai habité dans plein d’endroits dans le Val D’Oise. J’ai vécu avec mes grands parents qui venaient du Vietnam, et qui comme beaucoup, sont arrivés dans les cités HLM de la banlieue parisienne pour travailler.

La passion pour le foot, c’est arrivé comment ?

Très rapidement. Mon père était à fond sur tous les sports. Pour l’anecdote il suivait le PSG vraiment depuis le début car il devait travailler sur un projet avec Daniel Hechter qui n’a pu aboutir car il investissait dans la création…du PSG. Je ne le voyais pas beaucoup mais j’avais aussi des oncles qui suivaient le foot. Là où j’habitais, dans la cité, il n’y avait pas de terrain de foot mais il y avait un petit square qui était en bas de chez moi et c’est là que tout le monde se rejoignait pour jouer au foot. Surtout les grands mais tous les mercredis, on passait notre temps à jouer quand les grands nous laissaient faire. J’avais 5-6 ans. Je suis né en 1975, c’était donc le début des années 80. Vers 7 ans j’ai commencé à jouer en club.

ITW James Rophe Virage PSG
Pause fraicheur pour le jeune James (c) Collection personnelle

Tu as suivi le PSG tout de suite ou ta passion est passée par l’équipe de France comme beaucoup ?

Moi, c’est le PSG en premier. J’avais la chance d’avoir des grands-parents cools qui me laissaient regarder les matchs de foot à la télé. Et donc le premier souvenir c’est la finale de Coupe de France contre Saint Etienne (Ndlr : 15 mai 1982). Alors je n’ai pas de souvenirs précis de ce match. Mais je l’ai vu et c’est l’illumination. Et puis le truc qui m’a le plus accroché c’est le maillot du PSG. Ce maillot blanc à bandes rouge et bleu.

Tu avais des amis qui étaient aussi fans ?

Non. Mais j’ai découvert plus tard que j’avais des oncles qui suivaient le PSG. Il faut dire que c’était un club encore jeune. En tout cas à partir de là j’ai commencé à suivre téléfoot, mais de temps en temps. Je lisais aussi les articles dans le journal quand j’allais au café avec mon père, car c’était la culture de l’époque. L’année d’après Saint-Etienne, pour la finale de Coupe contre Nantes (Ndlr : 11 juin 1983), là je suis vraiment le match. Et le PSG de plus en plus. Au club de foot où je jouais on pouvait aussi avoir des places, et j’ai un très bon pote au club qui suit aussi le PSG. Alors que tous les autres étaient pour le Racing. A 11 ans, mon père me trouve des places pour aller au Parc. J’y suis allé avec lui et un oncle. C’était en 1986 pour un PSG-Nantes. Grosse affiche. On était invaincu. C’est le grand Nantes en face. Je me souviens de tout le rituel avant d’arriver. Toute la semaine tu ne penses qu’à ça. Tu en parles à tous tes copains. Les billets, on était allé les chercher dans un bar d’Epinay pas loin de chez nous, où mon père m’avait fait la surprise de me les donner. Dans un bar… Autre époque… Le jour J, tu prends la voiture en partance de banlieue, pour aller jusqu’au stade. Tu découvres le quartier du Parc pour la première fois, et surtout le Parc ! C’est vraiment un stade particulier. Quand tu montes les marches, tu entends le bruit, c’est un truc de fou. En plus c’était une vraie affiche. Il y avait beaucoup de nantais. J’avais l’impression que le stade était plein, mais en vrai il était pas mal vide, je l’ai su après… Pour l’anecdote on a croisé un autre oncle à moi, mon père ne savait même pas qu’il était au match ! On était en tribune présidentielle. Ce qui est marrant c’est que je j’étais fan de Philippe Jeannol car je jouais en défense. Et il a marqué ! C’était incroyable.

Résumé du match contre Nantes, cliquez ICI

Tu as été marqué par l’ambiance dans le stade ce soir-là ?

Pas vraiment l’ambiance, plus l’atmosphère : la lumière, le son, de voir les joueurs en vrai. Les gens qui se lèvent, qui s’engueulent… Et les chants à Boulogne.

Ton retour au Parc sans ton père c’est quand ?

C’est en 1991 ou 1992, j’ai 16 ans. J’ai un pote qui suit le PSG et qui a le permis. Il n’était pas dans le mouvement ultra, mais s’intéressait à tout ça. Il était de la génération de la fin des années 80. C’était plus un « Casual », qui y allait quand il fallait faire le coup de poing. Il m’emmène donc au Parc en présidentielle. Et là, c’est vraiment l’ambiance qui me marque. Avec Boulogne et un petit peu Auteuil. Mais Boulogne c’était fou. Je commençais à avoir pas mal de potes qui s’intéressaient au PSG. Après, pour aller au Parc c’était compliqué à l’époque. Tu mettais une heure et demi en transport et au retour c’était encore pire. Mais on commence à y aller entre potes. On cherchait les places les moins chères et donc forcément on se retrouve principalement à Auteuil. On connaissait quand même la réputation que Boulogne portait et comme on venait de banlieue, que certains de mes potes étaient de couleur, on n’a pas eu envie d’aller à Boulogne. Les skins qui trainaient en tribune, on les voyait de loin. En tout cas à Auteuil on a commencé à voir des groupes se monter comme les Supras. C’était des mecs motivés qui se réunissaient en petit groupe. Rien à voir avec ce que c’est devenu ensuite. Du coup on a commencé à apprendre des chants. Dès qu’on avait des places on essayait de se placer au dessus d’eux. C’est plus tard que j’ai rejoint le bloc des Lutece Falco. Quand ils ont commencé à s’installer. Leur délire était plus proche du mien. Et j’avais des potes qui aimaient y aller aussi. C’était plus leur délire. C’est en 1994 que je commence à être vraiment assidu.

