Interview

Dominique Rocheteau Virage PSG

Dominique Rocheteau, la rencontre

Jean-Jacques, abonné à Auteuil Rouge depuis ses 18 ans (1992), fidèle du Parc depuis plus de 40 ans, s’est mis à aimer le PSG quand Dominique Rocheteau est arrivé.
Idole de son grand frère aussi, il a marqué la vie de toute la famille. Et la vie est faite de rencontres. L’ancien attaquant parisien (100 buts avec le PSG) a répondu favorablement quand nous lui avons proposé d’être interviewé par Jean-Jacques. Simplicité, générosité. Merci Dominique Rocheteau.

Vous avez 15 ans quand vous signez à Saint-Etienne. Prenez-vous tout de suite la pleine mesure de ce que représente le club ?

J’arrive dans une équipe, un peu comme le PSG maintenant, qui était la meilleure équipe française. On avait aussi beaucoup, beaucoup de supporters quand même. Pour les matches de Coupe d’Europe, toute la France était un peu derrière nous.

Donc je suis arrivé dans ce contexte-là. J’avais conscience de ce que représentait le club, oui bien sûr. En même temps, quand j’ai vraiment commencé à jouer avec les pros, j’avais 19-20 ans. Et j’avais l’impression de vivre normalement. Je me souviens, j’étais complètement… on va dire détaché de ce qui pouvait se passer autour. Je ne lisais pas les journaux. Je m’étais un peu, disons excentré, de la ville de Saint-Etienne. Je m’étais retiré à la campagne, justement pour ça, pour vivre un peu plus tranquille on va dire.

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14 avril 1977, le Forez © Icon Sport

J’ai toujours aimé la musique. J’étais un jeune de l’époque. J’avais aussi des idées assez engagées, politiquement. J’étais footballeur mais j’ai eu l’impression de vivre une jeunesse tout à fait normale. La plupart de mes copains n’étaient pas dans le foot. J’allais au lycée normalement. Et dès que je pouvais, je partais voir un concert avec eux.

Quel est votre 1er concert ?

A Paris, j’avais vu Chicago Transit Authority, c’est un groupe américain, à La Villette. J’allais voir pas mal de concerts à La Villette, Joe Jackson… Ce n’était pas forcément hyper connu. J’ai vu les gros : Led Zeppelin, les Who, mais tous ceux-là je les ai plutôt vus à Lyon. Les Animals… Cat Stevens aussi.

Pink Floyd, Eagles, America

L’été, je partais aux Etats-Unis. C’était systématique. Je me faisais un programme. Je partais en Californie, toute la West Coast, Pacific One. J’adorais. J’ai fait toute la Côte Est aussi, pour les concerts. Mes vacances, je les organisais par rapport à la musique. Toujours.

Bob Dylan aussi ? Pink Floyd ?

Bob Dylan, oui. Pink Floyd, bien sûr. Roger Waters, j’ai fait ses 2 derniers concerts à Paris. Bob Dylan, j’ai été le voir. Mais moi, c’est vrai que j’étais pas mal rock sudiste, Lynyrd Skynyrd, Allman Brothers…

Eagles, America. Je les ai vus. America, c’est l’un de mes groupes préférés. J’ai emmené mes enfants les voir. Ils aiment d’autres musiques mais ils ont quand même été bien imprégnés par la musique californienne (sourires).

America Rocheteau Virage PSG
America © DR

Il y a une question que je me suis longtemps posée. Au niveau des cartons, vous preniez beaucoup de coups mais vous étiez très correct sur le terrain.

(Il coupe) On me l’a souvent reproché. On me disait : « Pourquoi tu ne réponds pas… ».

Vous avez reçu un carton jaune en 17 ans de carrière, face à la Hongrie (Mondial 1986). Je ne sais même plus pourquoi d’ailleurs ?

Un croche pied. C’était un croche pied (sourires). Je pensais n’en n’avoir qu’un. Jusqu’au jour où on m’a dit qu’avec Saint-Etienne, j’en avais reçu un autre. Pas en championnat, ça c’est sûr. Peut-être en Coupe d’Europe. Je ne sais plus.

(Silence) Ce n’est pas un exploit non plus. C’est dû à mon caractère. Je pense aussi avoir pris exemple sur mon père, qui était un peu mon « idole » (sourires). C’était un très bon joueur. Dès l’âge de 2-3 ans, je l’accompagnais quand il allait à ses matches. J’aimais jouer sur le bord du terrain. J’étais toujours avec lui et à force de le voir évoluer, naturellement, je me suis identifié. Et mon père a toujours été un joueur hyper correct. Jamais un mot plus haut que l’autre.

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21 juin 1986, inoubliable © Icon Sport

Si vous pouviez changer l’histoire, vous mettriez un rouge à Schumacher*, ou des poteaux ronds à Glasgow** ?

Pas facile… Sincèrement… (Il réfléchit) Bon… Je pense que ce serait quand même Schumacher. Si je pouvais changer une seule chose, ce serait disputer une finale de Coupe du monde. En 1982, on est passé tellement près. On menait 3-1. Des 3 Coupes du monde que j’ai jouées, c’est ce qui m’a marqué le plus. 1982, ça reste le plus grand regret de notre génération.

La finale de la Coupe d’Europe (Bayern Munich 1-0 Saint-Etienne), bien sûr on aurait pu la gagner. Mais à la limite c’est presque comme si on l’avait gagnée. Le lendemain, on a descendu les Champs-Elysées, on a été reçus par le président de la République, etc.

Trois Coupes du Monde

Le Mondial en Espagne, on ne l’a pas abordé avec l’ambition d’aller en finale. ½ finale, déjà c’était fabuleux. J’y repense parfois, et je me dis que, peut-être, c’est ça, au final, qui fait que l’on n’est pas passé. On a manqué d’expérience, de réalisme. Trop romantiques (sourires).

Le souvenir que j’ai, c’est que tous les ans on allait en vacances en Vendée avec mes parents, mon grand frère (Matthieu, de 7 ans mon aîné). On allait voir les matches de la Coupe du monde dans un des bars du coin. Jusqu’au ¼ de finale face à l’Irlande du Nord, c’était assez calme, il y avait du monde mais sans plus. Pour France-Allemagne, c’était plein à craquer.

Le foot n’était pas aussi médiatisé et je crois que, peut-être, avec ce match y a eu un petit cap médiatique de franchi. Beaucoup de gens se sont intéressés à l’équipe de France avec cette rencontre.

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Jean-Jacques (chapeau rouge) et Matthieu, son grand frère, chez eux en 1983 © DR

J’avais 8 ans à l’époque et dans le bar où on était, ma mère – qui n’était pas du tout foot – vient me chercher pour que j’aille me coucher. Je lui dis : « Maman, c’est presque fini, que ce sont les prolongations ». Elle me dit : « Il y a 3-1, maintenant tu vas te coucher ». Et donc je me suis couché à 3-1, je me suis endormi en finale de la Coupe du monde. Par contre, le réveil a été difficile.

A l’époque, il n’y avait pas l’arrêt Bosman. J’imagine que l’étranger vous aurait sûrement plu, l’Angleterre ?

Si je devais avoir un regret, ce serait celui-là. Moi, c’était l’Angleterre. A Saint-Etienne, j’ai eu la possibilité de partir en Espagne (Real Madrid) en 1976-1977. A l’époque, on n’avait pas d’agent. On était un peu « pieds et poings liés » façon de parler, avec le club.

Il n’y a que Michel Platini, quasiment, qui est parti à l’étranger. Pourtant d’autres joueurs, comme Giresse, Tigana, auraient pu le faire.

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17 mars 1976 face à Kiev © Icon Sport

Quand j’étais au PSG, j’ai eu des touches en Angleterre. C’est arrivé un peu tard. J’étais vraiment en fin de carrière. Je devais avoir 32 ans. C’est là où je suis parti à Toulouse. 2 clubs anglais m’ont approché. Il y avait Ipswich, et l’autre je ne me souviens plus.

Bordeaux aussi vous voulait quand vous étiez à Paris ?

Bordeaux, et Marseille aussi était venu. Bordeaux je les ai vus. J’ai vu tout le staff, Claude Bez, Aimé Jacquet. Quand j’étais à Paris, j’avais fait une réunion avec Tapie. J’ai failli aller à Marseille (silence). Mais non, à chaque fois, j’étais trop bien à Paris. Franchement, ce n’est pas pour… Mais chaque fois je disais : « non non, je reste à Paris ». Je suis resté 7 ans à Paris (1980-1987), j’ai dû signer 3 contrats.

Avec Francis (Borelli) je signais des contrats de 2 ans. Que des contrats courts. C’est ce que lui voulait, et moi, je n’aimais pas les longs contrats. Chaque fois que j’arrivais en fin de contrat, on rediscutait. En 1985, j’ai bien fait de re signer à Paris. On a été champion (1986).

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La fête du titre en 86 © Icon Sport

Pour les contrats, cela se passait dans les bureaux de Francis Borelli ?

Oui chaque fois. Rue Bergère. A côté du Palace. C’était ma référence le Palace (sourires). J’allais voir des concerts aussi là-bas. Moi, c’était Palace et Bus Palladium. Bonne musique.

Parlez-nous de Francis Borelli ?

Sincèrement, on l’adorait. Attention, quand il fallait discuter des contrats, c’était loin d’être évident. Francis, il était très dur en affaires (sourires).  Le business, c’est le business. Mais sinon à part ça… Il était toujours proche des joueurs. Peut-être parce que son rêve, je pense, aurait été d’être un joueur professionnel. Les lendemains de matches, il venait au camp des Loges. Il venait toucher un peu le ballon avec nous. C’était un président mais… très proche des joueurs. Volubile aussi. Mais Je l’aimais beaucoup.

Avec Mustapha Dahleb, Safet Sušić, on était allés le voir dans sa maison médicalisée (Francis Borelli souffrait de la maladie d’Alzheimer). Il était alors vraiment sur la fin de sa vie.

Un président comme lui, ça marque. C’était Francis Borelli, je me rappelle, il nous suivait partout, en déplacements, etc. Ils étaient toujours un petit groupe : Charles Talar, Francis Borelli, Alain Cayzac un peu après, Bernard Brochand. Un petit groupe toujours avec nous, et passionné du PSG.

Quand je dis qu’il était très proche des joueurs, c’est que, le moindre petit truc, si un joueur était blessé il l’appelait, il avait toujours des petits gestes très attentionnés.

Partagiez-vous votre passion pour la musique avec d’autres joueurs du PSG ?

J’avais pas mal de copains hors foot mais au PSG, c’était Joël Bats. On était très potes et très branchés musique, avec à peu près les mêmes centres d’intérêt.

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17 juin 1986 face à l’Italie © Icon Sport

Et puis une fois, au début des années 1990, Michel Denisot partait à Londres pour interviewer Elton John. Dans un petit avion. Il m’a proposé de venir. 

J’ai pioché dans mes souvenirs, la saison 1985-1986 en Coupe de France (1/2 finale, 1-1 à l’aller, 2-1 au retour) on perd à Bordeaux.

(Il coupe) Oui, par ma faute. Si je marque, on va probablement en finale. Il y avait 1-1, j’ai la balle du 2-1. Une 4è finale avec Paris (après 1982, 1983, 1985), ç’aurait été beau. En face, c’était la grande équipe de Bordeaux.

Cela m’avait marqué car je ne vous avais jamais vu rater un penalty.

C’est l’un des rares que je rate. Sur le poteau. Je m’en souviens. Et je m’étais fait chambrer par les Bordelais à la fin du match.

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Johan Cruyff le 7 juillet 1974 face à la RFA © Icon Sport

Votre idole, c’était Johan Cruyff. Vous ne l’avez jamais rencontré ?

Si. Je me suis plusieurs fois posé la question mais je ne crois pas avoir joué contre lui. En 1978 à la Coupe du monde, il n’était pas venu avec l’équipe des Pays-Bas.

Je l’ai rencontré après ma carrière, quand je suis devenu agent de joueurs. Il était l’entraîneur de Barcelone. On l’avait rencontré avec Ginola. J’étais l’agent de David. Le Barça avait un intérêt pour David. On avait un rendez-vous à Barcelone. Johan Cruyff nous avait invités chez lui. On avait discuté. Puis on est allé faire un golf. Et pour la petite anecdote, c’était un week-end, ils avaient invité pas mal de joueurs. On avait fait un golf avec David, Cruyff. Et Bobby Charlton. Cruyff aimait bien David. Mais cela ne s’est pas fait. Il est parti à Newcastle.

Sušić, Platini, Giresse, Marcico, Dahleb… Avec qui avez-vous le plus aimé jouer ?

J’ai revu Sušić au Parc pour PSG-Lyon (19 septembre 2021), ça m’a fait plaisir. Cela faisait longtemps que l’on ne s’était pas vus. On s’apprécie beaucoup tous les deux. On a discuté un peu.

Je dirais Safet, que j’aimais beaucoup. Michel (Platini), avec qui j’ai vécu de grands moments en équipe de France. Ce sont 2 joueurs différents. Mus (Mustapha Dahleb) bien sûr. L’équipe de Saint-Etienne aussi en 1976, quand même c’était pas mal.

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23 décembre 1985 avec Gérard Houllier © Icon Sport

Mais moi j’ai pris beaucoup de plaisir aussi avec le PSG. Au début des années 1980 quand j’arrive avec Toko, Boubacar, Dahleb. C’est une équipe fantasque, il y avait des matches épiques. Je prenais beaucoup de plaisir. En 1986, avec Gérard Houllier, on fait une grande saison aussi, une belle année. Avec Luis (sourires) qui mettait l’ambiance. J’aimais beaucoup Gérard Houllier.

Vous souvenez-vous de votre dernier but au Parc ?

Ca c’est une bonne question… Sincèrement, non.

C’était au jubilé de Pauleta, le 31 mai 2009.

(Sourires) Oui effectivement. C’était un beau but, non ? (sourires). Un de mes plus beaux au PSG ? Dans les dernières minutes, une reprise de volée sur un centre de Mendy je crois. Bon, je n’avais pas beaucoup d’adversaires. La défense était cool. C’était vraiment sympa, il y avait du monde, 35 000 personnes. Pauleta était sorti et avait fait rentrer son fils, André. Pauleta, c’est un bon gars.

En match officiel, votre dernier but au Parc, c’est avec Toulouse, face au Matra Racing (1988, 0-1).

Oui, je m’en rappelle. Le Matra avec Bossis, Luis… Ils avaient une belle équipe.

Vous avez marqué beaucoup de buts avec Paris, 100.

Ce qui est fou, c’est que, pendant longtemps, je ne l’ai pas su. Il n’y avait pas de stats comme aujourd’hui. Je l’ai su 15 ou 20 ans après l’arrêt de ma carrière. C’est dingue.

Avec Pialat et Depardieu

Vous avez également été acteur du 1er trophée dans l’histoire du club ?

Le 1er titre d’un club, c’est toujours un moment qui est rempli d’émotions (PSG-ASSE, égalisation 2-2 à la 120è minute)***. Il y avait une belle communion avec les supporters, la joie inoubliable du président Borelli. C’est une soirée que l’on ne peut pas oublier. On l’avait bien fêté avec les supporters, puis au Bus Palladium (boite parisienne, ndlr) avec quelques joueurs, et la Coupe de France.

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15 mai 1982 face à Saint-Etienne © Icon Sport

Pendant 20 ans (1987-2007), vous avez été le meilleur buteur du club (100 buts), jusqu’à ce que Pauleta s’empare du record. Vous faites toujours partie du Top 5, avec Cavani, Ibrahimovic, Mbappé, Pauleta.

Je l’ai longtemps ignoré. Et juste dernière moi, il y a Mustapha Dahleb qui était vraiment très près, 98 buts.

J’avais aussi une question cinéma. Comment c’était de tourner avec Depardieu, dans un film de Pialat (Le Garçu, 1995) ?

Super. Franchement, une belle expérience. C’est le hasard… Une rencontre avec Depardieu, à une soirée, je ne sais plus où. Et à ce moment-là, ils cherchaient, comment dire, un acteur. On avait discuté avec Depardieu comme ça, on n’avait même pas discuté du film. Et quelques jours après, l’équipe de production de Pialat m’appelle : « Il y a Depardieu qui a pensé à vous pour le rôle d’acteur, il en a parlé avec Pialat, et tout ». J’ai réfléchi. Et puis j’ai dit : « Bon allez, on y va. Pourquoi pas ». C’est passé comme ça.

Cela vous a-t-il plu ?

Oui. C’était sympa. Après, de là à en faire une carrière, non. Mais c’est une belle expérience. Depardieu, je m’en rappelle, m’avait dit : « Continue, le cinéma c’est facile, tu verras tu peux faire une carrière ».

La 1ère scène avec Pialat – parce que tourner avec Pialat ce n’était pas facile… – Ma 1ère scène, c’est avec Depardieu. On était en Vendée, en bord de plage. Et Pialat me dit : « Toi, tu n’as pas de texte, vous allez discuter comme ça tous les deux ». Comme ça (sourires). Mais il avait été sympa.

Mais c’est vrai que j’aimais bien Pialat, j’étais assez cinéphile. Je connaissais ses films, c’est pour ça que j’ai aimé le faire. C’était son dernier film.

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25 octobre 1980 avec Michel Hidalgo, grand metteur en scène © Icon Sport

Pas de reconversion comme acteur, vous devenez agent après votre carrière ?

Ce n’est pas la meilleure chose que j’ai faite dans ma vie, parce que sincèrement je n’ai pas aimé. A la fin d’une carrière, on se cherche. Je ne savais pas trop ce que j’allais faire. J’ai fait un break pendant un an. Et puis après j’ai eu cette opportunité. Qui ne m’a pas plu.

Après la direction sportive de Saint-Etienne, depuis 2019 vous êtes revenu dans votre région natale, du côté de Royan. Pour profiter de la vie ?

De la vie, de la famille. Je me sens bien ici. J’ai toujours eu cette envie, après le foot, de revenir. C’était programmé. Cela a toujours été mon port d’attache. J’ai des chevaux depuis pas mal d’années, l’océan… Et les stages “Foot pour tous“ que j’organise chaque été, à Royan. Des stages ouverts aux garçons comme aux filles, de 7 à 17 ans. Cela me plaît beaucoup. Pour le plaisir de jouer ensemble, de transmettre certaines valeurs aussi. L’été, j’y suis tous les jours. 

Un mot sur le Parc des Princes ?

J’adorais le Parc des Princes. Jouer au Parc, c’était fabuleux. J’y ai joué mon 1er match avec l’équipe de France face au Real Madrid en 1975 (match de gala organisé par le syndicat des journalistes sportifs, doublé de Dominique Rocheteau, ndlr). Et pour moi ça a toujours été un super stade. Aujourd’hui, il y a Neymar, Mbappé, Messi, une pelouse magnifique…. Il faut apprécier.

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25 janvier 1981, le Parc © Icon Sport

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Dominique & Jean-Jacques

*8 juillet 1982. France-Allemagne, ½ finale de la Coupe du monde, 65ème minute. Harald Schumacher, le gardien allemand, percute le défenseur tricolore le défenseur français Patrick Battiston, avec une violence inouïe, en pleine tête. Ce, sans que l’arbitre ne l’expulse, ni ne le sanctionne de cette agression.

**12 mai 1976. Bayern Munich – Saint-Etienne. Finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions, à Glasgow. Les Verts s’inclinent 1-0 après avoir heurté à 2 reprises les poteaux carrés d’Hampden Park.

***15 mai 1982. PSG – ASSE. Dominique Rocheteau égalise (2-2) dans l’ultime seconde de la prolongation. Francis Borelli embrasse la pelouse, rejoint par des centaines de supporters. Le Parc vit l’une des soirées les plus marquantes de son histoire. De retour sur le terrain, le PSG remporte la séance de tirs au but (6 à 5) et soulève le 1er trophée de son histoire.


Emilie Pilet
J.J. Buteau

Alain Cayzac – 2ème partie

Suite de l’entretien avec ALAIN CAYZAC. Le dirigeant historique et ancien président du PARIS SAINT-GERMAIN revient sur ses deux années à la tête du club, avant de retracer l’histoire du PSG. Club qu’il a vu grandir. Et dont il reste un supporter à vie.

AVANT CELA

« Cette 2ème ‘saison’ où j’essaie de retracer l’histoire du PSG, je la dédie à Jean-Paul Belmondo, pas simplement parce qu’il était une grande star adulée, mais parce qu’il avait été à l’origine de la renaissance du club (1973) avec notamment Hechter, Borelli et Talar, de son ADN et de sa culture. Un club qu’on a toujours qualifié de show-biz (ce qui est un compliment pour moi), un club passionné… turbulent parfois et comme Bébel lui-même, rassemblant toutes les couches de la population. 

J’adorais Bébel car il avait la simplicité, la gentillesse, l’accessibilité des grands de ce monde. Je le croisais fréquemment au restaurant du Père Claude, nous parlions très rapidement de nos AVC et de nos expériences de rééducations à Granville, mais surtout il avait toujours un mot, une question sur ce club qu’il adorait. 

Dans la 1ère partie de l’interview de la semaine dernière, je le citais quand il me disait : « Se plaindre, c’est impoli ». Effectivement, il ne se plaignait jamais. Il continuait à rayonner. »

Alain Cayzac

Alain Cayzac Virage PSG
« Bebel » au Parc en mai 1978 avec son fils Paul et son ami Charles Gérard © Icon Sport

Le 20 juin 2006, vous devenez le 11ème président du Paris Saint-Germain

Je suis nommé par Colony (Colony Capital, ndlr), dont le patron Europe était Sébastien Bazin. J’arrive de façon assez marrante d’ailleurs*. La nouvelle de ma nomination avait été, je crois, assez bien perçue à l’époque car personne ne pouvait mettre en doute mon amour du club, ma passion du foot. J’étais un homme d’entreprise, je connaissais le football. Je cochais a priori pas mal de cases. 

1er match au Parc, PSG-Lorient. On perd 3-2, doublé de Fiorèse qui avait quitté le club 2 ans plus tôt. Terminé mon plaisir, ma joie d’avoir été président. Les emmerdes commençaient. J’ai compris à cet instant que, président d’un club, vous n’êtes jamais heureux plus d’une journée. Je me souviens d’un match à Toulouse où on gagne (2007, 1-3), un match fondamental pour le maintien. Le soulagement d’avoir gagné, je fais un petit crochet dans ma maison de campagne dans le Lot, où je passe une journée formidable. Le lendemain, j’ai un joueur qui veut partir, un autre qui veut être augmenté… Me voilà à nouveau dans la lessiveuse. 

Vous avez été président du PSG 2 ans, co-fondé RSCG, devenue l’une des plus grandes agences de communication mondiales, reprise par Havas (plus de 15 000 employés), dont vous êtes le vice-président jusqu’en 2005. Ces postes sont-ils équivalents au niveau de l’intensité ?

Quand j’ai pris la présidence du PSG, j’étais parti d’Havas parce que Bolloré était rentré et je ne voulais pas travailler avec Bolloré. Donc j’étais libre. 

Alain Cayzac Virage PSG
Face au Virage © Icon Sport

Président du PSG, c’est un job à 200%. Comme émotions, comme difficultés, comme problèmes, comme médiatisation, le PSG c’est beaucoup d’intensité, de souffrances aussi. Alors que dans les affaires j’ai souffert, un peu, beaucoup même car dans la pub, il y a des moments où ça se passe bien, mais il faut trouver des clients tous les jours. Tu en gagnes, tu en perds. C’est également épuisant et stressant. Mais rien à voir, au niveau de la violence et de la nature des situations. La médiatisation d’un chef d’entreprise est plus rare, même si elle existe parfois. 

Président du PSG, vous prenez des coups. C’est très très dur. Mais, c’est une « piquouze », c’est comme une addiction. Cela mettait ma femme dans tous ses états quand je lui disais : « J’ai beaucoup souffert mais si on me proposait à nouveau la présidence, je risquerais de replonger ». Heureusement, cela n’a bien sûr pas été le cas. 

J’ai fait, comme dirigeant puis président du PSG, presque tous les stades d’Europe, des victoires mémorables, la finale de Coupe d’Europe à Bruxelles, il y a quand même eu des moments exaltants. Je ne veux donc pas noircir le tableau, on a tous des emmerdes dans la vie. Mais là, c’est la violence des emmerdes qui est, je crois, très spécifique. 

La médiatisation aussi, des « emmerdes », parce que vous étiez en 1ère ligne ?

Oui effectivement, un jour l’Equipe fait mon portrait avec points forts, points faibles. Point fort : communication, point faible, communication. Ce n’est pas faux. (Silence). Moi, j’aimais communiquer. Je n’ai jamais refusé un coup de fil à un journaliste. Je ne déléguais pas ça. A tort, peut-être. Je recevais des coups de fil très tôt le matin. Quand j’arrivais au Parc à 8h30-9h, je râlais contre les gens au bureau qui n’avaient pas lu les journaux (sourires). J’ai toujours eu une passion pour les médias. 

Donc ce n’était pas la chose la plus dure pour moi, et ils n’ont pas été trop méchants avec moi. Bien sûr j’étais critiqué quand on perdait, ce qui est normal, mais jamais je n’ai eu d’attaque personnelle. L’attente immense qui entoure le PSG, elle est aussi liée à la médiatisation du club. Vous la ressentez cette attente, et quand vous êtes président d’un club comme le PSG, vous n’avez pas une minute de repos. En fait, vous vous sentez responsable du bonheur ou du malheur de plusieurs millions de fans. 

Alain Cayzac Virage PSG
L’aigle Pedro © Icon Sport

Je deviens président, le lendemain Pauleta vient me voir : « Je veux aller à Lyon ». J’étais président depuis la veille. Déjà, je savais que pour tout le monde, pour les supporters, pour moi, le démarrage de ma présidence avec comme 1er fait d’arme le départ de Pauleta cela ne serait quand même pas un grand succès. J’étais en Allemagne pour la finale de la Coupe du monde 2006. Pendant tout le match je ne pensais qu’à Pedro, c’était une obsession. Les gens m’arrêtaient dans la rue à Paris : « Monsieur Cayzac, vous le gardez Pauleta ? » et donc au lieu de profiter comme un petit coq pendant quelques jours d’être devenu président (sourires), tout de suite j’étais jeté dans l’arène.  