ITW James Rophe Virage PSG
Finale de Coupe au SDF (c) Collection personnelle

Il y a déjà un joueur qui t’a marqué à cette époque ?

Le truc de fou c’est Ginola. Franchement c’était incroyable. Quand il m’arrivait d’être au bord du terrain, car parfois j’allais en latérale, je le regardais jouer… Je crois que les gens ne se rendaient pas compte à quel point il était fort. Et puis il faut se le dire, on n’avait pas toujours un super jeu. Heureusement qu’il y avait aussi Valdo. C’était fou Valdo. Il faisait tout. Aujourd’hui je suis un peu nostalgique de ces matchs où ça taclait. C’était physique. Quand tu avais des défenseurs comme Roche ou Ricardo, derrière c’était quand même aussi la classe. D’ailleurs je le dis souvent, dans l’amour qu’on peut avoir pour ce club, le côté classe a une grande importance. Les joueurs, le maillot… Raí, Leonardo, Ricardo, puis aujourd’hui Marquinhos ou Thiago Silva, il y a un truc. Une forme de noblesse.

A partir de quand tu passes le cap et t’engages vraiment comme supporter ? Ça se passe chez les Lutece ?

Oui chez les Lutece. J’étais placé un peu plus haut dans le Virage, on nous appelait les « sapins », les lambdas qui chantent de temps en temps. Mais on est à fond. On n’était pas dans le noyau mais on chantait tout le match avec mes potes. En plus je commençais à taffer, donc j’avais les moyens de prendre mes places et d’être plus autonome. Et puis mon pote d’enfance Romain, qui est comme mon frère, est revenu aussi à Paris après un passage en province. On commence donc à aller ensemble régulièrement au Parc. Par contre ça commençait à devenir galère d’avoir des places à Auteuil. Je pense notamment à un PSG-Parme (Ndlr : 21 mars 1996) pour lequel on ne trouve pas de place dans le Virage. On s’est retrouvé en 1/4 de Virage. Ce n’était plus possible alors l’année d’après on s’est abonné. Et là c’est parti. On a sympathisé avec le Capo des LF de l’époque, MacMega, et puis quelques autres têtes. Comme on était là depuis longtemps, on connaissait pas mal de monde.

ITW James Rophe Virage PSG
Une petite forêt de jeunes sapins chez les Lutece (c) Collection personnelle

Tu es resté combien de temps aux Lutece ?

Carté 2 ou 3 ans. Puis j’y suis resté jusqu’en 2010. En gros de 1995 à 2010. Je n’ai pas raté beaucoup de matchs, même quand j’étais à l’armée. Mais par contre j’ai raté des matchs de fou. PSG-Bucarest, PSG-Real… Le PSG-Rapid de Vienne par exemple je l’ai raté car je travaillais dans un restau en banlieue. La patronne n’a pas voulu me libérer, du coup je me suis retrouvé en salle à bosser mais il n’y avait personne. Et au fond de la cour du restau, j’avais un pote qui habitait au rez-de-chaussée. Il a mis la télé sur le rebord de la fenêtre et on a maté le match avec le cuisteau ! 

Il y a un match qui t’a marqué en particulier au Parc ?

Oui, le premier PSG-Galatasaray. (Ndlr : 31 octobre 1996). Déjà côté rue c’était l’anarchie totale. Il y avait énormément de turcs. Ils chassaient les supporters parisiens. Et on n’était pas nombreux. On est arrivés tôt, on a réussi à se réfugier Porte de Saint Cloud, sur une petite place qui est derrière avec un garage qui n’existe plus aujourd’hui. Il y avait des milliers de supporters turcs  ! J’étais avec Romain. Et là je n’ai jamais été aussi content d’entendre raisonner « Hooligans PSG ». Ces mecs qui arrivaient nous ont sauvés. C’était fou. Et après dans le stade… Il n’était pas plein, mais l’ambiance dans le Virage, en comparaison du nombre de turcs qu’il y avait en face… C’était un truc de malade. On a eu une ambiance de feu. Quand je parle de ce match, je reprends une expression de Viola (Ndlr : ex Capo des Lutce Falco) : on était des moines soldats. Tous les mecs du Virage étaient en mission, des mecs lambdas aux mecs des noyaux. On voulait les mettre à l’amende et c’est ce qu’on a fait. C’était vraiment un truc de tribune. Ça correspond aussi à un période, 96-97, où le Virage devient vraiment impressionnant.

Tu as aussi fait des déplacements ?

Alors comme je bossais souvent le week-end c’était compliqué mais j’en ai fait quelques-uns. De toute façon le déplacement c’est un truc fondateur pour un supporter. Et à l’époque c’était moins cadré. Tu pouvais visiter la ville. Il y avait cette espèce de tension sur place. Il y a aussi le rapprochement qui se fait entre supporters parisiens. Quand tu te croises dans les rues, tu te reconnais, même si tu ne connais pas les mecs. T’es porté par cette appartenance.

Un déplacement particulier à nous raconter ?

Oui celui à Rotterdam pour la finale de Coupe (Ndlr : Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe – 14 mai 1997). Déjà car c’est à Rotterdam avec toute la fumette qui va avec. Et puis c’était le bordel, c’était sulfureux. On a tout eu, le cliché Lutece Falco par excellence. On a eu un problème avec le car, puis on se fait bloquer par les keufs. En ville c’était le boxon total avec des supporters parisiens partout, tout le monde est déchiré, il y a des mecs de Feyenoord qui trainent, mais il y a trop de parisiens, il ne se passera rien… Et puis on perd le match, retour à l’arrache, défoncé, la gueule dans le cul… La police belge qui bloque les cars à la frontière, les chauffeurs qui commencent à péter les plombs, tout le monde était chargé de beuh, de shit, des supporters partout, les flics en panique qui finissent par nous laisser partir… Et arrivé à Paris au petit matin, je suis allé bosser.