Et le plus drôle, c’est quand, avec mon ami Houllier (alors coach de l’OL, ndlr)** – on prenait nos vacances ensemble – on s’est retrouvés au Spa ensemble à Saint-Malo. On avait nos deux chambres côte à côte et moi je négociais avec les agents pour que Pauleta reste à Paris et lui dans la chambre d’à côté, il négociait pour qu’il vienne à Lyon (c’est Jean-Michel Aulas qui s’en occupait mais lui donnait son avis sportif). On se retrouvait pour le dîner, on n’en parlait pas. Le lendemain, on se retrouve dans la piscine du Spa, on porte des bonnets de bain, on est ridicules, même si ça nous permettait de ne pas être trop reconnus. Là, un client arrive et crie à tue-tête : « Alors, il va où Pauleta ? » (sourires). Pas une minute de répit. 

L’année suivante, on termine la saison par 8 matches sans défaite si je me souviens bien, tout allait pour le mieux et là, Lyon cherche à me piquer Jérôme Rothen et Sylvain Armand. Je rame, je rame, je rame, et finalement ils restent. Ce ne sont pas des moments de plaisir, ce sont des moments de stress, de difficultés même si c’est toujours intéressant et passionnant. 

On vient de parler de Lyon 2 fois, quel regard portez-vous sur Jean-Michel Aulas ? Sa longévité, sa persévérance ?

J’ai un regard positif sur lui. D’abord, il y a une chose que j’apprends à mes enfants, dans la vie, il ne faut pas confondre les institutions et les hommes. Lyon, j’avoue que je n’ai pas une passion immodérée pour le club…  Trop de mauvais souvenirs pour moi. En fait, ils nous ont trop souvent battus à cette époque. Mon tout 1er match comme président, c’est le Trophée des Champions que l’on perd au stade Gerland. Match nul, on perd aux penalties (1-1, 5 tab à 4). Rothen avait marqué un but du pied droit (fait rarissime). 

Mais je sais faire la différence entre l’institution et les hommes. Jean-Michel Aulas, j’admire l’homme, le président, son expertise, sa ténacité, et son sens poussé de l’entreprise et de l’institution. Vincent Ponsot, DG du club, est un homme que j’apprécie. 

Dans la pub, c’était la même chose. J’étais concurrent avec les Brochand, Pouzilhac et compagnie. On se bagarrait comme des malades, et si je pouvais leur piquer un client, tant mieux. Eux ne s’en privaient pas. C’est la vie des affaires, et le soir on jouait au football dans une équipe de publicitaires, tous concurrents et on laissait les couteaux au vestiaire.  

Quand j’ai eu mes ennuis de santé, Jean-Michel Aulas a d’ailleurs été d’une gentillesse totale. Et à Lyon, il y avait aussi Gérard Houllier, qui était mon meilleur ami. Il entraînait Lyon. A chaque PSG-Lyon, pendant une heure et demie, il me détestait Gérard. Et moi aussi je le détestais. C’est la vie. Il y a les hommes et il y a les institutions. On peut ne pas aimer un club et aimer les gens qui le dirigent. Ou l’inverse. 

Alain Cayzac Virage PSG
Avec Gérard Houllier et Pierre du PSG Club New York © Collection personnelle

Parmi tous les souvenirs que vous avez au club, quel moment vous a plus particulièrement marqué ?

Je peux parler du supporter qui est mort**, mais c’est tellement dramatique que ça dépasse largement le cadre du football. Ce drame, est, de loin, le plus dur que j’ai vécu. A la fin du match, on vient me voir : « Monsieur Cayzac, il y a un problème ». Le lendemain matin, Sarkozy m’appelle à 8h, rendez-vous au Ministère de l’Intérieur, avec les représentants de supporters. Ensuite il y a eu une conférence de presse, on était debout sur les marches Place Beauvau avec tous les journalistes qui étaient là, prise de parole de Sarko, Thiriez, et moi. Très douloureux comme moment. Ce matin-là, j’ai même dit : « J’ai peur que le club ne survive pas à ça ». Et je le pensais. 

SOCHAUX, LA DELIVRANCE

Deuxième chose qui m’a marqué, beaucoup, c’est le match à Sochaux (17 mai 2008). Je n’étais plus président, je n’étais pas à Sochaux, j’avais démissionné, mais j’étais encore président en titre. On ne va pas se faire d’illusion, si le PSG était descendu, c’était l’échec de Cayzac, pas du nouveau (Michel Moulin, ndlr) qui était là depuis 4 matches. 

Et donc je suis allé voir le match chez mon ami Christophe Chenut, à la campagne. On avait même acheté une télé neuve, l’après-midi, pour être sûr qu’elle soit assez grande (sourires). Je regardais le match, comme un zombie, avec la petite musique (du multiplex de Canal). Mais, 10 minutes, un quart d’heure avant la fin, j’ai craqué et je suis allé dehors, dans les champs, tout seul. 

Il y avait là des poneys et, j’ignore pourquoi, ils sont tous venus autour de moi, comme s’ils voulaient me consoler, me parler, et moi comme un idiot qui ne voulait pas regarder le match, j’étais avec mes enfants sur le portable : « Qui est ce qui a la balle ? Ils attaquent là ? » C’était encore pire. Quand ils m’annoncent que c’est fini, qu’on a gagné, ça a été une délivrance pas possible. Pourtant, ce n’était pas une finale de Coupe d’Europe. Mais le mot délivrance est le seul mot que je trouve pour cet instant.  

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Amara Diané sur son deuxième but à Sochaux © Icon Sport

Durant cette fin de saison, je n’oublierai jamais le soutien indéfectible des supporters qui, alors que la situation sportive était mauvaise, continuaient à soutenir le club avec passion. Ils remplissaient le stade, répondant avec ferveur à ma demande d’union sacrée. On m’a parfois reproché d’être trop proche des supporters, j’assume et je ne le regrette pas du tout. Plus encore, je n’hésite pas à dire qu’ils ont contribué à sauver le club à cette époque. 

Une anecdote aussi qui me revient, quand Luis (Fernandez) était entraîneur, il allait mettre du sel dans les buts adverses, avant chaque match. Il m’expliquait je crois, que le sel, cela portait bonheur, dans le but adverse. Il voulait toujours que je vienne avec lui. J’y allais comme quelqu’un désireux de ne pas contrarier l’entraîneur. J’étais à côté de lui, une poignée de sel et on revenait. Il y a des choses comme ça qui font sourire. 

Amara Diané, Sochaux, êtes-vous resté en contact avec ce joueur ?

Oui. Amara, après le PSG, m’appelait très souvent. Je l’apprécie beaucoup. Mais comme je lui disais, je ne suis pas un agent. Il me répondait : « oui mais je n’ai confiance qu’en vous ». C’est très gentil, et il continue à m’appeler, ça fait plaisir. D’autres joueurs continuent de m’appeler, comme Danijel Ljuboja. J’ai toujours bien aimé l’homme, le joueur. 

Quand il était au PSG, il y avait un truc qu’il faisait quand il rentrait au vestiaire, après un bon match ou quand il marquait, et que détestaient les autres, il chantait : « Ljuboja, Ljuboja, Ljuboja… » Je ne sais pas pourquoi, ça me faisait rire. Je suis également resté en contact avec Zoumana Camara, qui est un mec en or. Leo bien sûr, Mamadou Sakho qui a toujours été très sympa avec moi. 

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PSG – Saint-Etienne 2008 © Icon Sport

Gallardo, quand il a quitté le PSG, il est venu dans mon bureau me dire au revoir : « Merci, vous avez été formidable avec moi, mais je ne m’entends pas avec l’entraîneur ». Gallardo, je l’avais recruté avant que Le Guen n’arrive. J’avais dit à Paul : « Ecoute, tu vas choisir pour les transferts, mais il y en a un que j’ai déjà pris, c’est Gallardo ». Pour être franc, je ne suis pas sûr qu’on était sur la même longueur d’onde en la matière. Ronnie, je l’adorais, je l’admirais, je l’ai revu quelques années plus tard, à Monaco, on s’est tombés dans les bras. 

Il faut aimer les joueurs. Il ne faut pas les aimer faussement. C’est comme quand on est patron dans la pub, il faut aimer les créatifs. Quand on est patron d’un journal, il faut aimer ses journalistes. Et ça pour moi, c’est capital. Quand j’ai quitté la présidence du club, beaucoup de joueurs sont venus me voir, dont les jeunes Sakho, Sankharé, Chantôme pour me remercier et me dire qu’ils me regretteraient. Ce n’est pas que j’étais plus intelligent que les autres. Mais je les considérais. Je leur parlais, je les regardais. La porte de mon bureau leur était toujours ouverte. 

Vous qui suivez le PSG depuis le tout début, quel regard portez-vous sur sa jeune histoire ?

J’ai essayé de découper l’âge, l’histoire du PSG en années, car pour moi il y a plusieurs périodes.

Il y a la période que j’appellerais la période de l’enfance et de l’adolescence. C’est la période de la création du club, au début des années 1970. Daniel Hechter a une place prépondérante dans l’histoire du club, Charles Talar, Bernard Brochand, Jean-Paul Belmondo, Guy Crescent aussi.  

Après, à partir de 1975, il y a eu la période de la jeunesse turbulente. On gagnait des Coupes, on embrassait la pelouse, on était jeunes, on était heureux, un peu spéciaux, un peu dérangés aussi, ça me plaisait bien, même si je dois reconnaître qu’on était souvent critiqués… mais on nous aimait ! Dans la pub il y avait un slogan : « Il se passe toujours quelque chose à la Samaritaine » et moi je disais : « Il se passe toujours quelque chose au PSG ». 

Ensuite, il y a l’arrivée de Denisot, en 1991, c’est là où l’on devient adultes (ou presque…). Des adultes triomphants (on a quand même gagné une Coupe d’Europe). Mais instables. Pas encore mûrs. Je pense d’ailleurs, et je l’espère, que le PSG ne sera jamais complètement mûr et trop tranquille. Il y a eu des saisons où l’on perdait le championnat mais on se rattrapait en gagnant les 2 Coupes (1995, 1998), d’autres où l’on perdait contre Gueugnon (2000). Donc jeunesse triomphante, mais encore fragile. 

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Leo & Raí face à Bucarest en 1997 © Icon Sport

Après, il y a eu, ce que j’appelle « le coup de mou ». C’est la fin des années Canal. On ne savait plus trop où on en était. C’est là que j’ai failli racheter le PSG avec Graille, ce qui aurait été une connerie monumentale. On avait pratiquement signé pour 19 millions d’euros avec Vivendi. Francis Graille et moi, on avait mis 1 million chacun, et on avait trouvé un homme assez riche, le patron de 1.2.3 multimédia (musiques de téléphone) qui mettait 10-15 millions, on avait fait un montage qui nous permettait de garder le contrôle… je ne me souviens d’ailleurs plus comment. Vivendi, qui voulait absolument s’en aller, était favorable à une signature rapide. Le matin du jour où l’on devait rencontrer Bertrand Méheut (alors président de Canal +, ndlr) pour vraiment finaliser, le patron d’1.2.3 multimédia me rappelle : « Monsieur Cayzac, je ne viens plus ». Coup de massue. Cela ne s’est donc pas fait, on a tout arrêté. Cette période, je l’appelle « le coup de mou », on avait un actionnaire qui ne voulait plus de nous, qui disait qu’on n’était plus un « actif stratégique ». Et ça, c’est dur à vivre. 

Après, on en vient aux années Colony (Colony Capital, ndlr). Je dirais que c’est l’entrée extrêmement difficile dans le monde de la finance. On était déjà passé d’un système qui n’était plus associatif à une société commerciale. La finance arrivait, c’est un fonds d’investissement – Colony Capital – qui a racheté, avec Butler Capital Partners et Morgan Stanley en deuxième et troisième rang. Et on a, je l’avoue, du mal à y arriver, on a ramé pendant deux années. En fait, on était entre deux feux. Fallait-il mettre beaucoup d’argent ? Fallait-il capitaliser sur la formation ? Cela était difficile car la stratégie n’était pas évidente. Nous n’étions pas assez riches pour faire décoller le club. Nous avons pêché par trop d’optimisme, moi le premier. 

A partir de 2011, il y a la naissance d’une vraie franchise mondiale. Les actionnaires ont mis beaucoup d’argent et en plus, ont remarquablement travaillé. Ils ont fait ce qu’il fallait, à commencer par de très bons recrutements. Leonardo a construit une équipe brillante de A jusqu’à Z, comme Zlatan. Quand Verratti est arrivé, qui le connaissait ? Javier Pastore, Thiago Motta, Cavani et bien d’autres… 10 ans après l’arrivée de QSI, être là où on est, est un succès. Dire cela, je ne pense pas que ce soit un discours de supporter uniquement. Je pourrais dire “c’était mieux avant“, ce serait de bon ton, mais non, ce n’était pas mieux avant, c’était différent. 10 août 2021. Nouvelle étape mais pas la dernière, Lionel Messi arrive à Paris.

Comment parleriez-vous aujourd’hui du PSG à la nouvelle génération de supporters, ceux qui sont nés après les années 2000 ?

J’aurais envie de leur dire, entre autres, que quand j’étais président, on m’aurait dit un jour : « Tu seras champion de France », j’aurais été fou de joie, je serais allé défiler sur les Champs Elysées (sourires). Et maintenant, on ne parle plus de ça, on parle d’être champion d’Europe. Donc je leur ferais prendre conscience de cela. Je leur ferais prendre conscience du saut qualitatif que l’on a fait. 

Certains diront « oui, c’est le fric ». Oui d’accord mais est-ce que le Real n’a pas de fric ? Liverpool ? Le Bayern ? Manchester ? Chelsea ? Il y a l’argent bien sûr, mais il y a des choix à faire. Ils ont été globalement très bons. Même si je regrette, par exemple, que Coman soit parti. J’aurais aimé que Ancelotti reste plus longtemps. 

Je leur dirais aussi : « Rendez-vous compte que maintenant, vous avez à Paris l’une des meilleures équipes d’Europe ». Il y a tellement d’aléas pour être champion d’Europe. Je leur ferais prendre conscience, s’ils en ont besoin, de l’énorme pas que l’on a fait. 

BORELLI AIMAIT TELLEMENT LES JOUEURS

Je leur dirais aussi du bien de Borelli, et j’ajouterais : « Rendez-vous compte qu’actuellement vous avez à la tête de ce club des managers de haute volée qui ont certes des moyens, mais sont comme l’on dit en anglais très « smart », le président en premier. » Alors c’est moins, comment dire, affectif et passionnel qu’on ne l’était à la création du club. On a lancé le club, on a vu naître un enfant. QSI, ils ont adopté un enfant. C’est différent. Et ils s’en occupent très bien. 

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Le Président Borelli dans ses bureaux © Icon Sport
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Des fleurs pour Luis avant son départ © Icon Sport

En 2007 vous avez décidé de renommer la tribune présidentielle « tribune Borelli ». Quelle relation aviez-vous avec Francis Borelli ?

D’abord, j’aimais beaucoup sa folie, sa passion. Bon, il y a des conseils d’administration, où j’en avais un peu marre, parce qu’on restait de 6h à minuit, on s’engueulait et on décidait 2 choses, qui ne voyaient jamais le jour en général (sourires). C’était surréaliste. Brochand, Aranzana, Talar, Borelli, Taupin et Malvoisin (conseillers et financiers du PSG de la première heure)… des gens très pittoresques, en général au sang chaud et au verbe haut. Francis aimait tellement les joueurs… Il prenait soin des femmes de joueurs aussi, qui recevaient des bouquets de fleurs et des cadeaux. 

Au-delà des anecdotes, qui n’ont peut-être pas beaucoup d’intérêt, Francis Borelli, c’est l’ADN du PSG. Il n’y a aucun doute. La com, la passion, le fait d’embrasser la pelouse, le fait de considérer que rien n’est impossible, le fait d’aimer follement les numéros 10 (comme moi d’ailleurs), d’aimer le spectacle, d’aimer le football champagne, c’est lui ça. Tout ça, c’est vraiment lui au départ. 

Ce n’était pas vraiment un ami intime – Bernard Brochand oui car nous étions à l’école ensemble – mais c’était un homme passionnant et rare. 

Quand Francis a été malade (il souffrait de la maladie d’Alzheimer), je suis allé le voir dans sa maison de retraite médicalisée à Verrières, il me reconnaissait à peine. J’étais venu avec un supporter qui s’appelait Paulo, qui était un supporter de la tribune C à droite de la Présidentielle, et Paulo, c’était une grande gueule, on n’entendait que lui dans la tribune, il parlait toujours à haute voix et il interpellait Francis Borelli : “Eh Francis, il faut faire rentrer X !“ Il était un peu « fou » mais c’était un vrai supporter. Attachant et fidèle. 

Il m’avait dit un jour : « Monsieur Cayzac, il faut venir le voir avec moi, il est très mal ». Je suis allé à Verrières-le-Buisson, dans son EHPAD, je lui ai ramené un maillot. Il m’a à peine reconnu. A un moment, me vient l’idée, pour voir s’il avait un peu de réaction, de murmurer à son oreille : « Tu te rappelles Sušić ? » Et là, son visage s’est éclairé. Pour lui Safet, c’était un amour fou. Il est redevenu conscient un petit peu, à cet instant. C’est incroyable et tellement émouvant.  

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Magic Safet © Icon Sport

Vous étiez le grand ami de Gérard Houllier, vous connaissiez-vous avant le PSG ?

Non. Le Paris Saint-Germain est le point de départ de notre amitié. En 1986 avec mon équipe de foot de la pub, on est allés au Mexique 15 jours, faire des petits matches et surtout assister à la Coupe du monde. A un moment, on se retrouve à un cocktail, il y avait Gérard Houllier. On ne se connaissait pas personnellement. 

On sympathise, je le chambre, j’aime bien plaisanter. Il a dû se dire : « Il a l’air marrant ce type-là ». Donc c’est là, au Mexique, qu’on a commencé à sympathiser. En 1986, après que le PSG soit devenu champion de France, Borelli a un peu « pété les plombs » (sourires), il s’est mis à ne recruter que des avant-centres : Jules Bocandé, Halilhodzic, Xuereb, etc. En 1987, on fait un très mauvais début de saison, Gérard Houllier démissionne, remplacé quelques matches par Mombaerts. 

C’est à ce moment-là que nous sommes vraiment devenus amis. Gérard m’avait dit quelque chose comme : « Je suis un peu dans le trou, ça ne va pas, est-ce que tu peux m’aider ? ». Je lui donnais des conseils d’homme de communication et c’est là que notre amitié est née. Nous sommes devenus inséparables. 

Si, une fois, on a failli ne plus jamais se reparler, à cause d’Anelka. C’était sévère là. On ne se parlait plus mais nos femmes ont réussi à nous réconcilier. 

Pouvez-vous nous raconter cette histoire ?

Fin 2001, Anelka, on l’avait prêté à Liverpool. Il avait été bon et Liverpool souhaitait le garder. Je fais un dîner à la maison avec Laurent Perpère, le patron de Liverpool Rick Parry, et Gérard Houllier, pour négocier le transfert. A la fin du dîner, on tombe d’accord sur le chiffre. On se serre la main, aucun problème. Restait à Gérard à négocier avec Nicolas Anelka ses conditions salariales, ce qui ne devait pas poser de problème car ce dernier voulait rester à Liverpool. 

Il se passe une semaine, pas de nouvelle de Gérard. Tout le monde était d’accord, les chiffres ne semblaient pas poser de problème. Mais Gérard ne me répondait plus. Deux semaines, toujours rien. Gérard me dit : « Laisse-moi un peu de temps, je n’ai pas encore vu ses frères, Doug son agent ». Je lui dis : « Ok, mais ne traîne pas trop ». Une semaine se passe, 15 jours, on s’appelle régulièrement. Il me dit : « Je te dis dans la semaine ». Et au bout d’un mois, je pète les plombs : « Gérard, ne m’appelle plus, je ne t’appelle plus, je considère qu’Anelka ne restera pas à Liverpool et on va trouver une autre solution ». 

Et là je vais au camp des Loges, il y avait le tournoi (international) traditionnel des jeunes, je me retrouve assis à côté de Doug. Il me dit : « Monsieur Cayzac, vous n’avez pas compris, ce n’est pas Gérard Houllier qui ne veut pas d’Anelka, ce sont les 2 attaquants, Michael Owen et Emile Heskey. » (On ne saura jamais vraiment). Sur le retour, coup de fil dans la voiture d’un journaliste du Parisien, je décroche et me déchaîne : « Je croyais que Gérard Houllier était un ami ». Je reconnais que ma sortie était pour le moins disproportionnée et un peu idiote. Gérard apprécie peu, c’est le moins que l’on puisse dire et comme je suis un peu rancunier, les jours passent. Un mois et demi après, nos femmes on fait le boulot et on s’est reparlé. Et on s’est tombés dans les bras. 

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Avec l’ami Gérard © Icon Sport

Gérard Houllier est devenu comme un frère pour vous ?

Gérard, c’est mon frère choisi. Nous étions inséparables. C’est ce que j’ai dit à son enterrement (21 décembre 2020). Lors de mon discours, j’ai énuméré les défauts de Gérard Houllier, c’est un humour qu’on aimait bien avoir ensemble. Des défauts bien sûr qui étaient presque toujours des qualités. 

Les disparitions dans la foulée de Charles Talar (30 octobre 2020), Jean-Michel Goudard (3 novembre 2020) mon ami et associé (le G de RSCG) et Gérard, ça m’a mis un vrai coup, vous le comprendrez.


*Alain Cayzac se trouvait aux sports d’hiver à Courchevel, plus précisément dans une boîte de nuit, quand il reçoit un coup de téléphone de Sébastien Bazin, en provenance de New-York : « Je vous appelle pour savoir si vous voulez être le nouveau président du Paris Saint-Germain ». Il y avait un bruit si assourdissant qu’ils décident de se rappeler le lendemain. Le jour d’après, Sébastien Bazin, venant de l’aéroport de Roissy, passe prendre Alain Cayzac à son bureau avenue George V pour aller déjeuner avec Matthieu Pigasse – le célèbre conseiller financier de Canal Plus – auquel le bientôt futur président du PSG devait être présenter : « 10 minutes de voiture de mon bureau au restaurant Chez Laurent, pour se connaître et déjà s’apprécier avec Sébastien Bazin », se rappelle Alain Cayzac. 

**1er champion de France avec le PSG (1986), Gérard Houllier a entraîné l’OL entre 2005 et 2007, après 6 saisons à la tête de Liverpool (1998-2004). Alain Cayzac et Gérard Houllier sont des amis de longue date. 

***Le 23 novembre 2006, un supporter -Julien Quemener – est tué par balles Porte de Saint-Cloud, par un agent de sécurité qui protégeait un supporter, après un match de Coupe UEFA contre l’Hapoël Tel Aviv 


Emilie Pilet
Xavier Chevalier

Alain Cayzac

Dans la pub comme dans le foot, ALAIN CAYZAC a tout connu ou presque.
Le co-fondateur de l’agence RSCG, dirigeant historique et ancien président du PSG nous a reçus dans ses bureaux parisiens, à quelques pas des Champs-Elysées.
Pour parler du Paris Saint-Germain, bien sûr, et aussi un peu de la vie. 

Alain, tout d’abord, comment allez-vous ? 

Concernant la santé, vous le savez peut-être, j’ai eu un AVC il y a 5 ans après une chute de vélo, idiote, comme toutes les chutes. J’ai eu 3 vertèbres fracturées, j’ai été opéré, je me suis remis et peu de temps après j’ai eu cet AVC, qui a été sévère, qui m’a laissé un bras gauche paralysé – il l’est toujours – et une jambe gauche… avec une béquille. J’arrive à marcher mais enfin ce n’est pas encore ça, ça ne sera jamais la folie (sourires). 

Donc, je me suis inventé une nouvelle vie, qui repose sur le fait de garder un maximum d’occupations, ce qui m’évite de gamberger. Une nouvelle vie dans laquelle j’essaie, je dirais, de penser différemment. 

De quelle façon, par exemple ?

J’essaie de ne pas trop penser au passé, même si j’imagine qu’on va y faire référence aujourd’hui, parce que le passé était plus beau que le présent, pour moi en tout cas. J’essaie de ne pas trop penser à l’avenir non plus. J’ai eu 80 ans le 2 juin. Donc le temps qui passe devient le temps qui reste. J’essaie de vivre dans le présent au maximum, ce qui me permet de garder le moral, l’énergie. 

J’essaie aussi de ne plus penser à moi. J’estime que « je n’ai plus d’avenir » dans le sens où désormais, je ne serai plus président du PSG un jour, je ne serai pas président de la République non plus… sauf surprise. Ce sont des exemples, mais je pense que maintenant ma mission c’est de transmettre aux autres, alors je pense aux autres avant tout.  

Ce qui m’intéresse, ce sont mes enfants, mes petits-enfants, ma femme, mes amis, ma famille, les gens que j’aime, et les autres au sens large. Le fait de penser aux autres, de s’oublier un peu, le fait de vivre dans l’instant, c’est ce qui me permet de tenir. 

Je m’occupe de caritatif, dans le domaine de la santé mentale notamment, auprès de bipolaires et de schizophrènes. Et puis, j’essaie de ne pas me plaindre. Parce qu’un jour, je parlais avec Jean-Paul Belmondo, il m’a dit : « Se plaindre, c’est impoli ». Il a raison. Donc je ne me plains pas. Il y a d’autres plus malheureux que moi. Pour répondre à votre question initiale, ça ne va pas mal. L’état général est bon. 

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Avec Raí © Icon Sport

Comment vivez-vous toute cette période relative au Covid ?

A certains moments, il y a eu un peu la peur, pas pour moi car je me dis que maintenant, il ne peut pas m’arriver grand-chose de pire (que son AVC, ndlr) mais plus pour les autres. Je suis vacciné depuis plusieurs mois. Avec famille et amis, nous avons essayé de vivre ces vacances d’été le plus normalement possible. En espérant que cette saloperie ne revienne pas à la rentrée. 

Lors des confinements, je me disais qu’il y avait plus malheureux que moi, parce que j’habite en banlieue et j’ai la chance d’avoir un jardin. J’ai même eu certains de mes enfants qui sont venus se confiner avec moi. Non ça, je n’ai pas à me plaindre. Aussi, comme je travaille pour une banque d’affaires – je suis dans ce milieu depuis 15 ans – nous avons énormément travaillé en visio. Finalement, j’ai quand même été assez occupé. Donc, aucun ennui.

Pensez-vous que votre accident a changé votre rapport au monde, à la vie ?

Oui, beaucoup. Mais… J’ai peur de faire un peu de philosophie de comptoir, je n’aime pas ça. C’est vrai que, avant mon accident, je me croyais invincible. A 70 ans, je jouais encore au foot avec mon équipe de la pub tous les lundis. Je sentais bien que j’étais moins rapide, même si je n’ai jamais été rapide (sourires). Mes amis m’’appelaient le « géostationnaire ». Evidemment je vieillissais, mais je ne m’en rendais pas compte. Pour moi, j’étais éternel. 