ITW James Rophe Virage PSG
Romain à Rotterdam pour la finale (c) Collection personnelle
ITW James Rophe Virage PSG
James from the Bloc (c) Collection personnelle

Comment vis-tu les premiers problèmes qui apparaissent entre Auteuil et Boulogne ?

En 2006, je commence à être marqué par ce qui se passe. L’époque des embrouilles entre les Tigris Mystics et Boulogne. Je n’avais pas d’a priori sur Boulogne car je sais qu’il ne faut jamais tomber dans les clichés, et qu’il y avait aussi des cons côté Auteuil. J’ai relativisé vachement le truc, et malheureusement à la fin on s’était presque habitué à cette merde. Les supporters du PSG c’était devenu ça. Et il faut dire qu’il y avait des embrouilles également entre mecs d’Auteuil. C’était plus ambigu que ça en avait l’air. Pour te dire la vérité, je ne cherchais pas à en savoir plus. C’était comme ça.

Arrive 2010 et le fameux PSG-OM avec la mort de Yann Lorence. Tu y étais ?

Oui, et tu sentais avant le match que c’était tendu. Il y avait un groupe qui squattait dans le Park’s Boulevard, un bar pas loin du Parc. C’est un endroit que j’avais fréquenté par le passé. Et là tu sens qu’il y a des mecs de Boulogne qui font des réflexions. Je suis passé devant mais je n’y ai pas accordé plus d’intérêt que ça. Mais ça faisait longtemps que je n’avais pas vu ce genre de trucs. Et puis les flics qui n’interviennent pas, tu sentais qu’il y avait un truc malsain qui montait. De toute façon ça faisait des mois que l’atmosphère devenait de plus en plus pourrie. On est arrivé avec mon pote Romain juste avant que ça ne parte en sucette. Il y avait des barrages de flics qui nous empêchaient de passer pour rejoindre Auteuil. On était étonnés. Et point important à souligner, ce n’était pas des CRS mais des gendarmes. Et pour ceux qui connaissent un peu les manifs, il y a une vraie différence entre les deux. Les gendarmes sont plus républicains et respectueux. Et là tu as un major qui en train de craquer et qui dit « c’est pas possible, on ne peut pas rester là, il faut qu’on intervienne ! »… On avait entendu de loin que les mecs de Boulogne arrivaient, ce qui normalement était impossible. Avec l’expérience tu savais que ça allait finir mal.

En découle le plan Leproux. Ces événements t’ont motivé à t’engager personnellement dans la lutte pour le supporterisme parisien ?

Non, car en fait je n’avais pas encore pris conscience réellement de la situation. Il m’a fallu un temps d’adaptation. Et c’est lorsqu’on a été viré du stade que c’est devenu concret. En plus au début, les Lutece ne sont pas concernés mais les autres groupes sont dissouts, les Boys l’avaient été dès 2008 et c’était absurde. De base, ces mesures étaient injustes. Ça m’a donc motivé, j’avais 35 ans, une culture politique, de l’expérience. En temps normal tu attendais qu’il y ait une réponse des groupes à tout ça, mais là il n’y avait plus de groupe. Il ne se passait plus grand chose. Il faut savoir qu’il y avait encore des gens qui discutaient tout de même avec la direction et que l’objectif du Plan Leproux in finé, n’était pas de virer les ultras du Parc définitivement. Le problème de ce plan c’est qu’il n’a jamais été à son terme. Bref, mon pote Romain à ce moment me dit qu’il a trouvé un forum où ça discute entre supporters. Ça s’appelait « Lutte abonnés ». Il y avait une espèce de bouillonnement d’idées. Avec plein de gens différents, des mecs de toutes les tribunes, de tout âge. On avait de vrais échanges. À partir de là, les gars à la base de ce forum montent un casting des gens qu’ils avaient trouvés actifs dans les discussions. On se retrouve avec Romain à être invités pour tous se rencontrer. On fait cette réunion à la rentrée. Il y avait Jeremy Laroche, qui fut ensuite président de LPA (Ndlr : Liberté pour les abonnés), Albin, Florian…

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Réunion LPA (James en bas à gauche) (c) Collection personnelle

Et donc on a discuté, pourtant personne ne se connaissait. C’était marrant comme rencontre. Il y avait aussi Mika avec son écharpe des Supras. Il y avait des mecs qui avaient été dans des groupes, d’autres non. En tout cas on a décidé très vite de monter l’association LPA. Avec comme objectif de répondre à la direction en disant « Allez chiche, allons au bout de ce plan Leproux et trouvons des solutions ». Avec des personnes qui n’étaient pas concernées par les confrontations et qui voulaient aller de l’avant. Avec le recul j’ai l’impression qu’on a été complètement fous, car on n’avait aucune expérience, mais on était bien motivés. Ça a pris très vite, on s’est retrouvés à presque 500, on a du bloquer les adhésions car on n’arrivait plus à gérer. On a créé le bureau et on était environ 10 à être dedans. On décide de faire du buzz, des coups… on organise des tractages, des campagnes de stickage, des rassemblements… Après plein de gens importants sont aussi intervenus, des anciens Lutece, des Karsud… Ça a été très important pour qu’on puisse faire les choses. Par exemple pour les manifs, à tous les niveaux même si on se souviendra surtout de Viola au mega… mythique !

Manifestation LPA au Panthéon, cliquez ICI

Vous commencez à discuter avec le Club ?