Et là, je suis passé vraiment tout près du départ, du départ fatal. Je me suis rendu compte qu’il y aurait forcément une fin, ce qui est d’une grande évidence (sourires). Aujourd’hui, je dis souvent à mes amis : « Je crois que je suis devenu moins con » (sourires).

Dernier point et ensuite on parlera d’autre chose. J’essaie de conceptualiser un peu ma maladie, ma nouvelle vie. J’appelle ça mon nouveau logiciel. Un peu moins maintenant, mais jusqu’à il y a 3-4 ans, je donnais pas mal de conférences dans des cabinets d’avocats, des entreprises diverses et variées où je racontais un peu ce qu’avait été ma 1ère vie et comment je gérais ma 2è vie, celle d’après mon accident. Je m’inspire aussi de gens comme Grand Corps Malade, dont je me sens assez proche, sans le connaître personnellement. 

Il m’arrive d’échanger avec Bernard Tapie, dont j’admire le comportement devant la maladie. Depuis mon AVC, je me rééduque beaucoup, encore aujourd’hui je fais 5-6 heures de rééducation par semaine. Evidemment, les progrès dans ce genre de maladie sont très lents. Mais au moins, j’espère ne pas perdre trop et continuer comme ça. Bernard Tapie m’a appris la vraie signification d’un mot apparemment banal : l’énergie. La différence entre le courage et l’énergie. 

C’est à dire ?

Courageux, on l’est tous plus ou moins. Et l’énergie, c’est autre chose. L’énergie, c’est aller au-delà de soi-même. C’est avoir un tempérament de sportif. Moi encore aujourd’hui, je fais des 500 mètres en béquilles avec mon kiné à côté qui ne me touche pas, et vous rigoleriez si je vous donnais les chiffres, c’est à peine plus de 1km à l’heure. Je fais les 500 mètres en, disons, 23 minutes. La semaine d’après si j’arrive à les faire en 22 minutes, je suis fou de joie comme un athlète qui préparerait les Jeux Olympiques, et qui gagnerait 1 dixième sur 100 m. 

Donc je tiens aussi beaucoup par l’énergie. Je me chronomètre sans arrêt, sur 10 mètres, 20 mètres je gagne 1 seconde. L’énergie, c’est d’en faire toujours un peu plus. Le courage c’est autre chose. Le courage, c’est normal le courage. 

Aujourd’hui, vous êtes toujours impliqué dans le PSG ? De quelle manière ?

Premièrement je suis un supporter du PSG ad vitam aeternam. On me proposerait 200 millions par mois, je ne pourrais jamais être dirigeant d’un autre club, quel qu’il soit. J’ai vraiment une passion profonde pour ce club. 

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Rencontre de présidents © Icon Sport

Deuxièmement, il m’arrive d’aller au Parc. 5 fois par an à peu près. J’y suis reçu merveilleusement bien, comme un ministre (sourires). Vraiment, Nasser al-Khelaïfi, Jean-Claude Blanc et toute l’équipe me réservent un accueil exceptionnel et facilitent ma venue car tout serait désormais compliqué pour aller en tribune sans aide. J’essaie de ne pas y aller pour les grands matches, je ne veux pas les emmerder car je pense qu’ils ont autre chose à faire que de s’occuper de moi les soirs de Ligue des Champions. Cela m’est égal, j’aime tout autant assister aux matches moins prestigieux. 

Et j’ai 2 occupations que le PSG m’a demandé de garder, que j’ai gardées avec plaisir. Je suis vice-président de la Fondation PSG, et président de l’AFJS (Association pour la Formation des Jeunes Sportifs de la Région Ile de France). Il s’agit du CFA Omnisports*. C’est toute la partie éducationnelle et scolaire des sportifs de haut niveau. 

Nicolas Anelka est passé par là, Mamadou Sakho, Kingsley Coman, Presnel Kimpembe aussi, qui est venu remettre les diplômes avec moi l’an dernier. Nous avons 150 apprentis actuellement, pensionnaires ou demi-pensionnaires, dont 35 jeunes footballeurs du PSG qui sont au centre de formation, pour la plupart à l’internat, avec des salles de cours et un amphi souvent utilisé par les pros, le tout au camp des Loges, juste à côté des terrains d’entraînement. Il y a aussi des basketteurs, des judokas, des rugbymen. Ceux-là sont logés à côté du Parc des Princes, dans les anciens locaux du PSG du temps de Borelli, là où se tenaient les conseils d’administrations, parfois très pittoresques, du PSG (sourires). 

Cette fonction prend du temps car le CFA est financé par la taxe d’apprentissage. Il faut trouver l’argent. Nous avons un très bon directeur général, qui était l’adjoint de Thierry Morin (ancien défenseur professionnel du PSG, puis directeur du CFA Omnisports, ndlr), qui s’appelle Jean-Marc Roudier. 

Vous parliez de l’importance, pour vous, de transmettre. C’est cette logique de transmission qui, aujourd’hui, vous anime au PSG ?

Oui. En plus, j’ai 4 enfants, et 6 petits enfants qui sont des malades du PSG. L’aîné de mes petits-enfants a 10 ans et il connaît mieux le PSG que moi (sourires). Sur l’équipe actuelle, parfois je lui dis : « Est-ce que l’entraîneur va mettre untel ? », il me répond du tac au tac : « Ah non non en cas de nouveau carton il serait suspendu, on ne peut pas prendre ce risque ». On s’appelle à chaque but du PSG, il habite Chambéry. Il a 10 ans, son frère qui a 2 ans de moins, est fana aussi. Donc ma famille et moi, nous sommes PSG, PSG, PSG. Et je m’en félicite. Et j’assume. Et je me fous de ceux qui n’aiment pas le PSG. Ils sont nombreux. Mais personne n’est parfait. 

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Avec son petit fils au Parc © Icon Sport

Comment est née votre passion pour le football ?

De façon très simple. Elle débute à l’âge de 4 ans. Mon père était président du club de football de Evreux AC, qui était en Division d’Honneur – puis CFA, et National après – (il a été président pendant 20 ans au total). Depuis tout petit, je tenais sa veste avec la main pour l’accompagner sur les terrains, je ne manquais pas un match de foot à Evreux. La pire punition par mes parents (c’est pour ça que j’ai correctement travaillé à l’école) était de me dire : « si tu as une mauvaise note là, si tu as une colle, tu n’iras pas voir jouer Evreux dimanche » (sourires).

Ensuite, quand j’ai eu 17 ans, je suis monté à Paris comme on dit, pour préparer HEC, donc 2 ans de préparation, puis HEC après. J’ai alors rencontré Bernard Brochand (au comité directeur du club depuis 1973), qui m’a mis un peu le pied à l’étrier au PSG. Jusqu’en 1987, j’étais comme on pourrait dire un « supporter privilégié » du club. J’étais proche de Borelli, Bernard Brochand, Daniel Hechter, Charles Talar. Une fois, j’ai même conduit Daniel Hechter à Evreux, en 1975, pour acheter un joueur qui s’appelait Berthaud, Dominique Berthaud, un numéro 6. Enfin, acheter est un grand mot : Daniel Hechter avait négocié sa venue pour zéro franc.

Qu’entendez-vous par « supporter privilégié » ?

Cela veut dire que tous mes amis cités plus haut étaient au PSG. Je suivais le club, mais sans être impliqué personnellement. J’avais beaucoup de boulot et puis ce n’était pas le moment. Quand je dis « supporter privilégié » c’est quand, par exemple, j’allais le dimanche matin échanger des ballons avec les pros, au camp des Loges. Avec mes enfants on se mettait sur le terrain et les pros qui avaient joué la veille étaient là, ils jouaient avec nous. On se faisait aussi des petits matches à la mort entre dirigeants. Et puis un jour on m’a demandé de rentrer (au comité directeur, ndlr) et je suis rentré (1987).

Vous n’avez pas dû rater beaucoup de matches au Parc ?

Non. Ceci dit je me souviens que je n’étais pas là le jour où ils sont montés en 1ère division (PSG-Valenciennes, 1974). Je me souviens où j’étais. J’avais probablement une grosse obligation pour mon boulot. 

Je me souviens aussi du soir de mon mariage, le 6 novembre 1976. J’étais au Parc avec ma femme pour PSG-Troyes. But vainqueur de Piasecki à la 81ème. Paris avait été mené. Et je crois me souvenir qu’il pleuvait… Et elle n’a pas demandé le divorce. 

Alain Cayzac Virage PSG
En tribune avec le regretté Charles Talar. Madame Cayzac est assise derrière son mari. © Icon Sport

J’ai été élevé dans la passion du football, à Evreux AC, devenu depuis Evreux FC 27 – dont je suis toujours président d’honneur – puis au PSG. J’ai joué au foot, à Evreux puis à Saint-Cloud, j’ai fait quelques matches en CFA même si je n’étais pas un grand footballeur. Je n’aurais pas été pro, j’étais un numéro 10 à l’ancienne « un peu » lent. Mon sport était davantage le tennis. J’y ai beaucoup plus joué qu’au foot (international junior de tennis, classé 0, ndlr). C’était mon sport de pratiquant privilégié. 

Vous avez fait HEC, vous avez mené une grande carrière dans l’univers de la pub, en cofondant notamment l’agence RSCG (Roux, Séguéla, Cayzac, Goudard). On a cette image très « pubard », les fameuses « chemises roses », dans la création du PSG, est-ce une image d’Epinal ?

Plutôt que pubards, je dirais show-biz. Et communication. Ce club a été créé par des gens du show-biz et de la com. Hechter, grand couturier par ailleurs, était dans le show-biz. Belmondo, qui a été un des fondateurs, aussi. Brochand était dans la com. Talar organisait des spectacles. Moi je suis venu, fils de pub. Denisot est un homme de médias connu et reconnu. Ce côté-là, c’est vraiment dans l’ADN du club. 

Le vrai point de départ du PSG, c’est Pierre Bellemare qui a fait une émission (Vous êtes formidables, sur Europe 1, le 1er février 1970, Pierre Bellemare lançait un appel pour relancer un grand club à Paris). D’ailleurs un jour, j’étais invité pour faire une émission d’Hanouna sur Europe 1. Il y avait Pierre Bellemare. Je lui dis : « Est-ce que vous savez, Monsieur Bellemare, que vous avez considérablement aidé à la création du club ? » Il ne s’en souvenait plus. Et en repartant, cela lui revient. Il me dit, tout sourire : « Ah oui c’est vrai, je ne m’en souvenais plus ». 

Il y a eu beaucoup de gens du spectacle. Et ce qui m’a plu, vraiment, c’est qu’au fil du temps, ce côté spectaculaire, communication – que je revendique, que je ne peux pas ne pas revendiquer – s’est parfaitement mêlé à une image plus populaire et c’est ce melting pot qui est l’ADN du club. Parfois, j’entends que l’on associe le PSG à un club « bobo ». Pour moi, ça n’a jamais été un club bobo le PSG. Un club de bourgeois ? Non. Je veux bien accepter cette image un peu m’as-tu-vu et turbulente, mais pas bobo, pas bourgeois. Un club à part, dirions-nous, « a special one ». Je prenais autant de plaisir à aller visiter les Supras dans leurs locaux de l’Est de Paris, que d’assister à un cocktail VIP au Parc des Princes.

Alain Cayzac Virage PSG
Aux côtés de Boat (à gauche) et Kalilou (à droite) des Supras © Icon Sport

Avez-vous l’impression aujourd’hui que cet héritage perdure ?

Ma réponse est indiscutablement : oui. Parfois, il y a des gens qui « s’étonnent » que je soutienne les Qataris. Je les soutiens, d’abord parce qu’ils sont très bons, et ensuite parce qu’ils ont su garder l’ADN du PSG. Jean-Claude Blanc est un grand mec de com et d’événements, Nasser Al-Khelaïfi un fin expert en stratégie et en image. Il y a toujours eu des stars qui sont venues au Parc, il y a des stars internationales qui viennent, de plus en plus, il y a des gens de banlieues, de quartiers aisés et d’autres populaires et c’est ça le PSG, c’est un tout. 

Comment avez-vous accueilli l’arrivée des Qataris au PSG, en 2011 ?

Je dirais gentiment que quand ils sont venus, je les attendais un peu au tournant. A leur arrivée, bien sûr, je leur ai conseillé comme tout supporter, de rester au Parc. J’ai eu raison, je crois. Comme j’étais un des seuls vieux de la vieille qui restait (Talar était toujours là mais il s’était un peu plus éloigné, Brochand était parti à Cannes). Parfois ils me consultaient, me posaient des questions et ils gardaient ce qu’ils voulaient. 

A titre d’exemple, je leur ai dit : « Si le PSG venait à jouer au Stade de France, je ne viendrais plus (ce qui n’aurait d’ailleurs pas changé la face du monde). Parce que ce ne serait plus le PSG ». Et le fait qu’ils aient gardé le Parc des Princes, qu’ils l’aient refait magnifiquement à l’intérieur, sous la houlette de « l’architecte » Jean-Claude Blanc, je trouve ça remarquablement intelligent. 

Je vais vous donner un autre exemple. Les dirigeants ont rapidement compris que Paris avait besoin de stars. Vous savez, Paris a toujours eu besoin de joueurs confirmés et prestigieux et de jeunes formés au club. Ils ont très vite compris. Le fait d’avoir fait venir Beckham (2013), c’est un coup de génie de marketing. Les gens me disent : « C’est de la com », comme si c’était un gros mot. Mais, il faut savoir communiquer. Avoir fait venir Beckham, Ibrahimovic, Neymar qui entame sa 5ème saison au PSG. C’est formidable. Aujourd’hui, Lionel Messi. 

Le club est incontestablement devenu une grande franchise mondiale. Grâce à beaucoup de choses mais en particulier, à ce genre d’initiatives qui dénote une bonne compréhension du club, et dans laquelle je me retrouve complètement. Des clubs qui ont une vraie image, forte, une vraie ADN, il n’y en n’a pas beaucoup. 

Alain Cayzac Virage PSG
Léo de Paris © Icon Sport

Que représente, pour vous, l’arrivée de Lionel Messi à Paris ?

La venue de Messi, magistralement gérée, est un coup de maître. Tout le monde du sport va avoir les yeux rivés sur notre club. (voir l’extraordinaire enthousiasme depuis son arrivée à Paris). C’est sportivement avant tout mais aussi économiquement et médiatiquement un événement considérable, dans la continuité de tout ce qui a été entrepris par les Qataris depuis leur arrivée pour faire gagner le club et le faire rayonner universellement. Les résultats sont déjà au rendez-vous, mais de plus belles victoires encore vont suivre.

A 20 ans, vous intégrez HEC de justesse, au 249ème rang (sur 250 admis) ? Sans HEC, pas de rencontre avec Bernard Brochand ? Et sans Bernard Brochand, pas de rapprochement avec le PSG ? Comment aurait-été votre vie sans cela ?

J’en joue un peu de ce chiffre, disons que je n’étais pas dans le haut du classement d’entrée. J’ai toujours été un littéraire dans mes études secondaires. J’étais bon en latin, en langues et en philo, et assez nul en maths et en physique. Pour intégrer HEC, j’ai fait une première année de préparation où j’ai eu une très mauvaise note en maths, puis j’ai tellement bossé ensuite que j’ai réussi à passer. J’ai donc intégré HEC de justesse mais mon grand fait d’armes en réalité est quand même d’avoir été le capitaine de l’équipe de foot d’HEC. Ma gloire à HEC, c’est le foot (sourires). 

A l’école, je rencontre la personne qui me fait rentrer au PSG (Bernard Brochand, ndlr). Le même qui me fait rencontrer mes futurs associés (Roux, Séguéla puis Goudard). Sans HEC, je n’arrive pas à imaginer qu’elle aurait été ma vie.

Avec quelques points en moins au concours d’entrée, qu’est-ce que j’aurais fait ? Depuis le secondaire, la pub m’intéressait. Est-ce que, si je n’avais pas fait HEC, j’aurais eu le loisir de faire la même carrière ? Je démarre chez Procter & Gamble, qui à l’époque ne prenait que des HEC. C’est cette école-là qui m’a donné une formation et une réputation pour intégrer la publicité après. Sans cela, mon parcours aurait été forcément différent.  

Moi, il y a 2 secteurs qui me passionnent. C’est la santé et l’éducation. Ce sont les 2 secteurs prioritaires pour moi. J’ai l’habitude de dire en plaisantant (mais pas tant que ça) que si j’étais président de la République tout puissant, je monterais les salaires des infirmières, des infirmiers et des médecins du triple, les instits et les profs aussi. Donc j’aurais peut-être été dans l’enseignement. Dans la médecine ? Comme ma sœur qui a été psychiatre ? Je n’aimais pas trop les opérations, le sang, donc je ne sais pas si j’aurais pu. 

Aurais-je supporté le PSG ? Habitant à Paris, je me dis que oui probablement, d’autant que j’ai toujours aimé les clubs et les hommes qui ont une vraie identité, qui viennent de quelque part. Comme disaient les Beatles : « On vient toujours de quelque part, nous on vient de Liverpool ». 

51 ans, c’est l’âge du PSG et ce n’est rien. Et quand on me dit : « Le PSG est en retard, il n’a pas encore gagné de Ligue des Champions ». Je dis l’inverse : « Le PSG est en avance ». 

Alain Cayzac Virage PSG
Un mercato royal © Icon Sport

Finaliste de la C1 l’an dernier, ½ finaliste cette année. Pour moi, non seulement ce n’est pas un échec, mais c’est une réussite. On est rentrés maintenant dans le cercle des grands européens. Je ne dis pas les meilleurs d’Europe, mais dans les 4-5-6 équipes qui comptent. C’est quelque chose d’énorme. Et c’est cette dernière année que l’on a consolidé notre statut. Nous sommes rentrés dans la cour des grands, Leo a réussi à intéresser les Donnarumma, Wijnaldum, Akimi, Sergio Ramos, Lionel Messi. Les Qataris ne sont là que depuis 2011. Ne l’oublions pas.

L’évolution du PSG, l’observez-vous uniquement sous le prisme du supporter, ou est-ce que vous vous l’attribuez, ne serait-ce qu’un tout petit peu, de par vos années d’implication dans le club ?

(Silence) J’y ai peut-être une part, une toute petite part, mais beaucoup d’autres ont une part. Borelli a une grosse part, Hechter aussi, et quelques autres, sans oublier les grands joueurs du départ qu’ont été Dogliani, Dahleb, Sušić, etc. Sans oublier non plus les supporters. 

En tout cas, j’ai été fier de participer à cette aventure. A quel pourcentage ? Peu importe. J’ai géré beaucoup de marques dans mon métier (la publicité) et le fait pour le PSG d’être passé d’une PME parisienne en 1970 – il n’y a rien de péjoratif quand je dis ça, c’était une petite entreprise qui jouait à Saint-Germain – à une grande franchise mondiale, c’est un grand succès de gestion, de développement et de préservation de marque. 

J’ai l’impression d’y contribuer, pas seul bien sûr, et modestement. Cette ADN communication-show-biz-peuple de Paris et des banlieues, cette cohabitation des différences, je ne dis pas que c’est de mon fait – pas du tout – mais je veux dire que, c’est tellement dans ma nature, qu’il y a une adéquation profonde entre ce qu’est le PSG et ce que je suis. 

J’ai souvent dit, au moment des élections : « On ferait un sondage au Parc, on aurait un échantillon représentatif de la population ». Des bourgeois, des mecs de droite, des mecs de gauche, des bobos, des pas bobos, une grande diversité de profils. Donc moi, cette religion des différences, c’est aussi mon credo ça. 

Alain Cayzac Virage PSG
Le Parc, la religion des différences © Icon Sport

Comment vivez-vous un match du PSG ?

Je ne peux plus venir au Parc autant qu’avant, mais je ne rate aucun match à la tv. Lors des matches du PSG, je ne dis pas un mot. Et je veux que personne ne parle autour de moi. Des copains très gentils me disent : « Tiens, on peut regarder le match avec toi ? » Je dis non (sourires). Je veux bien que ma femme soit là car je sais qu’elle ne me parlera pas. Mes fils, aussi, car je sais qu’ils sont pareils. Je déteste qu’on commente pendant les matches et que l’on dise : « Mais il est nul, pourquoi il n’a pas vu machin, et tout, et tout ». Moi c’est le silence. Je n’exprime rien, je ressens tout à l’intérieur, ce qui est encore plus épuisant. 

Une défaite, je vais la vivre comme une réelle souffrance. Quand j’étais président, quand Nice arrivait à marquer à 5 minutes de la fin (2008) et que cela risquait de nous envoyer en 2è division, c’était une grande douleur. C’était presque physique. 

*Le Centre de Formation d’Apprentis Omnisports Ile-de-France est une école qui a été fondée en juillet 1994 à l’initiative du Paris Saint-Germain, avec 2 objectifs : permettre à des jeunes disposant d’un fort potentiel sportif de pratiquer leur sport au plus haut niveau, et de leur assurer une formation les préparant à un métier dans le secteur sportif. 


Emilie Pilet
Xavier Chevalier

Hervé Virage PSG

Hervé

No Récent lauréat des Victoires de la Musique dans la catégorie Révélation Masculine, fan de la culture musicale britannique et particulièrement du Manchester des années 90, amoureux de ballon. Un CV irréprochable d’autant que le bonhomme est supporter de Paname depuis son plus jeune âge. Il aurait même tripoté la baballe au Camp des Loges
à l’époque où le foot occupait toutes ses pensées.
Bref Hervé est un artiste parfaitement recommandable. Voici son interview.

Dans ta bio on peut lire : « Originaire d’une ville dortoir coincée entre Versailles et Trappes, Hervé a longtemps grandi à l’ombre de l’ennui ». La banlieue, terreau des fans du PSG selon-toi ?

Pour moi c’est le terreau du football et particulièrement du PSG. Le niveau de football en île de France et l’implication des jeunes dans le foot sont monumentaux à l’échelle mondiale, toute proportion gardée. Tu peux retrouver ça au brésil, au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou en Algérie dans certaines villes. C’est très très très foot. Limite t’es bizarre quand tu fais pas de foot (rires). J’ai grandi avec ces modèles de développement qui passaient par la réussite dans le sport de haut niveau et dans l’art. Même si ça peut paraitre un peu cliché de l’extérieur, en réalité ce raisonnement est parfaitement sain. Bizarrement on nous parlait peu de réussite scolaire bien que 99% des jeunes ne deviennent pas sportifs ou comédiens. On avait des modèles très forts autour de nous, surtout à Trappes avec Nico Anelka, Jamel, Omar Sy, Issa Doumbia, Alban Ivanov. Du côté de Versailles il y avait les groupes Phoenix, Air, les Daft Punk on pensait même qu’ils venaient de là-bas. Les Phoenix en parlent très bien, quand ils évoquent le tunnel de Saint-Cloud. C’est là qu’ils ont eu les images du « Love Like A Sunset Part. I et II » dans l’album « Wolfang Amadeus Phoenix ». Si tu passes par ce tunnel, t’es obligé de passer devant le Parc. Le Parc fait partie de nous. J’ai d’ailleurs appelé mon premier album « Mélancolie FC » aussi pour ça. Car on se cherchait tous un peu mais on jouait tous au foot ! Tout le monde a ensuite eu différentes trajectoires. Certains ont joué dans la B du PSG, à l’ACBB, voir même en pros. Mais on a tous fait notre trou.

Tu as une affection pour la banlieue ? Ce côté parisien mais pas vraiment.

Je ne serai jamais vraiment un parisien. Déjà il y avait un bon 50 minutes pour venir à Paris de chez moi. Les trains s’arrêtaient de circuler à 23H20. Et ils repartaient à 6H00 du matin le lendemain. C’était toute une gamberge pour rentrer de soirée quand on était jeunes. Tu prenais le Noctilien N145 à Châtelet, tu mettais une heure et demi pour rentrer chez toi. Et puis Paris c’est pas la même ambiance, notamment en musique et dans le style. C’est un peu la différence entre les Rolling Stones et les Beatles. Par exemple, moi je repasse 15 fois mon pantalon avant de monter sur scène (rires). Quand on arrivait en soirée, ce qui nous surprenait le plus c’est qu’il y avait plein de meufs, des sons qu’on ne connaissait pas, des looks détendus, des substances, c’était vraiment un autre monde. Il y avait quelque chose d’élégant et de fascinant. Alors que le Parc des Princes, et surtout le Camp des Loges, là, c’était vraiment chez nous, c’était notre culture. J’ai d’ailleurs joué 5-6 fois au Camp contre la B du PSG. 

Pour toi le PSG, c’est donc un club de banlieusard ?

Evidemment. Regarde, j’ai arrêté le sport en arrivant à Paris. Là où j’ai grandi en banlieue, il y avait 8 terrains de foot pour tout le monde, pour le club, du stabilisé, du synthétique, de l’herbe, un terrain d’honneur… Il y avait plein d’endroits pour pratiquer. A Paris c’est plus compliqué. Il y a un vrai rapport au sport en province et en banlieue car il y a un rapport au temps différent. La bio parle de l’ennui, mais c’est du bel ennui. Tu cogites mais tu as beaucoup de temps. 

Comment nait cette passion pour le PSG ?

C’est mon club quoi. Et puis le Parc, c’est le premier stade professionnel où je suis allé. C’était un PSG-Nantes vers 2002. J’étais tout en haut en tribune centrale avec le club de ma ville. C’était la sortie annuelle. Et pffff… la grosse claque. Je ne sais pas si c’est l’âge ou si c’est parce que le Parc était différent à l’époque, mais il y avait quelque chose de fascinant, et en même temps une adrénaline très forte. Ça faisait un peu flipper même. C’était un chaudron. Ça jouait le haut de tableau même ce n’était pas incroyable non plus. Mais quand tu voyais les deux virages se répondre, j’en ai encore des frissons aujourd’hui. C’était entre l’admiration et le mythe. Un peu le danger. Tu avais le KOP avec un école très anglaise, et le Virage Auteuil plus italien. C’était un truc de dingue. 

Hervé Virage PSG
PSG-NANTES décembre 2002 © Icon Sport

Il y a un match qui t’a marqué au PSG ?

Je n’y étais pas mais c’est Galatasaray. Ce qui m’a choqué de ouf quand je suis venu la première fois au Parc, c’est le fait que le parcage visiteur soit collé au Virage Auteuil, mais séparé par ce grand filet. Cette proximité et cette ardeur m’avait marquées. Et sur ce match-là, certes ce n’est pas ce qu’il ya de plus beau dans le football, mais les clubs turcs c’est toujours quelque-chose à vivre quand même.