Au début non, car il y avait déjà des représentants des supporters qui discutaient avec le club. Mais Jeremy et d’autres ont fait les choses bien en allant rencontrer ces représentants pour leur expliquer notre démarche. Car ils étaient légitimes. On commence à être dans la boucle. Le problème c’est qu’en étant visibles on devenait une cible et on nous avait prévenus…

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Viola chauffe la foule (c) Collection personnelle
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Jeremy Laroche au méga et James devant le Panthéon (c) Canal Supporters

Une cible pour qui ?

Pour tous ceux qui étaient malveillants au PSG et côté autorités. Mais aussi la clique médiatique qui était là pour accabler les supporters, ou trop lâche pour les défendre. Toutes ces personnes qui se plaçaient mais qui ne proposaient aucune solution pour le futur. Notre première lutte ça a été d’ouvrir ces portes-là, celles de la communication : media, sociologue, politique… On a eu des ouvertures sur RMC, sur France Bleu. En off, ils étaient nombreux à nous soutenir. Mais bon, est arrivée la répression. On a été interdit de stade en déplacement, il y a eu des gardes-à-vue… On voulait défendre les tribunes populaires, car avec le placement aléatoire qui était proposé, on savait comment ça allait finir. Après c’était aussi difficile de gérer une association avec autant de membres, tous très différents. Et on n’avait plus le stade pour se réunir, alors que c’était essentiel. C’était devenu compliqué, on a donc décidé de dissoudre l’association en 2012. LPA disparait est devient un groupe de supporters, non plus une asso. Le bureau existe toujours pour trouver des solutions, pour continuer à mener des actions, et aussi pour se défendre. Un des gars du bureau était juriste, et commence à nous orienter sur ces questions.

On a commencé à nourrir notre réflexion pour l’avenir, car on avait accumulé diverses expériences dans cette lutte. Au travers de rencontres avec des journalistes, des sociologues, et on avait aussi pas mal de contacts au club. On se rend compte très vite qu’on a besoin d’une nouvelle structure associative pour développer tout ça. On décide de créer l’Adajis (NDLR : association de défense et d’assistance juridique des intérêts des supporters). On a décroché des actions de terrain, « entre guillemet », clandestines de LPA, et on s’est concentré sur des réflexions plus transversales avec un nombre restreint de membres intéressés par les sujets. De plus, à ce moment-là, les discussions sont coupées avec le club. Et Robin Leproux se retrouve un peu tout seul, avec des gens qui lui mettent des bâtons dans les roues. Il faut reconnaitre qu’il a eu le dos large. Au final il faisait partie des rares personnes qui restaient cohérentes et qui essayaient de faire des choses dans l’intérêt du club. Arrivent alors les Qataris et Jean-Claude Blanc. Il discute au début avec les supporters mais rapidement ça s’arrête sous la pression de la préfecture et surtout parce qu’il a autre chose à faire dans l’immédiat. Bref c’est la coupure de dialogue totale.

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Défilé LPA (c) Benjamin Navet
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Le fameux bus impérial LPA stoppé par la Police (c) Collection personnelle

Parle-nous ensuite de la création de l’ANS (NDLR : Association Nationale des Supporters)

Le vrai point de départ selon moi c’est la manif à Montpellier pour Casti. Les « Pailladins » (Ndlr : La Paillade est un quartier populaire de Montpellier dont est issu le groupe ultra Butte Paillade 91)  ont réussi à réunir des groupes de partout en France qu’on n’aurait jamais pensé voir défiler ensemble ! Pour nous c’est la continuité de l’Adajis. Nous les parisiens, on était reconnus pour notre pugnacité et notre implication dans la lutte pour les droits des supporters. Avec l’Adajis, on a tenté de s’organiser avec les autres groupes français et leurs avocats. Il y a même eu une grande rencontre à Clermont Ferrand qui a été organisée. mais ça n’a abouti à rien. Pourtant on commençait à être au point sur les sujets juridiques, notamment avec l’arrivée de Cyril Dubois et de Pierre Barthelemy. Cyril était avocat et Pierre étudiant en droit mais il apportait ses conseils. Ils étaient tous les deux très impliqués et totalement désintéressés. On a commencé à travailler aussi sur notre communication. J’ai été porte-parole de l’Adajis et l’idée était de faire passer notre message clairement, auprès de tous, supporters et media. L’autre avantage de passer par nous pour les groupes, c’est qu’on leur faisait gagner du temps. Les leaders avaient déjà assez de travail avec la gestion de leur groupe pour consacrer en plus du temps à la communication externe. On a commencé à avoir de plus en plus de dossiers à gérer, et j’ai du également endosser un rôle de porte-parole auprès des institutionnels. On progressait.

Tu as été donc très impliqué chronologiquement dans LPA, l’Adajis puis l’ANS ?

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James, le peuple parisien reconnaissant (c) Collection personnelle

Oui mais aussi, car j’étais très présent « médiatiquement », dans les prémices des discussions d’un retour des ultras au Parc. Nasser ne comprenait pas pourquoi il n’y avait plus d’ambiance, ça dérangeait aussi les joueurs. Il y a aussi des journalistes qui commençaient à nous défendre. C’est tout con mais quand Bruno Salomon crée émission « Tribune 100% Supporters » sur France Bleu, on a été invité dedans. Ce n’était pas nous donner raison mais on n’était pas disqualifié. On nous demandait notre avis, notre version des faits. Je me souviens d’un mec de Canal qui nous avait suivi sur un match en contre parcage extérieur, il a failli se faire tabasser comme nous tous et a hurlé qu’il avait une carte de presse. Heureusement qu’un officier est intervenu. De plus en plus de gens ont été témoins de notre situation.

Comment débutent les discussions d’un retour des ultras au Parc ?