Tu as été un supporter assidu ?

En fait vers les 17 ans j’ai fait une overdose de foot. J’ai tout coupé pour me mettre à fond dans la musique. Puis j’ai passé du temps en Angleterre et j’ai refait le pont avec le football. J’ai recommencé à mater des matches. Ça correspond au moment où Zlatan arrive à Paris. (Ndlr : 2012). Et j’ai un de mes meilleurs potes, Jo, avec qui j’allais au Parc avant, qui me remet dedans. Sa mère l’emmenait toujours au Parc. Je me souviens de l’attendre au square et de debriefer chaque match à son retour.

Tu as pu être fan d’un joueur du PSG comme fan d’un artiste ?

Non, c’est deux choses différentes. Tu parcours la vie d’un artiste à travers ses disques, ses productions. Par exemple Quincy Jones, quand il fait la direction artistique d’« Off the Wall » de Michael Jackson, il a 54 ans. Il fait un album de Numéros 1 pour la jeune génération. Tu vois ce que je veux dire. Il y a ce truc dans le foot où il y a un début et une fin très rapprochée. J’en parle jamais mais j’ai un peu la même sensation avec la musique. J’ai aujourd’hui la trentaine et j’ai l’impression qu’il ne me reste que 5 ans… Après je serai cramé (rires). Alors qu’il y a plein de disques que j’aime qui ont été écrits par des artistes confirmés. On peut faire des classiques à 40 ou 50 ans dans la musique. 

Le Parc des Princes est-elle une enceinte qui t’inspire ?

De fou. Après le Parc c’est quelque chose d’ultra puissant pour moi. J’ai des souvenirs quand j’étais avec ma mère en voiture, on passait à côté. C’était mythique. En fait je ne sais pas si j’oserai faire quelque-chose dans ce stade. Il y a ce truc de « je ne mérite pas le Parc ». 

Même si on te propose de faire un clip avec des supporters, des fumis ?

Ah la la, ce serait incroyable. Mais il faudrait que j’ai un titre ou un concept qui va avec. Que les supporters aient envie. Il faut que j’y réfléchisse…

Quelle serait ta définition du supporter parisien ?

Profondément urbain. Pas dans le sens où on l’entend aujourd’hui quand on parle de musique, car je ne supporte pas ce terme. Et puis passionné, romantique même. Il y a un attachement aux joueurs, aux personnalités qui ont marqué le club. Il y a des joueurs qui sont restés longtemps, qui ont fini leur carrière à Paris. Et puis le parisien est loyal. C’est l’impression que j’ai. 

Hervé Virage PSG
© Romain Sellier

Est-ce que ces supporters ont le profil pour être des fans d’Hervé également ?

Tu sais quoi, j’ai été interviewé pour les programmes de match du PSG il y a peu. Je me suis demandé ce que les supporters en avaient pensé. Répondre à cette question n’est pas facile, mais je pense que si ils me voient sur scène, ils vont comprendre. Même si ça parait prétentieux de dire ça. Entre l’énergie du stade et l’énergie scénique, il y a un truc qu’ils capteraient. 

Dans un de tes derniers titres (Ndlr : « Monde meilleur »), tu as fait chanter une chorale de fans via Instagram. Le même concept avec des ultras t’intéresserait ? En habillant un chant parisien ?

Oui ce serait magnifique. Je le dis souvent, moi qui ait une hyper sensibilité au son, à la musique depuis tout petit, je considère que le stade reste au dessus. La ferveur sera toujours au dessus. Compte tenu du contexte avec le covid, je me rends compte que le stade me manque vraiment. Bien-sur j’ai trop envie d’aller sur scène, d’aller voir mes potes jouer en live, mais j’ai besoin d’aller au stade, au Parc. J’ai besoin de revoir du sport en vrai. T’as pas de religion, pas de sexe, pas de classe sociale, pas d’âge. J’enfonce une porte ouverte, mais quand il y a but, il y a but. Ça c’est incroyable, quelque soit le sport. C’est zinzin comme truc. 

Tu as été élu révélation masculine des Victoires de la Musique 2021. L’impression d’être un jeune du centre de formation qui passe titulaire ?

(Rires) A mort ! Le public a porté l’album pendant un an mais c’est tout le métier qui quelque part a validé mon intention, m’a validé aussi techniquement car je produis tout moi-même. J’écris, je compose, j’enregistre. C’était une reconnaissance pour mon petit savoir-faire. Ça comptait beaucoup pour moi. C’était énorme, je ne m’y attendais pas du tout. J’étais en face d’Hatik qui avait fait une grosse année, avec la série « Validé ». Il était disque d’Or. On en a d’ailleurs tous les deux parlé ensemble une semaine avant les Victoires. Il vient d’à côté de chez moi, de Guyancourt. On avait des connaissances en commun. Je trouvais ça légitime que ce soit lui qui gagne, donc quand j’ai appris que c’était moi, woaaa… Je me suis dis : « ok je la prends mais pour le travail d ‘équipe ». Pour l’effort je la prends. Pour tous les gens qui m’ont aidé en plein Covid. C’était un vrai délire. 

Tu as joué récemment au Stade de France, raconte-nous cette expérience unique.

Ça vient d’une idée originale des deux réalisateurs avec qui je travaille. Au moment de « Mélancolie FC », j’avais envie de faire une session live dans un stade de Province abandonné. En mode « Coup de tête ». Dans un univers à la Patrick Dewaere. Et puis un jour un des deux réals me dit que le Stade de France est OK pour nous accueillir. On fait une journée de repérage, on visite toute l’installation. L’expérience le jour J était incroyable. D’un côté ça vaccinait, de l’autre on jouait dans un stade vide. Ce qui m’a fait plaisir au delà de tout ça, c’était de rencontrer toutes les personnes qui travaillent à l’année au SDF. Les jardiniers, les techniciens. Ils m’ont emmener partout. Je n’oublierai jamais de ma vie ce moment en tout cas. De me retrouver au milieu du terrain, sur la pelouse, de regarder cet énorme stade. Et pourtant le terrain ne fait pas si grand que ça quand tu es dessus. Et puis jouer ma musique là-bas en live, tu ne réalises pas, c’est trop gros. 

On sent les influences de Manchester dans ta musique, tes sonorités et ton imagerie épurée. City tu l’as vécu comment, une fatalité ?

On a le droit de parler des Tweets de Liam Gallagher (Rires) ? Il n’y avait rien à dire sur ces deux rencontres. C’est le foot. Pour parler plus de Manchester dans le fond, je trouve ça trop beau ce qui existe là-bas entre le foot et la musique. J’étais passé complètement à côté quand j’étais jeune. Etant originaire de banlieue, écoutant du rap, supportant le PSG, je n’avais aucune idée de ce qui se passait de l’autre côté de la Manche. C’est quand j’ai été là-bas faire de la musique que j’ai compris. En studio, tu as un PC en streaming qui tourne sur les matches… Et puis les bars, les stades, les matches du matin et du midi, tu arrives au Pub tôt, c’est génial. C’est très stimulant.

Manchester toujours, Tu as rencontré Eric Cantona, une de tes idoles, comment s’est passée cette entrevue ?

J’avais utilisé ses textes pour une reprise de « Cosmic Dancer » de T-Rex dans Boomerang, l’émission d’Augustin Trapenard. On lui avait envoyé la démo car je voulais qu’il me la valide. Il avait trop kiffé. Et sa femme avait fait un disque à l’époque. Donc ils étaient très connectés avec le monde de la musique. On s’est ensuite retrouvé en studio pour une session avec Bernard Lavilliers. Je devais y participer avec Izia, Gaetan Roussel et lui. Et là on s’est rencontré. Enorme gars. Il connaissait mon travail. Il avait écouté. Il kiffait. J’étais touché. Et puis l’humilité. Le charisme. Il se tient très droit. On le connait, mais dans la vie ça fait bizarre de voir quelqu’un qui se tient comme ça. On a parlé de l’Hacienda à Manchester (Ndlr : Boîte de nuit mythique de l’époque « Madchester » des années 80/90), de musique, des frères Gallagher, du clip qu’il avait fait avec Liam. On a parlé du foot, de l’Algérie, car j’y ai passé un peu de temps et sa femme est algérienne (Ndlr : l’actrice Rachida Brakni.). Et il m’a dit qu’il m’avait vu aux Victoires, qu’il avait adoré… J’étais comme un fou, j’ai demandé ma photo. Validé par Canto quoi ! Un mec en or. Il est pudique mais dans ses engagements c’est toujours fort socialement et pertinent.

Crois-tu que le football peut devenir à la fois sexy et grand public en France sans se couper de la base populaire ?

Je n’ai rien contre le fait que le stade soit aujourd’hui ouvert à autre chose que des supporters purs et durs mais je trouve dommage de vouloir éliminer les ultras des stades. OK parfois c’est limite, mais c’est aussi ça qui est beau. Toutes ces animations. Si tu commences à mettre « du liège » dans tous les coins, ce n’est plus trop intéressant. Il faut faire attention à ce que le stade ne devienne pas un truc uniquement pour touristes. Ça doit être accessible à tout le monde. En France on a encore du mal à considérer le foot comme un sport incroyable et à ne pas dénigrer les supporters. Comme si c’était des idiots. Des exemples comme Canto, médiatiquement bien considérés, qui sont capables de réconcilier le sport et la culture, c’est vrai qu’il y en a peu. Il faut aussi que le prix des places soient aussi adaptés et qu’on continue à emmener des jeunes de l’île de France au Parc. C’est ultra important. 

Ton avis sur ce qui s’est passé au niveau européen avec la Super League. Cette révolte côté supporters, ça t’a parlé ?

Bien sur, c’était interdit de faire ça. Même en coupe d’Europe tu dois avoir de belles histoires. C’est l’intérêt d’une coupe. En son essence cette coupe est déjà très sélective alors elle se suffit en soit. Je pense à Leicester qui gagne le titre de Premier League il y quelques années (Ndlr : En 2016). Ils ont fait un exploit et ils méritaient de participer à la phase de groupe de C1. Le truc du Super Foot, c’est comme les Super Stades, c’est pas mon truc même si je trouve logique l’argent qu’il y a dans le football. Ça ne m’a jamais paru bizarre qu’un joueur prenne 30 millions. Ces mecs remplissent des stades. Quand tu vois le Stade Bollaert à Lens et que tu vois la ferveur que ça engendre, tu peux comprendre. Le stade a une capacité plus grande que le nombre d’habitants dans la ville ! C’est un des sports le plus regardé au monde. On ne devrait même pas parler d’argent quand on évoque un grand joueur. 

Tes projets pour le futur ?

La Cigale le 14 juin, une tournée d’été et l’Olympia le 25 octobre. J’ai aussi le clip du remix de « Monde Meilleur » qui est divulgué aujourd’hui. Je vais continuer à défendre l’album et ce single durant cet été. Et puis retourner au stade le plus vite possible (rires).




Xavier Chevalier

Jay Jay Okocha Virage PSG

#ASK Jay-Jay Okocha

Vous lui avez posé vos questions via Internet et les réseaux sociaux,
Jay-Jay Okocha
y répond. Un grand merci à lui.

Bonjour Jay-Jay, quel est votre plus beau but avec Paris ?
Le numéro 1, je dirais celui que je marque à Bordeaux, pour mon 1er match. J’étais sur le banc, je n’avais pas fini ma préparation à cause de la Coupe du monde. Il reste un quart d’heure je crois, le coach (Alain Giresse) me fait entrer et je marque ce but (08.08.1998). Je savais que je pouvais avoir une grosse frappe. Je rentre sur le terrain (75’), je reçois la balle, je me sens bien, je dribble, et quand je vois cette opportunité, je décide de tenter ma chance (77’, des 25 mètres, ndlr). Je suis le ballon des yeux, je vois que le gardien est battu. Ce soir-là reste spécial pour moi. J’avais envie de bien faire, et de bien me présenter.

Quel est le top 3 de vos buts avec le PSG ?
En 2è je me rappelle d’un autre but face à Bordeaux, au Parc des Princes. Je marque depuis un angle difficile, sur un côté (le long de la ligne de touche, ndlr), je reprends la balle en demi-volée et elle finit dans le but. C’est un bon souvenir. Et cette fois, on a gagné (12.09.1999). En numéro 3, c’est plus difficile de se souvenir. (Il réfléchit). Je crois que c’est à Metz, je mets un but sur une passe de Lionel Létizi (frappe des 30 mètres, 9.12.2001, ndlr)

A quel âge avez-vous créé vos feintes et vos dribbles si uniques ?
Je pense quand j’étais jeune dans la rue, car il n’y avait pas de restriction. On tentait, on essayait. Tout était possible avec un ballon. C’est la liberté. Mes dribbles, je les fais depuis que je suis tout petit, vraiment petit. Tu veux juste t’amuser, tu tentes des gestes, tu essaies. Mais la 1ère fois que j’ai réussi à le faire lors d’un match, j’avais 20 ans. C’était en Allemagne, je jouais à Francfort. Face au Bayern Munich. Je rêvais, j’espérais pouvoir reproduire ces dribbles lors de matches officiels et la 1ère fois est arrivée ce jour-là.

Quel sentiment éprouvez-vous lorsque que cela vous réussit ?
C’est toujours un bon feeling quand tu créées quelque chose. Je me sens heureux. Il y a une forme de liberté, de joie. Faire plaisir aux gens, c’est un bon sentiment. Le foot pour moi c’est ça. Le football, c’est d’abord s’amuser, donner du plaisir. Pour moi, c’est plus facile de le faire en match. Tu rencontres différentes équipes, adversaires, contrairement à tes coéquipiers qui te voient tous les jours (sourires). Je travaillais à l’entraînement mais j’ai toujours préféré m’exprimer lors des matches.

En Ligue 1, quel était l’adversaire le plus coriace (club / joueur) ?
Honnêtement, c’est difficile pour moi à dire car j’ai toujours cru avant tout dans mon habileté. Je me suis toujours focalisé sur mon jeu, mon match. Je ne fais pas attention au reste.

Etes-vous surpris de voir votre ancien coéquipier Mauricio Pochettino (2001-2002) entraîner le PSG ?
Non. J’ai de très très bons souvenirs de Mauricio comme coéquipier. Quand il est arrivé dans le vestiaire, il a tout de suite montré des signes de leader. C’était naturel. Il essayait de mettre les gens dans le bon “mood“. Il avait ces qualités de leadership, il était simplement fait pour devenir un entraîneur.

Avez-vous un souvenir particulier, une anecdote autour d’un PSG-OM ?
Je ne peux pas répondre un match. Ce que je veux dire, c’est que dans ces matches-là, ce qui m’a le plus marqué, ce sont les supporters, l’atmosphère au Parc. C’était différent de tout le reste. La préparation, tout le monde qui parlait avant le match. La pression tout le temps. J’ai un souvenir intact, même si j’ai plus perdu que gagné face à l’OM.

Jay Jay Okocha Virage PSG
© Icon Sport

Comment étaient vos relations avec les supporters ? Avec le recul, changeriez-vous des choses ?
J’avais une très bonne relation. J’ai ressenti leur soutien dès que je suis arrivé. Ca te pousse à donner toujours le meilleur de toi-même. Ce que j’aimerais changer ? C’est gagner ensemble un trophée.

Que ressentez-vous après avoir réalisé l’un des gestes dont vous avez le secret ?
Je me sens comme “satisfait“ car c’est comme une validation que tu as fait un bon travail. Aussi la satisfaction de voir la réaction des supporters.

Ce sentiment vous manque-t-il ? Avez-vous ressenti des émotions similaires depuis l’arrêt de votre carrière (2008) ?
Aujourd’hui, je ne peux pas dire que ça me manque. Si cela a été plus facile pour moi de m’adapter, c’est qu’avant d’arrêter, j’avais déjà commencé à m’investir dans le business. Mais ce qui manque le plus, c’est le vestiaire.

Vous souvenez-vous d’un Nantes-PSG gagné 4-0 en infériorité numérique  ?
Oui, je m’en souviens. On joue à 10 pendant la moitié du match et je crois que dans ces moments on a encore plus envie de montrer sa solidarité. Pierre Ducrocq a eu un carton rouge. On s’est battus pour lui (Nantes 0-4 PSG, 03.10.1999).

Et votre feinte préférée face à Konjic ?
Oui. C’était face à Monaco au Parc des Princes (PSG 1-0 Monaco, 20.09.1998)

Quel est le meilleur sentiment intérieur pour vous : marquer ou dribbler ?
Je préfère marquer.

Quel était votre meilleur poste ? 10 ? 8 ?
Sans hésiter, j’ai toujours préféré jouer en 10. Je jouais parfois en 8 cela dépendait surtout de l’adversaire, pour s’adapter.

Qui sont vos numéros 10 favoris ?
Pour moi le meilleur c’est Maradona. Je dis ça car je l’ai vu jouer. Certains vont dire Pelé mais moi je ne l’ai pas vu jouer.

En dehors du foot, qu’aimiez-vous faire à Paris ?
J’aimais faire du shopping et aussi la cuisine française. J’aime beaucoup la cuisine française. Je me rappelle, la 1ère fois que je suis allé dans un restaurant à Paris, j’ai goûté du foie gras. C’était la 1ère fois, j’ai découvert et j’ai aimé.

Quel est votre Top 3 des joueurs avec qui vous avez joué ?
C’est très difficile cette question… Il y a trop de joueurs… Je dirais Ronaldinho, Youri Djorkaeff et Kanu.

Comment était votre relation avec Ronaldinho ? Etes-vous toujours en contact ?
Oui. On est restés amis. Jouer avec lui est l’une des choses les plus fantastiques qui me soit arrivée dans ma carrière. On s’est tout de suite compris. On a un peu le même “background“, le même chemin. J’ai commencé le football dans la rue. Lui aussi. On s’est bien entendus. On a la même vision du football, de la vie. J’aurais aimé jouer plus longtemps avec lui.

Jay Jay Okocha Virage PSG
© Panoramic

Pourquoi avez-vous quitté Paris ? Le regrettez-vous ?
Je voulais rester. Luis Fernandez était là et c’était compliqué pour moi. Il est arrivé avec ses idées, ses joueurs. C’était devenu difficile pour moi. Je suis parti en Angleterre.

Aviez-vous un modèle, une source d’inspiration ?
Mon frère aîné, Emmanuel. Il a aussi été footballeur. Il a joué pour le Nigéria. Mon modèle, c’est lui.

Si vous n’aviez pas été footballeur, qu’auriez-vous fait ?
Je ne sais pas, pour être honnête (sourires). Peut-être dans le business. Je ne me suis jamais posé cette question. Le football allait être une partie centrale dans ma vie. Je n’ai jamais pensé faire autre chose. Mon père était footballeur.

Jouez-vous encore au foot ?
Oui. Le football, c’est toute ma vie (sourires). Chez moi au Nigéria je joue pour le plaisir. J’aime aussi participer à des matches à vocation caritative.

Que vous inspire un joueur comme Neymar ?
C’est un joueur de classe mondiale. Tout ce qu’il fait, on dirait que c’est facile… Je l’aime beaucoup.

Si vous avez le choix, vous jouez avec “votre“ PSG des années 2000 (1998-2002) ou celui d’aujourd’hui ?
Je m’excuse auprès de mes anciens coéquipiers (sourires) mais ma réponse est dans l’équipe actuelle. Cela veut dire aussi que j’aurais soulevé des trophées avec Paris. Ne rien avoir gagné avec ce club est l’un de mes grands regrets.

Message pour les supporters : Merci à vous les supporters pour l’amour que vous m’avez donné et que vous me montrez encore aujourd’hui. Merci pour m’avoir si bien accueilli et « Ici c’est Paris ! » (en français)

Jay Jay Okocha Virage PSG
© Panoramic


Emilie Pilet

Wissam CUP Virage PSG

Wissam

Il fait partie des figures du Virage Auteuil, et ce depuis le début des années 90. Membre actif du bureau du C.U.P, il assume aujourd’hui son passé sulfureux,
qui l’a amené des Dragon’s, aux Karsud en passant par les Tigris Mystic.
Il se confie dans Virage avec sincérité sur ses 30 ans de tribunes et de rue.

Depuis quand es-tu supporter du PSG et pourquoi ?

Je suis supporter depuis le début des années 90. J’avais 7 ou 8 ans. J’ai grandi dans le 94 à L’Hay-les-Roses après mon arrivée en France en 1985. Je jouais au foot, j’étais gardien de but. A cette époque-là, la référence c’était Joël Bats. Qui dit fan de Joël Bats, dit fan du PSG, donc ce fut automatique. De toute façon il n’y avait pas 50 Top gardiens en France. J’aimais le charisme de Bats, sa dégaine… Tout.

Ton premier match au Parc, c’est quand ?

Le 18 avril 1992. C’était un PSG-Saint Etienne. Je saoulais mon oncle, il n’en pouvait plus. Lui était fan de Monaco. Et un jour il me dit « Allez, je t’emmène toi et ton frère au Parc des Princes ». On y a été avec d’autres gars du quartier. Et là, Bam, grosse claque dans la gueule. J’avais 10 piges. J’arrive dans la tribune Auteuil en bleu. On a essayé de rentrer dans le bloc Supras, mais c’était impossible, blindé de chez blindé. On se retrouve au dessus de la bâche Lutece Falco et Incorrigibles Gaulois. Je pensais venir regarder Joël mais en fait j’ai passé 80% de mon temps à regarder à gauche, à droite, les capos qui s’agitaient, et le soir en rentrant avec mon frère et nos potes on se dit que c’est trop kiffant et qu’il faut qu’on y retourne. J’ai donc encore saoulé mon oncle. Je suis retourné au Parc pour la dernière de Joël Bats. C’était un PSG-Nantes (Ndlr : 1er mai 1992). Il y avait un gros tifo Batsman chez les Lutece, « Joël à jamais dans nos coeurs » chez les Boulogne Boys, des « Joël, Joël » tout le match… Et là je me dis que l’année prochaine, il fallait que je me mette dedans. L’année d’après donc, j’y suis allé avec mon frère qui était un peu plus grand que moi, et puis il y avait l’effet de groupe car on était 7-8 du même quartier. Nos parents respectifs se disaient que ça allait bien se passer vu qu’on était ensemble. La saison 1992-1993, on a fait tous les matches au Parc. On n’était pas abonnés. On permutait entre la Bleu et la Rouge à Auteuil. Quand on était en rouge on essayait de trouver des esquives pour aller en bleu car en rouge c’était mort. Mais fin 1993 deux groupes apparaissent en rouge : Les Dragon’s et les Tigris Mystic. On décide donc de rester en rouge. C’est à partir de là qu’on commence à prendre contact avec des leaders et c’est le début de notre rentrée dans le mouvement ultra.

Wissam CUP Virage PSG
Wissam (à gauche), début des années 90 © Collection personelle

Tu t’intéressais déjà au mouvement ? Car tu étais très jeune ?

Oui j’étais jeune et puis surtout c’était difficile d’avoir des infos. Il n’y avait pas internet. La seule façon d’apprendre c’était d’être proche des leaders et des noyaux durs. On n’était pas plus d’une vingtaine chez les Dragon’s ou les Tigris. Mais il y avait une connexion qui s’était faite. Ça a bien pris. Le mouvement ultra n’était pas encore à son apogée. Déjà le terme ultra à Paris n’était pas trop utilisé car ça faisait trop référence au CU84 de Marseille (Ndlr : Commando Ultra 84). On parlait plus de supporterisme.

Tu t’es carté chez les Dragon’s ?

Oui dès la première saison jusqu’à la fusion avec les Tigris. Mais c’est vrai qu’entre 1993 et 1997 j’avais envie d’aller voir ce qui se passait en face à Boulogne. Je voulais faire un match. J’en ai fait un et puis c’est tout. Quand je suis arrivé ce n’était pas très accueillant. Je n’avais pas mes repères et ce n’était pas l’ambiance à laquelle je m’attendais malgré un bon bloc BB85. Je suis retourné à Auteuil. Un des leaders d’Auteuil m’a dit : « Tu voulais voir, tu as vu ».

Tu as commencé à faire des déplacements ?

Mon premier c’était un Nantes-PSG. C’était en 1995 (Ndlr : 4 aout 1995). Pascal Nouma rentre, marque et prend un carton rouge. On gagne 2-1. Ce match m’avait marqué car les Karsud ou des indéps de Boulogne sont tous arrivés au stade avec un bob Perrier vert sur la tête et avec un message « Canaris à la sauce parisienne ». Je me rappelle aussi qu’il y a eu un orage et qu’on a fini torse nu dans le parcage. En 1996 j’ai fait le déplacement à Bruxelles pour la finale de Coupe des Coupes (Ndlr : 8 mai 1996). Ma pauvre mère n’en a pas dormi jusqu’à ce qu’on rentre à 6 heures du matin. J’avais 14 ans. « Le petit il est allé voir un match de foot à Bruxelles… ». On était parti en car de l’hippodrome d’Auteuil. Il y avait des cars de tous les groupes. C’était fou, c’était le feu. En plus, on revient avec la victoire…

Pascal Nouma met la pression au jeune Claude Makélélé à Nantes en 1995 © Icon Sport

Tu t’étais un peu renseigné sur ce qui se passait en Italie ou en Angleterre concernant le mouvement ultra ?

C’est surtout à partir de 1997 que je commence à m’y intéresser vraiment avec la fusion des Tigris et des Dragon’s. J’ai rencontré des personnes qui m’ont inculqué la culture et la mentalité ultra. Parmi eux Nico Chef des Tigris, Stéphane, Chouchou, Brice l’ancien, Alexmoche, Panagoal, Romain des Tigris. On était un petit groupe d’une quinzaine de jeunes à se former. De mon côté je ne suis pas resté qu’à Paris. Je suis parti à l’étranger car j’avais soif de cette culture. Il y a eu la case Italie qui était incontournable à l’époque. Mon petit coup de coeur c’était le Milan AC. Il fallait que je vois la Fossa dei Leoni, la Brigate Rossonere (Ndlr : groupes ultras du Milan AC). Un mec de Boulogne qui était proche du Milan Club Paris m’a dit qu’on pouvait avoir des places pour Milan-Inter. On a pris le train pour Milan. On débarque là bas et j’y reste deux jours. C’était l’époque où le Milan mettait des tartes à l’Inter. La journée se passe très bien. (Ndlr : 23 novembre 2002 – Victoire du Milan 1-0). A 11H00 du matin on décide d’aller à San Siro. On sort du métro et ça commençait déjà à chanter. On arrive à Curva Sud et là, Barbecue, grosse ambiance. Impressionnant. Un des responsables du Milan Club Paris connaissait des ultras italiens. C’était juste après le match PSG-Brescia (Ndlr : 7 aout 2001). Et comme Brescia et Milan étaient jumelés côté supporters, il ne voulait pas qu’on parle de PSG-Brescia. Il ne pouvait pas accueillir un mec qui avait volé la bâche de Brescia.