Le personnage central c’est Mika, qui était président de l’Adajis et leader du groupe LPA. Pas de Mika, pas de tribune mais c’est via Cyril que le contact est pris… Pour en revenir à Mika, si il n’y a pas sa volonté, j’aurais arrêté depuis longtemps. S’il n’y avait pas eu ce fou-là, complètement desintéressé, généreux, pour qui tu vas à la guerre, jamais les supporters ne reviennent. Et puis il y a surtout la volonté du Président al-Khelaïfi, de comprendre les supporters. Il est vrai qu’on avait des a priori sur les Qataris. Mais on était pour la discussion, que ça aboutisse ou pas. Au moins il y avait une réflexion qui s’engageait.

Vous aviez quand même l’envie d’aller au bout ?

Oui au fond de nous, mais on était, comment dire, un peu blasés par toutes ces années de lutte. On avait la foi mais on était un peu désabusés. En tout cas la discussion commence. Il fallait déjà que de notre côté on arrive à avoir une voix unique, car les profils étaient différents. Et il y avait encore des mecs comme Jean-Philippe d’Hallivilé (Ndlr : directeur de la sécurité du PSG) qui étaient encore là et qui mettaient des bâtons dans les roues. Jean-Claude Blanc, lui, discutait avec les autorités. Mais on ne savait pas si le club serait capable de gérer la discussion avec un interlocuteur unique, tellement c’était compliqué en interne au PSG. En tout cas il fallait déjà qu’on règle les discussions entre nous, supporters. D’autant que l’Adajis n’existe quasi plus de façon active.

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La manifestation à Montpellier (James au 1er plan à gauche) (c) Collection personnelle

Qui était présent du côté supporters pour avancer sur ces discussions ?

Il y a donc ce qui reste de l’Adajis, LPA, les Microbes, la K-Soce Team, les Karsud, la Lista Nera, les Parias, les Nautecia, les LCC… Ça commençait à s’organiser, autour de Mika, mais aussi Romain Mabille qui nous rejoint pour préparer le terrain. Et le CUP se crée.

Tu as donc participé à la création du CUP ?

Oui, j’étais là à la première AG. Après les choses ont fait que j’ai préféré me mettre de côté. Pour être honnête, car il y a certaines choses sur lesquelles je n’étais pas d’accord. Déjà j’estimais qu’on avait beaucoup de chance de pouvoir relancer la machine. Certains voulaient aller beaucoup top vite. D’autant que beaucoup de monde voulait s’inscrire au CUP. Et gérer beaucoup de monde c’est compliqué quand on n’est pas structuré, surtout pour bien gérer les relations entre groupes. De plus à l’ANS, je commence à être au fait de dossiers importants comme les référents supporters. Et côté club c’était le bordel là-dessus. Ils n’avaient aucune expérience et ne se donnaient pas les moyens d’atteindre ces objectifs. Après il faut reconnaitre que les Qataris ont fait un truc de malade en très peu de temps. Il faut voir les anciens dirigeants qu’on a eu, c’était des pros dans leur domaine mais ils étaient un peu à l’ancienne. Avec QSI c’est allé très vite. Avec une ambition énorme. Sur le dossier supporters, c’est fort d’avoir été aussi vite. Mais moi avec mon esprit carré, qui voulait construire des fondations solides avec des chartes claires et un service de référents supporters, je suis en total décalage avec tout le monde.

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Rassemblement LPA en Gambardella (c) Collection personnelle
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Symbolique (c) Benjamin Navet

Et pour le CUP c’est pareil. Ça a grossi très vite. Je ne sais pas comment Mika et Romain réussissaient à s’en sortir, tellement il y avait de monde différent. Et puis ça faisait 6 ans qu’il n’y avait plus de tribune au Parc. Même si tu avais un peu d’expérience par le passé, tu vois arriver plein de nouvelles têtes que tu ne connais pas. Et pas mal de jeunes. Et me concernant, avec mes problèmes de santé, il fallait que je choisisse où je devais mettre mon énergie.

Selon toi, quels progrès doit faire le CUP dans un avenir proche ?

Déjà consolider la base et les relations inter-groupes. Quitte à faire l’impasse sur certains trucs. Quand tu n’es pas en capacité de le faire, tu ne le fais pas. La communication c’est une des grosses lacunes à combler. Entre groupes c’est déjà compliqué. Ils arrivent quand même à faire le truc mais il faut renforcer la communication entre les leaders et les bureaux. Mais aussi à l’intérieur des groupes, entre leaders et membres. C’est la base. Le CUP c’est un collectif de plein de groupes, il ne faut pas l’oublier. Déjà dans un groupe c’est compliqué, il y a plein de tendances, des gens qui arrivent ou partent, il faut savoir gérer ça avant de grossir. Il faut renforcer les postes stratégiques sur lesquels le CUP peut se construire et se consolider. Tu vois par exemple, je n’ai jamais trouvé quelqu’un pour me remplacer sur la communication. Heureusement que tu as Romain qui s’occupe au moins de répondre aux médias, et en plus qui est très bon. Mais si tu es Président, tu ne peux pas t’occuper aussi de la com. C’est un travail à plein temps. Tu dois savoir tout ce qui se passe, avoir un oeil sur l’actualité, sur les communiqués.