En plus j’avais été complètement impliqué dedans (rires). Donc on leur dit que j’étais dans la tribune en face. Les mecs de Milan sont un peu sceptiques, mais viennent nous parler. Ils m’offrent une écharpe, un bonnet. Et ils me font rentrer dans la Curva. Bim ! Grosse claque dans la gueule. L’ambiance. Ce que j’ai aimé c’est qu’il y avait une hiérarchie. Comme à Gênes ou à la Fiorentina où j’ai aussi été. T’as les vieux devant, les jeunes derrière, et les moins impliqués encore derrière. Mais tout le monde chante. Les mecs lâchent pas de tout le match. C’était ouf. Je remets ça pour Milan-Juve, pour Gênes-Napoli. Ce dernier il s’est fait à l’arrache. On était quelques Lutece, Tigris et Karsud en vacances dans le sud de la France. On a regardé le calendrier et on s’est décidé à y aller. Gênes et Naples étaient jumelés. On s’est dit que pour une fois ce serait un match sans tension. Les mecs de la Fossa Dei Grifoni nous regardent, captent qu’on était français. Ils nous demandent si on vient de Nice. On leur dit qu’on est Paris et ils nous parlent de Toulon avec qui on été jumelés et nous disent qu’il y avait des toulonnais pas loin. On a retrouvé des mecs des IRD93 (Ndlr : groupe de Toulon) pour le match.

Wissam CUP Virage PSG
Mikel Arteta résiste à Luca Toni de Brescia en 2001 © Icon Sport

Tu t’es servi de cette expérience à ton retour à Paris ?

Les Tigris ont été des précurseurs dans le domaine. Sur l’organisation et la logistique. Ils ont été le premier groupe financièrement autonome vis à vis du club. Ils avaient d’ailleurs une bâche marquée « Groupe autonome ». Tu ne pouvais pas te revendiquer ultra et être subventionné par le club. Les Tigris ont aussi été le premier groupe à avoir un local dans le 17ème à Clichy. Ça a changé la vie du groupe. On s’est tous rapprochés. C’était fin 1999. On faisait des soirées, il y avait les débuts d’internet avec IRC. On avait un mec qui gérait ça très bien dans le groupe. Ça a changé le mouvement ultra par rapport à l’époque des Sup Mag et des correspondants. Et puis les Tigris ont été les premiers à utiliser le terme ultra à Paris. La première fois qu’on a baché avec marqué ULTRAS DU PSG, les mecs d’en face (Ndlr : Boulogne) sont venus nous voir en nous disant qu’ici on n’était pas à Marseille. Mais on leur a expliqué qu’on faisait tous partis du mouvement ultra. Ça a mis du temps. Mais au final le terme s’est imposé dans toutes les tribunes. Il ne faut pas oublier aussi les Supras et les Lutece qui ont beaucoup participé à l’apogée du mouvement à Paris.

A ce moment-là, tu prends un peu plus de responsabilités chez les Tigris ?

Wissam CUP Virage PSG
Wissam en dép’ à Brescia avec les Tigris – 1995 © Collection personnelle

On a créé la Nouvelle Garde, la NG, Nuova Guardia en italien. On était une vingtaine de jeunes. Notre rôle c’était d’apporter un vent de jeunesse en Rouge. Et surtout notre mission était de recruter, de manière intelligente, en transmettant des valeurs aux autres générations. Les Tigris faisaient beaucoup fantasmer les jeunes. Tout cela m’a beaucoup apporté socialement. Personnellement j’ai refusé certaines responsabilités car je considérais que d’autres méritaient plus que moi. Une anecdote : un jour il y a une assemblée générale des Tigris. On vote pour le président et le vice président. A ma grande surprise je sors vice-président. J’ai regardé le Capo, et je lui ai dit que par respect, c’était à lui de l’être. Je ne pouvais pas sauter comme ça la hiérarchie et les générations. Je ne pouvais pas assumer. J’étais trop jeune pour ça. Les jeunes du groupe ont voté pour moi pour faire un petit contre poids, mais je n’étais pas encore assez formé.

Tu restes combien de temps aux Tigris avant de rejoindre les Karsud et pourquoi ?

De 1997 à 2001. Puis je rejoins les Karsud. Pourquoi ? Parmi la jeune garde, il y en a pas mal qui étaient intéressés par le délire de « la rue ». Il y avait le tournoi inter-supporters que les Tigris organisaient. Ils invitaient des groupes à faire un tournoi de foot sur 2 jours. C’était magnifique. J’ai passé des supers soirées avec des Lorientais, des Auxerrois, des Nancéiens… Et lors de l’Euro 2000 on arrive sur le parking du tournoi. Il y avait un ancien Tigris passé Karsud avec qui on était restés très proches. On était 3 Tigris de notre côté. Le mec nous dit « Hey les gars y a Allemagne-Angleterre ce soir à Charleroi et nous on est là pour jouer à la baballe, vas-y on y va ! ». (Ndlr : 17 juin 2000) On se regarde et on se dit banco on y va ! On monte dans la voiture et on se fait Paris-Charleroi. Sur place il y avait toute la panoplie hooligans anglaise-allemande qui était placée chacune de son côté dans Charleroi. On avance un peu et on entend « Paris, Paris ! ». C’était des mecs de Boulogne qui nous avaient reconnus. Parmi ces mecs, il y en avait un qui habitait dans ma ville. Du coup on parle et il me dit « Qu’est ce que vous faites ici, y a pas de drapeau aujourd’hui, là c’est la rue ». Je lui dis « pas de soucis ». Et là, première charge des anglais avec en première ligne Boulogne et Auteuil !

Wissam CUP Virage PSG
Grosse ambiance à Charleroi en 2000 © Icon Sport

On était avec des Hools de Sheffield. Les mecs nous avaient demandé d’où on venait : « Paris ? That’s fine, OK ». On éclate les allemands et les keufs. On n’a pas vu le match. Il y avait plus d’anglais dehors que dans le stade. On a fait des charges, des contre-charges. C’était la première vraie bagarre dans la rue à laquelle je participais. C’était le summum du hooliganisme à l’époque. A la fin de tout ça, les mecs de Boulogne nous disent « Respect les gars, maintenant on va faire des trucs ensemble ». On rentre à Paris, on fait quelques matches avec eux. Les leaders des Tigris nous demandent de faire attention. Que la rue ce n’est pas pour nous sauf si il faut défendre le groupe, par exemple contre Marseille. Et ils nous disent « Faites ce que vous avez à faire mais un jour ça va se retourner contre vous ». On crée des liens avec des firms de Boulogne. On commence à faire les 400 coups avec eux. On ne pouvait plus se voiler la face. Notre délire à présent c’était plus la rue. On passe alors chez les Karsud.

Comment sont nés les Karsud ?

C’était une section des Supras à la base. Le nom vient du fait qu’ils étaient souvent au fond du car sur les déplacements. Leur symbole, la citrouille, même des leaders de l’époque ne savent pas pourquoi ce choix. En tout cas le groupe est fondé vers 1994, 1995 je ne sais plus trop. Ils sont devenus autonomes vers 1995. Le premier déplacement que je fais avec eux c’était à Lens. Il y avait une rivalité entre les Tigers de Lens et les Karsud car les Karsud leur avaient volé une bâche. J’étais dans la voiture avec des anciens Karsud dont le regretté Mono. Ils m’ont raconté que malgré le fait qu’ils trainaient dans la rue, ils avaient des valeurs. On arrive à Lens. On tombe sur les Tigers, on les éclate. Et voilà. Ça s’est fait comme ça. Je suis resté aux Karsud jusqu’à la création du CUP. De 2001 à 2016. 15 ans de ma vie à être dans la rue et en tribune quoi. Jusqu’au conflit entre les Tigris et les Karsud je n’ai pas oublié d’où je venais. Malheureusement les choses ont fait que ça s’est envenimé. Il y a eu un changement de génération. Il faut dire aussi qu’on a fait, que j’ai fait des trucs pas bien. Il faut dire ce qui est. Je le regrette aujourd’hui mais j’assume. Je me suis embrouillé avec des mecs qui étaient des proches, qui m’ont mis le pied à l’étrier, avec qui j’ai participé à des mariages, des naissances… Tout ça pour un quiproquos. C’est regrettable.

Les Karsud avait cette réputation de « gendarmes d’Auteuil ».

Oui, on nous appelait la police d’Auteuil. Les gens avaient un certain respect pour notre groupe. Et on avait aussi un respect mutuel pour tout le monde. Et comme on était dans le délire de la rue, on nous a collé cette étiquette de gendarmes.

Le groupe existe toujours ?

Oui mais ils vivent en marge du Parc des Princes.

Quel regard tu portes sur les événements de 2010 ?

Quand on a vu l’ampleur que ça a pris, et comme on était extérieur au truc, on n’est pas intervenu. Avec le recul, je me dis qu’on est tous fautifs. Mais il faut se rappeler que les gamins d’Auteuil se prenaient des claques par Boulogne sur les déplacements. En plus des insultes racistes. A un moment donné, ils ont voulu se révolter mais il fallait faire la part des choses. Et de notre côté on trainait avec Boulogne. On nous a donc mis dans le même panier. On a perdu des amis. Et pourtant avec les Karsud on avait pu fédérer les groupes sur de belles causes comme la campagne contre la mucoviscidose. Je ne comprends pas comment on a pu en arriver là parfois.

Parlons de choses plus positives, quelle animation et ambiance t’ont marqué au Parc ?

Wissam CUP Virage PSG
Marco Simoné face au Virage Auteuil – PSG STEAUA 1997 © Icon Sport

Celle qui m’a le plus marqué c’est celle pour les 15 ans des Supras (Ndlr : En 2006). Quand j’ai vu ça je me suis dit « là ils ont mis la barre très très haute ». C’était fou, détaillé, le summum. En terme d’ambiance ça reste PSG-STEAUA BUCAREST (Ndlr : 27 aout 1997). J’étais survolté, en short, torse nu sur le poteau à gueuler comme un malade mental.

Et un déplacement ?

Après 30 ans de tribune j’en ai beaucoup, mais le Marseille-PSG, quand on les tape avec Ronnie en 2003. Avec le 3-0. Il ya eu aussi un déplacement à Milan où on est resté bloqués en voiture 5 heures dans la neige dans les montages et qu’on a failli rater le match. Mais les deux déplacements les plus symboliques pour moi, c’est un Monaco-PSG, la première année où les toulonnais bâchent avec les Tigris, car en terme de jumelage c’était important, d’ailleurs ce jumelage existe toujours aujourd’hui. Le deuxième c’est à Brescia (Ndlr : 21 aout 2001) où c’est super en terme d’ambiance. Hélas au retour il y a Seb des Boys qui décède dans un accident de voiture. Mais c’est comme ça.

Revenons sur 2010, comment ça se passe pour les Karsud ?

On n’était pas une association déclarée, donc on ne pouvait pas se dissoudre. Mais on était prêt à aider les leaders des groupes contestataires : Jeremy Laroche, Mickael Tommasi. On ne les a pas lâchés. On voulait récupérer notre tribune. C’est à ce moment-là que j’ai compris que c’était malsain coté club. On a fait une réunion entre les leaders des groupes et Robin Leproux, Jean-Philippe d’Hallivillée et leurs équipes. Leproux nous regarde droit dans les yeux et nous dit que le plan ne va durer que quelques mois le temps de calmer les choses. On a vu après qu’il nous l’a mise à l’envers. Quand on a vu que c’était bloqué, on a dit à Jeremy que dans la mesure du possible on participerait aux manifestations. Perso ça me tenait à coeur, je ne pouvais pas lâcher le virage comme ça. Mais comme ma tête était connue par les autorités, j’ai mangé plus que les autres. On m’a écarté de façon judiciaire ou administrative assez souvent. J’ai pris 11 interdictions administratives et 2 judiciaires, là tu comprends qu’ils t’en veulent. Et ce n’était construit sur aucune base solide. La première interdiction, le motif c’était : « Fréquente des membres de la tribune Boulogne ». Voilà. A chaque fois c’était pareil. Ce n’était plus possible. Et je n’étais pas le seul dans ce cas-là. Donc pas facile de soutenir le mouvement mais ils ont fait un travail monstre. Côté Karsud on continuait cependant notre délire de la rue.

Quand décides-tu de quitter les Karsud et pourquoi ?

C’est déjà un travail que j’ai fait sur moi-même. Quand j’ai eu ma première fille, je me suis dit qu’il fallait que je commence à mettre le frein à main. Malgré ça, je n’ai pas trop ralenti. Des arcades pétées, le crâne ouvert… A ma deuxième fille là je me suis dit qu’il fallait vraiment que je me calme. En puis en 2013, lors des incidents du Trocadero pour la célébration du titre de Champions de France, la police a voulu taper toutes les têtes connues. Un matin très tôt, je suis sur la route du travail, je reçois un coup de fil, numéro inconnu. C’était la police qui me convoquait chez moi immédiatement en rapport avec une affaire judiciaire qui me concernait. C’était pour le foot bien sur. Je reçois déjà des messages qui me disent que un tel a été interpellé, l’autre, la police a cassé la porte de chez lui etc… J’arrive en bas de chez moi et je vois deux policiers devant. On monte et là ils me disent que c’est lié au Trocadero. Je n’avais rien fait. J’ai même aidé ce jour-là une petite fille et sa mère qui se sont retrouvées au milieu des jets de projectiles. Ils me disent qu’ils ont des photos et des vidéos. Je trouve ça bizarre car ce jour-là je n’ai pas mis une seule claque. Ile me demandent de faire une perquisition et me demande de leur ramener « le » masque. Et là je me rappelle d’un truc. Un pote avait ramené un masque de moto. Il me l’avait prêté, je l’ai mis quelques secondes, et ils m’ont pris en photo à ce moment-là. Genre il se masque pour faire des incidents.

Wissam CUP Virage PSG
Wissam lance les chants au Trocadero – 2013 © Collection personnelle

Je leur explique, rien à faire, on va au commissariat. Et là en arrivant je vois 10 mecs comme moi. Je me dis d’accord. 24 heures de garde à vue, on part au dépôt, comparution immédiate. Mon avocat me dit qu’ils n’ont rien contre moi, juste une photo de moi en train de faire le capo avec le masque. Mon tour arrive, je passe devant la procureur et le juge. J’ai déglingué tous les argument du procureur un par un. Verdict, j’ai été acquitté. Le procureur fait appel. J’y retourne quelque mois plus tard. C’était un autre procureur. Une femme. Et elle vient me voir et me dit « on a annulé l’appel, car on ne sait pas ce que vous faites dans ce dossier ». Bref de façon indirecte, ils ont tout fait pour nous dégoutter. Il faut dire qu’à la fin tu devais signer en tant qu’interdit de stade pour tous les matches des clubs d’Île de France. PSG, Red Star, PFC… Tu te pointais au commissariat au début du match, à la mi-temps, à la fin du match. Au bout d’un moment c’est bon ça va… Ça a fini par vraiment me calmer. Et puis j’avais envie de sauver le mouvement ultra à Paris. On ne pouvait pas laisser l’héritage d’Auteuil tomber comme ça. Dans les années 2000 j’avais déjà proposé de monter un collectif pour regrouper tous les groupes d’Auteuil afin d’être autonomes. Donc j’ai ressorti cette idée aux leaders des groupes vers 2015 (Ndlr : Microbes, LCC, Parias, K-Soce Team, Karsud, LPA, Nautecia). L’idée a fait son chemin, puis on a fait une réunion et voilà. Le CUP était né. Ce n’était pas facile au début mais il y avait cette envie commune de faire avancer le truc. Et d’avoir un poids face au PSG. On en a fait des matches de merde, des jubilés, des matches de gala…

Aujourd’hui quel est ton rôle dans le CUP ?

Je suis toujours dans le bureau, je m’occupe de la communication, je donne mon avis, j’aide dès que je peux comme tous les autres membres et je représente le CUP au niveau de l’ANS (Ndlr : Association nationale des supporters). Je crois que les gens ne se rendent pas vraiment compte de tout ce que ça implique comme mission. Beaucoup se revendiquent ultras aujourd’hui et considèrent qu’il suffit de venir aux matches ou d’être derrière son réseau social. Ultras c’est tous les jours. Quand j’ai commencé aux Tigris, c’était toute la journée. Avec les valeurs et les principes qui vont avec.

Tu trouves que ces valeurs disparaissent actuellement ?

Ce n’est pas qu’elles disparaissent mais j’ai l’impression que les jeunes n’ont pas la même envie de découverte que nous à l’époque. Mais les leaders jouent un rôle important. 

Tu ne crois pas que c’est aussi le statut du PSG qui fait que les choses ne sont plus les mêmes.

Le PSG a pris une autre dimension c’est vrai. On a des supporters « caviars » aujourd’hui. Pour eux, un nul c’est comme une défaite. OK on a des ambitions. Et je ne vais pas tenir le discours de vieux du genre : « nous dans les années 2000, on prenait même les matches nuls ». Je peux comprendre leurs attentes mais il faut être raisonnable. Il faut savoir profiter. Le Qatar est dans une région géo-politiquement instable. Demain il se passe un truc grave là-bas, fini le PSG. Peut être aussi que le fait que le club ait pris une telle dimension fait qu’on a l’impression que les choses nous échappent, à nous les mecs présents au début des 90’s.

Vous étiez plus nombreux à ton époque à vouloir vous impliquer à 100% ?

Oui. Car les gens n’avaient pas les réseaux sociaux. Donc pour vivre ta passion, il fallait la vivre en vrai et pas derrière un écran. On est dans le paraitre. On s’habille adidas, Stone Island, mais ce n’est pas l’habit qui fait le moine. Ce n’est pas ça qui a fait l’homme que je suis. Ils n’ont pas cette soif d’apprendre et de découvrir. C’est plus difficile de faire passer ces valeurs quand tu n’as pas de groupe comme c’est mon cas, mais chaque leader du CUP se doit d’accomplir cette mission et est conscient du travail qu’il y a à faire. Les jeunes doivent apprendre les valeurs ultras, le respect, car tu peux ne pas supporter la même équipe ou ne pas être du même groupe, mais tu peux avoir du respect et les mêmes valeurs. A part James, il ne doit pas y avoir beaucoup de leaders qui ont été capables de faire ce travail de rassemblement. Il faisait l’unanimité à Paris. James, c’est la figure en 2010 qui a changé la vision ultra à Paris par sa persévérance au niveau parisien, et national via l’ANS. S’il n’était pas hélas décédé, il aurait amené aussi sa patte dans le mouvement européen. Aujourd’hui je fais partie des représentants du CUP à l’ANS. Quand je suis arrivé la première fois à une réunion ANS, les leaders des autres groupes français se demandaient si je ne m’étais pas trompé de salle. Tout ça pour te dire que tu peux avoir fait des conneries mais tu peux changer. Le midi j’ai discuté avec des leaders bordelais ou stéphanois et on se souvenait du passé, mais on a pris de la bouteille, on a changé depuis. On oeuvre pour une cause nationale.

Wissam CUP Virage PSG
Devant le VA © Virage

La rue ne te manque pas ?

Non. Même si on peut toujours être un peu nostalgique. Mais je sais que si un jour je tombe sur des mecs sur une autoroute… Ben voilà. Ou qu’on se fait emmerder par 40 mecs alors qu’on boit un verre tranquille. Je ne vais pas rester assis à ne rien faire.

Comment tu vois le futur du CUP ?

Romain Mabille dans son interview dans Virage disait qu’il fallait combattre les égos au sein du Collectif. Et bien ce sont les mêmes problèmes qu’on avait à l’époque entre les groupes à Auteuil et face à Boulogne que je ne veux pas revivre au sein du CUP. C’est super dur à gérer et respect à Romain pour tout ce qu’il a fait. Les leaders doivent faire passer le message à leurs gars de moins penser groupe et plus collectif. C’est l’union qui fait la force. Pour remédier à ça il faut un travail au quotidien. Il faut parler, expliquer aux gens que c’est unis qu’on avancera. Qu’est ce qui se passe si un jour un groupe fait de la merde dans son coin et que ça a des conséquences pour tout le monde et le CUP. Tu les lâches ? Tu ne peux pas si ils font partie du collectif. Donc faut assumer. Chaque acte, chaque communication a des conséquences. Il faut en avoir conscience à tout moment. Le PSG ne laissera pas une deuxième chance aux ultras en cas de dérapage. Après tu as des aspects super positifs : En déplacement, nous sommes une référence. On retourne les stades français et européens. C’est une des forces du CUP. Tu as aussi les autres entités du PSG : Les féminines et le handball. Qui en France peut aujourd’hui se vanter d’avoir des ULTRAS dans ces domaines. La relation avec ces 2 entités est née pendant la contestation et se poursuit aujourd’hui. Les LCC / LPA / NTC et les UP17 sont attachés à ces entités. 

Tu trouves que la position du CUP est encore fragile vis à vis du club ?

On fait en sorte de garder nos principes et nos valeurs. Ce n’est pas évident devant des dirigeants qui voient les choses en grand. Mais avec des personnes comme Mika, Romain (aujourd’hui Bobo à sa place)  et Cyril Dubois (notre avocat) on fait passer le message qu’il y a des choses pour lesquelles on ne pourra pas laisser passer : Maillots Hechter etc… Ce n’est pas facile mais depuis le début tu as des gens qui font un travail monstre. Aussi parfois on fait de la merde. Car certains veulent se prouver des choses alors qu’on n’a rien à se prouver sur certains points. On repart de zéro comme en 1991 et la création du Virage Auteuil. Or pour moi la création du CUP fait référence à cette période où on partait de rien. Même si il y a des anciens, avec la nouvelle génération d’aujourd’hui c’est plus dur. Internet et les réseaux ne font pas du bien au mouvement. Je reste optimiste. Peut être qu’il faut repartir sur une philosophie où la qualité prime sur la quantité. Peut être qu’il faut faire le ménage au CUP pour avoir des gens vraiment déterminés pour faire avancer les choses. On a toujours su faire le ménage à des moments opportuns dans le mouvement ultra parisien. Tout le monde n’a pas la même opinion que moi dans le bureau mais c’est la base du mouvement. Surtout en période de Covid. On a organisé des tifos pour Barcelone et Munich au Parc, on essaye d’impliquer les gars, de les faire venir. Surtout ceux qui sont motivés. Le jour où on pourra revenir au Parc, j’espère que ce sera tous ensemble. Si c’est 60% du Virage qui est autorisé à revenir, je ne pense pas y aller. Pour moi c’est tout le monde ou personne. Ça fait partie de ma culture : Cohérence et mentalité.


Xavier Chevalier

Le vrai Michel Virage PSG

Le vrai Michel

Michel. Avec un prénom pareil, tu fais carrière dans la variété ou dans le football.
Le vrai Michel
lui, a décidé de se lancer dans le Rap, à consonance Deep House.
Un mélange qu’il assume pleinement comme sa passion pour le football,
le Milan AC, Andréa Pirlo, Ronaldinho et Marco Verratti.

Tu es d’origine italienne, tu viens d’une région ouvrière, tu t’appelles Michel. Bref tu viens pour détrôner le plus grand Michel de France, Michel Platini ?

C’est ambitieux de vouloir détrôner Michel Platini. Mais en vrai l’idée c’est de devenir le vrai Michel. De transformer tous les autres Michel en simples contrefaçons. Mais bon tu sais, Michel Platini ce n’est pas ma génération. Je ne l’ai jamais vu jouer sur un terrain, mais j’ai bien évidemment vu des vidéos de lui. C’est une légende et il m’a l’air très sympathique, déjà car il est d’origine italienne et qu’il s’appelle Michel.

Le Vrai Michel Virage PSG
Michel en son royaume © Charlotte Steppé

Tu es supporter du Milan. Un club qui a vu passer beaucoup de grands joueurs parisiens. Lequel préfères-tu ?

Il y en a plusieurs. Déjà le premier c’est Ronaldinho. Je suis un fan ultime. C’est mon deuxième joueur préféré de tous les temps après Pirlo. Je regardais tous les matches avec Ronnie comme un fou. Puis il y a Zlatan même si il est passé de l’Inter au Milan dans sa carrière. J’ai une petite affection aussi pour Jérémy Menez. Tu sais, c’est un joueur à la Balotelli, un peu en dehors de tout, il s’en fout. Mais quand il est arrivé à Milan il a fait une demi saison incroyable. Il marquait des buts en talonnade, il était trop chaud. Et puis je crois que c’est important de citer aussi Vikash Dhorasoo. Vikash… J’aimais bien jouer avec lui dans PES 2 ou 3… Je le mettais à la place de Seedorf sur le terrain. Ouais. 

Tu ne cites pas Leonardo ?

Andréa Pirlo Virage PSG
Michel et son idole © Icon Sports

C’est pas ma génération. Sauf si tu parles de lui en directeur sportif. Malheureusement je ne l’ai pas vu jouer. Dans les autres joueurs que j’ai aimés au Milan, mais qui n’ont pas joué à Paris il y a Kaká et Inzaghi. Pipo j’étais un fan ultime, sauf qu’aujourd’hui ce serait compliqué pour lui dans le foot moderne, surtout avec la VAR.

Pirlo, qui est ton idole, entraine la Juve aujourd’hui. Tu as vécu ça comme une trahison ?

Non ce n’est pas difficile à vivre. En plus il était déjà joueur là-bas avant de devenir coach. Et le Milan l’avait jeté comme une merde. Je m’étais déjà donc fait à l’idée. Après j’ai des souvenirs incroyables de lui à Milan. On ne pourra pas me les enlever. Mais je ne suis pas très fan de ces grands joueurs qui deviennent coachs juste après leur carrière. Ils perdent un peu de leur légende. Au Milan ils sont un peu les spécialistes du genre avec les Gattuso, Seedorf, Inzaghi. Au bout d’un moment ils t’énervent car les résultats ne suivent pas. Mais je comprends. Quand tu as été un grand joueur, tu as une certain aura, comme Zizou au Real, tu as des capacités.

A part la musique, le clubbing et le foot, tu dis avoir peu de passion, bref tu es un vrai hooligan ?