Ils ne m’en voudront pas de leur dire que parfois leur communication, ce n’est pas possible ! On ne doit pas rédiger ces annonces dans l’émotion, surtout quand tu as 2000 mecs à gérer ! Et tu dois aussi faire la police, même si je n’aime pas ce mot-là. Tu dois te responsabiliser. Il faut instaurer des règles de fonctionnement et s’y tenir. Il n’y a rien de pire dans un collectif que lorsque certains pensent que d’autres ont des passe-droits. Alors il y a des exclusions certes, mais il faut que ce soit un peu plus cadré. Et que tous les membres des groupes restent ouverts, dans le sens où ils ne doivent pas se considérer comme les seuls garants du supporterisme parisien. Dans la tribune, il y a 6000 personnes, et toutes ne sont pas des ultras. Par exemple, tu es ultra, tu agites un drapeau énorme, et bien pense aussi au lambda motivé derrière toi, qui chante et qui, à cause de toi, se fait niquer son match sur les buts ou les corners. C’est futile mais c’est important. Et le dernier truc, et c’est peut être le truc le plus essentiel, c’est qu’ils ne doivent pas penser qu’ils sont déjà arrivés. Si demain ça part en couille, le PSG sera obligé de dégager tout le monde. L’équilibre est compliqué mais on peut dire que c’est énorme ce qui a déjà été accompli !

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James mène les troupes (c) Collection personnelle
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Unis pour la cause (c) Collection personnelle

Tu penses quoi de ces groupes qui se sont installés à Boulogne ?

Ces groupes doivent faire en sorte d’être structurés et présenter un interlocuteur unique pour discuter avec le club. Il ne faut pas perdre de vue qu’à la base le PSG ne veut qu’un seul groupe à tendance ultra et c’est le CUP.  Raison pour laquelle ces supporters doivent comprendre que le CUP c’est le fruit d’années de galère et de combat, que les choses se méritent. Après je trouve ça super. C’est l’essence même du supporterisme. Des mecs motivés qui veulent créer ou recréer une ambiance. Je salue cette volonté. Qu’ils ne s’auto-censurent pas vis à vis du club. Qu’ils fassent leur truc. Car le club lui aussi doit avancer. Car c’est compliqué. Le PSG a du mal à gérer les supporters déjà connus (CUP, PSG Clubs, Handicap PSG, handball, etc…). C’est lourd et c’est de la logistique. Le club n’est toujours pas structuré là-dessus

Pour le moment il n’y a que deux référents supporters ! A Lyon ils sont déjà 4 ou 5. Il n’y a pas besoin d’être dans le foot pour comprendre que ce n’est pas assez. Quand une entreprise grandit vite, et qu’elle a des points stratégiques à gérer comme celui-ci, elle sait qu’elle ne doit pas embaucher des personnes en plus une fois que c’est lancé. Elle le fait avant. Quand le PSG a voulu construire une grosse équipe, ils ont tout de suite recruté des jeunes de talents et des joueurs confirmés. Pour être rapidement compétitif. Là c’est pareil, si tu veux un socle de supporters solide il faut renforcer l’équipe qui s’en occupe. Après, encore une fois, QSI a tout fait à une vitesse extraordinaire. Je tire un grand coup de chapeau aux dirigeants du club. Ils ont réussi à faire des choses énormes. Mais pour les supporters il y a cette logique de sécurité en plus et qui n’est pas évidente à gérer. On a une telle richesse à Paris, une richesse de diversité chez les supporters. Il faut en profiter et la valoriser.

Et pour finir je tiens vraiment à préciser que tout ceci n’aurait jamais été possible sans Nasser. C’est une réalité. Il a pris ses responsabilités, et je ne suis pas sur que tout le monde s’en rende vraiment compte. Au delà du business, il a une vraie fibre foot. Une vraie humanité. Ça reste un homme d’affaire mais c’est vrai.

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L’hommage du Virage (c) Parias Cohortis / CUP

Xavier Chevalier

Kid Lazer Electric Tattoo Virage PSG

Amaury Kid Lazer Electric

Certains d’entre vous ont peut être vu un de ses stickers collé sur un mur de Paris
ou un poteau dans la rue. Ancien membre des Supras, toujours abonné en Virage Auteuil,  passionné de graffiti et de tatouage, Amaury a accepté de nous ouvrir les portes de son shop en plein 11ème arrondissement. Et de parler de son PSG.


Amaury, comment débutte ta passion pour le PSG ?

J’ai des parents anti-militaire, anti-foot, anti-tout ! Ce n’est pas eux qui m’ont emmené au stade… J’habitais dans le 20ème quand j’étais gamin et on faisait du « business » avec des gars de Montreuil. Un très bon pote parmi eux, dont le surnom est Narvalo, m’a emmené pour la première fois au Parc. J’ai tellement kiffé…

Du business c’est à dire ?

Du petit business ah ah… A la base on s’est connu comme ça. C’est devenu des potes, on a été à l’école ensemble en puis de fil en aiguille…

Cette première venue au Parc c’est quand ?

En 2002. J’ai 18 ans.

Tu suivais déjà le foot ?

Non, j’étais très « années 90 », donc c’était le basket et la NBA. Michael Jordan, Shaquille O’Neal… En tout cas je ne me souviens plus du match en lui-même, mais du bruit à l’extérieur du Parc en arrivant. Et puis quand tu passes les portes et que tu rentres dans les travées, tu te prends une baffe mon gars ! Je ne me souviens que de ça. De ce bruit, de cette lumière… Et puis Auteuil. J’étais avec des anciens qui venaient depuis longtemps. Ils étaient cartés Supras. C’étaient des gars du 20ème et de Montreuil. On était placé à la porte où il y avait la bâche SA91. La Bleu et rouge. Après ça j’ai demandé à mon pote si je pouvais revenir au prochain match ! En plus les bornes de scanner du PSG à l’entrée avaient un petit problème. Avec une carte tu pouvais rentrer à 10. Du coup j’en ai profité pendant 2-3 ans.