Si la définition d’un hooligan c’est ça, c’est vrai qu’on est pas loin. Mais j’ai d’autres passions hein. Le tuning, le tatouage… non c’est faux.

Le look aussi, souvent en survêtement.

Mais oui ! Ça peut être un axe à explorer ce truc de hooligan, franchement j’aime bien. 

Tu as été abonné à Valenciennes 3 ans. Donne-nous 3 bonnes raisons d’aller voir des matches au Stade du Hainaut.

Le Vrai Michel Virage PSG
Michel casse la baraque © Charlotte Steppé

Alors quand j’allais aux matches, ce n’était pas le Hainaut mais Nungesser. J’ai déjà été au Hainaut mais pas en tant qu’abonné. Les 3 bonnes raisons alors… Déjà les baraques à frites. Ils vendent de bonnes frites dans et en dehors du stade. Ensuite le fait de supporter une petite équipe. Je suis certes supporter du Milan, mais à Valenciennes tu supportes l’outsider, du coup les victoires sont encore plus belles. C’est cool. La dernière raison, c’est pour la speakerine qui a une très jolie voix. Juste pour l’entendre citer le nom des joueurs lors des cartons rouges reçus.

Corona Virus = Stades Vides, salles et clubs vides. La vie est dure en ce moment ? Comment tu t’occupes ?

C’est pas évident. Le foot a repris, sans supporter, mais au moins ça existe. Heureusement je suis gamer alors je peux me buter sur Call Of Duty, sur Warzone, je vais d’ailleurs ouvrir ma chaine Twitch. Et puis je fais aussi du foot. Le mercredi midi à Saint Denis… On passe des tests avant hein. Et je vois des amis de 15H00 à 18H00 du coup, mais je me lève à 16H00…

Tu as quitté Valenciennes pour t’installer à Paris, tu as signé dans un label d’avenir. T’as l’impression d’être Saka Tiéné en 2010 ?

 Ah ah. Putain Saka Tiené. Je pense avoir une patte gauche assez similaire. C’était un peu le Taye Taiwo du PSG non ?

On parle beaucoup de la nouvelle génération des supporters, qui pense plus aux paris foot, que regarder un match en entier. Et qui veux ne voir que des grosses affiches ou des skills sur You Tube. Tu en penses quoi toi ?

Oui clairement. Sur le foot je ne suis pas trop de ma génération. Quand je regarde un match, c’est pour le regarder vraiment, et pas 3 minutes. Pareil pour les skills. Par exemple je ne suis pas fan de Neymar, de ces joueurs méga techniques et super marketés. A choisir je préfère Thiago Motta. Et autour de moi, mes potes sont un peu pareil. Je peux regarder un Sassuolo-Genoa sans problème. Mais le tout c’est d’avoir des équipes qui jouent. La Ligue 1 je ne regarde pas car c’est vraiment dur. Si il n’y pas pas le PSG ou Lyon en ce moment avec Paqueta, je ne suis pas.

En musique tu trouves que c’est pareil,? Pas d’attachement ?

C’est pareil. Tu sors un titre et tu passes à autre chose. J’écoute des playlists, un titre ou deux d’un artiste. Je ne suis pas dans le délire album, où il y a une histoire, un vrai fil conducteur. Une mixtape ou un album pour moi c’est pareil. C’est d’ailleurs rare que j’écoute un album en entier sauf les artistes que je kiffe bien-sûr. 

Dans tes clips on te voit porter d’autres maillots que celui du Milan. C’est calculé ?

C’est pas calculé. J’aime bien les maillots des clubs italiens. Surtout les beaux maillots comme celui de Parme ou de Palerme.

Dans ton clip de « Michel et ses Khey » en feat. Avec Sneazzy on te voit avec une écharpe du PSG, pourquoi ?

Sneazzy est fan du PSG. Il fallait faire un petit clin d’oeil. Et puis même si j’ai suivi Valenciennes, en France c’est surtout le PSG que je regarde. J’ai même été une fois au Parc pour un PSG-Toulouse en Coupe de la Ligue. Le PSG avait gagné et franchement c’était pas mal. J’aimerais bien y retourner.

Même si dans « Michel en illimité » tu dis n’aimer ni l’OM ni le PSG.

C’est juste pour dire que je m’en tape un peu. C’est de la provoc’. Je ne peux pas dire que je suis supporter du PSG. Quand je regarde le Milan il se passe un truc inexplicable qui ne se passe pas quand je regarde les autres matches. 

Un joueur te plait dans l’effectif parisien actuel ?

Marco Verratti, quand il joue… J’aime bien ce profil. De base j’aime bien les milieux récupérateurs. Il conserve le ballon comme personne, il distribue, il a plein de qualités que j’aime chez lui et ce type de joueur en général. J’entends des gens le critiquer, notamment dans l’After sur RMC, mais je le trouve irremplaçable. Le problème c’est son irrégularité. Et puis j’aime bien les joueurs italiens. Ils se sont fait prêter Moïse Kean, je kiffe. Il a fait un bon début de saison. Florenzi j’aime bien aussi dans la mentalité même si je suis moins sensible aux joueurs de côté, aux latéraux. J’aime bien aussi Marquinhos.

Si tu devais avoir un joueur du PSG dans un de tes clips, ce serait qui ?

Le vrai Michel Virage PSG
Michel en Jogging Bonito © Charlotte Steppé

Neymar ! Pour le marketing ah ah ah…Mais pour le coeur ce serait Marco.

Tu aimes les looks colorés et sportswear. Le 4ème maillot du PSG tu pourrais le porter ?

Je le trouve dégueulasse. Il est vraiment moche non ? On dirait du Desigual. Moi, j’aime bien les maillots à l’ancienne. Pas ces trucs fluos.

Si tu devais designer un maillot pour le PSG, tu le ferais comment du coup ?

Je ne changerais pas les couleurs déjà. Je resterais sur le bleu et le rouge. Mais je mettrais un col blanc old school. Revenir aux coupes oversize. Un maillot moins prêt du corps. Un peu comme dans le début des années 2000. Avec un design assez épuré.

Quel serait le plus beau Michel du foot, à part Platoche ?

Michel Bastos ? Pas mal non ? Aujourd’hui c’est difficile d’en trouver. En Italie il y a eu David Di Michele. Mais sinon je vois pas.

Tes prochains projets ?

Je suis en train de bosser sur mon album qui est prévu pour le 4 juin. Il s’appellera « Nekete » comme le single déjà sorti. Tous les mois on va aussi sortir un mini documentaire sur l’avancée de l’album. On a sorti un premier épisode où on me voit en studio, au label et chez moi. Y aura aussi du clip, de la promo. Et puis j’espère des concerts, si ils reprennent. J’ai une quarantaine de dates de prévues. J’ai d’ailleurs une date le 27 mai à la Gaîté Lyrique à Paris.

Réservez vos places pour la Gaîté Lyrique en cliquant ICI 

Xavier Chevalier

PSG Club Liban Virage

PSG Club Liban

Qu’importe la distance, si la passion est là, elle dépasse les frontières,
les cultures et les embuches. Maroun Nasard, un des fondateurs du PSG Club Liban, un des tout premiers clubs de supporters à l’étranger,
nous raconte cette aventure hors norme.

Quand est-ce qu’est né le Projet PSG Club Liban et pourquoi ? Quel était le contexte à l’époque ?

Je supporte le Paris Saint-Germain depuis 1992 et depuis le Liban. Je vous le dit sans exagération : les matchs officiels que j’ai ratés jusqu’à ce jour se comptent sur les doigts d’une seule main. Une grande partie de nos membres les plus actifs étaient comme moi marqués par la fameuse épopée européenne. L’injustice face à la Juventus en 1993, le but de Guérin en 1994 et le retour de quart de finale de 1996 : ce PSG-là a bercé mon adolescence. Je portais également de l’attention à l’animation des tribunes et cherchais à décortiquer ses effets. Je compilais sur des cassettes videos des extraits et des articles de presse de ce monde qui me semblait à l’époque assez lointain. J’étais impressionné par l’intelligence et la subtilité des messages, scotché devant les tifos : bref, la créativité des parisiens était unique en France. Sans cette dimension, je ne pense pas avoir été aller aussi loin. Mon ambition vers la fin des 90’s était de regrouper le maximum de supporters au Liban afin de vivre notre passion en commun ainsi que d’organiser des déplacements, le plus souvent au Parc des Princes. En l’an 2001 et lors d’un chaleureux accueil à l’ancien siège de Boulogne par le département supporters, nous avons été officialisés en tant que PSG club. A l’époque il n’existe qu’un seul PSG club hors territoire Français : en Belgique. Pour être officialisé depuis l’étranger, cela se faisait naturellement, en tout cas pour notre part suite à la régularité de nos actions et pas du jour au lendemain comme aujourd’hui.

Quel était le profil des personnes à l’origine de ce projet ? Vous aviez combien d’adhérents ?

J’ai croisé OBK, un vrai supporter au Liban, sur un forum. Il a beaucoup aidé dans la fondation du club. Puis ont suivi des personnages devenus incontournables dans notre groupe : Philippe Chalu, le parrain, ainsi que deux vice-présidents : Karim Taleb, orateur unique qui présidera pendant la derrière année, et Philippe Nagear dont la présence assez fréquente sur Paris fut très utile pour notre visibilité. Sans oublier le reste des membres actifs tel Harma, Rayan, Antoine, Gas, Rimichi, Souska et Joe. Nous avions atteint le chiffre de 120 membres en 2003. La plupart avaient entre 16 et 26 ans. Il y avait beaucoup d’étudiants d’université et quelques français de passage à Beyrouth. Enfin, il y avait entre 5% et 10% de filles, souvent des amies qui tenaient à nous faire plaisir ou des petites amies, mais on prêtait de l’importance à ce ratio car elles amenaient des idées différentes.

PSG Club Liban Virage
Maroun, au premier rang à gauche © Collection personnelle

Pourquoi le PSG plus qu’un autre club ?

A l’époque, cette question nous faisait bien sourire tellement nous étions engloutis par la passion. Je ne voyais aucune différence malgré les 4120km qui nous séparaient de Paris. Certains d’entre nous allaient jusqu’à connaître le jour d’anniversaire de Pierre Ducrocq ou encore suivre les résultats de la CFA. Quelques temps avant la naissance officielle du groupe, je suis allé floquer 2 maillots en son honneur, cet inconditionnel du club, pour un ami et moi même. Un des salariés de la boutique a voulu prendre mes coordonnées pour « le fan club Pierre Ducrocq » qu’il avait l’intention de co-fonder. Je lui ai dit que nous habitions le Liban : « Ok je comprends, c’est comme vous voulez » m’a t-il répondu. Comme s’il voulait dire « si c’était le cas, vous auriez floqué votre nom ou celui d’Anelka » ou un autre aussi clinquant. Notre amour d’aussi loin n’était pas facile à concevoir.

Diriez vous qu’il existe une relation privilégiées entre le Liban et Paris, et le PSG en particulier ?

L’amitié franco-libanaise date de plus de 5 siècles. Elle est exceptionnelle. Elle est née à partir de relations privilégiées entre Paris et les chrétiens maronites et s’est étendue au fil du temps sur toutes les composantes libanaises. Pour plusieurs raisons, la France est une source d’inspiration pour beaucoup de libanais. Par respect pour cette amitié, on bâchait souvent lors de nos déplacements les drapeaux libanais et français côte à côte.

PSG Club Liban Virage
Deux drapeaux à Auteuil © Collection personnelle

Quelles étaient les principales activités du club ?

Le PSG, sans le savoir, avait planté un cèdre au Liban de par nos investissements et notre engagement au quotidien. Écran géant, sièges rouges et bleus, décoration de maillots et écharpes voire une petite boutique et une médiathèque : le Parc Phénicien fut le siège des supporters libanais notamment les jours de matchs. Notre groupe avait ses propres fanions et écharpes qui se vendaient comme des petits pains en France comme au Liban. Beaucoup de déplacements au Parc des Princes et quelques uns à l’extérieur. Du bon travail sur le web via notre site internet et divers forums parisiens.

Vous aviez aussi monté une équipe de foot au Liban ? 

Oui, on avait une belle équipe ! A la base, tous les joueurs n’étaient pas membres du club. Mais le rêve de jouer sur la pelouse du Parc lors du tournoi de supporters qui, à partir de 2001 n’a plus jamais été organisé, a suscité un grand enthousiasme pour beaucoup d’amateurs du ballon rond. Cette équipe a représenté les couleurs du PSG sur plusieurs tournois. Elle suscitait la curiosité de beaucoup ; fouler une telle pelouse n’est pas donné au commun des mortels.

PSG Club Liban Virage
Le Parc Phénicien © Collection personnelle

La devise de votre club « Au nom de la folie », pourquoi ?

Une poignée d’ados et de jeunes soit disant « touristes », ayant l’occasion de faire un seul voyage par an en France, en train de passer l’ensemble de leur semaine de vacances autour du Parc des Princes, au Deux Stades et Aux Trois Obus pour espérer croiser et échanger avec des supporters, d’anciens dirigeants comme Jean-Michel Moutier ou des personnages comme Jean-Marie dans sa “Boutique des Supporters” ne me semblent pas être des gens très normaux (Rires). Taleb avait proposé: « 4120km en 90mn, c’est possible ». Avec le recul, je la trouve plus cool. Parlant de folie, le seul regret a été de n’avoir pas réussi à ramener le PSG au Liban pour un match amical. Même au début des années 2000, il y avait beaucoup de politique dans ces décisions-là ainsi que d’autres paramètres évidemment, mais je pense que nous n’avions pas assez bien préparé le dossier. Ces ultras, kopistes et leaders de groupes que l’on croisait loin de chez nous, je voulais pouvoir les recevoir au Liban. Leur montrer que leur fibre était là aussi. Quand la France a joué Chypre en déplacement (une demi-heure de vol), plusieurs de nos adhérents ont fait le déplacement pour donner de la voix. Thierry Roland les as remerciés maintes fois à l’antenne. Qu’est-ce que nous avions prié pour que le PSG tombe sur une équipe chypriote !

Quelles relations entreteniez-vous avec le PSG et ses supporters ?

Pour les principaux représentants de notre groupe, les personnages du Parc étaient comme des héros de bande dessinée. Tu passes des mois à entendre parler d’eux, à conceptualiser leur leadership pour arriver enfin, à coup d’économies, à faire le voyage et les avoir en face de toi une fois l’an. Les jours de matchs, ils sont dans le bain et je me demandais si ces gens se rendaient compte de ce qu’ils représentaient à plusieurs milliers de kilomètres pour nous. Zavatt, Amar, Viola, Valois, Higgins, Perreira, Uldry etc. Je ne peux les citer tous ; beaucoup d’entre nous avaient naturellement une affection spéciale pour Wissam et suivent toujours ses efforts actuels. Nous avions essayé de comprendre l’histoire de chaque tribune et respecter l’identité de chaque groupe comme l’illustraient les photos géantes de tribunes, de parcages et les différentes écharpes exposées dans notre local. Pour le reste, c’était du cas par cas et des camaraderies qui se créaient à force de déplacements pour s’apercevoir au final que nous avions fini par appartenir à ce monde-là. Et que quelque-part, nous avions peut-être réussi aussi à marquer les esprits. J’entendais de plus en plus « Pouaaauh vous faites tout ça du Liban, respect. »

L’adieu de Stéphane au Parc qui prenait « sa retraite » du monde des tambours était marquante ; lui qui fondait en larmes et embrassait l’écharpe du PSG club Liban que nous lui avions offerte. Tout au long des années et même après la fermeture officielle du club, nous avions tenté d’être impliqués dans les différentes quêtes et causes. Je retiens notre lettre de soutien aux Boulogne Boys, résumant des mois et mois de relations amicales avec certains des leurs. En généralisant et éradiquant injustement un tel groupe indispensable à la vie du Parc et à l’histoire de Boulogne, nous avions compris que le compte à rebours avait commencé. Nous avions vu des choses, très moches, les saisons d’après. Des choses que l’on pensait ne jamais voir en France ; Philippe N. peut en témoigner.
Enfin, je retiens les fortes relations entre la majorité des PSG clubs grâce à des responsables généreux et engagés. Au final, « nous sommes tous les enfants de Phil Collins » phrase que je répétais souvent.

Et quelles étaient vos relations avec le PSG ?

PSG Club Liban Virage
Maroun avec Francis Graille © Collection personnelle

Ce n’était pas simple de communiquer avec l’institution PSG. Il existait quelques erreurs « logistiques » et de coordination mais qui ne me semblaient pas intentionnels. Au final, nous avons entretenu de très bonnes relations. Nous avions fait connaissance avec beaucoup d’employés, de cadres et d’anciennes légendes du club comme Vincent Guerin et capitaine Raí. Je pense que de notre côté nous avons bien reçu les employés du club, de passage au Liban. J’ai personnellement rencontré à quelques occasions les Présidents Blayau, Graille et Perpère. Alors que ce dernier a été un personnage controversé, je dois avouer l’estime qu’il avait pour notre mission. A l’époque, il n’y avait pas d’objectifs « corporate » aussi définis : il ne gagnait pas grand chose en prenant de nos nouvelles, mais le faisait. J’aurais adoré rencontrer Michel Denisot et Francis Borelli, paix à son âme.

De quels objectifs « coporate » parle-t-on ? Et comment cela touche les supporters à l’international ?

Dans une vision globale étatique qui comprend ses propres critères et imprévisibilités, il semble que QSI ait établi une stratégie pour définir précisément le positionnement futur de la marque PSG, la developper par différents canaux et augmenter drastiquement la valorisation de la franchise. Le changement de culture est énorme dans un pays qui m’a semblé en général assez réticent au changement. Dans ce sens, les résultats ont été extraordinaires. Depuis, avec l’explosion de « fan clubs PSG » et les « PSG academies », on a prêté moins d’importance à l’authenticité et donc à la durabilité du projet. Combien survivront-ils quand sportivement ça ira moins bien ? Si les grosses entreprises se basent sur des KPIs, OKRs, Scorecards ou autres outils pour évaluer la performance et que le PSG d’aujourd’hui n’y a probablement pas échappé, il devrait y avoir, selon notre expérience, des critères basés non seulement sur la quantité et la diversité mais aussi sur la qualité, paramètre comme souvent le plus ou moins simple à juger aussi rapidement et encore moins à distance. Se poser la question sur la longévité d’une structure indépendamment de la conjoncture globale. Investir plus de temps et d’efforts à l’international sur des personnes et des groupes qui portent le club dans leur coeur contre vents et marées. Le PSG club New York, dans ce sens, est un modèle à considérer.

Vous étiez placés où au Parc et pourquoi ?

Le plus souvent à Auteuil Bleu entre certains de nos amis des KarSud et pas loin de la belle ambiance des Lutece et leur Irish Clan. Ça s’est fait en fonction de certaines affinités sans aucune raison idéologique à cela.

PSG Club Liban Virage
Le Kop Phénicien en tribune © Collection personnelle

Quels sont vos plus grands souvenirs de match au Parc et en déplacement ?

Entre 2000 et 2010 c’était souvent les OM-PSG, PSG-OM qui étaient extraordinaires. Je retiens le PSG-OM de 2004 avec plus de 30 cartés du Liban. L’OM-PSG en Coupe de France en 2004 : hallucinant comment la police du Sud traitait les ultras du PSG et pourtant, venant du Liban, peu de choses sont supposées nous choquer (rires). Comment certains policiers te montraient leur maillots en dessous de leurs uniformes pour te provoquer. Rien à voir avec la façon dont les visiteurs au Parc sont accueillis. Cette haine pour la capitale finissait par renforcer « notre cause ». Un PSG-OM avec une vingtaine de déplacés pour la finale de la Coupe en 2006 et la victoire qui m’a fait presque oublier à quel point je n’aime pas le SDF. Le déplacement à Londres de 2004 était marquant. Et si je dois en retenir un seul, ce serait le dernier, improvisé en 2011. Nous étions 5 anciens du club à faire le déplacement. Auparavant, il y a eu quelques manifestations dans les rues pour contester la fin des libertés dans les tribunes populaires. 9 Septembre 2011, nous y sommes. C’était un PSG-Brest où plusieurs anciens de Boulogne et d’Auteuil, ou de ceux qui n’étaient pas encore interdits de stade, arrivent exceptionnellement à se regrouper dans des tribunes latérales presque face à face. « Un seul transfert n’a pas de prix : le 12ème Homme » avait-on réussi à faire lever avant l’intervention des stewards. Seul Sylvain Armand, pourtant critiqué par certains inconditionnels, est venu nous remercier. A la fin de la rencontre, c’était difficile de quitter le Parc. Un steward me demande de sortir, j’ai eu envie de lui raconter ma vie. Pendant 24 heures, Philippe et moi n’avions plus de voix. Et pourtant, on était pas connu pour en avoir des plus fragiles. Quel terrible sentiment d’adieu.

Le Liban est un pays qui a une histoire difficile. Supporter une équipe et réunir des gens les soirs de match était-il une façon d’oublier ?

C’est une excellente question…(il réfléchit). Afin d’être transparent, mon analyse n’engage que moi-même. A la fin de la guerre civil en 1990 et suite, entre autres, à des accords entre l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis, le régime Syrien et ses services de renseignements ont eu la main mise totale sur le Liban pendant 15 ans alors qu’Israël occupait le Sud du pays jusqu’à l’an 2000. Cette occupation syrienne, que beaucoup se contentaient de qualifier de « présence nécessaire », s’est suivie, entre autres, d’une oppression de la liberté d’expression. Une bonne partie des jeunes libanais se réfugiant dans les stades (principalement de football et de basketball) pour supporter une équipe représentant leur identité et, pour certains, réclamer le départ de la Syrie, la libération d’un des leaders d’opposition en prison ou encore la fin de l’exil d’autres représentants. Aller au stade, se déplacer pour suivre une équipe de foot, était inconsciemment dans certains cas un défoulement nécessaire.

PSG Club Liban Virage
Défoulement au local © Collection personnelle

Qu’en est-il aujourd’hui ?

La crise politco-économique sans précédent fait des dégâts principalement chez la jeunesse libanaise. Cette fois-ci, le sport et l’art, seuls, ne seront pas suffisants voire utiles pour maintenir l’espoir. Le mal est très profond. Pourtant, le Liban a vécu en octobre 2019 une révolte d’un peuple contre tout un système politique corrompu et malsain. Les scènes de liesse ont été extraordinaires. Malheureusement, à mon sens, elle est arrivée trop tardive : le régime iranien, à travers sa milice et son alliance avec le régime syrien, a réussi à contrôler la majorité des composantes de l’Etat et créer une économie parallèle ces dernières années, en procédant à des assassinats entre 2005 et 2010, à des alliances artificielles, des minis coups d’état en 2008, de l’opportunisme politique pour certains et la résignation de l’opposition. C’est une occupation syrienne, version light re-visitée. Il serait peut-être simpliste d’illustrer le problème structurel libanais et tous ses drames jusqu’à la récente explosion du port de Beyrouth par la branche armée, voire le projet tout-court du Hezbollah, mais la lucidité d’un citoyen réside, selon moi, dans son ordre de priorités. Tu ne peux pas te mettre à réfléchir pour construire un projet d’avenir quand la personne en face de toi pose, sans aucun remord, son pistolet sur la table.

Vous aviez monté des actions pour aider votre pays à l’époque ? Comme le font souvent les groupes ultras pour des causes.

Nous n’avons jamais voulu imposer de telles initiatives relatives à notre pays. Je pense que nous avions clairement l’intention de « donner » et moins de « recevoir ». C’est quand le club ou nos amis du Parc venaient vers nous que nous nous activions incessamment. Une quête a été faite pendant la guerre de 2006. Je remercie encore Fred Legesne (ancien responsable du département de supporters) d’avoir fortement soutenu cette campagne ainsi que tous les supporters, les kopistes et les ultras. Une pensée spéciale au fantastique PSG club Marne. Les centaines voire quelques milliers d’Euros récoltés ont été remis à la Croix Rouge Libanaise reconnue pour sa transparence et son action « kamikaze » sur le terrain. Dans le même contexte, je n’oublierai pas la banderole « PSG club Liban, on pense à toi » dans le parcage pendant le trophée des champions. KarSud, Boulogne Boys et autres y ont participé. Avoir réussi à exister aux yeux des historiques du Parc a été une immense fierté dans notre histoire.

PSG Club Liban Virage
Au Stade de France pour la finale face à Auxerre en 2003 © Collection personnelle

Pourquoi avoir mis fin à l’aventure du PSG Club Liban si tôt en 2006 ?

Aujourd’hui, il existe un fan club au Liban assez basique ainsi qu’une académie de football qui s’est bien développée malgré notre questionnement sur les intentions. L’initiateur du projet de fan club avait souhaité notre collaboration. Nous avons donné un coup de main mais le décalage culturel entre leur monde (supporters depuis QSI) et le notre est gigantesque. Il existe par ailleurs un bassin francophone au Liban que tu ne peux pas négliger car il est authentique et porteur de plusieurs initiatives. En tant qu’anciens, nous serions prêts à accompagner des jeunes supporters francophiles afin de rapprocher les 2 mondes. Je sais que le club lui-même encouragerait une telle initiative. Pour revenir à la question, en 2006, nous étions à notre sommet et nous avons officiellement arrêté alors que certaines activités se poursuivaient. Il y avait, c’est vrai, des raisons internes à cela mais également deux aléas externes: une série d’attentats au Liban qui ont touché nos locaux et surtout l’exode de la jeunesse qui nous a fait perdre beaucoup de nos membres. Notre structure au Liban engendrait pas mal de coûts. De toute façon et dans un autre cas de figure, on aurait absolument arrêté en 2010. La solidarité entre groupes de supporters l’oblige.

Pourquoi ?