Amaury Kid Lazer Electric Tattoo Virage PSG

Puis en 2004-2005 j’ai décidé de m’abonner pour mettre ma petite pièce à l’édifice. Faut dire qu’à l’époque les joueurs c’était pas trop ça… Je me suis abonné en Auteuil haut, jusqu’en 2010. J’étais avec les Supras. J’ai même graffé une porte dans les coursives, le United Colors of PSG. Respect d’ailleurs pour tous les graffeurs qui ont fait les fresques d’Auteuil. C’était un truc de dingue. Il y avait des vraies légendes du graffiti parmi eux. D’ailleurs il y en a pas mal qui seraient chauds pour en refaire dans le Parc. Si le PSG lit ces lignes, ce serait bien qu’ils ré-ouvrent les portes du Parc aux graffeurs. Je sais que des projets ont déjà été proposés au club. Mais il y a des problèmes de droit à l’image. Vis à vis des artistes. Car si un graffeur voit sa quote grimper, qui te dit qu’il ne va pas demander des droits plus tard. A l’époque il n’y avait pas de règle. Si un mec du Virage avait le pouvoir de te dire de graffer à un endroit, tu le faisais. Aujourd’hui le club veut voir des maquettes, tout valider en amont.

En tout cas avant 2010, il y la K-Soce Team qui commence à s’installer à Auteuil, avec Bobo, Gros… On a « ridé » avec eux jusqu’au Plan Leproux. Il y a aussi la fameuse finale de Coupe contre Marseille en 2006. Très mauvais souvenir. On avait fait la queue 5 heures au Parc pour avoir des places. On nous a fermé les portes devant la gueule, car ils vendaient les places 6 par 6. On s’est retourné, il y avait les CRS derrière nous, on avait vraiment l’impression de s’être fait avoir. Je suis quand même allé à ce match grâce à la place d’un IDS (Ndlr : interdit de stade).

Tu as d’autres souvenirs de cette époque ?

Je faisais beaucoup de déplacements car j’avais plus de temps à y consacrer. C’était une ambiance magique, on faisait ce qu’on voulait, on était chez nous. Jamais de la vie je n’aurai pris un abonnement canal+ pour regarder les matchs à la maison en buvant des bières.

Amaury Kid Lazer Electric Tattoo Virage PSG

Tu as trainé un peu au local des Supras ?

Oui à Saint-Denis, un peu mais vite fait. Au check-point comme on l’appelait.

On a parlé graff’, comment en es-tu arrivé à faire du tattoo ?

Ma vie c’était le graffiti mais j’en avais fait le tour. Et puis c’est très compliqué d’en vivre. J’ai une famille et des enfants. C’est pas une vie d’être dehors et de graffer. Et si je voulais continuer à dessiner et à gagner ma vie, le tattoo était une solution. C’est une voie naturelle pour beaucoup de graffeurs.

En plus de la fresque dans le coursives, tu as fait d’autres choses pour ton groupe ?

Oui, j’ai participé à des tifos, des confections de bâches notamment pour les 15 ans du Supras. C’était une fête de folie, une dinguerie totale. En tout cas je participais de temps en temps. Comme n’importe qui dans le groupe.

Arrive 2010. Tu as fait partie de la contestation ?

Non, moi j’ai fait la gueule. Et ça a duré 5 ans. J’ai gardé contact avec Selim un des anciens présidents des Supras. Et aussi avec Gros de temps en temps. Mais c’est quand un nouveau voisin s’est installé dans le même immeuble que le miens que les choses ont changé. On se regardait mal dans la cage d’escalier pendant une petite semaine car on avait l’impression de se connaitre. On s’était déjà vu quelque part. Un jour on s’est parlé, et en fait c’est un ancien Tigris Mystics. On s’était croisé au Parc ou dans des parcages. Depuis 2010 il avait aussi stoppé. Alors on s’est dit qu’on allait retourner voir quelques matchs ensemble. On a pris des places en Borelli puis très vite on s’est ré-abonné à Auteuil ! Le projet sportif donnait plus envie. Et je me souvenais de l’époque ou Kezman jetait notre maillot, c’était une ambiance délétère. Là c’est devenu plus ambitieux, et puis franchement voir jouer Zlatan au Parc… Quand je jouais à PES, je prenais l’Inter juste pour avoir Ibra dans mon équipe.

Amaury Kid Lazer Electric Tattoo Virage PSG

Finalement, malgré ce qui s’était passé en 2010, tu y es retourné ?

Oui je me punissais moi-même. C’était dommage. Je suis toujours abonné aujourd’hui, mais je suis passé en bas, à Auteuil, à côté du Bloc K-Soce Team. Je suis avec des mecs qui sont en train de faire un petit groupe qui s’appelle « La Meute ». Ce sont des gars que je connais depuis longtemps et qui viennent de Pantin. Ce ne sont pas des anciens, ils sont arrivés vers 2010 mais je les connaissais d’avant. De toute façon je ne voulais pas me remettre dans un groupe, j’ai plus de 10 ans de tribune derrière moi, alors si c’est pour me faire mal parler par des gamins qui veulent que je chante, j’ai plus envie de ça. Je suis un peu en retrait par rapport à avant. Après j’essaye d’être à tous les matchs au Parc, en fonction de mon agenda qui est chargé entre la famille et les obligations, mais c’est la vie. Mais on fait ce qu’on peut au max. De toute façon ce qui m’a motivé c’est cette histoire avec mon voisin, car le Parc c’est une routine. Avant, on arrivait 3 heures avant le match pour boire une bière, dire bonjour aux gens qu’on connaissait, tu étais chez toi, c’était comme une famille, mieux que chez toi en vrai.

Quel regard portes-tu sur le club aujourd’hui ?