Un PSG sans ses deux virages n’est pas le club que nous avons supporté, pour lequel nous avons investi et entraîné tant de personnes sur notre route. Oui, après les « galères » et un « combat », Auteuil a retrouvé ce côté ultra et populaire. Même si ce n’est pas la même sensation et même s’il y a beaucoup moins « d’anciens » et pas les mêmes groupes. Même si ça ne sera jamais pareil, il faut reconnaître le travail monstre des leaders alors que l’arbre a été coupé. Accepter, fédérer, expliquer et re-expliquer, anticiper les erreurs, gérer la nouvelle génération sans contraindre ses initiatives, gagner en maturité sans blesser les égos, revenir à des messages plus subtiles qui faisaient partie de notre force etc… Beaucoup doutaient mais Auteuil is back, à sa façon. Le President al-Khelaïfi leur a tendu la main. Et puisqu’il est en France et pas au Qatar, il pourrait penser que les voisins d’en face (Ndlr : Boulogne) méritent eux aussi plus de liberté, plus de considération. Que tu le veuilles ou pas, le Kop de Boulogne, c’est ton histoire. Le fief parisien qui imposait le respect des autres. Nous ne sommes pas aussi innocents et savons que le retour est presque impossible pour maintes raisons et que même si ça se fait, ça se fera peut-être d’une manière peu aboutie. Mais les miracles existent car « les autres ne pensaient pas que c’était possible, alors ils l’ont fait ». Quand Bernard Lama te déclare après la défaite lors du quart de finale aller face au Parme de Stoitchkov « au retour, on va jouer au Parc et il y aura 45,000 personnes », tu sais ce que ça veut dire. Tu sais, qu’en tant que supporter toi aussi, comme le joueur, tu as tes responsabilités et que tu seras attendu. Tu peux te déplacer, préparer le tifo, chanter ou animer mais tu ne peux être passif car tu es responsable. Au final, tu vas à Bruxelles et tu gagnes la Coupe d’Europe. C’est ça, un club de foot. Nous avons le droit de penser que sans authenticité, tu es moins fort. Qu’une équipe de football, visant le sommet européen et ayant la chance de joueur dans un des plus beaux stades du monde, n’est pas la même quand elle a ses 2 armées à disposition.

Maintenant que le club n’existe plus comment vivez vous votre passion et ne regrettez vous pas la fin de cette aventure ?

PSG Club Liban Virage
Le premier local © Collection personnelle

Notre amour pour le club date de bien avant la naissance du PSG club Liban et se poursuivra, il me semble bien, jusqu’à la fin de nos jours. Aujourd’hui, les jeunes parents que certains d’entre nous sommes, transmettent autant que possible la fibre parisienne mais également la culture du supporterisme. Découvrir différentes identités par plusieurs voyages aux stades puisque le football fait résonner l’histoire. Ramener un jour ses mômes au Celtic Park (Glasgow), au Gigante de Arroyito (Rosario) en passant par Artemio-Franchi (Florence). Leur inculquer une culture dans laquelle les stades de football ne sont pas des hôtels 5 étoiles. Et que nous suivrons les couleurs d’un club bien loin des pas des joueurs qui oublient la défaite de la veille au petit matin…


Xavier Chevalier

Hugues Renson Virage PSG

Hugues Renson

Peu sont les hommes politiques qui assument à 100% leur amour du football,
voire leur passion pour un club. Hugues Renson fait partie de ceux-là.
Le Vice Président de l’Assemblée Nationale
ne se cache pas. Il est supporter du PSG depuis toujours. Nous l’avons rencontré dans ses bureaux au Palais Bourbon,
où trônent, entre les dossiers, plusieurs livres consacrés au PSG.
Pas de doute, on est bien en territoire connu.

Vous êtes supporter du PSG depuis quand et pourquoi ?

Je suis un supporter inconditionnel du PSG depuis l’enfance. Né en 1978, j’ai eu très tôt l’amour du foot. J’ai suivi le club qui arborait les couleurs de ma ville. J’aimais le PSG, son maillot, ses joueurs : Sušić, Calderón, Tanasi, Jeannol, Bats !  Puis j’ai découvert le Parc des Princes, qui m’a immédiatement saisi. Je me souviens précisément du jour où j’y suis entré, pour la première fois : C’était lors du tournoi de Paris, à l’été 91, pour le début de l’ère Canal+. Le PSG vivait sa première grande transformation, avec de nouvelles recrues symboliques et les premiers gros investissements : Bruno Germain, Bernard Pardo et Laurent Fournier arrivaient de Marseille. Il y avait aussi Valdo, Ricardo, Geraldao… Au fond, j’aime plus le PSG que je n’aime le foot ! J’ai la passion du club, l’amour de son stade et de son ambiance. Il y a au Parc quelque-chose d’assez indéfinissable qui fait vibrer tous ceux qui y pénètrent. Alors oui, je suis devenu accroc, abonné à Auteuil, l’année où les Supras ont été créés, avant de passer, plus tard, à Boulogne alors qu’à l’époque, le mouvement était plutôt inverse ! Et puis ma vie de supporter a évidemment été marquée le 8 mai 1996 pour la finale de Coupe des Coupes. J’avais 18 ans et j’ai fait le déplacement dans un bus de supporters. Inoubliable ! Au fil de ma vie, je n’ai jamais quitté le Parc, même si, avec l’âge, et au fur et à mesure que ma carrière professionnelle avançait, j’ai quitté les virages. Aujourd’hui en tant qu’élu, j’ai le privilège de pouvoir me rendre dans le Carré ! Et je mesure ma chance ! 

Vos premiers souvenirs du club de la capitale ?

Mes premiers souvenirs, ce sont les grandes figures des années 80, et notamment Gabriel Calderón, un artiste argentin que je vénérais. Il y a bien-sûr eu aussi Safet Sušić. A l’époque, les matchs n’étaient pas télévisés. J’ai des souvenirs de multiplexs à la radio : allongé dans ma chambre sur mon lit, écoutant la radio en notant l’évolution du score sur les pages de l’Equipe. C’est aussi l’époque d’Amara Simba, avec cette campagne de publicité, dans tout Paris : « PSG Fais-nous rêver ». Aujourd’hui, je ressens toujours une émotion particulière quand je croise Amara Simba au Parc et que nous nous saluons. Idem avec David Ginola, que j’ai la chance de désormais bien connaitre. Ce sont les stars de ma jeunesse !

Hugues Renson Virage PSG Ngotty PSG Rapid de Vienne 1996
La course folle de Ngotty à Bruxelles en 1996 © Icon Sports

Quand vous arrivez à Boulogne, vous rejoignez les Boys ?

Oui. Même si, comme on le dirait en politique, j’étais plus un sympathisant qu’un membre actif. J’avais la carte des Boys car je trouvais ça sympa d’en avoir une. Mais ce que j’ai surtout découvert, et que j’avais commencé à expérimenter à Auteuil, c’est le kop ! Un virage de supporters, c’est le poumon d’un stade. Il vibre, il respire, il exulte. Le Kop, c’est une organisation, une passion partagée, une solidarité. Il y a une volonté commune de se sentir utile, et de porter son équipe. Bien sûr, il y a des excès, et notamment des excès de langage….  Et je confesse parfois aussi me laisser aller… Encore aujourd’hui, dans le Carré, il m’arrive d’avoir des réactions excessives… Je me lève, je bondis, je crie…. Bref, je vis le match… mais j’essaye de bien me tenir ! 

Horsmis Bruxelles, vous avez fait d’autres déplacements avec les Boys ?

Non. Bruxelles a été mon seul déplacement organisé. Ensuite, j’ai fait un certain nombre de déplacements individuels. Quand le PSG joue à l’extérieur et que je me trouve dans la région, j’aime aller les encourager. 

Qu’est-ce que vous retenez de ces années à Boulogne ?

Déjà une forme d’initiation au supporterisme. Un stade, ce n’est pas une salle de spectacle. Il y a, dans les virages, un vrai espace de socialisation, dont la dimension sociale, culturelle voire patrimoniale ne fait aucun doute. On y retrouve des amis. On y trouve des valeurs. On y est organisé. On y cultive la solidarité et l’entraide. J’ai aussi – comment l’occulter ? – été confronté à certains excès que l’on peut trouver dans une tribune, je pense notamment à des formes de radicalités politiques. La violence n’a pas sa place dans un stade de foot. Mais des groupuscules violents ont longtemps pensé qu’ils y avaient un espace d’expression. Chacun a en mémoire les évènements tragiques de PSG-Caen de 1993 (Ndlr : 28 aout 1993) où un CRS se fait tabasser, en tribune, par quelques excités. Comment ces évènements ont-ils pu advenir ? Ces dérapages, aussi inadmissibles qu’isolés, ont sérieusement et trop longtemps terni l’image de tous les vrais supporters parisiens, qui eux, donnent de leur temps, de leur énergie, de leur argent aussi, pour encourager leur club, pour vivre leur passion, pour exprimer leurs émotions. Fort heureusement, la violence a été éradiquée du Parc des Princes. Le chemin pour y parvenir a été long et difficile. Cela a suscité des incompréhensions, voire des tensions. Mais la situation a été pacifiée. Les supporters peuvent à nouveau faire résonner leur passion. Et c’est tant mieux, parce qu’un stade sans supporter n’est pas vraiment un stade. On le constate avec tristesse en ce moment, à cause de la pandémie… 

Est-ce que que l’on pourrait comparer un discours au perchoir devant l’hémicycle au travail d’un capo en Virage ? Est-ce aussi impressionnant ?

Hugues Renson Virage
Sur la tribune © D.R.

Complètement. Il y a un travail d’animation, de coordination, de surveillance et de régulation, aussi. Quand vous avez des centaines d’yeux qui vous regardent pour savoir quelle est l’attitude à avoir, quelle réaction le collectif doit adopter, oui il y a une similitude. C’est un peu comparable à un chef d’orchestre. Mais il existe en revanche une différence majeure ! Dans l’Hémicycle, le Président de séance a pour mission de faire vivre la pluralité des voix et des sensibilités. Le Virage, lui, est puissant lorsqu’il est uni et qu’il porte d’une seule voix son équipe.

Vous auriez été tenté de devenir Capo ?

Non, j’en aurais été bien incapable ! Même si ça me fascinait, je ne m’y suis jamais vu. Je n’en avais ni l’énergie, ni le courage.

On parlait de politique en tribune. Est-ce que ça a influencé vos orientations ?

Absolument pas. Mon éveil politique a eu lieu assez tôt et il est tout à fait différent et décorrélé de ma passion pour le PSG. Au fond, ce sont les deux passions de ma vie. Parallèles, et tout aussi fortes. Mais elles ne sont jamais rencontrées. Si j’avais dû travailler pour le PSG, j’y aurais mis autant de cœur et de convictions que pour mon engagement politique. En revanche, je suis absolument convaincu d’une chose : plus la politique se retrouve en dehors des stades, mieux on se porte.

En 2010, lors des incidents qui ont amené le plan Leproux, compreniez vous le discours de certains politiques qui voulaient tout bonnement dissoudre le PSG ?

Comment aurais-je pu le comprendre ? Au contraire, j’étais révolté. Vouloir casser un club, un outil de travail, des emplois, un secteur économique, la passion de plusieurs dizaines de milliers de personnes, au motif qu’on ne sait pas traiter efficacement un problème pourtant bien réel, c’était un mélange de facilité, de méconnaissance et de démagogie. Cette idée saugrenue n’a heureusement pas prospéré très longtemps. Mais cela témoigne d’une difficulté, encore d’actualité : il y a une méconnaissance regrettable du monde des tribunes et du football de la part des femmes et des hommes politiques. Avoir un avis péremptoire sur une difficulté, et proposer une solution inapplicable, ça n’a aucun sens. Pour autant, c’est à ce moment-là qu’il y a eu une prise de conscience globale du club, des supporters eux-mêmes, et de l’ensemble de l’éco-système du PSG. On ne pouvait plus continuer comme ça. La sécurité en tribune est non négociable. Je parle comme supporter autant qu’en père de famille et en tant qu’élu. Il faut juste trouver collectivement des solutions intelligentes. 

Quel est votre position quant au monde ultra ? Pensez vous qu’ils soient parfois trop stigmatisés ?

Il existe des raccourcis et des idées reçues, et comme dans tous les domaines, les a priori sont très éloignés de la réalité. Alors oui, comme supporter, ça m’agace. Que les gens qui vont dans les stades, qui ont des relations avec les supporters aient un avis, c’est normal. Ils s’y confrontent. Mais comme souvent, les jugements les plus sévères sont portés par ceux qui ne connaissent pas. En l’espèce, ceux qui se permettent de juger sont ceux qui n’ont jamais mis un pied dans un virage, ni entretenu d’échanges avec les associations de supporters.  Il ne faut pas dire n’importe quoi et se renseigner sur l’éco-système d’un club avant d’en parler. 

Hugues Renson Virage PSG
Une passion incontrôlable ? © Icon Sports

Avez-vous lu le rapport de Marie-George Buffet et de Sacha Houlié (Député LREM) sur le supporterisme en France ?

Bien sûr. C’est un travail très intelligent, qui doit permettre de restaurer la confiance envers les supporters. Marie-George Buffet a été Ministre des Sports et connait parfaitement le sujet. Sacha est un ami très cher, un député engagé qui a de grandes qualités, même s’il a évidemment un immense défaut que vous connaissez (Ndlr: il est supporter de l’OM). On se chambre beaucoup, on ne parle quasiment que de cela quand on se voit. Nous sommes allés ensemble à un PSG-OM. Je l’ai présenté à Nasser. Après 10 min, il y avait 3-0, donc les choses avaient été réglées très vite. Malgré son amour de l’OM, et blague à part, Sacha Houlié connait très bien le sujet. Il partage la même passion et le même regard, bienveillant et compréhensif, sur le supporterisme. Nous avons la volonté d’avancer et de trouver des solutions, adaptées à la réalité avec une double exigence : responsabiliser les acteurs, et notamment les associations et leurs représentants d’un côté, et garantir le respect de la sécurité de l’autre.  

Sur les fumigènes quel est justement votre position ?

A mes yeux, ils sont indispensables à la vie d’un stade. Dans un virage, il y a des chants, des banderoles, des fumis, des mouvements. Tout peut, a priori, poser problème. La question n’est donc pas de vouloir tout interdire. La question, c’est de savoir comment on régule, comment on impose un usage. Cela passe par la responsabilisation. Est-ce qu’interdire les fumis les fait disparaitre des stades ? Ça se saurait ! Plus on interdit des choses, plus les gens les font. Il faut donc réguler. Ça doit pouvoir se faire avec les associations de supporters, les clubs, les pouvoirs publics. Chacun doit agir en responsabilité. 

D’où l’intérêt des associations montées en tribune par les groupes.

Evidemment, les associations sont indispensables. C’est l’erreur fondamentale de la dissolution en 2010. Une association de supporters, c’est un canal de régulation, ce sont des interlocuteurs avec lesquels on peut avoir des discussions, parfois difficiles. Il faut qu’on puisse voir quel est le cadre qu’on pose avec eux pour qu’ils puissent vivre leur passion. Rien n’est pire que d’avoir des mouvements disséminés. Alors oui, il faut des associations. Les représentants des supporters jouent un rôle considérable. Ils ont une responsabilité. Le rapport Buffet/Houlié propose même que ce soit reconnu. 

Vous continuez à fréquenter les tribunes du Parc malgré votre agenda ?

Je ne rate jamais un match et je vais au Parc dès que c’est possible. Compte tenu du COVID, cela fait trop longtemps, malheureusement… Et je ne sais pas si je peux le confesser, mais il m’arrive même de suivre l’évolution des matches lorsque je suis au Perchoir. Il parait que Philippe Séguin les regardait, lorsqu’il présidait l’Assemblée Nationale !

Hugues Renson Virage
En Virage Auteuil © D.R.

Préférez-vous une saison ou Paris écrase la L1 ou très disputée comme cette année, quitte à manquer le titre comme en 2017 ?

Là-dessus, je n’ai aucune pudeur et aucune délicatesse ! Qu’un match soit disputé, c’est très bien. Mais mon souhait, c’est qu’on les gagne tous ! Et largement ! Quand on regarde la saison en cours, même s’il existe des explications à la situation actuelle et au fait que le championnat soit davantage disputé, cela ne me fait pas spécialement plaisir. Avant l’arrivée du nouveau coach, on ne jouait pas bien. Et oui, je préfère que l’on soit très nettement au-dessus. Ensuite, le débat porte sur le niveau de la Ligue 1. Certains disent qu’écraser la Ligue 1 ne permet pas de se préparer suffisamment pour la Ligue des Champions.  Je n’ai pas la réponse… Mais je ne suis pas convaincu que notre championnat soit meilleur cette année, parce qu’il est plus disputé… 

Quel regard portez vous sur le projet QSI à Paris ? Pensez vous qu’ils se soient installés ici pour longtemps ?

Comme beaucoup de supporters, j’ai connu l’avant QSI. J’ai une immense reconnaissance pour les « pères fondateurs », et notamment le Président Borelli. J’ai adoré l’ère Canal+ et la présidence intelligente et transformatrice de Michel Denisot. Puis il y a eu l’épisode Bietry, et des changements incessants de gouvernance, avec des investissements pour le moins incertains. Dans ces moments durs, j’étais tout autant supporter. Mais ce qui est sûr, c’est que lorsque les résultats sont médiocres, qu’il y a une mauvaise ambiance dans le club comme dans le stade, que les joueurs qui arborent vos couleurs sont de dimension modeste, c’est plus dur à vivre. L’arrivée de QSI a été une grande opportunité pour le club, pour la ville de Paris, et pour l’ensemble du foot français. Le PSG existait avant, contrairement à ce qu’avait dit Zlatan ! Mais le PSG a changé d’ère. Bien sûr, les observateurs, voire les détracteurs, vous parleront de plein de choses : « c’est un investissement intéressé », « c’est de la diplomatie qui se sert du foot » etc… Mais voyons, regardons les faits ! Le travail qui est accompli est absolument remarquable. Notre club est désormais de dimension planétaire. Dans tous les domaines : sportif, image, marketing. On a franchi un cap qu’on aurait pas franchi sans ce propriétaire. A l’époque, les rubriques mercato nous annonçaient la signature de Daniel Kenedy ou Vampeta ! Maintenant, elles se demandent si on va pouvoir réussir à signer Messi, ou surtout Dybala, qui est un de mes joueurs préférés et dont l’arrivée serait merveilleuse ! Alors oui, je préfère être dans cette nouvelle situation. Nasser est, par ailleurs, un excellent président. Intelligent, cultivé, ambitieux. Il est très efficace à Paris, et très utile au foot français en règle générale. L’arrivée de Leonardo, figure du Club, nous a aussi permis de franchir un palier. Je ne crois pas que l’on ait déjà eu à Paris un tel niveau de professionnalisme et de rigueur. 

Est-ce que c’est facile d’assumer le fait d’être supporter du PSG quand on occupe vos fonctions ? Est-ce que vous n’avez pas peur qu’on vous traite d’opportuniste ?

Assumer d’être supporter du PSG ? Ah ça oui, assurément ! Et je l’assume d’autant plus que je le suis de longue date… Mais vous avez raison, il peut y avoir chez certains une dose d’opportunisme ! C’est amusant de venir dans la corbeille du Parc en période électorale ! On y trouve plein de supporters occasionnels ! Faire semblant de supporter notre club en période électorale, c’est un peu un passage obligé…  Comme si assister à un match allait inciter les supporters à voter dans tel ou tel sens. Ceci dit, et même si on ne partage pas les mêmes idées, il existe des politiques qui aiment vraiment le club. Pour Nicolas Sarkozy, c’est indiscutable. Manuel Valls aussi, même s’il préfèrera toujours le Barça. Anne Hidalgo, aussi, aime profondément le PSG. Elle vient au Parc comme Maire de Paris, mais elle aime le foot et elle est profondément attachée au club, au stade, aux joueurs. Elle s’entend très bien avec Luis Fernandez. Au fond, nous sommes quelques-uns à partager la même passion. C’est en cela que le foot est fédérateur. Vous en connaissez beaucoup de sujets qui peuvent fédérer comme ça autant d’acteurs si différents ? Pour en revenir à la question d’assumer, la seule chose sur laquelle je m’impose une discipline, c’est que je ne peux pas tout me permettre. Par exemple l’été dernier, quand les marseillais sont allés fêter notre défaite contre le Bayern sur la Canebière, là vraiment j’ai dû contrôler ma réaction. Si je m’étais laissé aller à un tweet, il m’aurait été reproché. L’exposition publique que j’ai m’oblige à poser un cadre que je ne poserai probablement pas si je n’étais pas élu. Je suis par exemple très heureux de l’arrivée de Pochettino et je l’ai exprimé. Mais je m’étais gardé d’exprimer mon avis sur la gestion de Thomas Tuchel. 

L’arrêt de la L1 en France la saison dernière pour cause de Covid, est-il le signe que le foot reste considéré comme accessoire par les politiques ?

Je l’ai regretté. Les choses ont été faites trop brutalement et sans concertation. Mais l’urgence de la situation et l’inconnue dans laquelle nous étions plongés le justifiaient probablement. Tout a été arrêté. L’école, l’économie, la culture etc… Pour le football comme pour tous les autres secteurs de la vie du pays, ça a été compliqué. Les dispositifs de soutien à l’activité ont bénéficié aux clubs de foot, de telle sorte que la casse a été limitée. Des clubs de petite ou moyenne taille, vont probablement s’en sortir. Pour ceux dont les recettes reposent davantage sur la billetterie, le merchandising, le sponsoring ou les droits télé, ce sera financièrement très compliqué et les actionnaires vont devoir se montrer solides. Pour le foot comme pour bien d’autres secteurs d’activité, il faudra du temps pour se relever. Mettre sous cloche, pourquoi pas. Mais attention à ne pas casser les outils…

Hugues Renson Virage PSG Mbappe Macron
Sport et politique © Icon Sports

Existe-t-il beaucoup de supporters de foot chez les hommes et femmes politiques à l’Assemblée ?

Oui bien sûr, comme dans toute la société française ! Ça parle foot dans les couloirs comme dans n’importe quelle entreprise. Il y a beaucoup de passionnés. Je suis d’ailleurs à l’initiative de la création d’une association informelle de députés supporters du PSG. (Ndlr : PSG députés). On est une soixantaine. On a pu organiser le visionnage de Ligue des Champions dans les bureaux de l’Assemblée sur des temps partagés. Ce qui est amusant, c’est qu’il n’y a pas que des franciliens ou des parisiens. La passion du PSG existe partout, même si certains ont peut-être plus de mal à assumer leur passion sur les territoires qu’ils représentent. Notre association est trans-partisane. Il y a toutes les mouvances et tous les territoires. Il existe aussi une association de fans de l’OM, qui existe et qui est présidée par Eric Diard qui est élu Les Républicains de Marseille, et qui, je regrette de le dire, est très sympa aussi ! On se chambre pas mal. C’est amusant de voir comment le foot atténue toutes les oppositions, même dans les moments les plus crispés et intenses du débat politique. 

Est-ce que vous organisez des visionnage de Clasico avec eux ?

On ne l’a pas fait et je pense qu’il est préférable de ne pas le faire ! Un Clasico exacerbe les tensions ! Je ne suis pas sûr que regarder un PSG-OM à l’Assemblée soit une bonne idée. 

Est-ce qu’occuper un jour des fonctions au PSG pourrait être une mission qui vous intéresserait ?

Je ne sais pas si je pourrais y être utile. Et par ailleurs, je ne suis pas sûr que travailler au service d’une passion soit toujours une si bonne chose que cela !  Mais, si un jour, cela se présentait, j’en serais follement heureux. J’ai même souvent dit à des amis que si le PSG m’appelait, je lâcherais tout. Et ce n’est pas un appel du pied ! Aujourd’hui, à la place qui est la mienne, je peux déjà me montrer utile. 

Vous êtes élu LREM. Vous côtoyez le président Macron. Est-ce un vrai fan de foot ?

Il connait très bien le foot sans aucun doute, et il l’aime. Mais nous avons une divergence fondamentale… Nous sommes de la génération pour laquelle le club qui dominait le foot français, c’était l’OM, le grand OM. Moi j’ai choisi Paris. Lui a plutôt suivi la tendance (rires) ! Mais oui, c’est un vrai passionné.

Hugues Renson Virage PSG Neymar
Quand Neymar retournait le Parc des Princes © Icon Sports

Est-ce que Kylian Mbappé ferait un bon homme politique ?

Il en fait ! De plus en plus, d’ailleurs… Il a une maturité assez exceptionnelle. Et je crois qu’il a pris conscience que sa voix pouvait porter. Il s’est engagé sur le Black Lives Matter. Il a eu une attitude remarquable lors de PSG-Basaksehir. Il prend de plus en plus de positions. Et je trouve que c’est très bien. Quand on a des convictions, et quand on a une aura aussi large, il est normal de vouloir les faire partager. Mais il lui arrive aussi de jouer du rapport de forces, comme il l’avait fait à l’occasion des Trophées UNFP en réclamant plus de responsabilité. Sortie publique que je n’avais que très modérément appréciée…

Votre avis sur le départ de Thiago Silva et Edinson Cavani ?

Ce sont deux très grands joueurs qui auront marqué l’histoire du Club. Je regrette beaucoup le départ de Thiago Silva. Il aura réussi, au fil du temps, à construire un lien indéfectible avec le club et les supporters. Et je suis convaincu qu’il reviendra un jour au PSG, dans l’encadrement ou la direction. Concernant Edinson Cavani, je ne peux pas être objectif… Je suis un fan absolu ! Et j’ai beaucoup regretté les conditions de son départ… Pour tout ce qu’il a accompli avec le club, pour ses 200 buts, j’ai trouvé que cela avait été trop brutal. Il a tout donné, sous notre maillot. Et j’aime ça. Et contrairement à ce qui est dit ici ou là, ça existe encore, des joueurs qui ont un amour du club et des supporters. Je pense à Marco Verratti. Je ne suis pas sûr qu’il connaisse un autre club que le PSG et c’est tant mieux. C’est probablement ce qui m’avait déçu avec Zlatan… Considérer que le club n’existait pas avant lui, c’est une profonde erreur… Le PSG existait avant. Et il existera longtemps après. 

Pensez-vous que Neymar est en train de construire ce lien avec Paris ?

Sans aucun doute. Neymar est une légende, un joueur phénoménal. Sa relation avec le club est passionnelle. Elle se construit avec le temps. Mais l’épreuve qu’il a subie, en se faisant conspuer par le stade, a paradoxalement renforcé, je le crois, ses relations avec le PSG et avec les supporters. Il a démontré sa volonté de réussir à Paris, et de faire taire tous ses détracteurs…  De mon point de vue, les ultras étaient allés trop loin avec lui. Sa réponse est venue sur le terrain avec ce somptueux retourné lors de PSG-Strasbourg (Ndlr : 14 Septembre 2019). Pour moi, c’est le point de départ de son histoire avec le PSG. Il doit s’inscrire dans la durée à Paris. Et avec Neymar, on gagnera la Ligue des Champions. 


Xavier Chevalier
Romain Podding

Romain Mabille Virage PSG

Romain Mabille

ROMAIN MABILLE, c’est une longue histoire avec le PSG. Une histoire de famille
pour commencer puis un engagement en tribune chez les SUPRAS, à la K-SOCE TEAM jusqu’à la présidence du CUP (Collectif Ultras Paris) qu’il a quittée en fin d’année dernière. Ses paroles sont précieuses pour mieux comprendre le cheminement
du monde ultra à Paris depuis 2010. Voici son interview exclusive. 