Niveau tribune, petit à petit ça revient. On commence à se re-sentir chez nous. Au début il y avait des tambours payés par une société de presta externe… Enfin, c’était clairement n’importe quoi. Maintenant on reprend les rênes. Tout est bien sur perfectible. Sur le sportif, ça reste le PSG, des hauts et des bas. Et ça reste aussi le club le plus médiatique de France. Les joueurs en jouent, tout le monde en joue. On a une équipe faite pour rouler sur la Ligue 1 mais j’espère qu’on va gagner la Ligue des Champions de mon vivant, vraiment, vraiment… Car Paris c’est vraiment l ‘équipe des emmerdes. Ça tombe toujours sur nous. La vidéo, la gazeuse dans les vestiaires face à Marseille dans le passé…

Aujourd’hui tu as donc ton propre salon de tatouage ?

Oui, ça va faire bientôt deux ans. Je suis associé avec deux autres personnes. Ça se passe impec’, on ne va pas se plaindre.

Amaury Kid Lazer Electric Tattoo Virage PSG

Ta passion pour le PSG t’a amené des clients ?

En vrai je suis un très mauvais vendeur. Mais j’ai Medhi que je salue qui est passé se faire un petit pec’ aux couleurs du club. J’attends Bobo et d’autres anciens.

Tu fais aussi des créations reproduite sur des stickers pour supporters. C’était pour toi ou pour un groupe ?

Au départ c’était pour en faire des stickers ou des deux-mats. C’est un petit stuff pour le groupe « La Meute ». J’ai donc fait un sticker, puis un deuxième avec Roger d’American Dad. Et je dois en faire un troisième cette année. L’objectif c’est que ça se partage. Quand un pote m’envoie une photo d’un parcage avec mon sticker, ça me fait chaud au coeur, ça me suffit. C’est tiré en petite quantité, 1000, 2000 max. J’ai aussi participé à la refonte du logo de la K-Soce Team.

Niveau tattoo, tu t’en es fait aux couleurs du club ?

Amaury Kid Lazer Electric Tattoo Virage PSGNon, sur moi c’est plus par rapport à la ville. C’est un truc primaire. J’aime ma ville. Mais si il y avait un autre club de foot à Paris, ça resterait le PSG.

Tu as étudié les tatouages des joueurs du PSG ? Que dit ton oeil d’expert ?

Oui. Il y en a qui ont des super trucs, mais il y en a aussi qui ont des trucs de gitans. Ça fait un peu télé-réalité, on va remplir des placards à pas bien cher… ah ah. C’est une mode un peu showbizz… En tout cas Icardi a des trucs très cools. Di Maria aussi. Car il y a de l’homogénéité. Kurzawa c’est dégueulasse. C’est fouillis. Et c’est le cas d’autres joueurs de foot comme Messi. C’est toujours sur le même rendu, que du noir et du gris, peu de couleur alors que la couleur c’est génial. On reste sur des fonds nuageux, des ailes, des rayonnements de soleil, avec toujours les mêmes thèmes qu’on retrouve sur instagram. Y a rien de phénoménal alors que ce sont des gens qui ont des moyens et qui voyagent. Ils devraient avoir des pièces faites par des grands maitres. Je n’ai jamais vu de joueurs avec des pièces faites par des gens que j’admire dans le tattoo. Du coup tout le monde a la même chose.

Si tu devais choisir un joueur du PSG à tatouer ce serait qui ?

Pour me marrer, Marco Verratti. De ouf. Je pense qu’on passerait une bonne soirée. Il a déjà deux trois trucs sympas. Je sais qu’il va se faire tatouer chez un autre mec en région parisienne, mais il est le bienvenu ici. En plus c’est un joueur que j’aime bien. Il est pas super constant. C’est un peu compliqué mais c’est un joueur génial. Il a un peu ce côté Ronaldinho, un mec cool et génial mais inconstant. J’aimais beaucoup ça. Un magicien qui fait des passes aveugles qui n’étaient peut être pas toujours volontaires. Comme les arrêts de Jérôme Alonzo… Mais si je devais choisir un joueur pour la notoriété, ce serait Neymar, pour la quote que ça représente.

Pas Kylian Mbappe ?

Non, c’est pas méchant mais les peaux mats c’est pas génial pour les couleurs, et en plus la teinte de peau étant moyenne, tu dois éliminer toutes les teintes claires. Ça réduit le spectre. Neymar a une peau différente, plus Amérique du Sud. Enfin si Kylian veut du tribal, on lui fait ! En tout cas pour Neymar je lui ferais une croix, un truc ornemental, pour mettre en valeur son côté  iconique. C’est un produit marketing même si le personnage n’est pas lisse, il nous vend un peu de réussite en attendant plus. Puisqu’on parle marketing et tattoos, je voulais dire que j’ai beaucoup aimé le passage de Beckham à Paris. Ça servait surtout à vendre des maillots. Mais ce mec était une star, il a fait des matchs de 90 min. Il s’est fait mettre les cheveux en bataille, il a pas bronché, il a fait ce qu’il fallait. Respect intense. C’est là où on voit que Paris a réussi à nous faire rêver avec de grands joueurs même si on a eu Pauleta, Ronnie avant… Aujourd’hui c’est superstar. Mais l’objectif de Ligue des Champions va peut être se concrétiser avec ça et ça fera beaucoup de bien à Paris en terme d’image et à ses supporters. Parce que ça fait des années qu’on est tout prêt et que c’est frustrant. Maintenant les joueurs ça va, ça vient, comme les dirigeants, mais nous on reste. C’est comme cette histoire de fresque à Auteuil. Lorsqu’ils les ont effacés en 2010, ils l’ont fait comme si on avait jamais existé. Il y avait des RIP pour des mecs morts en tribune. On nous a jetés. On nous a effacés, mais on chante, on est toujours là. Comme le disait le rappeur Nessbeal « Tout passe mais les murs restent en place »

Amaury Kid Lazer Electric Tattoo Virage PSG

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Xavier Chevalier