Comment es-tu devenu supporter du PSG et pourquoi ?

C’est la fibre paternelle. Mon père m’emmenait au Parc. Mon grand père soutenait aussi le PSG. Il y a une identité parisienne très marquée dans la famille. On vient de Sevran dans le 93. J’aimais bien le foot déjà de base. Ça s’est fait tout seul. Je suis allé au stade avec mon père jusqu’à environ 13-14 ans. Ensuite il y a eu une petite coupure. Puis je suis retourné au Parc seul à 16 ans.

Quel match t’a fait vriller ?

J’en ai 3 qui m’ont marqués quand j’étais petit. Déjà le PSG-Galatasaray de 1996 (Ndlr : 31 octobre 1996). Puis il y a eu l’AEK Athènes (Ndlr : 6 mars 1997) et Liverpool (Ndlr : 10 avril 1997). Ça a été un vrai tournant pour moi. De voir autant de gens se déplacer à l’extérieur pour un match avec autant de ferveur, de voir l’ambiance explosive du Parc. Depuis tout petit j’avais à la fois un oeil sur le terrain mais aussi sur ce qui se passait en tribune. Et ces 3 soirs-là, ça m’a encore plus marqué.

Tu t’es intéressé au mouvement ultra à ce moment-là ?

Un peu plus tard. A 14 ans je suivais les tifos, j’avais des photos, j’ai commencé à m’y intéresser sérieusement. 

Quand tu arrives à 16 ans en tribune, c’est quoi ton objectif ?

Déjà c’était d’aller à Auteuil. C’était mon seul objectif, et d’aller un peu partout voir ce qu’il s’y passait. Mais je voulais intégrer un groupe sans savoir lequel. Dès mon premier abonnement j’ai eu la chance d’être à Auteuil. J’étais avec mon cousin. On s’est baladé dans le Virage. C’était en 2003-2004. Et la saison 2005-2006 j’intègre les Supras. Et j’y suis resté jusqu’à la fin, jusqu’au dernier jour où on a vidé les locaux.

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Dans la Horde Supras © Collection personnelle

Que retiens-tu de ces années Supras. Ça évoque quoi pour toi ?

Franchement des bons souvenirs et de belles rencontres. Et puis l’apprentissage. Il y avait des personnalités marquantes. J’ai grandi en voyant Boat au méga (Ndlr : Boat, Capo des Supras – voir l’interview dans Supras). C’était la référence. En déplacement on se voyait et on parlait. En tout cas de ces années, je ne retiens que du positif même si ça a mal fini en 2010. J’étais jeune, je découvrais ce qu’il se passait, je participais à des permanences, je venais au Parc en avant match, je faisais les déplacements. J’ai vécu ma passion à 100%. Au détriment de mon parcours scolaire (rires). Le lundi matin je n’allais pas à l’école et tout le monde le savait. Même les profs, mais je me sentais vraiment épanoui. Je revendiquais mon côté supporter dans les attitudes, le style vestimentaire, mon sac à dos était graffé Virage Auteuil, Supras…

Il y a un déplacement période Supras qui t’a marqué ?

Le déplacement au Vélodrome en coupe de France quand on gagne 3-2 avec les buts de Bošković (Ndlr : 10 novembre 2004). On était pas beaucoup. Ça avait été un peu chaud ce jour-là. Ça m’avait fait kiffer. Il y a aussi le déplacement Kayserispor (Ndlr : 18 septembre 2008) où j’avais eu la responsabilité de bâcher. Là aussi on était peu nombreux. Environ 30. On représentait le PSG.

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Déplacement avec les Supras à Saint-Etienne en 2008 © Icon Sport

En 2010, tu fais partie de ceux qui voulaient continuer le combat pour que les ultras restent au Parc ?

Complètement. Je faisais déjà partie de la K-Soce Team (Ndlr : une des entités des Supras). C’était compliqué à l’époque, déjà de part les tensions qui existaient en face (Ndlr : Auteuil face à Boulogne). C’était politique. Ce n’était pas le même PSG qu’aujourd’hui. Mais de toute façon on s’était dit entre nous qu’on ne lâcherait jamais le Parc. On venait au Parc pour supporter le PSG. Il était hors de question de ne plus suivre le club. C’était clair.

Tu as fait partie du mouvement LPA (Ndlr : Liberté pour les abonnés, association montée par des supporters du PSG pour lutter contre la suppression des abonnements en 2010) ?

Non car c’était deux trucs différents. On les voyait d’un bon oeil mais on était pas en contact à l’époque. Déjà parce que LPA ce sont surtout des gens qui n’étaient pas forcément dans le mouvement ultra au début. Nous, on était un peu l’écart. Il faut dire la vérité. On devait s’adapter à chaque fois pour suivre le club malgré tout. Malgré les interdictions et la répression. Nos places étaient annulées en arrivant au stade. On devait ruser pour aller supporter Paris. C’était vraiment compliqué et pourtant on était de bonne foi. Mais on était un peu naïf. Le club avait vraiment fait une croix sur ses supporters. Ça s’est avéré beaucoup plus compliqué qu’on ne l’imaginait au début.

Est-ce que tu as pensé baisser les bras à un moment ?

Je ne l’ai jamais dit mais sur la fin on commençait à être vraiment à bout de souffle. On était de moins en moins. Ça durait depuis 6 ans. On avait essayé beaucoup de choses mais on voyait que rien ne bougeait côté direction, côté club, côté pouvoirs publics. On arrivait dans une impasse et paradoxalement c’est là que les choses ont commencé à bouger. 

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En déplacement à Toulouse en 2011 © Collection personnelle

Tu as vite rencontré des personnalités comme Mika (ex vice-Président du CUP et à l’origine de LPA) et James qui ont été importantes dans ce combat ?

Oui car on se croisait dans les contre-parcages. On ne faisait pas la même chose mais on était aux mêmes endroits avec le même objectif. Il y avait deux franges. D’un côté LPA, Le Combat Continue et les Nautecia, de l’autre la K-Soce, les Microbes et les Parias. Petit à petit on a commencé à se mélanger entre nous, on s’est retrouvé en parcage et ça s’est bien passé. L’idée est née de faire quelque-chose ensemble. Sans quitter son groupe. Mais d’être unis pour avoir plus de poids dans les discussions.

C’est là que tu décides de prendre plus de responsabilité ?

J’étais déjà leader de mon groupe depuis la contestation. J’étais jeune mais j’avais pris mes responsabilités. J’étais aussi le capo de la KST (Ndlr : K-Soce Team). Il fallait que les gens se rapprochent et je voulais apporter ma pierre à l’édifice pour que le mouvement ultra à Paris renaisse. 

Qui s’est engagé avec toi ?

Tous les leaders des groupes. James, Mika, Fabien, Axel, Wissam, Bobo, Lahoucine, Guillaume, Hamza… On était une dizaine. Un jour on en a vraiment parlé concrètement. Et puis on a vite été rejoints par tous les gens abonnés au Parc et pas forcément ultra. Le club essayait de les utiliser contre nous, alors on a décidé d’aller les voir et de leur expliquer notre démarche. Celle de réunir tous les supporters du PSG. De toute façon sans nous c’était impossible d’y arriver. Ils n’avaient pas l’expérience ni la légitimité. Au final ils nous ont rejoints. Et il y a eu un fait marquant ; c’est le jour du titre en 2013 lorsque ils ont lancé « Liberté pour les Ultras » au Parc. On ne leur avait pas demandé et ça nous a fait comme un électrochoc. 

Comment tu te retrouves nommé président du CUP ?

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© @alexsphotographie

Au moment où il fallait décider de qui prendrait le poste, on s’est concerté, et personne n’en voulait. Tout le monde s’est dit que ce serait difficile vis à vis des pouvoirs publics. Au final je me propose et tout le monde valide le choix. Mika a pris la vice-présidence, j’avais besoin d’être épaulé sur l’administratif. Je ne voulais pas être lâché seul en pâture, il fallait du monde derrière moi. Donc dès que les statuts de l’association ont été déposés, j’ai été président. 

Quelle est la chose la plus difficile à gérer en tant que président d’un groupe aussi complexe que le CUP ? Réunir plusieurs groupes et mentalités au sein d’une même entité ?

Réunir n’a pas été un problème car on était tous soudés. Quelques soient les groupes. Le plus dur à gérer ça a été l’égo des gens, et l’éducation des nouveaux arrivants. Ils avaient participé à la contestation, mais l’étape suivante c’était de construire une mentalité ultra dans le stade avec tout ce que ça implique.

De plus le CUP à ses débuts à tout de suite était considéré par certains comme une association contrôlée par le club ?

Je peux te dire que ce n’était absolument pas le cas. Il y a eu de sacrées discussions avec le club, mais toujours dans le respect. Quand on a voulu imposer des valeurs ultras en tribune, on a été jusqu’au bout. Le club avait besoin de toute façon de récupérer ses supporters. Tout le monde avait un intérêt dans cette histoire. Certaines personnes au club voulaient qu’on revienne, mais d’autres nous ont mis des bâtons dans les roues. On nous répétait à chaque fois qu’il ne devait pas y avoir de fumigène, pas de violence, pas de politique. Sur les deux dernières on était d’accord car on savait le mal que ça avait fait au mouvement ultra parisien. Mais sur les fumigènes c’était impossible à tenir. En tribune ça bouge, c’est turbulent. Le club était assez ouvert mais ils avaient leur idée du mouvement qu’ils voulaient ramener. Et ce n’était pas la nôtre. C’est normal.

Tu comprends les réactions sur la banderole qui remercie le président Al-Khelaïfi (Ndlr : PSG-Lorient, 21 décembre 2016), comme quoi jamais des ultras n’auraient fait ça avant ?

Là-dessus je peux te répondre complètement car j’en suis l’initiateur et je savais que ça allait poser des problèmes. Et je le comprends totalement. Je savais à quoi je m’exposais mais vu que j’avais participé à toutes les réunions internes, que j’avais vu la réalité de la situation, je trouvais qu’il était important de lui rendre hommage. S’il n’avait pas été là, s’il n’avait pas eu le courage de faire ce geste fort, jamais on ne serait revenu. De voir quelqu’un au club autant prendre le parti des supporters, alors qu’il ne nous connaissait pas, même s’il y a un intérêt, c’était important. Il a fait ce qu’il fallait faire. Par correction on était obligé de le faire. Même si ça nous a un peu décrédibilisé au début. Ça m’a fait du tord aussi à l’intérieur même du CUP. 

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« Merci Nasser » © Icon Sport

Quelles sont tes plus grandes fiertés dans les tâches accomplies par le CUP ?

D’un point de vue Ultra, les tifos. Car on en a fait beaucoup en peu de temps. Les déplacements c’est aussi une fierté : le nombre de personnes qui se sont déplacées, l’engagement qu’on y a mis, on est aujourd’hui pas mal en France si on se compare avec les autres clubs. Ça chante et on anime beaucoup plus les parcages. Au Parc il y a encore du travail, pas sur le visuel mais sur le sonore. On peut faire mieux. Et d’un point de vue humain, ma fierté c’est de voir tous les jeunes participer au mouvement alors qu’ils n’étaient pas là à l’époque. Se bouger pour le club et apprendre les valeurs ultras. Voir aussi les enfants au Parc. 

Que penses-tu de l’arrivée de nouveaux groupes à Boulogne ?

Sincèrement je pense que c’est un coup d’épée dans l’eau. Car c’est beaucoup trop tôt. Le club et les pouvoirs publics feront en sorte que ça ne se développe pas. Pourtant ils sont bien intentionnés. Ils se bougent, on a discuté avec eux. A partir du moment où il n’y a pas de politique, on peut se mélanger en parcage. On ne peut pas s’opposer à des gens qui sont là pour supporter le PSG. Sauf qu’ils ont commencé à avoir des problèmes entre eux. Des gens peu recommandables ont essayé aussi de récupérer leur truc, donc tout ça mélangé fait que ce sera compliqué. Déjà nous, ça fait longtemps maintenant qu’on travaille sur tout ça et pourtant il va falloir encore quelques années pour que ce soit stable. 

Quel tifo a été pour toi le plus marquant ?

Ce n’est pas un tifo, c’est une animation, c’est le PSG-Bayern de 2017. (Ndlr : 27 septembre 2017). Depuis que je suis au stade j’ai toujours voulu ce genre d’animation. Je trouve ça magnifique. En Italie ils ont fait ça plusieurs fois notamment sur le derby de Gênes. De voir tous ces drapeaux, de toute taille, c’est tout ce que j’aime dans un stade. A retenir, il y a bien-sur de beaux tifos comme le Dragonball Z ou le « De père en fils ». « De Père en fils « ce qui était important c’est le message passé car tous les supporters du PSG pouvaient s’identifier. Ce n’est pas un tifo uniquement pour les ultras.

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PSG-Bayern de septembre 2017 © Icon Sport

Quels sont les points communs entre le CUP 2021 et le Virage Auteuil d’avant 2010 ?

La solidarité. La population qui y est similaire. Le fait de se bouger en dehors du stade pour essayer d’aider les parisiens. Je suis fier de l’association CUP Solidarité. D’avoir réussi à monter cette structure pour développer cette aide collective. Alors même si ce n’est plus le même club ni la même époque, les gens et les comportements restent les mêmes. On s’est juste adapté à l’époque.

Les dernières saisons riment avec le retour de maillots historiques, il se dit que le CUP a eu son mot à dire là-dessus lors de réunion avec le club. Qu’en est-il ?

Totalement. Depuis les premiers rendez-vous avec le club, il n’y a pas une réunion où on n’a pas parlé du maillot historique avec James et Mika. Cyril Dubois (Ndlr : avocat des supporters du PSG et de l’ADAJIS) et Mika ont participé également à la réunion avec les designers de Nike. Cyril a ramené un maillot historique pour que les designers le voient car ils ne connaissaient même pas les couleurs. Donc on est ravi que ce maillot soit revenu. Mais le vrai combat initial c’est à la fois le retour mais surtout la pérennisation. Ce sera le plus dur. L’année des 50 ans on savait qu’on avait une ouverture et que ce serait possible. Mais le garder sur le long terme sera plus difficile. Mais tant que le domicile et l’extérieur respectent notre histoire, ils peuvent se lâcher sur le 3ème et le 4ème maillot.

Comment fait t’on pour gérer sa vie privée et ses relations familiales lorsqu’on est soudainement sous le feu des projecteurs comme ce fut ton cas ?

C’est compliqué. Déjà le CUP est arrivé un an après mon mariage. J’ai eu un petit garçon et je travaille en 3×8. Je devais gérer le CUP et la K-Soce Team en même temps. C’est beaucoup de sacrifices mais j’ai la chance d’avoir une femme compréhensive qui connait bien le personnage… En 4-5 ans j’ai pris 10 ans… C’est usant. Mais je ne regrette pas.

Cette exposition médiatique, notamment lors du procès, n’a pas été difficile à gérer pour ta famille ?

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© Collection personnelle

Si. Surtout qu’il y a un media qui s’est pas mal acharné sur moi. Un journaliste en particulier. C’est compliqué d’autant que j’ai encore mes parents, j’ai 3 soeurs, j’ai une belle famille. Tant qu’on écrit sur le mouvement, qu’on soit d’accord avec moi ou pas, pas de problème mais quand on commence à s’attaquer à ma personne, à mes convictions, à ma façon de penser, alors qu’ils ne me connaissent pas, ce n’est pas mérité. Autant on peut me critiquer sur ce que j’ai fait avant, mais depuis que j’ai pris la présidence du CUP je me suis toujours imposé une certaine règle, j’ai toujours essayé de faire du mieux possible pour le CUP et le club. 

Quand tu parles d’avant, tu parles de tes débuts chez les Supras et au sein de la K-Soce Team ? Quand c’était un peu plus « sauvage » ?

Oui mais ce n’était pas le même mouvement à l’époque. Et j’avais 20 ans, je venais de banlieue. Je n’avais pas la même mentalité. Je ne le renie pas. Sauf qu’il faut accepter que les gens changent et prennent de l’âge. Et quand on prend des responsabilités, on les prend à coeur. Alors oui j’ai fait des bêtises, qui n’en a pas fait, mais ce n’est pas pour ça que je suis quelqu’un de mauvais. C’est toujours facile de critiquer, mais c’est plus dur de reconnaitre le bon travail que j’ai pu faire avec le CUP. En tout cas j’ai fait du mieux possible. 

Revenons sur le terrain. Comprends-tu l’attitude de certains supporters du Virage à l’égard de Neymar en septembre 2019 face à Strasbourg ?

C’était paradoxal car j’étais le président mais j’étais le plus modéré. J’ai eu beaucoup de mal à accepter ce qu’il s’est passé. On a été beaucoup trop dur, on s’est acharné. On lui reproche beaucoup de choses qu’on ne reproche pas à d’autres. On n’a pas eu le bon comportement. Les joueurs peuvent faire des erreurs et il n’a jamais insulté le club. Dans le reportage où il parle de la remontada, il parle aussi de deux autres très bons souvenirs pour lui mais tout le monde les a zappés. A Barcelone il est sur le terrain, ça fait partie de l’histoire. L’été 2019, on ne sait pas si il a voulu vraiment retourné en Catalogne, si c’est lui ou son père mais ce que je constate c’est que dans ses déclarations il a toujours respecté notre club. En tant que supporter du club, si on veut qu’un joueur donne le meilleur de lui-même on se doit d’être derrière lui et de le soutenir. Il n’a jamais craché sur le club, craché sur le maillot, ni même répondu aux attaques des supporters en colère. Neymar est un joueur qui marche à l’affectif. En ayant eu ce comportement avec lui, j’ai été assez frustré car j’ai senti qu’on passait à côté de la construction d’une vraie relation. Ça a retardé quelque chose avec lui. C’est un peu du gâchis. 

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Banderole anti Neymar en 2019 © Icon Sport

Il faut dire qu’en France on a du mal avec les superstars.

Et encore plus à Paris, on a une mentalité particulière. Exigeante. C’est ce qui fait notre personnalité. Et je trouve qu’il est un peu comme nous. Il est fier. Ok il gagne beaucoup d’argent mais ce n’est pas le nôtre. On se doit de le soutenir en tant que supporters parisiens. 

Tu ne crois pas que Kylian Mbappé mérite aussi plus de soutien ?

C’est plus compliqué car j’ai l’impression qu’il est plus fermé, moins attaché au club. Pourtant c’est quelqu’un de la région parisienne. Il a grandi à Bondy, c’est à quelques kilomètres de chez moi. Mais je n’ai pas l’impression qu’il a envie d’avoir une relation avec les supporters. Après c’est aussi un peu la responsabilité du club car on n’a aucun contact avec les joueurs. Ils sont dans une bulle. On a aucun moyen de leur faire passer des messages, alors que je trouve que c’est important. Par exemple lors du Final 8 j’ai du passer par les journalistes pour leur envoyer des messages. Je trouve ça catastrophique qu’on ne puisse pas créer de relation avec eux. Dans mon idéal du supporterisme, on a un rôle à jouer et entendre certains mots pour les encourager et montrer qu’on est toujours derrière eux, c’est important. Il y a des gens au club qui empêchent cela. 

Le CUP arrivera t il un jour à avoir plus de liberté dans le virage ?

En terme de liberté je ne pense pas qu’on puisse avoir beaucoup plus que ce que nous avons aujourd’hui. Honnêtement. Sur les craquages, il y a peu de clubs qui ont fait ce que nous avons fait. Madrid, Bruges, Reims… On n’a pas été plus sanctionné que les autres. On a prouvé au club que c’était important dans notre gestion du collectif. C’est peut être sur les banderoles où on pourrait avoir plus. Mais je ne suis pas fans des banderoles insultantes et des stéréotypes, du genre « enculé » tout ça… On est parisien, on peut faire mieux dans la finesse et l’humour. Beaucoup de gens critiquent les banderoles du CUP et honnêtement je trouve que c’est justifié. Dans le monde Ultra les banderoles ce n’est pas qu’insulter. C’est fait pour marquer, réagir, rigoler. Il faut prendre un peu de recul et moins réagir sur le moment. Il faut un peu plus de maturité je pense. 

Tu as quitté la présidence du CUP en octobre 2020. Aujourd’hui tu ne le regrettes pas ?

Non car au niveau personnel j’avais une vraie fatigue, un vrai ras le bol. Ça me prenait trop de temps. J’ai profité de cette année particulière pour arrêter. Mais je suis resté le leader de la K-Soce Team. Je donne toujours mon avis au sein du CUP, je participe aux actions, sauf que je n’ai plus ce rôle central. De toute façon ça me tient tellement à coeur que je n’aurais jamais pu tout arrêter. Quoiqu’il arrive je suis un ultra. C’est mon style de vie. J’irai toujours au stade, j’irai chanter et faire des tifos. Mais pour la présidence j’en étais arrivé à un stade où je n’arrivais plus à gérer. J’ai eu un deuxième enfant. Niveau professionnel, plus de la moitié de mes congés payés, je les ai consacrés au PSG. Dès qu’il y avait un problème je quittais le travail pour le régler. Ça commençait à faire beaucoup. Et puis au niveau du CUP, il y a des choses que je n’arrivais plus trop à supporter. Déjà au niveau du club car je trouve qu’on est beaucoup trop coupé du sportif, on essaye un peu trop de nous cantonner dans un rôle d’entreprise d’événementiel. C’est un peu exagéré quand je dis ça, mais je trouve qu’on nous met dans un bocal. Il y a des gens au club qui ne sont pas supporters du PSG et qui pourrissent notre travail, et je le pense vraiment. Et au CUP il y a trop d’égo. J’ai la ferme conviction que l’identité des groupes est trop présente au sein du CUP. Quand je suis arrivé à mes débuts dans le Virage Auteuil, il y avait déjà ce problème qui a conduit en partie à la fin du Virage. Je n’ai pas envie que ça se reproduise avec le CUP. Même si il est assez solide et qu’il y a plein de gens bien intentionnés. Mais les groupes qui composent le CUP doivent être à son service et pas l’inverse. On sera toujours plus fort dans les négociations si il y a moins d’identité de groupe. On est un peu trop sectaire aujourd’hui alors qu’on est sensés représenter tout le monde.

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En déplacement à Bordeaux en 2019 © Julien Scussel

En te consacrant à 100% à la KST, tu vas pouvoir retourner capoter, retrouver le terrain ?

Tu m’en parles et ça me donne le sourire car avant le confinement, j’avais l’impression d’aller au Parc car j’y étais obligé. J’avais perdu ce côté spontané. J’ai été Capo avant d’être président. Le fait d’être appelé pour gérer des problèmes de billetterie avant le match ou pendant, ça me gâchait mon plaisir. Aujourd’hui je suis pressé de retourner au Parc en étant plus libre. D’y aller avec mon père et mon fils, de prendre juste du plaisir. 

Tu penses que cette période d’absence en tribune peut aider le CUP à réfléchir à l’avenir ?

Je ne pense pas. Le confinement les a plus coupé entre eux qu’autre chose. C’est pareil ailleurs dans la société. Ça n’a pas rapproché les gens. Au début du confinement on a fait pas mal d’actions, des aides aux hôpitaux, aux casernes de pompiers, aux ambulanciers. Puis petit à petit ça s’est amoindri car on ne pouvait plus se voir. J’ai peur qu’on perde des gens au CUP par perte de motivation et à cause de l’éloignement. On n’a pas été assez actif pendant le confinement. Pour moi ça fait partie du monde ultra. Il y a plein d’autres façons de supporter que d’aller au stade. Poser des banderoles, faire des communiqués, accompagner l’équipe quand c’est possible. J’aurais aimé qu’on se démarque des autres groupes et au final on a fait comme les autres, on est resté chez nous. 

Comment vois-tu le mouvement évoluer dans les années à venir ?

Je pense qu’on est sur la bonne route, notamment le CUP car on a été obligé de s’adapter. On n’a pas juste été des ultras qui gueulent. Il y a eu la contestation, l’ANS, l’ADAJIS. On doit être plus dans l’administratif. Je regrette qu’il n’y ait pas plus de groupes présents dans l’ANS (Ndlr : Association nationale des supporters). Le CUP est le seul groupe qui ait participé à l’atelier Nivel (Ndlr : cliquez ICI pour découvrir le projet Nivel). On est toujours en train de se plaindre d’être des citoyens de seconde zone mais dès qu’on nous donne l’occasion de participer à des réunions pour défendre nos intérêts, personne n’est là. Ce n’est pas la bonne solution. On devrait tous être présents. On ne peut pas faire bouger les choses en étant extérieur au débat. 

Justement, le fait de quitter la présidence du CUP, toi qui a plus d’expérience aujourd’hui, n’est ce pas une erreur ?

Non car je continue de m’occuper de tous ces aspects-là qui sont importants. Mais dans le fond tu as raison. Et puis la disparition de James m’a fait beaucoup de mal. C’était un vrai soutien, il connaissait les dossiers par coeur. C’était un vrai ultra, un vrai supporter du PSG. J’avais une vraie relation avec lui. Son départ m’a affaibli. Mika aussi.

Mais l’avenir passera pas cette volonté de participer aux débats, aux décisions, la preuve ça a marché avec nous. Il y a eu le retour des parcages à prix unique, il y a plus de liberté qu’avant, sur les fumigènes c’est compliqué mais on avance et rien que le fait que la question se pose prouve qu’on a déjà fait du chemin. Ça passera par là. La discussion. Le fait que beaucoup de groupes n’y participent pas vient peut être du fait qu’ils n’ont pas été dans la contestation en 2010. Ceux qui étaient là ont une certaine avance sur les autres, ce n’est pas une fierté mais une constatation. C’est de l’expérience. Et il ne faudrait pas perdre cette avance, c’est trop important pour les discussions et les combats à venir. Un exemple à te donner. Lors d’un match à Bordeaux, on fait une banderole pour une personne qui est décédée la veille du match. Tu dois prévenir la veille pour les poses de banderole. C’est assez carré. Ce décès n’était bien-sur pas prévu. Personne ne voulait qu’on rentre cette banderole au stade. Je me retrouve face à quelqu’un des pouvoirs publics qui était présent avec moi à l’atelier Nivel. Le fait qu’on se connaisse et qu’on ait discuté ensemble a réglé tout de suite le problème. Il a validé le message. Voilà. Les ultras sont trop catalogués pour ce qu’ils ne sont pas. Le fait de participer à ces réunions, avec un discours apaisé, fera que les ultras seront mieux intégrés dans le paysage footballistique français.


Xavier Chevalier